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légalité de la détention et de l'élargissement, et protestèrent contre l'interprétation donnée au vote de la Chambre sûr les pétitions relatives au premier de ces deux faits. MM. Barthe et Thiers présentèrent, au contraire, ce vote comme une autorisation accordée au gouvernement de persévérer dans la voie où il s'était engagé.

« Le gouvernement, disait le garde-des-sceaux, a pensé que, s'il est généralement vrai que le premier devoir d'un gouvernement, et surtout d'un gouvernement constitutionnel, était de maintenir la cité par la stricte exécution des lois, il est cependant vrai qu'il peut exister des circonstances rares, extrêmement rares sans doute, où un gouvernement doit, sous sa responsabilité, en présence de tous les pouvoirs de l'état, prendre sur lui de mettre les intérêts du pays au dessus de l'exécution de la loi.

« Cette responsabilité, il est des cas où c'est un devoir de l'accepter. Placé en présence des Chambres, lorsqu'il s'agissait d'un membre de cette famille déchue contre laquelle vous avez agi vous-mêmes par voie d'exception, le gouvernement a jugé que la détention de la duchesse de Berry ne devait pas être soumise aux formes légales. »>

Le ministre du commerce reconnaissait également que les lois avaient été violées dans les mesures appliquées à la duchesse de Berry; mais on ne pouvait nier que la raison d'état ne commandât de le faire; et cette nécessité admise, le gouvernement avait fait tout ce qui peut, en pareil cas, pallier la violation: il avait agi ouvertement, à la face de

tous.

« Dans ces circontances, disait-il en terminant, il n'y a qu'une chose à faire, c'est de présenter les faits avec franchise et de les livrer à la discussion. C'est ce que nous avons fait; nous avons exposé nos motifs, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de recommencer. On est venu dire à la Chambre : Les ministres ont violé la loi, et la Ghambre a passé à l'ordre du jour, ce qu'elle n'aurait pas fait si les ministres avaient été coupables. Si on nie que cet ordre du jour doive être interprété comme nous l'avons fait, je ne sais plus qu'une manière de procéder; la Chambre a ses droits, elle peut en user: mais ce n'est pas à nous à provoquer l'acte qu'elle peut faire.

<< Quand nous parlons de notre responsabilité, cela signifie que nous restons sur ces bancs en présence de nos adversaires, attendant les conséquences de tout ce que nous avons fait, et l'attendant avec un calme parfait, avec la sécurité d'une bonne conscience ; j'ose le dire, avec la certitude que, dans cette grande question, nous n'avons pas été inutiles à la sûreté et à la dignité du pays. (Très-bien! très-bien! Sensation prolongée.) »

Deux jours après cette discussion, à la suite de laquelle il ne pouvait d'ailleurs être pris de résolution, puisqu'une

proposition d'enquête vaguement faite par M. Salverte n'avait été ni développée ni appuyée, une ordonnance du roi (voyez l'Appendice), rendue sur un rapport du ministre de l'intérieur, levait l'état de siège des quatre départemens de l'ouest qui y étaient soumis depuis le mois de juin de l'année, 1832. Cette mesure venait d'être signalée par M. Garnier-Pagès, dans la séance du 10 juin, comme devant êire la conséquence rationnelle de la mise en liberté de la duchesse de Berry, cette mise en liberté donnant à penser que la situation de la Vendée n'était plus àlarmante pour le repos public.

Ce n'est pas ainsi qu'on en jugeait dans la Vendée même, où les habitans des campagnes connus par leurs opinions libérales continuèrent à être en butte, de la part des chouans, à des injures, à des attaques, à des traitemens qui plus d'une fois firent frémir l'humanité, et qui démontrèrent que la guerre civile avortée dégénérait en vengeance politique. Cet état de choses qui dura encore jusqu'à la fin de l'année, fut accusé avec énergie dans une délibération du conseil-général de la Loire-Inférieure.

« Les germes de la guerre civile, disait-il, ne sont point étouffés dans les départemens de l'Ouest. Les bandes, trop faibles pour lutter sur le champ de bataille, ont été dispersées, voilà tout. Mais leurs débris parcourent et désolent encore nos campagnes; l'esprit qui les avait organisées subsiste dans toute sa fureur; et au moindre embarras qu'éprouverait le gouvernement, ces débris, que le parti continue de stipendier, deviendraient les cadres d'une nouvelle insurrection.

« Il ne faut donc pas s'y méprendre: nous ne jouissons sous ce rapport que d'un simulacre de paix. Les élémens de la rébellion sont aussi vivaces qu'ils l'étaient l'année dernière, et, pour s'agiter de nouveau, ils n'attendent qu'une occasion favorable. C'est ce que nous révèlent assez les maneuvres du parti carliste et la réapparition audacieuse des bandes qu'il soudoie.

<< Cet état de choses est vraiment déplorable: la plupart de nos campagnes n'offrent aucune sécurité pour les hommes connus par leur attachement à l'ordre actuel : les menaces, le pillage, les mauvais traitemens et les assassinats sont les moyens d'un système de terreur qui paralyse jusqu'à l'administration elle-même, puisque, dans un grand nombre de communes, personne n'ose ni accepter de fonctions municipales, ni paraître aux élections! >>

Trois jours après l'ouverture de la session (29 avril), le

ministre des finances avait apporté à la Chambre des députés le projet de budget pour l'exercice 1834. Dégagé des services extraordinaires qui avaient grevé les différens budgets depuis 1830, ce projet présentait une réduction de 112,609,000 francs sur celui de 1833, et de 170,732,000 sur celui de 1832. Cette réduction était supportée en grande partie par le ministère de la guerre.

Les crédits demandés étaient fixés à 999,140,728 francs, qui, joints à 20,876,000 de crédits votés au budget de 1833, pour achèvement de canaux et de monumens publics, formaient un total de. 1,020,016,728.

Les recettes, évaluées sur les produits

des neuf derniers mois de 1832, et des

trois premiers de 1833, étaient portées à . 980,000,000. La balance des recettes et des dépenses présentait ainsi un déficit de..

. 40,000,000. Pour couvrir cette insuffisance des recettes, antérieure à la révolution de 1830, pour arriver enfin au rétablissement de l'équilibre, rétablissement qu'il déclarait être un devoir, le ministre des finances était d'avis de recourir simultanément aux deux moyens existans de combler un déficit, au crédit et à l'impôt, un système vrai ne pouvant s'appuyer que sur une combinaison éclairée de la puissance de cès deux moyens. Il proposait donc d'annuler 20 millions de rentes 5 pour 100 rachetées par la caisse d'amortissement et de demander à l'impôt les autres 20 millions nécessaires. Le ministre examinant alors par quelle nature d'imposition, par quelle contribution il convenait d'obtenir ces 20 millions, se livrait aux plus profondes investigations finan

cières.

«Des esprits spéculatifs, disait-il, encore imbus des fausses doctrines do l'école économiste, pensent que la fortune territoriale est trop ménagée en France, et que c'est sur elle qu'on doit rejeter le fardeau des subsides. Les faits et les chiffres prouvent leur erreur. D'abord la contribution foncière n'est pas la seule charge qui pèse sur la propriété il faut y ajouter l'impôt des portes et fenêtres, véritable supplément foncier; la contribution mobilière, qui est de même nature; les droits d'enregistrement, au

Ann. hist. pour 1833.

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moyen desquels le fisc prélève une partie du prix même de la propriété : il faut y ajouter enfin les impositions locales dont les propriétaires portent tout le poids. Ces redevances réunies s'élèvent annuellement à bien au-delà des quatre cents millions, c'est-à-dire que la fortune territoriale verse au trésor plus du quart de son revenu net, et cela indépendamment de sa part dans le paiement des impots indirects de tout genre. Y a-t-il là excès de ménagement? »

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Le ministre avançait qu'il n'y avait pas en France deux cents chefs de famille payant 10,000 francs de contribution foncière. Quant à la proportion dans laquelle les impôts indirects prenaient rang parmi les revenus publics, elle était à peine du tiers des dépenses inscrites au budget.

Moy

JADE

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Ces considérations décidaient M. Humann à faire porter l'augmentation sur les contributions indirectes et à demander à l'impôt sur les boissons 20 millions des 40 millions dont il avait été dégrevé. Prévoyant l'objection qu'on pourrait élever contre cette augmentation d'impôt, lorsqu'une annulation plus considérable de rentes rachetées suffirait pour rétablir la balance, le ministre déclarait qu'un plus grand sacrifice imposé à la caisse d'amortissement, en ôtant sa puissance, la rendrait incapable d'accomplir la pensée capitale du système financier actuel, le remboursement ou la réduction de la rente 5 pour 100.

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lui

«Il faut d'ailleurs envisager,ajoutait le ministre, notre situation financière sous toutes ses faces. Sans doute elle s'améliore, mais elle n'est pas dégagée d'embarras, Remarquez d'abord que la paix, quoiqu'elle se consolide chaque jour davantage, est encore la paix armée; n'oubliez pas que l'insuffisance du budget de 1833, la liquidation de l'ancienne liste civile et le traité conclu les Américains, nous imposeront des sacrifices; ne perdez pas de vue que les recettes ont été évaluées sur les produits d'une situation prospères et que le moindre accident peut les affaiblir; rappelez-vous que la suppression de la loterie, le revenu de l'état d'une de, qui aura lieu le 31 décembre 1835, diminuerà de millions. Enfin, quoique les dépenses de 1834. soient douvertes › par les recettes, il faut bien reconnaître qu'un budget n'est parfaitement en équilibre que lorsqu'il présente un excédant qui compensé l'éventualité des besoins supplémentaires. >>

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Des explications de détail sur les dépenses et sur les recettes, dont les sources étaient pour la plupart dans une voic prospère et progressive, terminaient l'exposé des motifs du ministre.

23 mai. Le projet de budget du ministère des affaires

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étrangères fut le premier mis en discussion. Ce projet n'offrait qu'un excédant de 80,000 francs sur le dernier budget, auquel il était d'ailleurs conforme, tant pour l'ensemble que pour les détails; aussi la commission n'avait-elle proposé, par l'organe de M. de Rémusat son rapporteur (11 mai), que le retranchement de cet excédant. La discussion générale fut peu animée. Les trois seuls orateurs que la Chambre entendit, MM. Saubat, de Corcelles et Gaillard, parlèrent dans le même sens. Tous trois reprochèrent au gouvernement de n'avoir pas compris la portée de la révolution de 1830. La discussion des articles. ne fut ni moins prompte ni moins calme. Après avoir rejeté deux amendemens de M. Auguis, tendant le premier à une réduction de 165,300 francs sur le chapitre de l'administration centrale, et le second à une réduction de 1,931,000 francs sur le chapitre du traitement des agens politiques et consulaires, la Chambre adopta le budget réduit à 7,198,700 francs.

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Basé, ainsi que la plupart des projets de budget pour l'exercice 1834, sur les dispositions arrêtées par la Chambre dans les divers budgets particuliers de 1833, celui de l'intérieur n'avait appelé l'attention de la commission d'examen que sur les différences qu'il présentait avec le précédent. Le chapitre relatif au service des lignes télégraphiques portait une augmentation de 111,000 francs, motivée par l'établis sement d'une ligne de jonction de Bordeaux avec Montpellier, et, par un embranchement nouveau de la ligne de Cherbourg sur celle de Brest. Reconnaissant l'utilité de ces travaux, la commission avait maintenu l'augmentation demandée: elle avait cru devoir en allouer aussi une autre de, 370,000 francs sur le chapitre des cultes. En revanche, elle proposait une réduction de 130,000 fr. sur les dépenses des gardes nationales. Le rapporteur, M. Duvergier de Hauranne, avait renouvelé, en outre (15 mai), des plaintes déjà élevées par la commission d'examen du budget

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