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Humann, la maison Fould pour 600,000 fr. chacune; la maison Santerre pour 800,000 fr.; la maison Durand de Marseille pour I million.

« Ce sont des négocians, ajoutait-il, il font leurs affaires...; fort bien; je ne m'occupe ici que de celles du pays, et je ne puis m'empêcher de faire remarquer les rapports naturels entre les faits et les doctrines.

« J'abrége, messieurs, car je n'en finirais pas si je voulais vous montrer l'intérêt privé en flagrant délit d'opposition aux intérêts de la France, entendus dans leur plus large acception.

« C'est un fait patent, incontestable. Aussi où mène-t-il? à une opération qui supprimerait les 122 fonctionnaires exclus par le ministère du domaine de la liberté. Supprimez ensuite tous ceux qui, sans les lois de douanes, d'expropriation, d'amortissement, de fonds publics, de primes, de propriété foncière, de manufactures, de loyers, de laines, de cotons, ont un intérêt immédiat à ce que le pouvoir ne réforme pas, mais conserve. Supprimez ceux-là, et comptez ce qui reste de consciences complétement indépendantes!

« C'est une opération qu'avait pu faire aussi dans un autre temps, qui se rappelle sans aucune intention blessante, le Journal du Commerce accusé comme nous... Alors, il est vrai, les fonctionnaires étaient au nombre de 260 mais alors aussi, il y avait onze députés de l'opposition !>>

M. Marrast terminait son plaidoyer par le va lire :

passage qu'on

« On nous a beaucoup accusés, nous, d'avoir des principes subversifs......

« Subversifs de quoi?... De ces choses, par exemple, que la France déteste. Oui, sans doute, c'est notre honneur, notre force et nos espé

rances!

« Si, comme on l'a dit, nous étions purement et simplement des anarchistes, on ne nous aurait pas proclamés redoutables. Mais parce qu'on sait que nous nous appuyons sur des sentimens nationaux, on nous craint (mouvement), et on a raison; on nous calomnie, et l'on a raison encore, car si le pays connaissait bien exactement nos intentions, le pouvoir nous craindrait bien plus encore. Mais patience!...

<< Nous voulons fairefcroire ce que d'autres avaient promis, laisser au passé ses victoires, sa corruption, ses actes, ses hommes, donner à l'avenir toutes les garanties de la justice dans les institutions, du désintéressement dans ceux qui les maintiennent; les hommes aussi, messieurs, car les hommes contiennent les choses, et aussi bien pourrions-nous, par le seul vocabulaire de noms propres, trouver le secret de la désaffection et du mécontentement publics.

« Et plût à Dieu, messieurs, qu'il ne restât personne de la majorité de 1824, personne de la majorité qui a décidé le double vote, personne parmi les acteurs ou les complices de ces systèmes dont nous avons déjà signalė les fatales conséquences.

«Mais en est-il ainsi ?...

« Avocat du maréchal Ney, dites-nous donc si en jetant les yeux sur ceux qui sont à votre niveau dans l'état, vous n'êtes pas obligé de refouler yos souvenirs.

« Ainsi, messieurs, pour les doctrines, les moyens, et aussi pour les hom mes, le présent semble n'avoir fait aucun divorce avec le passé.

« Finissons, car j'ai hâte.

« Aussi-bien, si la fatigue vous a pris, un autre sentiment pourrait me dominer malgré moi-même; et d'ailleurs, il faut aussi se condamner à ne pas tout dire dans une matière presque intarissable.

« Un mot seulement encore.

« Voyez, messieurs, où vous a conduits le système actuel.

« Qu'avez-vous fait au dehors ?

« Qu'avez-vous fondé au dedans ?

« Croyez-vous avoir fait la paix entre le despotisme et la souveraineté populaire?

«Vous l'avez faite si peu, que si le président même de votre Chambre, qui est sans doute votre expression la plus complète, arrivait à la présidence du conseil avec les auxiliaires qu'on lui donne, il n'y a peut-être pas vingt membres de la majorité qui pussent répondre de la tranquillité de l'Europe pendant trois mois.

a Et le peuple, et l'intérieur, et les départemens, et les communes, et les améliorations si souvent réclamées et attendues; et tous ces vœux, je ne dis pas seulement du peuple exclus, mais du peuple admis de vos électeurs, toutes ces lois organiques de l'enseignement, des conseils municipaux, des conseils généraux; qu'en avez-vous fait ?

« Messieurs, partout impuissance, partout inaction, si bien que la plupart des procès-verbaux de vos séances peuvent se résumer en une phrase: « La Chambre a voté beaucoup d'argent. »

« Vous ne voudrez pas offrir sans doute à vos commettans, pour tout dédommagement, le procès que vous allez juger.

« Si c'est une guerre contre la Tribune seule, elle est puérile; si c'est contre la presse, vous y périrez! »

Les débats ayant été fermés, le président rappela que la première question à décider était celle de savoir si le sieur Lionne, directeur-gérant du journal la Tribune, était coupable du délit d'offense envers la Chambre, pour lequel il avait été cité. Pour procéder au vote par scrutin secret, on fit l'appel nominal: au moment de voter, MM. Berryer, Cabet, Chasles, Demarçay, Glais-Bizoin, Gras-Préville, Hernoux, Reboul-Coste et Gaëtan de la Rochefoucauld, déclarèrent qu'ils entendaient s'abstenir. M. Berryer motiva ainsi sa résolution :

a Lorsqu'il a été question de savoir si le prévenu serait cité à la barre, un orateur a dit qu'il s'agissait d'une lutte entre deux opinions politiques; qu'il s'agissait d'ennemis qu'il fallait traiter en ennemis; la défense que nous venons d'entendre me paraît avoir laissé la question sur le même terrain : désormais à mes yeux il ne peut y avoir ici qu'un simulacre de jugement, et je déclare m'abstenir. »

Après le dépouillement du scrutin, le président proclama, au milieu du silence le plus profond, le résultat suivant :

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En conséquence, il déclara le sieur Lionne coupable du délit à lui imputé. Un membre (M. Portalis) demanda qu'on posât la question des circonstances atténuantes; mais le président lui rappela que cela avait été rejeté.

Une courte discussion s'éleva sur le point de savoir si le prévenu et ses défenseurs seraient ou ne seraient pas introduits et entendus de nouveau. La Chambre s'étant prononcée pour l'affirmative, MM. Lionne, Marrast et Cavaignac rentrèrent dans la salle ce dernier dit quelques mots relativement à l'application de la peine en faveur de M. Lionne et sur la fiction dont la responsabilité le livrait au jugement de la Chambre. Dans cet état de choses, il croyait qu'elle devait voter ainsi forte amende, faible prison. Ensuite, ils se retirèrent. Le président lut les divers articles de loi, conformément à la résolution de la Chambre, et voici quel fut le résultat du scrutin :

Nombres des votans représentés par les bulletins. 305 Nombre de boules.

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304

(La différence entre ces deux nombres fut attribuée à ce qu'il y avait probablement un bulletin blanc attaché à un bulletin écrit.)

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Le total des suffrages se trouvait donc conforme au nom

bre de 305. La majorité était de 204, tandis qu'elle aurait pu n' n'être que de 153; la Chambre avait donc condamné le sieur Lionne à trois ans de prison et à 10,000 francs d'amende.

Ainsi se termina cette affaire qui avait prolongé de quelques jours la durée de la session : peut-être est-il exact de dire qu'aucune opinion n'en tira d'avantage réel; cár si, d'une part, la condamnation d'un journal n'ajouta rien au crédit de l'opinion constitutionnelle, de l'autre, la nuance de l'opinion républicaine représentée par la Tribune, put juger à la froideur avec laquelle le développement de ses principes et de ses espérances fut accueilli, qu'elle n'avait plus à compter même sur l'espèce d'intérêt qui résulte de la surprise. Le peu de bruit qu'avait excité le procès de la Tribune fut étouffé par son jugement et mourut dans l'enceinte de la Chambre des députés.

Revenons à l'analyse des travaux législatifs des deux Chambres, et terminons rapidement le tableau de la session de 1832.

Dans la session précédente, le ministre des travaux publics avait obtenu un crédit de deux millions pour mesures sanitaires, sur lequel il était resté des fonds sans emploi: une loi nouvelle lui accorda l'autorisation de les affecter au même usage pendant l'année 1833 (26 février et 27 mars).

Une proposition relative à la publicité des actes de société commerciale, également présentée dans la session précédente par M. Dupin aîné, fut renouvelée par M. Jacques Lefebvre (22 février). Elle tendait à faire revivre la disposition d'un décret du 12 février 1814, ordonnant l'insertion dans les journaux des extraits des actes de société, qui jusque-là avaient été simplement transcrits sur les registres du tribunal de commerce, et affichés pendant trois mois dans la salle des audiences. La commission, par l'organe de son rapporteur, M. Isambert, eu proposa l'adoption avec quelques amendemens, que

sanctionnèrent l'une et l'autre Chambre (11 et 25 mars). Le ministre de l'intérieur était venu réclamer (16 mars) la continuation des pouvoirs que lui conférait la loi du 21 avril 1832, à l'égard des réfugiés politiques (Voy. l'Annuaire de 1832). Ces pouvoirs, ainsi qu'on peut se le rappeler, consistaient à répartir les étrangers réfugiés dans les dépôts désignés par le gouvernement, à les astreindre à y résider, comme aussi à faire sortir du royaume ceux de ces étrangers dont la présence serait susceptible de troubler l'ordre et la tranquillité publiques. En même temps, le ministre avait présenté un projet de loi tendant à obtenir deux crédits complémentaires, l'un de 624,525 fr. sur l'exercice 1832, l'autre de 1,500,000 fr. sur l'exercice 1833 pour secours aux réfugiés. La commission chargée d'examiner le premier projet, proposa de l'adopter, non dans les termes qui reproduisaient textuellement la loi du 21 avril, mais réduit à cet article unique : « La loi du 21 avril 1832 est prorogée jus» qu'au 21 avril 1834. » Cette rédaction fut accueillie par la Chambre des députés (30 mars), après une discussion, dans laquelle divers autres amendemens furent en vain proposés, et confirmée par la Chambre des pairs (16 avril). Le second projet de loi relatif aux secours passa sans modification quelques jours plus tard (11 et 22 avril).

Le ministre de l'intérieur avait encore présenté (16 mars) un projet de loi portant que des pensions annuelles et viagères seraient accordées aux gardes nationaux blessés, aux veuves et enfans orphelins de ceux qui avaient succombé dans les troubles de l'ouest et dans l'insurrection de juin 1832 à Paris. Les pensions devaient être liquidées suivant le tarif établi par la loi des récompenses nationales. Les deux Chambres sanctionnèrent ce projet (30 mars et 19 avril).

Elles adoptèrent encore un projet ordonnant la levée d'un contingent de 80,000 hommes sur la classe de 1832 (16 mars et 9 avril); un projet relatif à un crédit supplémentaire pour la pêche maritime (27 mars et 16 avril );

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