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cercle étroit de quelques leçons; elle ne saurait être, dès le premier âge, présentée sous trop de formes à tous les esprits. Elle se mêle, comme la morale, aux plus simples paroles que l'on adresse à l'enfance. Nous voulons tous le succès des écoles. Réfléchissez si les parens seraient appelés par un attrait bien puissant à y envoyer leurs enfans, après qu'il aurait été officiellement déclaré par la loi que les saintes Ecritures, que le catéchisme, que l'histoire sacrée ne pourraient plus y être adoptés comme livres de lecture; car, pour peu que l'on tienne à se montrer conséquent, il est inévitable d'aller jusque-là, si l'on interdit aux instituteurs de s'immiscer dans l'instruction religieuse. Croyez bien qu'une partie considérable de la population, mue par un sentiment digne de nos respects, reculerait loin de nos écoles, si, sans égard à l'état des mœurs, et brisant de longues habitudes, nous ne permettions aux parens d'y retrouver aucun de ces livres auxquels une longue vénération s'attache, et si l'on n'y redisait jamais quelqu'une de ces prières et de ces leçons que les pères et mères ont eux-mêmes entendues dans leur enfance, et qu'ils se regarderaient comme coupables de ne pas mettre au dessus de tous les autres enseignemens.

<«< Personne n'ira sans doute jusqu'à prétendre que l'on puisse interdire l'instruction religieuse dans les écoles primaires privées. Il est facile de comprendre quelle redoutable concurrence et quelle défaveur s'éleveraient contre les écoles publiques dairs lesquelles cette même instruction serait prohibée. »

Les commissions avaient non seulement approuvé vivement la division de l'instruction primaire en deux degrés, mais, allant même au-delà du projet, elles proposaient que le million affecté par le budget à l'instruction primaire fût réservé intégralement à l'instruction primaire élémentaire, et que l'instruction primaire supérieure reçût une allocation supplémentaire de 500,000 francs.

Accueillant également toutes les dispositions portées aux titres II et III du projet, et n'ayant trouvé que de minimes changemens à y introduire, les commissaires faisaient subir aux articles du titre IV, relatifs aux comités de surveillance, quelques modifications plus considérables, sur lesquelles nous nous étendrons dans le cours des débats. En résumé, le rapport était largement approbatif.

« Le projet de loi, disait M. Renouard, nous a paru simple, franc et pratique. Il admet et organise, avec une entière sincérité, dans l'instruction primaire, la liberté d'enseignement promise par la Charte; et nous avons aimé à y trouver un gage des améliorations qui seront introduites dans les autres parties de l'instruction publique, lorsque le législateur pourra enfin s'occuper complétement de cette matière difficile, qui intéresse à un si haut degré nos devoirs envers les générations futures. La Jiberté d'enseignement, même dans l'instruction primaire, en même temps qu'elle répandra dans le pays sa force fécondante, armera souvent, contre

Jes idées qui nous sont les plus chères à tous, des opinions et des influences ennemies sans cela, elle ne serait pas la liberté. Mais nous l'aimons ainsi, parce que nous avons foi en elle et en nous, et parce que nous savons que l'avenir appartient à la vérité. »

A l'époque où ce rapport fut présenté (4 mars), la Chambre était saisie de différentes questions qui la conduisirent à la fin de la session, sans qu'elle ait pu ouvrir la discussion sur le projet elle le retrouva donc tout préparé pour la mise en délibération, lorsqu'elle reprit ses travaux dans la session de 1833. La marche des débats fut rapide. Les considérations de principe avaient été tellement épuisées, elles étaient devenues si banales que les orateurs inscrits pour la discussion générale renoncèrent à la parole, de sorte que la discussion commença aussitôt sur les articles.

29 avril. Le premier paragraphe de l'article 1er, relatif à la division de l'instruction primaire en deux classes, fut adopté sans contestation; mais les autres paragraphes, concernant les matières de l'enseignement comprises dans les deux degrés, donnèrent lieu à quelques débats. Un amendement de M. Salverte, qui proposait d'introduire les notions des droits et des devoirs politiques parmi les matières à enseigner, 'fut assez vivement discuté. M. Salverte pensait que, par l'effet de cette omission, l'instruction primaire qui devait tendre à former des citoyens ne pouvait pas atteindre son but. Il s'étonnait d'avoir à signaler une pareille lacune dans le projet de loi...

« Je conçois, dit-il, que, dans les idées de l'empire, dans les idées de la restauration, on éloignât toute idée de droit et de devoir politique dans l'instruction. Mais je crois que, sous le gouvernement de juillet, sous une constitution qui tend à faire des citoyens et à étendre le plus loin possible leurs droits et leurs devoirs, l'instruction primaire manquerait son but, si elle ne faisait pas mention des premiers élémens de cette science, la plus nécessaire après la science de la morale. »

Appuyé et développé par M. Laurence, cet amendement fut combattu par MM. de Podenas et Renouard comme inutile et comme dangereux; comme inutile en ce que l'instruction morale portée au projet comprendrait les notions politiques qu'il était convenable d'inculquer aux enfans; comme

dangereux en ce qu'il pourrait détourner les instituteurs de leurs véritables fonctions et changer leur chaire en tribuue politique: l'amendement fut rejeté. La Chambre rejeta encore diverses autres propositions moins importantes, et tendant également, soit à introduire quelques matières nouvelles dans l'enseignement, soit à en exclure quelques

autres.

Après avoir successivement admis sans discussion les articles 2, 3, 4 et 5, la Chambre arriva (30 avril) à un amendement de M.. Vatout, ayant pour objet de soumettre à diverses formalités toute association qui voudrait former une institution primaire. Cet amendement était exclusivement dirigé, d'après les développemens de son auteur, contre la société des jésuites, et devait paralyser tous leurs efforts pour s'introduire dans l'enseignement et pour le vicier, Sigtialant l'esprit dangereux de cette société et sa persévérance à vouloir regagner le terrain qu'elle avait perdu, M. Vatout recommandait vivement sa proposition comme mesure d'urgence. Toutefois, MM. Delaborde et Renouard lai reprochèrent d'être contraire au principe même du projet de loi qui consacrait la liberté de l'enseignement, et au droit d'association. Le ministre de l'instruction publique ajouta . d'ailleurs qu'on trouverait les garanties nécessaires dans les lois existantes, en vertu desquelles toute association qui s'établissait était obligée de communiquer préalablement ses statuts à l'autorité. La Chambre rejeta l'amendement.

Naturellement peu animés, d'après la nature même des objets en délibération; tant qu'ils ne roulèrent que sur les trois premiers titres de la loi, qui furent adoptés par la Chambre tels que les avaient rédigés le ministre, à très-peu de chose près, les débats ne prirent quelque vivacité qu'à propos du titre IV, relatif à la composition et aux attributions des comités de surveillance.

2 mai. Le projet du gouvernement préposait à la surveillance de l'instruction primaire un comité communal com

posé du maire, du curé et de trois conseillers municipaux, et un comité d'arrondissement. La commission, consacrant le second de ces comités, était d'avis de supprimer le premier, que le maire et le conseil municipal remplaceraient. M. Jouvencel, rejetant l'un et l'autre système, voulait substituer à ces deux surveillances trop immédiates et trop éloignées, la surveillance intermédiaire, et pour cela même plus efficace, des comités cantonnaux créés par une loi de 1816, et déjà reconnus utiles sur plusieurs points du territoire. Combattu par M. Renouard et par le ministre de l'instruction publique comme inutile et impraticable, en ce que les comités cantonnaux n'étaient pas constitués pour la plupart, cet amendement fut rejeté. Restaient donc en présence le projet du gouvernement et celui de la commission. La question qu'ils donnaient à résoudre était, en dernière analyse, celle de savoir si, conformément au projet du gouvernement, les curés feraient partie du comité de surveillance, ou s'ils en seraient exclus, selon le vœu de la commission. Un discours de M. Mahul ouvrit cette discussion, qui futintéressante dans sa marche. et dans son résultat.

L'honorable membre se déclara pour le projet du gouvernement. Il invoquait l'expérience des pays étrangers, où l'instruction prospérait sous l'influence immédiate du clergé, et l'exemple même de la France, où les frères de la Doctrine Chrétienne avaient rendu tant de services à l'enseignement; il n'admettait pas la possibilité d'un système d'éducation prîmaire sans l'intervention ecclésiatique. Il reconnaissait que c'était chose grave sans doute d'introduire 30,000 curés dans l'enseignement, mais les en exclure ce n'était pas détruire leur influence forcée, c'était la provoquer au contraire à s'exercer d'une manière hostile. Toutes ces considérations furent reprises et largement développées par le ministre de l'instruction publique. L'exclusion des ecclésiastiques Iuí semblait un contre-sens législatif; elle lui paraissait en opposition manifeste avec l'esprit de la loi, qui voulait que

l'instruction fût morale et religieuse; or l'influence permanente d'un membre du clergé, du magistrat moral et religieux de chaque commune, était rigoureusement nécessaire pour que ce but pût être atteint. Car, disait le ministre, l'instruction morale et religieuse n'est pas une leçon, c'est l'atmosphère même dans laquelle les enfans doivent être élevés.

« Messieurs, ajoutait-il, prenez garde à un fait qui n'a jamais éclaté peut-être avec autant d'évidence que de notre temps: le développement intellectuel, quand il est uni au développement moral et religieux”, est excellent; il devient un principe d'ordre, de règle, et il est en même temps une source de prospérité et de grandeur pour la société. Mais le développement intellectuel tout seul, le développement intellectuel séparé du développement moral et religieux devient un principe d'orgueil, d'insubordination, d'égoïsme, et par conséquent de danger pour la société. (Assentiment dans plusieurs parties de l'assemblée. ) »

Le ministre s'efforçait de réfuter cette opinion généralement établie que le clergé repoussait l'instruction. Il fallait, au moins, admettre qu'une partie du clergé méritait d'être exceptée, et cependant l'exclusion, générale dans sa portée, devait comprendre les bons comme les mauvais pasteurs. Elle devait mettre tout le clergé de France en état de suspicion. Utile, nécessaire dans le comité communal; la présence du curé n'y pourrait d'ailleurs devenir dangereuse, puisqu'il y aurait toujours quatre voix contre la sienne, tandis que s'exerçant en dehors seule et sans discussion, son influence pouvait être fâcheuse.

« Messieurs, en pareille matière, continuait M. Guizot, il vaut cent fois mieux avoir la lutte en dedans qu'en dehors. S'il doit y avoir lutte, que le curé malveillant, hostile, soit obligé de venir dans vos comités, de prendre part à l'administration de l'instruction primaire. S'il n'y vient pas, il se met dans son tort aux yeux de tous les honnêtes gens, de tous les pères de famille sensés; et c'est à vous qu'appartient le bon côté de la question; c'est vous qui avez été libéraux, modérés, raisonnables; c'est le curé qui est violent, intolérant, exclusif.

« Par l'autre système, vous perdez tous les avantages de cette position. Vous manquez, permettez-moi de le dire, vous nanquez au principe fondamental de votre gouvernement, qui, dans les petites comme dans les grandes choses, dans les écoles comme dans les Chambres, en matière d'instruction primaire comme en matière de gouvernement, est d'amener toutes les opinions, toutes les influences, tous les intérêts, à vivre à côté les uns des autres, à se connaître, à traiter ensemble, à transiger; cette vie commune de tous les intérêts, de toutes les influences, de toutes les opinions, c'est là le principe de la Charte, de la liberté, de la discussion de la publicité, principe respecté, consacré par le projet de lọi tel qu'il

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