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Le ministre appuya sa proposition de la lecture des passages incriminés, et l'examen en fut renvoyé aux bureaux. Quelques jours après (23 mars), sur les conclusions de la commission, la Chambre adopta la résolution suivante :

« Vu la communication faite à la Chambre par M. le garde-des-sceaux le 11 de ce mois;

Vu l'arrêt par défaut du 16 novembre 1832, rendu par la cour d'assises de la Seine, contre M. Cabet, député de la Côte-d'Or ;

Vu l'opposition à l'exécution de cet arrêt, formée par acte passé au greffe de la cour royale de Paris, à la date du 21 novembre;

« Vu l'art. 44 de la Charte constitutionnelle,

«La Chambre autorise le procureur-général près la cour royale de Paris, à poursuivre M. Cabet, à l'effet de faire statuer sur l'opposition par lui formée à l'exécution de l'arrêt par défaut du 16 novembre 1832. »

Par suite de cette décision, M. Cabet fut cité devant la cour d'assises comme prévenu d'un délit de presse : nous dirons ailleurs quelle issue termina ce procès. (Voyez la Chronique.)

Dans l'une des séances que nous venons de parcourir, celle du 8 mars, nous trouvons une circonstance essentielle à noter, comme appartenant à l'histoire de nos mœurs parlementaires. Le président donna lecture d'une lettre que lui avait adressée M. Renouard, et conçue en ces termes :

« Monsieur le président,

« Dans la séance d'hier, un de nos collègues a demandé l'appel nominal, en déclarant que le bureau de la Chambre ne devait plus en être cru dans ses jugemens sur nos votes. Je me suis levé, et j'ai demandé que ce député fût rappelé à l'ordre.

« Comme mandataire de mon pays, comme membre de cette Chambre, qui est intéressée à l'indépendance et à la dignité personnelle de chacun de ses membres, je crois de mon devoir de déclarer publiquement et de vous prier d'annoncer publiquemeut aussi à mes collègues, qu'appelé en duel à cette occasion, j'ai refusé.

« Veuillez, monsieur le président, agréer l'hommage de mon profond respect. RENOUARD.>>

En entendant cette lettre, plusieurs membres s'écrièrent : « Très-bien! c'est un bon exemple : il y a un véritable courage à le donner. » Malheureusement, cet exemple contrastait trop fortement avec les habitudes anciennes pour être généralement suivi l'histoire d'une des sessions suivantes devait en fournir une preuve déplorable et fatale.

:

CHAPITRE VII.

Loi qui accorde deux nouveaux douzièmes provisoires sur l'exercice 1833.

Budget des dépenses et des recettes pour 1833. - Loi qui ouvre un crédit extraordinaire pour le service des pensions militaires. - Loi qui ouvre un crédit supplémentaire pour les dépenses de premières mises de {petit équipement. Loi qui ouvre un crédit supplémentaire pour dépenses secrètes.Loi relative aux crédits supplémentaires pour 1832.

Le budget des dépenses et des recettes pour 1833, présenté dès la finde novembre 1832, n'avait pu être examiné et discuté assez promptement pour mettre fin au provisoire dans lequel nos finances étaient retombées depuis trois ans. Par la loi du 15 décembre précédent, le ministère avait assuré les recettes et les dépenses du premier trimestre de l'année courante, mais ce crédit expirait le 1er avril, et, le 11 mars, il apporta à la Chambre des députés un projet de loi tendant à autoriser le recouvrement de deux nouveaux douziè mes des contributions directes et à maintenir la perception des impôts indirects jusqu'au 1er juin. Le projet ouvrait en outre aux ministres un second crédit provisoire de cent quarante-deux millions.

L'exposé des motifs du projet contenait deux choses dignes de remarque, l'engagement formel de rentrer dans la voie régulière et l'annonce d'une seconde session.

« La loi que nous vous présentons, disait M. Humann, ministre des finances, doit être la dernière de cette nature que nous ayons à vous soumettre le pays connaît et déplore aussi bien que nous les graves inconvéniens du provisoire; il veut que nos finances soient replacées dans la voie régulière; il demande que l'ordre succède enfin au régime des expédiens; nous avons prévenu ses vœux. Le budget de 1834 et la loi des comptes de 1831 sont prêts, celle sur l'amortissement le sera sous peu jours; vos travaux, je le répète, ne seront pas retardés d'une heure.

de

« Messieurs, les devoirs du gouvernement sont tracés; il n'en déviera pas. Aussitôt après la clôture de la session actuelle, il ouvrira celle de 1833, bien persuadé que les députér de la France répondront à cet appel, et donneront au pays et au trône une nouvelle preuve de leur dévouement. »

La commission chargée d'examiner le projet de loi déclara, qu'obéissant à la nécessité, elle ne pouvait faire autre chose que l'appuyer de son assentiment. Quant à l'intention manifestée de convoquer une seconde session, tout en reconnaissant que cet acte de la prérogative royale n'était pas soumis au contrôle des Chambres, elle le jugeait non-seule ment utile, mais nécessaire: si le gouvernement n'en eût pas adoptée l'idée, elle se serait empressée de la recommander à sa prévoyance, et elle se flattait que la couronne n'aurait pas compté vainement sur le dévouement des Chambres leurs devoirs et au bien public.

« Si la seconde session, ajoutait le rapporteur, présente de si nombreux avantages, elle n'a rien non plus que de praticable. L'exemple du passé en fournit la preuve. Après sept années de provisoire, la restauration voulut, en 1822, rentrer dans l'ordre régulier; le changement de l'année finan cière, essayé en 1819, n'ayant pas réussi, elle eut recours à l'expédient de deux sessions dans la même année. La première session fut close le 1 mai, et la seconde convoquée pour le 4 juin suivant : ce délai d'un mois était nécessaire, à raison du renouvellement de la Chambre par cinquième, qui formait alors la base du système électoral. L'ordonnance de clôture de cette seconde session est du 17 août; mais déjà depuis près de quinze jours les travaux de la Chambre des députés étaient terminés. Nous aurons cette année sur la Chambre de 1822 près de deux mois d'avance; car la session actuelle, votre commission l'espère du moins, ne se prolongera pas durant tout le mois d'avril, et aucun intervalle ne séparera, comme en 1822, la seconde session de la première. Ces calculs suffisent à démontrer que la seconde session peut avoir lieu sans prolonger les travaux de la Chambre jusqu'à une époque de l'année très-avancée. »

16 mars. Dans la courte discussion qui s'engagea, un orateur (M. Mercier) reprocha à la commission de s'être occupée d'objets étrangers à ses attributions. Relativement aux divers moyens de sortir du provisoire, le même orateur pensait que le meilleur serait de changer l'année financière et de la fixer au 1er juillet. Le rapporteur, M. Duchâtel, / répondit que cette fixation aurait de grands inconvéniens, et que s'il fallait absolument changer l'année financière, il préférerait la date du 1er octobre. En tout cas, pourrait-on, par amendement au budget actuel, voter sans discussion une prolongation de six ou neuf mois? Un autre orateur (M. Muntz) avait dit, que le provisoire financier ne pesait pas plus à la France que le provisoire politique, et qu'avant

de voter deux budgets, il fallait au moins voter les lois importantes réclamées par le pays, notamment la loi départementale et la loi d'expropriation pour cause d'utilité publique. Le rapporteur répliqua qu'une seconde session pourrrait seule donner ces lois et finir en même temps tous les genres de provisoire. En définitive, la Chambre adopta le projet de loi à une majorité immense (225 contre 47).

L'adhésion de la Chambre des pairs fut encore plus rapide et plus complète; dès le lendemain de sa présentation (19 mars), et sur les conclusions du rapporteur, M. Augustin Périer, cette Chambre sanctionna le projet sans aucune discussion (20 mars).

Venons au budget des dépenses et recettes. En le communiquant à la Chambre des députés (30 novembre), le ministre des finances avait déclaré qu'il ne pouvait se défendre d'un sentiment pénible; malgré son désir de soulager les contribuables, il se voyait forcé de leur demander les mêmes subsides. Le budget de 1833 demeurait sous le poids d'un service extraordinaire de 166 millions. Les dépenses ordinaires de l'exercice étaient évaluées à 966 millions, répartis ainsi qu'il suit : 359 millions pour la dette publique, les pensions, les subventions au fonds de retraite, et les intérêts des emprunts des canaux; 17 millions pour les dotations; 116 millions pour les frais de régie et de perception des impôts; 42 millions pour les restitutions et non-valeurs restait enfin pour les huit ministères une somme de 432 millions, dans laquelle figuraient pour 57 millions les dépenses départementales.

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« Les différences, ajoutait le ministre, qui ressortent de la comparaison du budget de l'exercice avec celui de l'année précédente se présentent sous deux aspects: si l'on ajoute à la somme votée pour les besoins de l'année 1832 les excédans de dépenses qui réclament des crédits supplémentaires, on reconnaît que le budget qui vous est soumis offre, sur l'ensemble des services, une diminution de 51 millions. Si l'on se borne, au contraire, à rapprocher la dépense votée pour 1832 de celle que nous vous proposons d'accorder pour 1833, on voit que le budget qui nous occupe est chargé de 43,671,981 fr. d'excédans de dépenses, atténuées, jusqu'à concurrence de 24,283,633 fr., par des diminutions sur d'autres cha

pitres, et que finalement la demande de crédits présente une augmentation de 19,388,348 fr. Ces différences vous seront expliquées en détail dans le cours de cet exposé: nous ferons remarquer, pour le moment, que, sur les 43 millions d'augmentation, près de 21 millions nous sont imposés par les lois rendues dans les sessions précédentes, et que le surplus représente des allocations additionnelles, dont nous vous proposons de doter quelques services, afin d'obvier aux graves inconvéniens des crédits supplémentaires. »

Le ministre parcourait ensuite les diverses parties des dépenses soumises au vote législatif. La dette publique réclamait une augmentation de crédit de 3,300,000 fr. pour les rentes négociées au mois d'août dernier; mais cet excédant se trouvait réduit accidentellement à 2,400,000 fr.

La dotation de l'amortisssement recevait, en exécution des lois des 25 mars et 18 avril 1831, un accroissement de 1,522,000 francs.

Le crédit pour intérêts de cautionnemens, réduit à 246,000f. dans le dernier budget, était maintenu à 9 millions, parce que la réduction n'était pas une économie, mais une transposition de dépense.

Le crédit de 15 millions accordé en 1832 pour les intérêts de la dette flottante, était porté à 16 millions, à raison d'un capital présumé de 400 millions, à l'intérêt moyen de 4 pour cent.

La dette viagère, les pensions civiles et ecclésiastiques, et les subventions aux fonds de retraite auraient présenté des diminutions s'élevant ensemble à 1,107,000 fr., si ce résultat n'avait pas été affaibli par trois augmentations de crédit, provenant l'une de la nouvelle législation sur les pensions militaires, l'autre de l'option que plusieurs pairs et anciens sénateurs, frappés par la loi sur le cumul, avaient faite pour la conservation de leur pension, la troisième des secours accordés aux vainqueurs de la Bastille, et aux gardes nationaux blessés, soit à Paris, soit dans l'Ouest.

Le supplément à la dotation de la Légion-d'Honneur excédait de 83,000 fr. l'allocation de 1832.

En ce qui concernait les budgets des divers ministères, celui du ministère de la justice offrait un excédant de dépense de

Ann. hist.

pour 1833.

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