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butte à deux factions qui cherchaient à suppléer au nompar l'audace, et qui, professant des principes contrais'accordaient en ce seul point, destruction du gouvernement et destruction de l'ordre social.

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L'ordre du jour motivé fut repoussé à la majorité de 206 boules noires contre 156 blanches.

Tous les membres qui avaient proposé des amendemens les ayant retirés, il ne restait plus à délibérer que sur le projet de résolution proposé par la commission.

Elle avait inséré dans son rapport la totalité des articles incriminés M. Gaëtan de la Rochefoucauld demanda que les paragraphes lus par M. Viennet fussent seuls compris dans la résolution de la Chambre. M. Baude demanda aussi qu'à l'égard de l'un des deux articles, l'accusation fût restreinte aux trois paragraphes dans lesquels la Chambre était attaquée, parce que la loi du 25 mars ne lui donnait pas le droit de s'occuper d'offenses qui ne la concernaient pas. L'autre article intitulé, Questions à M. Viennet, lui semblait de même hors des termes de la loi, et il en sollicitait le retranchement. La Chambre adopta la première partie de cet amendement et rejeta la seconde.

Dans la délibération qui s'établit à ce sujet, M. Larabit s'était exprimé en ces termes :

« L'honorable M. Baude a commencé par vous dire que méconnaître les attributions de la Chambre, ce serait manquer à sa dignité. Je ne voudrais certes pas manquer à la dignité de la Chambre, mais je déclare que malgré tout ce qui a pu être dit dans la discussion, je ne lui reconnais pas le droit constitutionnel de juger un délit de presse, ni surtout le droit extraordinaire de juger dans sa propre cause. En conséquence, je me récuse, et je ne puis prendre part aux délibérations qui vont avoir lieu sur la procédure. »

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Aussitôt MM. Mangin d'Oins, Chaigneau, de Ludre et une trentaine de membres des extrémités s'étaient levés en déclarant qu'ils se récusaient aussi. M. Dupont de l'Eure formula ainsi sa récusation;

« Convaincu comme je le suis que le principe qui défend au juge de prononcer dans sa propre cause n'est point un lieu commun, ainsi que l'a qualifié l'un des orateurs entendus dans la séance d'hier, mais un príncipe

de pudeur et de conscience, j'adhère à la récusation que vient d'exprimer mon collègue M. Larabit.

«Je pense, avec l'illustre Montesquieu, qu'il y a despotisme toutes les fois que la puissance législative s'empare du pouvoir judiciaire, et à plus forte raison lorsqu'elle doit prononcer dans une cause qui lui est personnelle; et je déclare que ma conscience ne me permet de prendre aucune part, comme juge, au procès que l'on veut amener devant la

Chambre.

Avant de statuer sur l'amendement de M. Baude, la Chambre avait rejeté une proposition de M. Charamaule tendant au renvoi de l'accusation devant les tribunaux ordinaires. M. Garnier Pagès dit alors que, la Chambre ayant impli citement décidé qu'elle jugcrait, le moment était venu pour ceux dont la conscience ne leur permettait pas de rester juges, de le déclarer, et il demanda que l'on fit l'appel nominal. Le président lui répondit qu'on le ferait au moment du scrutin. M. Odilon Barrot, à l'opinion duquel adhéra M. Demarçay, ne pensait pas exactement comme M. Garnier Pagès.

« Nous sommes encore au pouvoir législatif, dit-il, car nous avons à faire les règles de la procédure qui doivent nous régir dans le jugement. Ma consience me fait un devoir de lutter jusqu'au bout pour que les garanties du droit commun soient assurées. Je m'occuperai donc d'examiner ma position comme juge, lorsque j'aurai épuisé tous mes devoirs comme legislateur. »

Quand on en vint à l'appel nominal, qui commença par la lettre N, trente-sept membres annoncèrent leur résolution de se récuser ou de s'abstenir (1).

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Dans ce nombre, quelques uns motivèrent leur détermination; M. Teste, que la Tribune avait aussi attaqué récemment, fut le seul qui appuya la sienne sur des motifs personnels ; d'autres se contentèrent de l'énoncer. M. de Tracy avait déclaré ne pouvoir faire, dans l'enceinte de la Cham

(1) Voici leurs nom's: MM. Salverte, Subervic, Teste, Viennet, Thiard, Thouvenel, de Tracy, Anglade, Audry de Puyraveau, Auguis, Bastide d'Isard, Bayoux, Bérard, Bertrand, Boudet, Briqueville, Chaigneau, Corcelles, Coulmann, Demarçay, Dubois-Aymé, Dulong, Dupont (de l'Eure ), Duris-Dufresne, Garnier-Pagès, Havin, Joly, Laboissière, le général Lafayette, Georges Lafayette, Larabit, Lenouvel, Leprévost, Levaillant, de Ludre, Laguette-Mornay, Luminais.

bre, que des actes de législateur, et non des actes de juge ou de juré. Le président lut les textes de la loi du 25 mars et de celle du 8 octobre, afin que la Chambre ne restât pas sous l'accusation de faire quelque chose d'inconstitutionnel, et il ajouta :

« Que l'anarchie règne ailleurs; que du moins elle ne s'introduise pas ici. Respect à la loi, qui est l'expression de la volonté générale, qui est rendue par la majorité, qui est inscrite au Bulletin des lois, qui apparaît avec le cachet du ministre responsable. S'il est permis à un seul membre, de sa seule autorité, de venir dire qu'une loi est inconstitutionnelle, il n'y a plus de lois, plus de Chambres, plus de gouvernement. (Marques d'approbation.)

Après l'appel, quelques membres encore, et entre autres MM. Tardieu, Roussilhe, Renouvier, Senné, Girardin, d'Argenson, déclarèrent se récuser, soit pour l'opération qui venait de se consommer, soit pour tous les actes ultérieurs. Le scrutin donna pour résultat 205 boules blanches contre 92 noires.

Le gérant de la Tribune, M. Lionne, avait écrit au président une lettre, dont lecture fut donnée à la Chambre, et par laquelle il annonçait son intention de confier sa défense à M. Armand Marrast, rédacteur en chef, et à M. Godefroy Cavaignac, un des principaux rédacteurs du même journal.

La Chambre agita d'abord la question du jour pour lequel serait donnée la citation; elle fut fixée à une faible majorité au mardi 16 avril : une majorité plus considérable résolut ensuite que M. Lionne serait assisté des défenseurs désignés par lui. On remarqua que M. Barthe s'était levé pour la proposition, tandis que les autres ministres présens n'avaient voté ni pour ni contre.

Dans la troisième et dernière séance, consacrée à régler les formes suivant lesquelles devait s'exercer la juridiction de la Chambre, M. Mérilhou développa un amendement tendant à décider que les deux tiers des voix seraient nécessaires pour la condamnation du prévenu. Il rappela que le jury ne pouvait prononcer de condamnation qu'à la majorité de plus de sept voix, c'est-à-dire aux deux tiers; que la Chambre des pairs érigée en cour de justice ne pronon

çait qu'à la majorité des cinq huitièmes, et enfin qu'un amendement pareil au sien, proposé par M. Bourdeau, lors de l'affaire du Journal du Commerce, n'avait été rejeté qu'à une faible inajorité par cette assemblée flétrie du nom de Chambre corrompue des trois cents. Quoi qu'on pût dirc, la Chambre, en jugeant un journal, n'agissait pas comme corps politique, mais comme corps judiciaire: c'était donc d'après les principes judiciaires qu'elle devait se régler. M. Duchâtel combattit l'amendement :

« Messieurs, dit-il, sous une forme judiciaire, l'amendement qui vous est proposé par l'honorable M. Mérilhou touche aux prérogatives les plus hautes de la Chambre, et renferme pour elle une question même d'existence. Il s'agit de savoir si dans des causes toutes politiques, lorsque c'est la dignité de la Chambre qui est en question, il convient de remettre à la minorité le soin de protéger l'honneur, la considération, le crédit moral de la majorité. Poser ainsi la question, à mon avis, c'est la résoudre. Il n'existe aucune espèce d'analogie entre la minorité d'un jury et la minorité d'une Chambre législative. Les douze citoyens qui font partie du jury, qui viennent prendre place à la cour d'assises, avant de s'asseoir sur les bancs, n'ont aucun lien, aucun rapport entre eux. Ils n'ont qu'un seul intérêt, un intérêt commun, celui de représenter toute la société pour la répression des délits et le maintien de l'ordre public. La minorité du jury n'existe pas avant les débats ; elle ressort des débats mêmes ; elle résulte de la manière différente dont les faits sont appréciés et jugés

« Dans une Chambre législative, au contraire, la minorité existe avant le débat, et elle existera après; elle résulte d'une lutte politique qui a précédé le procès et lui survivra; elle se trouve dans une situation tout autre que la minorité du jury: cette situation est-elle de nature à permettre que le jugement des offenses faites à la Chambre soit remis à la minorité ? Voilà toute la question. »>

La discussion fut longue, animée et même orageuse: M. Gaëtan de la Rochefoucauld, ayant rappelé qu'en 1826, dès les premières délibérations, MM. de Corbière, de Peyronnet et de Villèle s'étaient abstenus, et que le premier appelé à voter avait répondu avec dignité: Je siége ici en qualité de ministre du roi, laissa échapper cette phrase: « Et les ministres actuels ont voté, eux qui tiennent la majorité tout entière assise sur leur banc!..» A ces mots, il y cut interruption, et l'on entendit M. le général Jacqueminot s'écrier: « C'est une impertinence. » Les cris à l'ordre! accueillirent ces expressions qui jetèrent l'assemblée dans un grand trouble et entrainèrent des explications de part

et d'autre. En définitive, l'amendement de M. Mérilhou fut rejeté. M. de Montépin en avait proposé un autre ainsi conçu:

« Si après deux tours de scrutin, aucune opinion n'avait réuni la majorité des voix, il y aura un scrutin de ballottage entre les deux opinions qui auront obtenu le plus de voix. «Dans tous les cas, le nombre des votans ne pourra pas être inférieur à la moitié plus un du nombre total des membres de la Chambre. »

Ce dernier paragraphe avait été ajouté par M. Laurence, pour qu'il fût bien entendu que dans toutes les opérations de la Chambre, il fallait qu'elle fût composée au moins de la moitié plus un de ses membres. La division fut demandée, et le premier paragraphic adopté : M. Laurence n'insista pas pour que l'on mit aux voix le second.

16 avril. On n'avait point construit, comme en 1826, une estrade dans le couloir pour le prévenu et ses défenseurs; mais on avait placé une table couverte d'un tapis vert entourée d'une barrière également revêtue de serge verte, en avant du dernier banc de la deuxième section de gauche. La foule avait envahi de bonne heure toutes les tribunes: une portion de l'enceinte réservée aux députés était même remplie de personnes étrangères, et le président fut obligé à plusieurs reprises de donner des ordres pour la faire évacuer. Pendant l'appel nominal, les membres qui entendaient s'abstenir, le déclarèrent; de ce nombre était M.Viennet, qui s'exprima ainsi : « Comme seul accusateur, je me récuse (1). »

(1) Voici quel fut le résultat de l'appel nominal, et le nombre des récusations:

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