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Polonais. Le ministre des affaires étrangères, M. de Broglie, succéda à l'illustre orateur, et, avant de répondre à son discours, il demanda la permission de dire quelques mots sur un fait personnel :

« J'ai été accusé à cette tribune, dit-il d'avoir dénoncé à l'Europe lá révolution de juillet, de l'avoir représentée comme un événement injuste et dans lequel le droit était du côté de Charles X. Si j'avais tenu un pareil langage, si telle avait été ma pensée, j'ose dire que je ne serais pas le seul coupable, vous le seriez comme moi, vous auriez dù m'arracher de la tribune. (Vive sensation.) Un ministre du roi des Français qui nourrirait une telle pensée et qui aurait l'effronterie de l'exprimer, devrait être mis en accusation sur-le-champ, et vous seriez aussi coupables que moi, de ne l'avoir pas fait. (Très-bien, très-bien.)

"

Qu'ai-je dit, messieurs? une chose assurément fort simple, et sur laquelle je suis étonné qu'on ait pu se méprendre. Vous avez fait, nous avons fait une révolution; nous en convenons, nous en sommes fiers. Cette révolution était juste, légitime. Etait-elle légale ? y a-t-il une révolution légale? c'est là toute la question.

« Je dis qu'il n'y a pas de révolution légale, et que ces deux termes impliquent contradiction. Je dis que toute révolution, par cela seul qu'elle est une révolution, est un appel de l'insuffisance des lois positives aux lois éternelles de la justice et de la raison. Voilà ce que j'ai dit, rien de moins, rien de plus. (Marques nombreuses d'approbation.)

Charles X avait violé la constitution; il avait donné le droit à la nation française de la violer à son tour à son égard; elle l'a fait, elle a bien fait de le faire. Nous y avons tous concouru, et nous avons bien fait d'y concourir. Voilà ce que j'ai exprimé, et rien autre chose. J'ose dire qu'en parlant ainsi, je parle le langage du droit public universel. (Explosion de signes d'approbation.)

« Je n'en dirai pas davantage : le reste est indifférent. 11 me tarde de rentrer dans le fond de la discussion. Je demande pardon à la Chambre de m'en être écarté un instant; mais elle a dû sentir qu'il était de mon honneur de ne pas laisser peser sur moi une pareille inculpation. (Nouvelle interruption approbative.) »

Ensuite le ministre parcourut le cercle de questions relatives au Portugal, à l'Italie, à la Pologne, questions déjà tant de fois débattues, éclaircies, qu'aucun élément neuf ne pouvait en jaillir. M. Mauguin y rentra encore après le ministre :

« Toutes les fois, dit-il, que la question de la paix ou de la guerre s'est présentée à la tribune, on n'a pas manqué de représenter d'un côté l'opposition comme ayant dès le principe cherché à déclarer la guerre à toute l'Europe; et de l'autre, l'Europe comme ayant constamment désiré lá paix.

« Je crois qu'il y a eu, de la part du ministère, dans cette double assertion, une double erreur. Il est inexact de dire que l'opposition ait, dès l'abord, demandé la guerre. »

Mais, suivant l'orateur, il n'était pas plus exact de pré

tendre que les cabinets européens, dès le principe, eussent tous reconnu la révolution de juillet, et, à cet égard, il citait les paroles prononcées par le ministre de la guerre le 11 août 1831, desquelles il résultait qu'à son avénement aux affaires l'invasion était flagrante.

<< Comment, ajoutait-il, le ministère est-il parvenu cependant à nous donner un état de choses plus stable que celui de l'année dernière ? Je ne dissimulerai ni le bien ni le mal. Nous avions conseillé de prendre l'offensive; il a pris l'offensive; il est allé à Anvers : alors la situation de l'Europe était-elle si tranquillisante? Les cabinets qui nous avaient reconnus avec tant d'empressement étaient-ils animés d'intentions pacifiques? Je vais invoquer un témoignage plus imposant que celui du ministère; c'est le discours de la couronne, en réponse à votre adresse de cette année. Nous ylisons: Que l'expédition d'Anvers avait pour but de briser les efforts d'une politique ennemie qui avait réuni sur nos frontières des forces me1 naçantes; que le gouvernement espérait conduire cette crise à bien. Il y avait donc des forces réunies autour de nos frontières; il y avait danger, il y avait crise; l'opposition ne pouvait pas voir ses principes, ses craintes, ses observations confirmés par un plus haut témoignage. Dès lors tombent les inculpations dirigées sans cesse contre elle par le ministère.

« Nous n'avons jamais eu l'intention de faire déclarer la guerre uniquement pour propager les principes de la révolution de juillet. Quant à moi, je n'ai jamais craint d'exprimer mes principes; j'ai toujours dit : A nos ennemis, guerre terrible; à nos amis, paix loyale et franche! Que toutes les puissances qui rechercheront l'alliance et l'amitié de la France trouvent dans cette alliance et cette amitié sécurité pour elles. Mais jamais je n'ai pensé que nous dussions courir les chances d'une guerrre immense pour porter nos principes jusqu'à Saint-Pétersbourg.

« Le siége d'Anvers a eu en effet quelque influence sur la politique des cabinets européens; il a prouvé une chose utile, c'est qu'il y avait, selon l'expression d'un honorable orateur, dans le cabinet français, une sorte de fermeté. S'il y avait eu fermeté complète ( on rit), nous eussions obtenu un succès plus grand.

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L'expédition d'Anvers a prouvé que les cabinets européens redoutaient la guerre... C'est ce que nous avions toujours dit : « Soyez ferme, montrez de la hardiesse, l'Europe reculera devant la guerre. » L'événement nous a justifiés. »

L'honorable membre blâmait seulement l'époque choisie pour l'expédition, qui, suivant lui, aurait pu se faire un ou deux mois plus tôt : il aurait désiré même qu'on adoptât une autre marche, et il ne voyait pas pourquoi l'armée française n'aurait pas été portée en avant pour maintenir l'armée hollandaise, et pourquoi on n'aurait pas laissé à l'armée belge le soin de conquérir l'indépendance de la Belgique. M. Mauguin pensait d'ailleurs que nous apercevjous devant nous un avenir un peu plus tranquille, et il

ignorait si cet avenir serait long; ce résultat était dû à deux événemens tenant plus du hasard que de la prudence, la réforme anglaise et la guerre d'Orient.

Dans sa réponse au préopinant, après avoir établi que sous le point de vue matériel il n'y avait eu, depuis 1830, d'autres changemens en Europe que la destruction du royaume des Pays-Bas et la révolution intérieure de la Suisse ; que, sous le point de vue moral, l'influence de la France, l'influence des idées constitutionnelles avait été toujours croissante, M. Guizot ajoutait :

« J'ose dire que c'est choquer le bon sens public, le bon sens européen, que de dire depuis 1830, la sainte-alliance a gagné en force en Europe.

que,

« Il est incontestable que moralement elle a perdu, beaucoup perdu; que l'influence de la France, l'influence de nos idées, de nos institutions a toujours été croissante; et que, bien que l'organisation matérielle de l'Europe ne soit pas changée, bien qu'elle soit restée à peu près la même, sauf les deux ou trois faits que je viens de rappeler à la Chambre, sous le point de vue moral l'état de l'Europe est complétement changé.

« A partir de 1815, c'était en effet la sainte-alliance, c'était en effet le système de réaction contre les idées constitutionnelles qui étaient en progrès; depuis 1830, c'est au contraire le système des idées constitutionnelles qui est en progrès; c'est à son profit que se font les transactions, c'est lui qu'on redoute, c'est lui qui est aujourd'hui la puissance prépondérante en Europe; et si vous passez en revue tous les faits qui s'accomplissent chaque jour, si vous observez le langage qui se tient dans tous les états de l'Europe, vous voyez tantôt sous la formule des paroles de la crainte, tantôt sous la formule des paroles de l'espérance, vous voyez l'influence toujours croissante des idées constitutionnelles, des institutions françaises.

«Voilà quels sont les véritables résultats et de la révolution de juillet et de la politique qu'elle a adoptée depuis son origine.

Sans bouleverser l'Europe, sans nous engager dans cette guerre générale, qui aurait fait sans doute courir des risques aux gouvernemens absolus, mais qui nous en aurait fait courir aussi à nous; (car les risques se partagent dans une guerre); sans nous exposer aux chances de cette guerre générale, la politique a suffi à étendre de jour en jour l'influence de la France, l'influence des idées et des institutions constitutionnelles. Tous les changemens faits, soit dans l'ordre matériel, soit dans l'ordre moral, se sont faits au profit de la France, de ses idées et de ses institutions. Je le répète, le véritable et le seul résultat de la politique suivie depuis deux ans et demi, ce résultat est contraire aux paroles que l'honorable membre vient de faire entendre. »

La Chambre écouta encore quelques orateurs de l'opposition, auxquels répondit M. Thiers, et la discussion générale fut fermée. La discussion des articles porta principale

ment sur les traitemens des agens diplomatiques: M. Havin présenta un amendement dont la première partie, tendant à une réduction de 180,000 fr. sur le traitement des six ambassades de Pétersbourg, de Londres, de Vienne, de Constantinople, de Rome et de Madrid, fut rejetée, mais dont la seconde, établissant une réduction de 70,000 fr. sur les trois ambassades de Turin, de Naples et de Berne, fut admise. En définitive la Chambre vota le chiffre du budget des affaires étrangères, fixé à la somme de 7,197,700 fr.

Finances.

20, 26, 27 et 28 février; 1, 4, 5 et 6 mars. M. J. Lefebvre présenta le rapport de ce budget, sur lequel la commission n'avait pu opérer que des réductions très-faibles. Deux questions relatives, l'une à l'amortissement, l'autre aux pensions, en dominèrent la discussion. La question de l'amortissement fut soulevée par M. Bastide d'Izard, dont l'opinion pouvait se résumer ainsi : Tout a été combiné dans l'intérêt des agioteurs et au détriment des contribuables. Le fonds d'amortissement a été plus d'une fois dé tourné de sa destination; mais quand il aurait été dirigé vers son but, à quoi bon une institution si coûteuse et qui rend si peu de services? Feu M. Say l'avait appréciée à sa juste valeur, et le ministre actuel des finances, M. Humann, dans la séance du 24 décembre 1830, signalant les abus que l'amortissement entraînait, l'appelait une machine destinée à détourner les capitaux de leur véritable route. On ne pouvait nier qu'une dotation annuelle de go millions pour l'amortissement ne fût excessive si les ministres donnaient l'exemple des économies, s'ils simplifiaient l'administration, le crédit public, assis sur la confiance, se passerait bien d'amortissement. M. Bailliot proposa un amendement qui en changeait entièrement le système : il voulait que désormais, toutes les fois que l'une

des rentes constituant la dette publique aurait dépassé le pair, la partie qui lui serait attribuée dans le fonds d'amortissement fût employée au rachat de la dette flottante, et que les valeurs ainsi rachetées fussent annulées. M. Laffitte alla plus loin encore:

« Après avoir travaillé pour ma part, dit-il, à fonder le crédit qui a comblé les lacunes de la guerre, le moment me paraît venu de fonder le crédit définitif, le crédit de la paix.

« Je vous prie, messieurs, de ne pas vous méprendre sur mes paroles. Je ne viens point abandonner des principes que j'ai constamment défendus pendant ma longue carrière, je viens au contraire les développer. »>

M. Laffitte rappela ce qu'il avait dit à la tribune en 1817, et ce qu'il avait fait en 1830 étant ministre des finances. Forcé de satisfaire alors aux engagemens du passé et de subvenir aux dépenses d'un armement extraordinaire, dans l'incertitude des événemens, il avait proposé le maintien de l'amortissement. Mais il était certain que la continuation de ce système avait occasioné de grandes pertes au Trésor. Les rentes 5 p. 0/0 émises en avril 1831 à 84 fr. avaient été rachetées depuis à 100 fr.: l'emprunt de 150 millions, adjugé en août 1832 à 98 francs 50 C. avec un semestre presque échu, qui en reportait le prix à 96 fr., non compris les termes de paiement qui le diminuaient encore, avait également dépassé le pair, ce qui obligeait à racheter du 3 p. 0/0 à 77 ou 78, équivalant à du 5 p. 0/0 à 128 et 130.

Le moment est venu, ajoutait M. Laffitte, de tout dire sur nos finances; le moment est venu de proclamer les véritables notions du crédit public, car maintenant il est assez robuste, assez puissant pour supporter, sans en être ébranlé, l'examen le plus rigoureux, l'analyse la plus complète.

« Notre crédit, après avoir résisté aux plus rudes secousses, s'élève et grandit de nouveau avec rapidité. Sur 169,000,000 de rentes de toutes natures qui restent inscrites, 136,000,00c ont déjà passé le pair et se sontpar là soustraites à l'action de l'amortissement; 30,000,000 de 3 pour cent et 2,800,000 de 4 pour cent absorbent seuls un amortissement de 93,000,000. Ces chiffres parlent plus haut que tous les raisonnemens : vous arrivez avec moi aux conséquences.

Dans une situation pareille, il me parait indispensable que le budget de 1834 porte les dispositions suivantes :

« Art. 1. La dotation de la caisse d'amortissement, fixée à la somme annuelle de 42,951,413 fr., en vertu des lois du 25 mars 1817, 25 mars et 18 avril 1831, et 21 avril 1832, continuera d'être affectée au rachat des rentes 5,4 1/2 et 3 p. 0/0.

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