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Le fonds d'amortissement de 1, 665,050 fr. sera en outre, et en verlu de la loi du 19 juin 1828, spécialement affecté au rachat des rentes 4 p. 0/0.

2. A dater du 31 décembre 1833, la totalité des rentes amorties et celles qui le seront ultérieurement seront rayées du grand-livre de la dette publique.

« 3. Il sera fait entre les rentes 5, 4 1/2 et 3 p. oo non amorties, une répartition de leur dotation de 42,951,413 fr. proportionnellement au capital constitué de ces rentes, spécialement consacrée à en opérer les rachats au pair, et au dessous du pair sculement.

4. Le fonds d'amortissement appartenant à une espèce de rentes dont le prix vénal sera au dessus du pair, sera employé à éteindre la dette flottante, en commençant par les déficits les plus anciens.

« Je ne me dissimule pas que pour être fidèle aux principes que j'ai posés, il aurait fallu annuler complétement l'amortissement. Mais des engagemens pris nous commandent de laisser la dotation intacte; le triomphe d'un principe ne justifierait pas la violation des contrats.

«La combinaison que je propose permet à notre crédit d'entrer dans l'une des phases dont j'ai parlé, celle de l'amortissement sans capitalisation d'intérêts, et c'est déjà un progrès immense. En spécialisant la dotation sur les 5, 4 1/2 et 3 p. 0/0, on leur accorde un amortissement de 1,14/100 p. 0/0 de leur capital nominal, c'est-à-dire que les 5 et 4 1/2 p. olo seraient rachetés au pair dans l'espace de quatre-vingt-huit ans, et le 3 p. olo dans soixante-dix-sept ans à un prix moyen de 88 fr. Quant aux 4 p. 0/0, on leur conserve la dotation que la loi leur a affectée de 1,145 p. olo environ, qui permettra de les racheter au pair, en quarantc-un

ans. >>>

Le ministre des finances défendit au contraire l'amortissement par des considérations générales et des argumens spéciaux. « Messieurs, dit-il, la caisse d'amortissement est une institution de haute prévoyance publique. La définir ainsi, c'est expliquer d'un seul mot pourquoi elle est si souvent menacée. » S'attachant à prouver l'inopportunité des mesures proposées, il ajoutait :

« Messieurs, le moment approche où la France recueillera les fruits de sa fidélité à remplir ses engagemens. Tout présage que bientôt on pourra s'occuper de la réduction de la rente 5 pour cent, opération dont les avantages sont inappréciables: d'abord, une économie réelle et annuclic que l'on ne peut évaluer à moins de 20 millions; ensuite plus de force et de puissance morale au dehors; enfin, au dedans une plus grande activité industrielle, l'accroissement général de l'aisance et de la richesse. Tous ces résultats seraient compromis si vous affaiblissiez prématurément l'amortissement.

« Et remarqnez que l'annulation des rentes rachetées, qui s'élèvent à 48 millions environ, ne saurait procurer immédiatement aux contribuables un soulagement équivalent. Le budget présente une insuffisance de ressources de 160 millions. Si vous retranchez 48 millions du service de la dette, vous emprunterez, il est vrai, 48 millions de moins, mais vous n'allégerez immédiatement le budget que de l'amortissement et des intérêts de cette somme, c'est-à-dire d'environ deux millions et demi. Ce faible

soulagement, illusoire d'ailleurs, peut-il être mis en balance avec les avantages de la réduction d'intérêt ?

« Nous n'exagérons pas, messieurs, les conséquences de nos principes jusqu'à soutenir que jamais on ne doit toucher aux rentes rachetées; ce que nous vous demandons, c'est d'ajourner la mesure jusqu'à l'époque où la réduction de l'intérêt sera consommée. Ce parti nous paraît le seul qu'il soit prudent de suivre : car, de deux choses l'une : ou la paix se consolide et la réduction se fera; ou le contraire arrive, ce qu'à Dieu ne plaise, et la France aura plus besoin que jamais de soutenir son crédit par un puissant amortissement. »>

S'expliquant ensuite sur l'amendement de M. Bailliot, le ministre reconnaissait que l'inconvénient signalé par l'honorable membre serait réel, s'il devait durer; mais il s'engageait à présenter, dès l'ouverture de la seconde session, un projet de loi organique sur l'amortissement, dont jusque-là il priait la Chambre de conserver l'intégralité. La Chambre répondit à ce voeu, et, après une discussion très-longue et très-animée, elle écarta tous les amendemens tendant soit à supprimer, soit à modifier l'amortissement.

Quand les divers chapitres du budget des finances eurent été successivement votés, M. Bousquet reproduisit sous le titre d'article additionnel une disposition à peu près semblable à celle qu'il avait présentée l'année dernière, et qui avait soulevé des débats importans dont il a été rendu compte dans l'Annuaire de 1832 : elle était conçue en ces termes :

« Les droits de tous les titulaires de pensions accordées à quelque titre et sous quelque nom que ce soit, depuis le 1er avril 1814 jusqu'au 29 juillet 1830, seront révisés dans le courant de l'année 1833.

a Les pensions ou parties de pensions obtenues par des officiers, des soldats ou leurs veuves, en récompense de services exclusivement rendus dans les armées nationales, et en exécution des ordres du gouvernement français, seront intégralement conservées.

« Seront spécialement annulées toutes les pensions ou parties de pensions obtenues:

< 1° Pour service dans les armées étrangères, dans celles de la Vendée, de l'émigration, ou tout autre corps non légalement reconnu par le gouvernement établi en France;

Pour service particulier aux princes de la branche aînée des Bourbons ;

« Enfin, toutes celles dont les titulaires ne réunissaient pas toutes les conditions exigées par les lois existantes. »

Le ministre du commerce et des travaux publics, M. Thiers, combattit la proposition.

Nous ne portons, dit il, aucune espèce d'intérêt aux hommes qui ont fait la guerre à leur patrie; mais il est de notre devoir de donner à la Chambre des éclaircissemens de fait, et de faire valoir les dispositions de la Charte, lorsque les propositions qui vous sont faites pourraient y porter atteinte. Ce n'est donc pas dans un intérêt politique, mais c'est uniquement dans un intérêt de légalité, et de haute légalité, puisqu'il s'agit de la Charte, que je prends la parole au nom du gouvernement.

Je vais parcourir les diverses catégories de nos pensions, et vous verrez qu'elles sont légalement inattaquables. J'ajouterai quelques explications de fait qui prouveront que la révision demandée ne donnerait pas tous les résultats qu'on paraît en attendre. Ces résultats seraient bien loin de procurer une économie de 12 millions, car le chiffre sur lequel la révision pourrait porter est tout au plus de 1,500,000 fr. « Sont inscrites au budget:

« 1o Les pensions de la pairie, qui montent à 874,000 f.;

« 2o Les pensions civiles qui montent à 1,507,000fr.;

«3° Les pensions pour récompenses nationales, 785.000 fr. ;

« 4° Les pensions aux vainqueurs de la Bastille, 200,000 fr. ; «59 Les pensions ecclésiastiques, 4,000,000 fr.;

«69 Les pensions des donataires, 1,487,000 fr.';

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Les pensions militaires, 43,854,000 fr.

« C'est là la catégorie complète de toutes nos pensions sans en omettre aucune. »

Le ministre examina chacune de ces sortes de pensions, dont les dernières seulement, les pensions militaires, étaient attaquées. Il ne dissimulait pas la facilité avec laquelle avait opéré la commission chargée de constater les services rendus dans les armées de l'Ouest et dans celles de l'émigration. Les pensions de cette catégorie avaient été liquidées au chiffre de 4 millions, réduit par les extinctions à 1,400,000 ou 1,500,000 fr. Comment sur ce chiffre obtenir une économie de 12 millions? comment réviser cette masse de titres? La légalité d'ailleurs se joignait à l'impossibilité. La Charte, dans son art. 60, s'opposait à tout projet de révision, et le vote émis par la Chambre l'année précédente, confirmait le texte de la Charte.

Parmi les orateurs qui prirent part au débat, deux surtout, MM. Dubois et Baude, appelèrent l'attention, parce que la chaleur avec laquelle ils appuyèrent l'amendement de M. Bousquet entraîna des mesures politiques.

« Après la discussion, dit M. Dubois en succédant à M. Charlemagne, que vous venez d'entendre sur la légalité des pensions, telle qu'elle vient dêtre alléguée par M. le ministre des travaux publics, je n'ai pas à entrer dans cette partie de la question. Je ne ferai qu'une simple observation,

sur l'article 60 de la Charte qui a été opposé; c'est que cet article n'a été que la copie textuelle de l'article de l'ancienne Charte de 1814, article qui avait été inscrit dans notre loi fondamentale pour défendre les droits de nos armées, et comme politique en faveur de la restauration qui craignait Findignation nationale. Cet article est passé sans aucune réflexion dans la Charte nouvelle; il n'a été ni modifié ni discuté. Certes, messieurs, si la discussion s'était engagée au jour où la Charte se faisait dans le sein de eette Chambre, il ne se serait pas élevé une voix pour couvrir sous le titre de pension ce que la restauration avait cru devoir donner aux serviteurs de l'étranger et à ses propres serviteurs contre l'indépendance et la liberté du pays. »

Quant à l'argument tiré de l'article 60 de la Charte, MM. Odilon-Barrot et Mauguin soutinrent aussi que cet article, qui figurait dans la Charte de 1914, n'avait été que le pacte de la légitimité avec la révolution. Suivant M. Mauguin, l'art. 60 n'avait été voté, n'avait pas acquis de date nouvelle, et n'avait que celle de 1814. De vives réclamations interrompirent l'orateur, qui repoussa l'inculpation de porter atteinte à la Charte en rappelant la manière dont elle avait été faite.

pas

« J'engage les personnes qui m'interrompent, dit-il, à lire le Bulletin des lois... Elles se convaincront que l'on n'a rendu ici qu'une loi contenant les amendemens à la Charte, que l'autre Chambre n'a sanctionné qu'une loi contenant les amendemens å la Charte, et que la couronne n'a pro mulgué qu'une loi contenant les amendemens à la Charte. Je vous engage à consulter le Bulletin des lois ou le procès-verbal de la Chambre, et vous verrez qu'on n'a délibéré en aucune manière sur les art. 61, 62 et 63. (Nouveaux bruits mêlés d'interpellations.) »

Le tumulte avait à peine cessé, lorsque M. Baude prit la parole et déclara qu'il s'associait au fond de la proposition de M. Bousquet, bien que dans la forme il jugeât convenable de la modifier. Après avoir indiqué ces modifications, il ajouta :

« Quant au reste de l'amendement de M. Bousquet, j'y adhère d'autant plus complétement qu'il paraîtrait, par un document distribué aujourd'hui même à la Chambre, que la tradition des principes qu'a voulu combattre notre honorable collègue n'est pas encore effacée. A la page 31 de l'état des pensions de l'armée, j'en trouve une de 3, 550 fr., donnée à un traitre, un misérable qui est passé à l'ennemi la veille de la bataille de Waterloo; il s'appelle Anne-Louis-Antoine Clouet; et dans ce moment même il est encore en état de désertion. Je demanderai à M. le ministre de la guerre comment un nom qui devrait être attaché au pilori... (vives réclamations sur quelques bancs des centres) figure en 1832 sur un état de récompenses nationales. »

Plusieurs fois dans le cours de cette orageuse discussion,

M. Thiers avait reparu à la tribune, et combattu chaque partisan de la proposition. M. Bousquet ayant adhéré aux modifications de M. Baude, l'amendement ainsi réduit à deux paragraphes fut mis aux voix : les deux extrémités et quelques membres siégeant aux sections intermédiaires se levèrent pour, mais les centres et un grand nombre de députés des autres sections se levèrent contre une première épreuve resta douteuse; la seconde décida le rejet de l'amendement. Quelques membres des centres firent entendre le cri de Vive la Charte! Un membre, dans une intention d'ironie et de blâme, proféra le cri bientôt répété par les extrémités, de Vivent les trattres! vivent les chouans!

Le Moniteur du lendemain, 6 mars, contenait les deux mentions suivantes :

« Par ordonnance de ce jour (5 mars), M. Baude a cessé de faire partie du conseil d'état.

«Par arrêté de M. le ministre de l'instruction publique, M. Dubois (de la Loire-Inférieure) a cessé d'exercer les fonctions d'inspecteur-général de l'instruction publique. »

Le jour même, à la Chambre, à propos de la discussion du projet de loi des crédits supplémentaires pour 1852, M. Odilon-Barrot interpella le ministre de l'instruction publique sur la récente destitution de M. Dubois, qui avait refusé les faveurs de la restauration, qui avait combattu dans l'ordre légal avec une modération et une fermeté de caractère également honorable, qu'enfin la révolution de juillet avait rendu à l'université. Dans sa réponse, M. Guizot commença par écarter la question de personnes, pour ne s'attacher qu'à celle de principes: il traita en passant celle de l'inamovibilité des fonctions de l'instruction publique, qui, suivant lui, n'existait que pour les fonctions de l'enseignement et non pour les fonctions administratives. Puis abordant le point principal du débat :

« Ce n'est plus, dit-il, une question d'université; c'est une question de politique générale, d'administration'générale de l'état. L'honorable préopinant

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