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aussi en engageant le gouvernement à la compléter par de bons réglemens, à féconder par de fortes mesures administratives les précieux germes qu'elle renfermait.

25, 27, 28 mai. Cette approbation que la commission accordait au projet de loi ne fut point ratifiée dans la discussion générale. M. le comte Boissy d'Anglas n'admettait la possibilité d'une bonne loi sur la matière, qu'à ces deux conditions: que l'instruction primaire fût complétement gratuite; que les méthodes d'enseignement fussent complétement changées, et le projet ne satisfaisait à aucune de ces deux exigences. M. de Montlosier critiqua, presque l'une après l'autre, toutes les dispositions, s'éleva surtout contre la participation du gouvernement à l'instruction religieuse. Mon attente et mes espérances, disait-il en concluant, sont trompées. Je ne conçois rien de plus flasque, de plus pernicieux que la présente loi. Je la repousse de toute ma conscience et de tout mon cœur.»>

La discussion des articles n'amena pourtant aucun des débats animés que pouvaient faire prévoir ces premières attaques. La Chambre, votant dans le sens de la commission, ne s'arrêta guère que sur l'amendement par lequel celle-ci proposait le rétablissement du comité communal de surveillance. La convenance de l'exclusion ou de l'admission du curé fut, comme elle l'avait été dans la Chambre élective, le point spécialement débattu. Appuyé par MM. le marquis de Laplace, le comte de Preissac, et M. Aubernon, l'amendement fut adopté; M. de Montlosier l'avait seul combattu, en prédisant à la Chambre qu'elle se repentirait un jour de sa condescendance. Après avoir encore introduit quelques modifications, dont les plus importantes étaient le droit attribué au comité communal de présenter des candidats pour les écoles publiques, et le pouvoir accordé au même comité de suspendre provisoirement un instituteur; après avoir rejeté aussi un amendement par lequel M. de Montalivet voulait restreindre le

droit rendu au ministre de l'instruction publique, d'instituer l'instituteur primaire, la Chambre votant sur l'ensemble du projet l'adopta à la presque unanimité (114 voix coutre 4) dans la séance du 28 mai.

Un seul des changemens apportés par la Chambre des pairs, celui qui rétablissait le comité communal de surveillance, semblait devoir rencontrer de l'opposition dans la Chambre des députés, qui fut de nouveau saisie de la loi le 1 juin. La rapporteur, M. Dumon, proposa, au nom de la commission (12 juin), de souscrire à ce rétablissement. Il demandait seulement d'en modifier la composition, en ce sens que les trois délégués du conseil municipal, que la Chambre des pairs y appelait indépendamment du maire ou d'un adjoint et du curé, fussent remplacés par un ou plusieurs habitans notables, à la désignation du comité d'arrondissement. Ce fut encore sur la question relative aux membres du clergé que roulèrent les débats, dans lesquels se reproduisirent avec la même vivacité (séances du 14 et 17 juin) les argumens déjà employés. Soutenue par MM. Jouffroy, de Sade, Coulmann et de Vatimesnil, et repoussée par MM. Laurence, Salverte, Eschassériaux, la présence de droit des curés dans le comité de surveillance se trouva consacrée par l'adoption de l'article tel que l'avait amende la commission. La Chambre revint également sur une autre de ses décisions primitives; d'accord avec la Chambre des pairs, elle rendit au ministre de l'instruction publique le droit d'instituer, qu'elle avait reporté sur le préfet; mais elle restreignit le pouvoir de présenter et de destituer conféré par les pairs au comité communal, en lui accordant seulement le droit d'intervenir auprès du conseil municipal pour la présentation, et auprès du conseil d'arrondissement pour la destitution. Adopté une seconde fois à la majorité de 219 voix contre 57 (le premier vote n'avait donné que 7 opposans), le projet fut immédiatement reporté à la Chambre des pairs, qui sanctionna sans discussion (22 juin) les amendemens

votés par la Chambre des députés. Ce n'est pas que ces modifications eussent été vues avec faveur. Tout en concluant à leur admission, le rapporteur, M. Cousin, avait déclaré qu'elles altéraient d'une manière sensible l'économie et l'esprit de la loi, qu'elles entraînerafent nécessairement des conséquences fâcheuses, et II votes négatifs repoussèrent la loi, tandis qu'un premier scrutin n'avait offert contre elle que 4 voix. Mais, comme les députés tout à l'heure, les pairs avaient cédé à la nécessité: une adoption pure et simple pouvait seule mettre enfin la France en possession d'une loi impatiemment attendue.

18 juin. La séance dans laquelle la Chambre des députés donna une seconde fois son suffrage à la loi sur l'instruction primaire fut signalée par une discussion d'une nature bien. différente, mais dont l'objet était aussi d'une haute importance pour le pays. Il s'agissait de la colonie d'Alger, sur la conservation de laquelle le gouvernement ne s'était jusqu'alors exprimé qu'avec une réserve dont il tardait à la France de le voir sortir. M. le maréchal Clauzel résolut par une interpellation directe de l'amener, s'il était possible, à une explication catégorique.

«Si je parle souvent, dit-il, trop souvent peut-être d'Alger à la Chambre, c'est que je m'en suis occupé beaucoup; c'est que je sais plus que tout autre l'avantage que la France pourrait retirer de cette belle possession, c'est que je suis convaincu qu'Alger peut être, doit être pour la richesse et la prospérité de notre patrie ce que les Grandes-Indes ont été, pendant plus d'un siècle, pour la prospérité de l'Angleterre. Voilà le seul, le véritable motif de ma persévérance à vous parler d'Alger. »

Convaincu de tous les avantages qu'aurait la colonisation, et sachant qu'on trouverait de nombreux moyens pour l'exécuter avec facilité, l'orateur déclarait qu'il ne discontinuerait pas d'agir pour qu'elle eût lieu, et croirait, s'il réussissait, avoir rendu un plus grand service au pays que par vingt batailles gagnées au coeur de l'Allemagne et de la Russie, et terminait en adressant au ministère ces trois questions : « Voulezvous sculement occuper quelques points sur la côte de la

régence d'Alger?-Voulez-vous coloniser Alger?— Voulez vous abandonner ou céder Alger? >>

M. le président du conseil répondit aussitôt que l'intention du gouvernement se bornait en ce moment à occuper trois points principaux sur la côte d'Afrique; mais qu'il serait possible, s'il y avait utilité, soit pour la défense, soit dans l'intérêt de la France, que deux ou trois autres points fussent aussi occupés; il n'y avait rien d'arrêté, rien de résolu, tout cela pouvait être fait. Quant à la colonisation, le gouvernement voulait la favoriser de toutes ses forces, et si des compagnies se présentaient pour en faire les frais à leur compte, elles recevraient de lui la protection la plus efficace. Mais le gouvernement ne pensait pas qu'il fût dans l'intérêt de l'administration, qu'elle-même s'occupât de la colonisation.

« Enfin, continuait le ministre, l'honorable maréchal a demandé și l'intention du gouvernement était d'évacuer Alger. A cé sujet, je répéterai que le gouvernement n'a pris aucun engagement avec aucune puissance (marques d'adhésion); qu'il est entièrement libre de faire tout ce que l'honneur et l'intérêt de la France pourront exiger (Très-bien! très-bien'!), mais que jusqu'à présent il n'est pas entré dans sa pensée d'évacuer Alger (marques prolongées d'assentiment); que sa conduite dans ce pays et sur toute la côte d'Afrique est d'affermir l'occupation, et de n'y avoir rien à craindre contre tout venant. »>

. M. le maréchal Clauzel se montra satisfait de ces explications. Il était d'ailleurs convaincu depuis long-temps, depuis deux ans, que ce que le ministère faisait pour Alger valait beaucoup mieux que ce qu'il disait à la Chambre. C'est un point sur lequel nous aurons bientôt à revenir.

CHAPITRE X,

Projet de loi sur les attributions municipalès. -Projet de loi sur la garantie de l'emprunt grec.- Proposition relative au rétablissement du divorce. - Proposition sur les effets de la séparation de corps.—Projet de loi sur l'amortissement. Projet de loi relatif à l'achèvement des monumens et des routes.

Un projet de loi relatif aux attributions municipales, attendu depuis long-temps, et qui était le complément indispensable de la loi sur les conseils municipaux, votée en 1831, avait été présenté le 8 décembre à la Chambre des députés, où, après un rapport entendu le 25 mars, il fut l'objet d'une longue et laborieuse délibération (du 13 au 17 mai). On y vit aux prises l'esprit du gouvernement, dont les organes s'appliquèrent à défendre le régime de centralisation forte et compacte, établi par l'empire, et l'esprit favorable à l'émancipation des communes, qui voulait au moins alléger pour elles le joug d'une tutelle qu'elles trouvent quelquefois inutile, nuisible, ou absurde. Mais la clôture de la session ayant rendu ce travail inutile et comme non avenu, il serait sans objet d'en présenter l'analyse. Adopté par la Chambre des députés le 17 mai, le projet de loi fut seulement présenté à la Chambre des pairs le 10 juin, et le reste de la session s'écoula sans le ramener à l'ordre du jour.

On a vu dans notre Annuaire de 1832 (page 410), qu'en même temps que la France, l'Angleterre et la Russie avaient donné la couronne de Grèce au prince Othon de Bavière, elles s'étaient engagées à garantir un emprunt de 60 mil lions de francs à contracter au profit du nouveau royaume. Cet emprunt, d'après les termes du traité du 7 mai 1832, n'é

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