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Etat du pays. Politique extérieure. Discussion sur les pétitions relatives à la duchesse de Berry dans la Chambre des députés. Proposition de M. Salverte relative à la disparition du caissier Kessner. Voyage du roi dans les départemens du nord.

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L'année commençait sous d'heureux auspices. La France était à peu près délivrée de ses troubles intérieurs, et les partis, qui la divisaient toujours, avaient du moins renoncé, de force ou de gré, à la violence et aux émeutes. Le commerce et l'industrie avaient repris tout leur essor: l'amourpropre national jouissait de la prise de la citadelle d'Anvers; fait d'armes dont la France pouvait se féliciter doublement, car, outre l'honneur qu'elle en recueillait, elle y voyait la preuve que, malgré de nombreuses causes de rupture, les gouvernemens étaient bien décidés à ne pas faire la guerre, sans doute dans la crainte que la propagande ne vint s'approprier les fruits de la victoire.

Cependant, il faut le remarquer, la politique extérieure Ann. hist. pour 1833.

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était toujours chargée de graves difficultés. La question belge n'avait fait aucun progrès décisif vers une solution définitive; le poids de l'occupation autrichienne et française accablait toujours l'Italie; l'Espagne assistait avec inquiétude à la longue agonie de Ferdinand VII; le Portugal savait à peine qui l'emporterait de don Pedro ou de don Miguel; la Turquie, pressée entre l'invasion égyptienne et la protection russe, ajoutait un élément de discorde à ceux que présentait déjà l'état de l'Europe. Mais tous ces nuages, amoncelés dans un lointain horizon, affectaient peu la France, entièrement préoccupée du rétablissement de la tranquillité intérieure, de la renaissance des affaires, et du nouveau trophée conquis à. Anvers. Les discours adressés, le jour de l'an, à la couronne, ne retentissaient que de cet événement, ainsi que des espérances de paix, dont il était le gage.

A cette perspective consolante, après laquelle le pays avait si long-temps soupiré, se joignait celle d'un calme également profond dans les Chambres législatives. La session de 1832, ouverte depuis un mois et demi (19 novembre), s'était jusqu'alors passée, comme on l'a vu dans notre Annuaire précédent, en délibérations paisibles, sauf les interpellations relatives aux journées des 5 et 6 juin, à la Vendée et à l'état de siége, dans la discussion de l'adresse, à la Chambre des députés : d'ailleurs, le résultat de cette discus→ sion avait démontré que l'opposition ne comptait aucune chance d'enlever la majorité au ministère.

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La première séance de cette même Chambre, en 1833 (2 janvier), n'offrit de remarquable que le retour du mipistre de l'instruction publique, M. Guizot, éloigné depuis quelque temps des débats par des raisons de santé, 'et apportant un projet de loi sur l'instruction primaire. Un objet d'intérêt plus vif et plus en rapport avec les passions du moment occupa la seconde séance ( 5 janvier). De nombreuses pétitions, les unes individuelles, les autres censées collectives, ayaient été adressées à la Chambre des députés,

relativement à l'arrestation et à la captivité de madame la duchesse de Berry. La commission les comprit dans un même rapport, que M. Sapey fut chargé de présenter. La plupart des pétitionnaires, contestant aux Chambres le droit de statuer sur le sort de la princesse, leur enjoignaient de repousser par l'ordre du jour les propositions que le gouvernement pourrait leur soumettre. Plusieurs s'efforçaient de démontrer que la princesse n'était venue en France que dans des intentions pacifiques, et pour faire déposer plutôt que pour faire prendre les armes à ses partisans du midi et de l'ouest; qu'il n'existait pas de disposition pénale qui lui fit applicable, et qu'elle ne pouvait être soumise à un tribunal d'exception, puisque l'article 54 de la Charte avait aboli tous les tribunaux de ce genre. L'un d'eux de mandait que des registres fussent ouverts dans toutes les communes pour que le peuple répondît par oui ou par non aux deux questions suivantes : « 1° Madame la duchesse de Berry a-t-elle outrepassé les droits et les devoirs de la maternité en venant revendiquer la couronne de son fils? 2° Avait-elle en vue le bonheur ou le malheur du pays? » D'autres pétitionnaires, au contraire, voulaient que la Chambre des députés décidât elle-même du sort de la cap tive, en conciliant les égards qui lui étaient dus avec la sûreté de la France et la tranquillité de la Vendée. D'autres enfin s'offraient pour otages à la place de la princesse. Press que toutes ces pétitions n'étaient au reste que des protestations déguisées contre la révolution de juillet, souvent remplies de considérations, d'hypothèses, d'allusions injurieuses à la royauté nouvelle; et, suivant l'observation du rapporteur, beaucoup étaient souscrites de noms tracés en caractères illisibles, paraissant appartenir à la même main. En résumé, M. Sapey concluait que c'était à la politique seule de prévenir et d'agir mais il demandait par qui› cette action politique devait être exercée? La commission pensait que c'était par le pouvoir exécutif, en d'autres termes

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par le ministère responsable, parce que raison d'état et responsabilité sont nécessairement inséparables.

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Si la loi commmune, disait-il, prescrit de renvoyer devant les tribunaux tout individu français ou étranger qui, placé sur notre territoire, commet un attentat contre le gouvernement, on ne saurait cependant se dissimuler que les mesures à prendre contre madame la duchesse de Berry, comme envers tout autre membre de la famille déchue qui pourrait se trouver dans le même cas, doivent être déterminées des considérations de sûreté publique et d'ordre intérieur.

par

« Vous ne ferez donc aujourd'hui, en abandonnant celte question à la politique, mais bien entendu à une politique responsable du parti qu'elle prendra, que ce qui s'est toujours fait, ce que vous avez déjà fait par la loi du 10 avril 1832. »

En conséquence la commission, tout en jugeant convenable de renvoyer au garde-des-sceaux quelques pétitions, comme contenant des atteintes à l'état de choses né de la révolution de juillet, proposait à l'unanimité de passer à l'ordre du jour, tant à l'égard de ces pétitions mêmes que de toutes les autres, attendu que ce n'était pas à la Chambre de statuer sur le sort d'une prisonnière, et qu'elle devait laisser au gouvernement, sous sa responsabilité, sa libre

action.

Immédiatement après ce rapport, le ministre des affaires étrangères, M. de Broglie, prit la parole: il traça l'historique et rechercha l'esprit des diverses résolutions adoptées par les Chambres depuis les événemens de juillet 1830, contre la famille déchue. Suivant lui, cette famille avait toujours été placée en dehors du droit public, et même du droit des gens. La France n'avait pas jugé lui devoir autre chose que ce qu'elle devait à des ennemis déclarés; toutefois en la dépouillant de toutes les garanties du droit commun, elle avait, jusqu'à un certain point, renoncé à lui en imposer les charges. La France, en désavouant Charles X et les siens, en les écartant de son territoire, s'était interdit de demander compté, la loi à la main, de leurs sentimens envers elle. Ce qui le prouvait, c'est que la peine capitale ayant été proposée, comme sanction pénale, à la loi de bannissement, cette peine avait été rejetée à l'unanimité,

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tant il était clair, aux yeux de tous, qu'entre la France et les princes de la branche aînée il y avait guerre, combat à outrance; mais que c'était au droit de la guerre, et non au droit pénal à prononcer.

La duchesse de Berry ayant débarqué sur un des points de notre côte méridionale, le gouvernement avait cru devoir exécuter la loi du 10 avril 1832, selon sa lettre, en ordonnant que la princesse serait sur-le-champ reconduite dans sa famille, et, selon son esprit, en ne scrutant pas les intentions qui l'avaient amenée en France. A la faveur d'un déguisement, la princesse s'échappa et vint s'établir en Vendée : elle y demeura six mois, s'épuisant à souffler le feu de la guerre civile.

« Durant ces six mois, ajoutait le ministre, le gouvernement n'a rien négligé pour se saisir de sa personne; il n'a pu y réussir qu'au mois de novembre dernier. Mais alors se présentait une grave difficulté. Le gouvernement acquit la certitude que madame la duchesse de Berry, en restant dans la Vendée, résistait formellement non-sculement aux vœux, mais aux ordres de ses parens; il avait acquis la certitude qu'en restant dans la Vendée, elle résistait non-seulement aux conseils, mais aux instances de tout ce que son parti, soit en France, soit à l'étranger, compte d'hommes doués de quelque bon sens; il avait la certitude que, reconduite dans sa famille, elle reviendrait bientôt après; car cette vie d'aventures plus que de périls (je parle pour elle et non pour ceux qu'elle poussait à l'échafaud sans réussir à les égarer), cette vie plaisait trop à son imagination pour qu'elle y renoncât volontairement. Il devenait donc nécessaire de s'assurer de sa personne, il devenait nécessaire de la détenir comme on détient un prisonnier que la prudence ne permet pas de renvoyer sur sa parole, ou bien encore comme on détient un insensé auquel on ne peut laisser sa liberté sans mettre en péril la vie des citoyens paisibles.

« Pour cela, le droit moral ne manquait pas ; mais les moyens légaux nous manquaient. Nous avons pris et nous avons dû prendre sur nous la détention provisoire; mais, en même temps, nous avons dù déclarer que nous rendrions compte aux Chambres de nos motifs et de notre conduite, que nous viendrions demander aux Chambres des pouvoirs que l'imprévoyance de la lei n'avait pas placés dans nos mains. Nous le devions d'autant plus qu'au même instant deux cours de justice, la cour royale d'Aix et la cour royale de Poitiers, interprétant à tort, selon pous, la situation des choses et la portée des lois existantes, avaient intenté des procès contre madame la duchesse de Berry. Entre les tribunaux et nous, dans une question de politique suprême, s'il en fut, nous avons dû penser que la législature seule était placée assez haut pour prononcer. Cette pensée nous l'avons énoncée, et nous avons pris l'engagement, à la face de l'Europe, de porter la question devant les Chambres, dere ndre les Chambres juges de cette question. Notre dessein était de vous la soumettre à l'ouverture de la session, immédiatement après la discussion de l'adresse ; mais le cours des événemens, dont personne ne dispose, a voulu que la session s'ouvrit au bruit du canou qui tonnait contre la citadelle d'Anvers. »

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