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la confection des budgets, une nouvelle division des dépenses en deux classes: les dépenses fixes, qui seraient toujours l'objet de lois spéciales, les dépenses mobiles, qui subiraient seules un contrôle annuel. M. le général Berthezène traita spécialement la question de la colonisation d'Alger. La discussion générale n'avait rempli qu'une séance : celle des articles ne fut pas moins rapide, et la Chambre vota l'ensemble de la loi à la presque unanimité des membres présens (III voix contre 4).

23 avril. Le budget des recettes fut soumis à la même chambre le 20 avril: deux jours après, M. le comte de la Villegontier en présentait le rapport, et la Chambre l'adopta le lendemain, presque sans discussion, à une grande majorité (119 voix contre 3).

Avant de clore ce chapitre, et de sortir de la nombreuse série de lois de finances qui ont fait appliquer l'épithète de pécuniaire à cette session par le président de la Chambre des députés, nous mentionnerons encore ici plusieurs lois tendant à ouvrir des crédits extraordinaires ou supplémentaires, soit pour l'exercice courant, soit pour l'exercice passé.

Au moment d'entamer la discussion du budget de la marine, le ministre, M. de Rigny, avait présenté à la Chambre élective la demande d'un crédit extraordinaire de 780,500 fr., motivé sur des événemens récens (Voy. le chapitre de Turquie), qui rendaient nécessaire l'accroissement du service naval actif dans la Méditerranée. Cette demande, renvoyée à la commission du budget de la marine, fut également comprise dans le vote général de ce budget.

Un crédit extraordinaire de 15,000,000 avait été réclamé pour le service des pensions militaires (10 janvier). Les liquidations opérées dans le cours des années 1831 et 1832 avaient épuisé les crédits afférens à ces deux années, ainsi que le crédit extraordinaire alloué par la loi du 15 mars 1831. Deux causes non prévues en 1831 avaient accéléré leur

épuisement: 1° l'admission à la retraite d'un grand nombre d'officiers généraux par suite de la réduction, au budget de 1832, des dépenses de l'état-major général; 2ola réparation accordée la loi du 15 mars 1832, et relative aux penpar sions des militaires promus à des grades pendant les cent jours. La Chambre des députés admit le projet de loi, avec quelques amendemens ou dispositions additionnelles (27 mars), et la Chambre des pairs l'adopta tel qu'il lui fut présenté (12 avril ).

Un autre crédit supplémentaire de 2,995,348 fr. destiné à régulariser les dépenses de premières mises de petit équipement des 54,613 jeunes soldats de la classe de 1831, incorporés extraordinarement en 1832, fut encore réclamé par le ministre de la guerre (30 mars), et accordé par les deux Chambres (15 et 22 avril).

Depuis plusieurs jours, la Chambre des députés avait voté le budget de l'intérieur, et alloué une somme de 1,266,500 f. pour dépenses secrètes, lorsque le ministre de ce département, M. d'Argout, vint demander (25 février) pour le même objet un crédit supplémentaire de 1,500,000 fr., en s'appuyant des mêmes motifs que ceux qu'on avait fait valoir en 1831 et 1832: « Blaye, la Vendée, les machinations carlistes et républicaines, qui ont passé de la place publique dans des sociétés secrètes, appellent encore, disait le ministre dans l'exposé des motifs, toute notre sollicitude, et ce n'est pas à la veille du jour où le rétablissement complet de l'ordre couronnera vos patriotiques efforts que vous voudriez laisser votre ouvrage imparfait. »

La commission réduisit à 1,200,000 fr. la somme de 1,500,000 fr. demandée (13 mars), et le gouvernement adhéra à cette réduction.

Quand l'ordre du jour amena la discussion de ce projet de loi (23 mars), un seul orateur prit la parole; c'était M. Viennet qui s'était déjà signalé à l'attention publique par l'affaire de la Tribune (Voy. le chapitre suivant). Son dis

cours, violente accusation lancée au nom de l'ordre, contre l'anarchie et les factions carliste et républicaine, à laquelle personne ne répondit dans la Chambre, qu'au dehors personne n'avoua, ni opposition, ni ministère, contenait une phrase entre autres, qui laissa après elle un long retentis

sement:

«La masse de la population, disait M. Viennet, veut être protégée; elle ne sait pas se protéger elle-même, et n'a jamais su protéger que les vainqueurs. Ministres du roi, assurez-lui le repos qu'elle vous demande. La légalité actuelle nous tue; les factions s'en moquent. Elle est un bouclier pour elles, et sera bientôt une arme contre vous-mêmes. Provoquez des lois plus fortes, plus efficaces, et nous les voterons aux applau dissemens des populations rassurées. (Rumeurs aux extrémités.) »

Ce n'est pas que l'orateur ignorât de quelles forces puissantes le gouvernement disposait. Le gouvernement pouvait sans doute compter sur cette garde nationale toujours prête à voler au secours de l'ordre, sur l'armée si dévouée et si fidèle.

a Mais, messieurs, ajoutait M. Viennet, pouvons-nous mettre le gouvernement dans l'obligation de ne procéder à l'intérieur que par le glaive et le canon? N'est-il pas plus sage de prévenir les émeutes que de les punir? N'étes-vous point lassés de voter des pensions pour les victimes de la révolte, de voter des indemnités pour les fortunes qui en souffrent? N'y a-t-il pas moyen de protéger la société par des mesures moins violentes?" Ne vaut-il pas mieux pénétrer dans les repaires des factions, surprendre leurs secrets, déjouer leurs intrigues et leurs manoeuvres? Eh bien! la clef d'or peut seule nous ouvrir ces foyers de désordre et de révolte. Donnons aux ministres les fonds qu'ils nous demandent, et qu'ils fassent servir la cupidité au bien public. Les hommes qui vous serviront seront appelés traitres, faux témoins, agens provocateurs, peut-être; ne vous arrêtez point à ces déclamations: c'est un triste moyen d'opposition que d'accuser un ministère français de cette turpitude. Sauvez l'état, assurez son repos; les bons citoyens seront avec vous, et les factions seront comprimées. (Voix très-nombreuses. Très-bien ! très-bien ! ) »

La presse s'empara de cette phrase: «< la légalité actuelle nous tue et la commenta dans tous les sens. D'une part l'opposition voulait y voir l'expression de la pensée intime du ministère, de l'autre le ministère la rejetait sur le compte de ce tiers parti, dont l'existence, suivant lui, jusqu'alors problématique, venait enfin de se manifester. Souvent les adversaires de M. Viennet, dans leurs attaques contre sa phrase, en retranchaient le mot actuelle, et lui faisaient

dire ainsi : « la légalité nous tue. » Plusieurs fois, dans le sein de la Chambre, des allusions furent faites à cette phrase devenue célèbre : les choses en vinrent au point que M. Viennet se crut obligé de monter à la tribune (28 mars).

« Dans une de vos précédentes séances, dit-il, dans celle où il a été question de la destitution de M. Dubois, un orateur que je considère comme le type vivant de la gravité parlementaire fit ici allusion à mon discours, et se plaignit de ce qu'un député eût osé conseiller de sortir de la légalité : le préopinant vient de reproduire aujourd'hui la même accusation. Je répondrai au dernier orateur qui a trouvé quelque coïncidence entre mon discours et la nomination d'un ministre sans portefeuille ;' je répondrai qu'il me donne une importance que je ne peux avouer, et que je me soucie fort peu d'acquérir. Le ministère ne m'a pas plus consulté appeler M. Sébastiani au conseil, que je ne l'ai consulté moi-même pour prononcer mon discours.

pour

« La matière était trop grave pour être improvisée : je fis mon discours le jour même, j'arrivai à la Chambre avant que la dernière phrase en eût été écrite; et je montai à la tribune au moment même où je venais de le finir. Je ne pouvais donc pas le communiquer au ministère, et je ne suis pas dans l'habitude de le faire. (Silence! silence! écoutez!) »

L'orateur revenait ensuite sur ce qu'il avait dit contre les factions, et ne s'étonnait pas que leurs défenseurs cherchassent à dénaturer ses paroles. Il s'était servi du mot de légalité parce que ce mot renfermait la législation même et l'observation de la loi mais il n'avait jamais invoqué l'arbitraire.

Le projet de loi relatif au crédit supplémentaire pour penses secrètes, dont cette digression nous a écartés, fut adopté sans difficulté par les deux Chambres (23 mars et 9 avril).

Il ne nous reste plus à parler que du projet de loi relatif aux crédits supplémentaires pour l'exercice 1832, présenté à la Chambre des députés par le ministre des finances ( 11 janvier). Ces divers crédits s'élevaient ensemble à la somme de 53,945,948 francs. Dans l'exposé des motifs, ministre expliquait les motifs qui l'avaient déterminé à comprendre dans le projet les crédits complémentaires, sur lesquels les Chambres ne statuaient que par la loi des

le

comptes, ensuite il entrait dans le détail des sommes réclamées pour les divers services.

La commission, chargée d'examiner le projet de loi, ne proposa pas seulement, par l'organe de son rapporteur M. le comte Hector Lepelletier d'Alunay, d'importantes réductions sur plusieurs articles; tout le système législatif concernant les crédits supplémentaires devint l'objet de son attention. Elle sentit la nécessité d'un retour à l'exécution de la loi du 25 mars 1817, laquelle, bien que n'établissant ni spécialité par chapitre, ni distinction entre les divers crédits, obligeait les ministres sous leur responsabilité à ne jamais dépasser le crédit en masse ouvert à chacun d'eux, et prescrivait au ministre des finances de n'autoriser les paiemens excédans, que dans des cas extraordinaires et urgens, et en vertu d'ordonnances du roi, qui devaient être converties en lois à la prochaine session des Chambres.

Pour avoir une idée des mesures que la commission jugea susceptibles d'assurer ce résultat, il suffit de comparer le projet de loi ministériel, et le projet amendé par elle : voici le texte de l'un et de l'autre :

Projet du gouvernement.

« Article unique. Il est accordé sur les fonds du budget de 1832, au-delà des crédits fixés pour les dépenses ordinaires et extraordinaires de cet exercice, par les lois des 15, 21 et 22 avril dernier, des supplémens montant à 53,945,948 fr.

« Ces supplémens de crédits demeurent répartis entre les différens départemens ministériels, conformément au tableau A ci-annexé. »

Amendemens de la commission.

« Art. Ia2. Il est alloué sur les fonds de 1832, au-delà des crédits fixés pour les dépenses ordinaires de cet exercice, par les lois des finances, des supplémens montant à la somme de 24,846,361 fr.

« Ces supplémens de crédits demeurent répartis entre les différens départemens ministériels, conformément au tableau A annexé à la présente loi.

2. Il est accordé sur les ressources de l'exercice 1832 des crédits extraordinaires, montant à la somme de 27,950,370 fr. 74 c.

« Ces crédits demeurent répartis entre les différens départemens ministériels, conformément au tableau B annexé à la présente loi.

« Les dispositions de l'art. 152 de la loi du 25 mars 1817 sont applicables aux supplémens de crédits demandés par les ministres, pour subvenir

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