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cinq grandes divisions établies pour les dépenses et par spécialité de ministère.

Des rois paragraphes dont se composait cet article, le premier relatif à la publication des ordonnances royales excita seul une vive controverse. Le ministre de l'intérieur le combattit en ces termes :

« Je n'ai qu'une observation très-courte à opposer à la proposition de l'honorable M. Mercier; rien ne serait plus dangereux que l'adoption de cette mesure toutes les fois qu'il s'agirait d'une expédition, lorsqu'il y aurait des menaces de guerre, que des approvisionnemens devraient être faits sans attirer l'attention publique, le gouvernement, d'après l'article, serait obligé de donner de la publicité aux mesures qu'il importerait au salut de l'état de prendre.

« Jusqu'à présent, toutes les ordonnances qui ont pu être insérées au Bulletin des lois sans inconvénient, l'ont été.

« Il faut laisser à la responsabilité des ministres le soin de juger les circonstances où la publicité des ordonnances doit ou ne doit pas avoir lieu. Il ne faut pas imposer cette publicité, parce qu'il est beaucoup d'occasions où elle canserait de grands préjudices à l'état.

Si cette règle avait existé au moment de l'expédition d'Égypte, l'expédition d'Egypte eût été impossible; si elle eût existé au moment de la campagne de Marengo, l'expédition de Marengo eût été impossible. Vous ne pouvez vouloir imposer au gouvernement des obligations qui le mettraient dans l'impuissance de défendre convenablement la sûreté et la dignité de l'état. »>

M. Isambert soutint que l'objection du ministre était mal fondée, en ce que les expéditions ne se faisaient pas par ordonnances royales, mais par ordres ministériels. Il rappela que ce que demandait M. Mercier s'était exécuté durant trois mois après la révolution de juillet à cette époque M. Isambert, qui dirigeait le Bulletin des lois, avait été à même d'apprécier le danger que pouvait offrir l'insertion des ordonnances. Il appuyait donc l'amendement, sauf une légère modification, d'après laquelle l'insertion ne serait prescrite que dans le mois de lå signature. M. Mercier proposa une nouvelle rédaction étendant le terme à deux mois. Mais le ministre de la marine vint encore insister sur les inconvéniens déjà signalés par ses collègues, le ministre de l'intérieur et le garde-des-sceaux. M. Odilon Barrot sousamenda la proposition en ce sens que lorsqu'un ministre croirait pouvoir, sous sa responsabilité, se dispenser de la

publication, il serait tenu de le déclarer à la session prochaine. M. Mauguin s'opposa au sous-amendement, par la raison que c'était exactement la loi de 1817. La Chambre rejeta également la proposition primitive et la proposition modifiée.

Le second et le troisième paragraphes de l'article additionnel présenté par M. Mercier éprouvèrent un sort différent la chambre adopta purement et simplement le second; elle adopta aussi le troisième, mais elle en supprima la der

nière moitié.

14 février. Après quelques explications provoquées par M. Bayoux sur la question de savoir quels étaient ceux des ministres nommés en 1830, qui n'avaient pas reçu de frais de premier établissement (c'étaient MM. Dupont de l'Eure‚ Gérard et Laffitte), on procéda au scrutin sur l'ensemble du projet de loi, qui passa à une très-grande majorité (209 contre 73).

Dans le cours de cette discussion et à l'occasion du dépôt d'un traité intervenu entre la France et la Bavière, il s'éleva un incident relatif à la communication, demandée par M. Eschassériaux, des pièces et documens se rattachant à l'emprunt grec. Le ministre des affaires étrangères, M. de Broglie, offrit de faire la communication à la commission, mais non à la Chambre. Il fit observer que, si en Angleterre on dépose sur le bureau, c'est qu'il n'existe pas habituellement de commissions auxquelles les projets de loi soient renvoyés: les projets étant uniquement discutés dans le sein de la chambre, c'est à la chambre entière que les communications sont faites. Le ministre ajouta qu'il y avait avantage à persister dans la coutume de communiquer aux commissions tous les documens, et de choisir, d'accord avec elles, ceux qui devaient appuyer leurs rapports, et être présentés aux Chambres; car si l'on exgigeait que toutes les communications faites aux commissions le fussent aussi aux Chambres, il s'ensuivrait que les commissions en recevraient beaucoup moins que par le

passé. L'ordre du jour, mis aux voix, ne fut adopté qu'à une faible majorité et après deux épreuves.

Le lendemain, le président de la Chambre reçut du ministre des affaires étrangères la lettre suivante :

« Monsieur le président,

«Conformément au désir exprimé hier par plusieurs des membres de la Chambre des députés, je viens d'inviter M. le baron Delessert, dépositaire des documens produits à l'appui du traité du 7 mai 1832, à vouloir bien vous les adresser.

« Je vous prie de les déposer, au nom du gouvernement, sur le bureau de la Chambre.

« J'ai l'honneur, etc.

a 13 février 1833. »

DE BROGLIE.

Après avoir donné lecture de cette lettre, le président annonça que les pièces produites par M. Delessert seraient renvoyées au secrétariat de la questure pour y être consultées. M. Eschassériaux demanda l'insertion au procès-verbal de la lettre du ministre, qui adhérait à sa proposition de la veille, et reconnaissait les prérogatives de la Chambre : le président répondit que l'insertion était de droit.

La loi des comptes de 1830 venait d'être portée à la Chambre des pairs (25 février), lorsque dans une lettre écrite de Vienne, le 18 février, M. de Montbel adressa à la Chambre des députés une note relative aux paiemens faits dans les journées de juillet. La discussion étant fermée, et la lecture de la note superflue, le président l'envoya par un message à l'autre Chambre. M. de Montbel y exposait que le maréchal Marmont ayant transmis à l'ex-roi Charles X, à Saint-Cloud, un rapport par lequel il lui faisait connaître que tous les fonds nécessaires à la solde, à la subsistance et à l'entretien des troupes étaient épuisés, Charles X donna ordre qu'il fût payé aux troupes une indemnité d'un mois et demi de solde : le maréchal réclama cette indemnité : il était investi de tous les pouvoirs en vertu de l'état de siége, et jamais les circonstances n'avaient été plus impérieuses. M. de Montbel n'hésita pas à obtempérer à la réquisition du maréchal, et ordonna qu'on acquittât les

sommes demandées. Il convenait que les formes n'avaient peut-être pas été remplies; mais il faisait remarquer qu'il n'y avait pas un moment à perdre, que les troupes manquaient de vivres et se trouvaient dans la position la plus difficile. Il déclarait qu'aucun des ministres, alors aux Tuileies, n'avait eu connaissance de ces mandats et n'en avait autorisé le paiement : il en assumait donc sur lui toute la responsabilité.

Ce fut M. le comte Roy qui présenta (25 mårs) le rapport au nom de la commission chargée d'examiner le projet de loi adopté par la Chambre des députés. Il se borna au résumé des faits relatifs aux paiemens ordonnés par M. de Montbel et à l'analyse de sa note, sans se permettre de réflexion sur des actes ayant rapport au procès qui avait entraîné la condamnation de cet ex-ministre. Quant au paiement fait aux adjudicataires de l'emprunt d'Haïti, la commission avait été d'avis de l'admettre, quoique irrégulièrement autorisé; mais elle demandait la suppression de l'article 10, inséré comme amendement dans la loi et disposant que dans tous les cas où les Chambres auraient rejeté des dépenses portées au budget de l'état, il serait pris immédiatement, à la diligence de l'agent judiciaire du trésor, toutes mesures conservatrices contre les ministres ordonnateurs, sauf leur recours contre les parties prenantes. Cet article, disait le rapporteur, rendrait impossible l'accession de tout homme d'honneur au pouvoir. Les ministres, au milieu des soins si multipliés qui les accablent, obligés de statuer sur les rapports de commis qui ne sont pas même de leur choix, ont plus d'affaires en un jour que l'homme le plus exercé ne parviendrait à en examiner en un mois. On ne saurait donc les rendre responsables de toutes les dépenses qu'ils sont à même d'ordonnancer. A l'égard des tiers, l'article n'était pas moins inadmissible. Pourrait-on recourir contre les parties prenantes, contre les tiers qui auraient reçu de bonne foi, sans pouvoir se constituer juges ni des limites du crédit ordinaire du ministre, Ann. hist. pour 1833.

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ni des considérations qui auraient motivé de sa part la demande d'un crédit extraordinaire? Restait la question de savoir comment l'état exercerait le recouvrement d'une somme payée par le trésor pour une dépense que les Chambres auraient refusé d'admettre dans les comptes des ministres, sans les frapper cependant d'accusation: sur cette question, la législation était muette, ainsi que le prouvaient les deux projets de loi sur la responsabilité ministérielle, soumis à cette époque à la Chambre des députés.

La Chambre des pairs, après une courte discussion, adopta le projet de loi des comptes avec les amendemens proposés par sa commission (1′′ avril). Ces amendemens obligèrent de le reporter à la Chambre des députés, qui le vota une seconde fois tel que le lui avait renvoyé la Chambre des pairs (23 avril ).

Cette dernière Chambre consacra plusieurs de ses séances à l'examen d'un projet de loi sur la police du roulage, qui lui avait été présenté par le ministre du commerce et des travaux publics (12 décembre). Depuis long-temps, l'excès des chargemens des voitures circulant sur les routes du royaume excitait les plaintes les plus vives. Chaque année, la plupart des conseils généraux demandaient avec instance que les tarifs autorisés par le décret du 23 juin 1806 fussent modifiés, et que la destruction des chaussées cessât d'être en quelque sorte légalement organisée. Vainement, en effet, des sommes considérables étaient dépensées annuellement, si les routes devaient être aussitôt détruites que réparées. Les sacrifices qui pourraient encore être réclamés du trésor, soit pour ouvrir de nouvelles routes, soit pour mettre en état de viabilité des routes déjà ouvertes, seraient complètement perdus. Mais à côté de l'importance, de la nécessité de soulager les routes, se trouvait le danger de porter atteinte à l'industrie du roulage et à tous les intérêts qui s'y rattachent. Tels étaient les deux termes du problème que dans son projet de loi le gouvernement avait essayé de ré

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