Images de page
PDF
ePub

daction d'une semblable loi. Quelle que soit l'initiative qui appartient individuellement aux membres des Chambres législatives, la commission a dû se renfermer dans les propositions du gouvernement rester dans les limites du droit d'amender, et, sur une mattère qui touche aux libertés publiques, se conformer au but de votre institution, qui est de maintenir et de modérer. »

15, 16 et 18 février. Un accident arrivé au maréchal Soult retarda de quelques semaines la discussion du projet de loi. La Chambre l'entama enfin et s'y livra durant trois séances. M. le marquis de Dreux-Brézé fut le premier orateur qui parla contre, en le qualifiant de liberticide. Suivant lui, les amendemens de la commission n'en avaient que légèrement modifié le principe. Il rappela les paroles prononcées par M. Villemain dans la séance du 19 août 1830: « Nous n'aurons jamais, avait dit l'orateur, de ministres capables de faire mitrailler la population de Paris, et qui aient l'insolence, la folie de déclarer Paris en état de siége. » M. Villemain expliqua ses paroles, en disant qu'il n'avait placé au premier rang des attentats amenés par les ordonnances de juillet la criminelle démence d'avoir mis en état de siége la capitale de l'empire', que parce qu'alors, dans sa pensée, cet acte avait pour but de mettre en état de siége, non pas une révolte partielle, mais Paris tout entier, Paris qui avait pris l'initiative d'une résistance légitime et nécessaire; et que là était la folie. Trois ministres, MM. le garde-des-sceaux, le président du conseil, ministre de la guerre, le ministre de l'instruction publique se partagèrent la défense du projet, qui fut encore soutenu par MM. Mathieu Dumas et Philippe de Ségur. Après M. de Dreux Brézé, M. le duc de Noailles se montra son plus énergique adversaire. Plusieurs pairs, et entre autres M. le baron Mounier, proposèrent une série d'amendemens, ce qui motiva la demande d'un renvoi à la commission. Quand la discussion générale eut été close, M. le comte d'Ambrugeac fit observer que l'article 1er du projet se bornait à mentionner le décret du 24 décembre 1811, et que ce décret se compo

sant de 68 articles il serait bon de savoir quels articles on voulait maintenir. Le renvoi à la commission fut en conséquence mis aux voix et prononcé à l'unanimité. Le projet de loi rentra dans les cartons de la Chambre et n'en sortit plus, probablement parce que le ministère ne trouvait plus d'intérêt à presser l'examen d'un projet de loi tellement affaibli, qu'il devenait presque inutile, sans néanmoins cesser d'être odieux.

CHAPITRE VI.

Entrée de M. Sébastiani au conseil. - Budget définitif de 1830.- Incident sur la communication aux Chambres des traités diplomatiques. — Loi sur la police du roulage. Loi qui suspend l'organisation de la garde nationale dans diverses communes de la Corse et des Bouches-duRhône.-Lois sur l'état des hommes de couleur et le régime législatif des colonies. Traités conclus avec l'Angleterre relativement à la traite des noirs. - Incident relatif à M. Cabet, député. — Demande en autorisation de poursuites contre lui. Lettre de M. Renouard, député.

-

Sorti vainqueur de la discussion de l'adresse, le ministère du 11 octobre s'était consolidé au pouvoir, et plus heureux que la plupart de leurs prédécesseurs, ses membres pouvaient se promettre un règne paisible dont rien alors ne menaçait la durée. L'ordonnance en date du 23 mars, qui nomma M. le comte Horace Sébastiani ministre avec entrée au conseil, ne changea rien à l'état des choses. Cette nomination semblait indiquer un retour au système des ministres sans portefeuille, abondonné depuis le mois de novembre 1830 et l'avénement de M. Laffitte à la présidence du conseil. La situation de l'Orient et surtout la confiance personnelle du roi furent généralement regardées comme les motifs du rappel de.l'ex-ministre des affaires étrangères.

Dès le commencement de la session (28 novembre), le budget définitif, portant réglement des comptes de l'année 1830, avait été présenté à la Chambre des députés. Le rapport ̧n'en put être achevé que plus de deux mois après (6 février). L'influence des événemens qu'avait vus s'accomplir cette année mémorable, s'était nécessairement étendue à l'exercice financier. D'une part, à l'expédition d'Alger s'étaient rattachés des déboursés et des recettes extraordinaires; de l'autre, la révolution de juillet avait créé des nécessités

auxquelles il avait fallu pourvoir à la hâte : l'examen des comptes des divers ministères en était devenu plus laborieux, plus difficile, et dès lors avait exigé plus de temps. Voici le résumé des travaux de la commission, tel que l'établit M. Passy, son rapporteur.

La totalité des crédits ordinaires ou extraordinaires mis à la disposition des ministres, pour l'exercice de 1830, s'élevait à 1,101,353,198 francs. Les paiemens effectués par le trésor présentaient un excédant de 21,858,157 francs; mais, compensation faite entre les crédits à annuler et à transporter, et les crédits à compléter pour dépenses résultant de services faits et payés, l'excédant des crédits demandés était de 16,018,124 francs.

Les dépenses de l'exercice 1830, après déduction de la somme de 1,699,884 francs, restant à payer sur les services généraux, s'élevaient en totalité à 1,099,673,363 francs: les paiemens, y compris les fonds spéciaux à reporter sur l'exercice de 1832, montaient à pareille somme, et comme les recettes ordinaires et extraordinaires, effectuées dans le cours de l'exercice, n'avaient produit que 1,035,956,251 fr., il en résultait une insuffisance de ressources de la somme de 63,717,112 francs.

La commission reconnaissait qu'il y avait parfaite concordance entre les chiffres relevés par elle, et ceux que constataient et arrêtaient les articles du projet de loi soumis à l'approbation de la Chambre; elle lui en proposait donc l'adoption, sauf néanmoins deux articles, dont l'irrégularité lui avait paru manifeste. De ces deux articles, l'un se composait de paiemens faits à divers officiers dans les journées des 28 ét 29 juillet, l'autre d'avances faites aux adjudicataires de l'emprunt d'Haïti; le premier s'élevait à la somme de 371,051 francs, le second à celle de 4,848,905 francs. C'était en définitive une réduction de 5,219,956 francs que la commission proposait sur le budget de 1850.

11 février. La discussion générale s'ouvrit par un dis

cours dans lequel M. Roger critiqua vivement les comptes de la marine. Après une réponse du ministre, M. de Rigny, M. Laffitte vint donner des explications sur l'affaire d'Haïti, consommée sous son ministère, et dont il avait déjà été plusieurs fois question dans la Chambre.

« Messieurs, dit-il, je ne viens point combattre en ce qui me regarde le rapport de votre commission des comptes. Je m'occuperai encore moins des inductions que la malveillance en a pu tirer, car mes intentions semblent plus condamnées encore que mes actes. J'ai passé par des épreuves plus dangereuses sans perdre aucun de mes droits à l'estime, et je sais qu'il est des temps où, il faut savoir se résigner. Plus que jamais alors la conscience est un lieu de refuge. J'ai foi dans la justice du pays; je me tais et j'attends. (Très-bien! très-bien ! ) Mais d'autres intérêts que les miens se trouvent menacés; c'est pour eux, et pour eux seulement. que j'ai des explications à donner à la Chambre. »

L'honorable membre examina successivement les deux paiemens que lui reprochait la commission; l'un de trois millions, sur lequel il n'y avait pas, disait-on, preuve du paiement des intérêts; l'autre d'environ cinq millions, dont le capital se trouvait compromis,

«Par ordonnance royale, dit M. Laffitte, en date du 1er novembre 1830, signée par M. Louis, trois millions devaient être payés par le trésor sur mes propres mandats. Devenu ministre, j'ai fait payer ces trois millions le 24 novembre 1830, non sur mes simples mandats, mais sur la quittance personnelle du véritable débiteur. Ces trois millions ont été reintégrés au trésor le 24 février. Depuis quelques jours seulement, j'ai appris, par des rumeurs toujours bienveillantes, que les intérêts étaient en retard. Je les ai payés, le 4 de ce mois, de mes propres deniers, sans être inquiet pour mon recours.

« Quant aux 4,848,905 fr., ce paiement ne vous a pas été présenté, sclon moi, dans son jour véritable. H doit être jugé par d'autres règles et par d'autres lois. Il ne s'agit pas, en effet, d'une simple opération de trésorerie; il s'agit d'un traité politique, commercial et financier.

« Je ne reviendrai pas, messieurs, sur ce qui a été déjà établi devant vous. J'analyserai simplement ce qui n'a pas été suffisamment éclairci, c'està-dire la situation exacte des choses au moment où se sont décidés les trois ministères pour fournir d'abord la garantie, pour la confirmer ensuite, enfin pour's'en'libéreṛ. »,

De cette analyse, M. Laffitte concluait que les trois ministères qui avaient participé à l'opération, ne l'avaient considérée que sous ses rapports politiques et comme ne devant être soumise à la sanction des Chambres que lorsqu'un traité définitif aurait réglé tous les intérêts, l'avance, l'emprunt et l'indemnité. L'utilité du but, la loyauté des intentions ne

« PrécédentContinuer »