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de l'intérieur pour 1833, contre la confusion du matériel et du personnel dans certains chapitres, confusion qui les dérobait au contrôle régulier des Chambres. Il avait proposé un article additionnel tendant à opérer une meilleure classification.

28 et 29 mai. Aucun orateur n'étant inscrit pour la discussion générale, la délibération sur les articles avait commencé aussitôt et les trois premiers chapitres avaient été adoptés sans débats, lorsque M. Garnier-Pagès prit la parole sur le chapitre Iv, relatif aux dépenses secrètes de police. L'orateur se plaignit vivement des traitemens qu'on faisait subir aux condamnés politiques; il se plaignit de ce qu'on mettait sur le même rang des voleurs, des assassins et des hommes, disait-il, qui pour avoir bien ou mal compris une situation, n'en sont pas moins restés honnêtes gens. Il s'éleva contre la translation des détenus de SaintePélagie au Mont-Saint-Michel, prison dont il traçait le plus sombre tableau.

Le ministre du commerce et des travaux publics répondit qu'il y avait eu urgence de débarrasser Sainte-Pélagie et la Conciergerie des détenus dont elles étaient encombrées ; que le Mont-Saint-Michel n'était pas moins salubre que les autres prisons de France, et qu'il avait présenté au roi une ordonnance contenant un réglement qui concilierait autant que possible, en faveur des détenus, les droits de la justice et ceux de l'humanité.

Le débat ainsi engagé continua avec d'autant plus de vivacité, qu'il souleva l'incident que nous avons déjà mentionné relativement à la mise en liberté de la duchesse de Berry (voy. pag. 270). M. Mauguin et le général Lafayette reproduisirent les opinions émises par M. Garnier-Pagès sur la dureté du régime des prisons envers les condamnés politiques et sur l'insalubrité du Mont-Saint-Michel. Les ministres de la justice et de l'intérieur et M. Dupin développèrent ensuite les argumens déjà présentés par le ministre du commerce pour

la justification du gouvernement. M. Dupin repoussa fortement au nom de la justice, de l'ordre public et de la sûreté de l'état, les distinctions qu'on voulait établir en faveur des condamnés politiques : l'exécution d'un arrêt devait être une et non arbitrairement graduée.

« Ainsi, disait il, je ne vois d'une part que des exigences qui, je le répète, se dirigent contre la justice et contre les lois, autant qu'on voudrait faire une catégorie de privilégiés. On serait dans un cas exceptionnel, toujours louable, toujours, pour ainsi dire, sur un piédestal, par cela seul qu'on aurait été condamné politiquement! Dans mon opinion, un homme qui s'arme contre ses concitoyens, qui va jusqu'au meurtre et qui est condamné pour ce fait par le jury, n'est pas un criminel privilégié ; car si l'échelle des crimes se mesure sur le mal fait au pays, sur le trouble qu'on a porté dans la société, en un mot sur les conséquences du crime, pour moi un condamné politique ne pourrait pas être placé dans une catégorie privilégiée. (Adhésion.) »

Le chapitre relatif aux dépenses des cultes fut vivement discuté. M. Isambert, s'élevant contre le nombre des archevêques et des évêques, rappela qu'en 1831 et dans la dernière session, la Chambre, soit par l'organe d'une commission, soit dans le cours des débats, avait semblé accueillir avec sympathie le vœu public fortement prononcé contre la multiplicité des siéges épiscopaux. Il s'étonnait que le ministre n'eût pas tenu compte de ces faits, s'attachait à réfuter cette opinion que la France était liée dans la matière par les termes du concordat, et démontrait que les circonscriptions ecclésiastiques étaient tout-à-fait d'ordre temporel et par conséquent indépendantes du Saint-Siége. En conséquence, l'orateur déclarait appuyer de tout son pouvoir un article additionnel par lequel M. Eschassériaux proposait de ne point affecter de fonds à la dotation des siéges épiscopaux et métropolitains, non compris dans le concordat de 1801, qui viendraient à vaquer, jusqu'à la conclusion des négociations entamées avec la cour de Rome.

Avant de délibérer sur cette proposition, la Chambre rejeta successivement deux amendemens de M. Luneau, qui demandait que l'allocation des frais de tournée diocésaine, portée à 82,000 francs, fût laissée au vote du conseil

général des départemens et par conséquent retranchée du budget, et qu'une réduction de 100,000 francs fût faite sur les bourses des séminaires. La nécessité de ramener à un taux plus juste le budget des cultes accru outre mesuré depuis l'empire, avait été l'argument invoqué par M. Luneau et par MM. Isambert et Eschassériaux en faveur de cet amendement. Le ministre de l'intérieur, le rapporteur et M. Charles Dupin, qui les combattirent, avaient allégué, au contraire, que toutes les réductions possibles avaient été déjà faites, et qu'il était conforme à l'esprit de la révolution de juillet d'assurer au culte catholique les sommes nécessaires à son existence. Le dernier orateur avait établi, entre autres choses, que le traitement moyen des membres du clergé catholique n'était que de 875 francs. Deux autres amendemens du même député tendant à une réduction totale de 300,000 francs sur les dépenses de service intérieur des édifices diocésains et sur les frais de rétablissemens ecclésiastiques n'ayant pas eu un meilleur sort, la Chambre arriva à l'article additionnel de M. Eschassériaux.

Le but de cet article était de rentrer dans le concordat de 1801 et de faire rapporter la loi de 1821, en vertu de laquelle douze nouveaux siéges épiscopaux avaient été institués, avec faculté pour le gouvernement d'en créer trente

autres.

«La question, disait M. Eschassériaux, est donc de savoir si, non par des moyens brusques, mais en procédant avec modération, avec mesure, nous reviendrons au concordat que Napoléon avait établi dans des vues favorables au clergé français, ou si nous persisterons dans une législation qui a été conçue dans un esprit hostile aux libertés publiques, hostile aux libertés religieuses. »>

L'orateur s'étonnait que les négociations entamées depuis deux ans avec le Saint-Siége n'eussent pas encore reçu de solution. Il n'admettait pas que ces délais fussent des mesures de prudence prises pour ne point jeter de mécontentement et pour rallier le clergé au gouvernement. Ce n'était point là que le gouvernement devait chercher des appuis, mais bien dans l'opinion publique.

« En résumé, ajoutait-il, ou le gouvernement conserve les anciens principes, ou il veut rentrer franchement, loyalement, dans le concordat de 1801. S'il veut rentrer dans le concordat, il ne doit pas trouver mauvais que les Chambres lui prêtent leur appui ; l'autorité du roi constitu tionnel sera appuyée sur la volonté des Chambres ; c'est la France entière qui s'est prononcée, et je ne conçois pas que depuis deux ans, une manifestation de cette nature soit venue se heurter inutilement contre la ténacité du Saint-Siége.

Si, au contraire, le gouvernement à abandonné ses principes, s'il veut conserver les 80 siéges qui existent, qu'il vienne le proclamer hautement, et alors la Chambre ayant sa prérogative en main, verra s'il est de son devoir, s'il est de l'intérêt de la France, de persévérer dans une institution que réprouvent et la raison publique et la politique nationale.

« Dans l'un ou l'autre de ces deux cas ma proposition est nécessaire : dans l'un, elle aide le gouvernement; dans l'autre, elle combat une funestè tendance. »

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Le ministre de l'intérieur et des cultes objecta que l'article serait préjudiciable plutôt qu'utile aux négo ciations entamées. D'ailleurs, la loi de 1821 existait : il fallait donc qu'elle eût son effet et qu'on allouât les fonds affectés aux siéges nouveaux, sous peine de violer la Charte, qui disposait que le culte catholique devait être salarié, Le ministre des affaires étrangères déclara que la loi étant un traité entre la France et le Saint-Siége, ne pouvait être résiliée que par une convention à l'amiable entre les deux parties. MM. de Grammontet Dupin abondèrent dans ce sens. Ce dernier pensa que les Chambres avaient eu tort de constituer le gouvernement plénipotentiaire pour traiter en 1821 avec le Saint-Siége, mais que cette aliénation de prérogative ayant été faite, la loi avait été légalement rendue, et par conséquent qu'il la fallait subir. Néanmoins, appuyé fortement par MM. Salverte et Luneau, l'article fut adopté à une seconde épreuve. Ce vote était remarquable, d'abord en ce qu'il était rendu contre le vœu nettement avoué du ministère, ensuite, en ce qu'il était la contre-partie d'un vote par lequel la majorité, faible il est vrai, avait repoussé dans la session dernière une proposition conçue dans le même esprit. Votant ensuite sur l'ensemble du budget du ministère de l'intérieur, la Chambre l'adopta, et ouvrit aussitot la discussion de celui du ministère de l'instruction publique.

La réduction demandée sur le chiffre total de ce budget ne montait qu'à 10,000 francs: cette somme devait former le traitement du successeur que le ministre se proposait de donner à M. Cuvier dans le conseil royal de l'instruction publique. La Chambre prononça la réduction à une majorité peu considérable et adopta le budget ainsi réduit à 3,575,983 francs.

La discussion du budget du ministère de la justice ne fut guère moins rapide. Élevé à 18,618,870 francs, il présentait une augmentation de 267,505 francs sur le budget de 1833. La presque totalité de cette augmentation était destinée à porter le traitement des cours royales de cinquième classe au même taux que celui des cours royales de quatrième classe et le traitement des premiers présidens et des procureurs-généraux au taux proposé par les commissions de finances de 1832 et de 1833, taux supérieur au chiffre qu'avait alloué la Chambre. Des motifs de convenance et d'équité avaient décidé la commission, quoiqu'à une faible majorité, comme le déclarait M. Dumon dans son rapport (2 mai), à ratifier ces demandes. Elle n'avait d'ailleurs trouvé que de minimes réductions à proposer sur ce budget, absolument conforme à celui de 1833. Elle renouvelait seulement le vœu déjà exprimé par plusieurs commissions, qu'une réforme s'opérât dans l'organisation des des cours royales.

30 mai. La Chambre arriva tout de suite à la délibération des articles. Une longue contestation s'engagea relativement aux augmentations réclamées en faveur des cours royales de cinquième classe, ainsi que des premiers présidens et des procureurs-généraux. M. Havin les combattit avec force. Il invoqua les deux votes déjà rendus par la Chambre, en s'étonnant que le ministère revînt encore à la charge.

L'orateur, quant au fond de la question, ne croyait pas que la dignité du magistrat se mesurât sur le chiffre du traitement. C'était calomnier l'époque que de dire que la mo

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