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les moyens de combattre efficacement la fraude qui compromet les produits de l'impôt, eut le sort d'un autre projet réclamé, attendu impatiemment depuis nombre d'années, sur l'organisation du conseil d'état, el qui, après avoir été présenté le 15 mai, ne fut pas même l'objet d'un rapport de la commission chargée de l'examiner.

Autant en advint à peu près d'un projet destiné à ouvrir des crédits au ministre des finances en exécution du traité du 4 juillet 1831, d'après lequel une somme de 25 millions devait être payée par la France aux États-Unis en six termes annuels. Ce projet déjà présenté sans résultat dans la dernière session, l'avait été de nouveau le 11 juin, dans celle-ci, et renvoyé à une commission, qui fit déclarer, le 17, par M. Delessert, que l'époque avancée de la session ne lui permettait pas, attendu le grand nombre des pièces et documens qui s'y rattachent, de faire un rapport définitif sur cette importante affaire. De cette déclaration et de la courte discussion qui la suivit, on put conclure dèslors qu'on sentait dans la Chambre la nécessité d'examiner le traité du 4 juillet avec une attention toute spéciale, qu'il n'eut pas demandée sans doute, si l'on eût été plus géné-. ralement convaincu de la justice des réclamations des États-Unis. Nous verrons en effet ce projet reparaître dans la session prochaine, pour être rejeté par la Chambre après . une discussion solennelle, et entraîner un remaniement du ministère.

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Une proposition renouvelée de la session précédente, comme le projet de lui dont il vient d'être parlé, et qui fut ajournée de la même façon, avait été présentée le 8 mai par M. Laffitte, dans la vue, de faciliter le desséchement dés marais, en réformant la loi de 1807. Cette proposition, composée de 33 articles, et divisée en sept titres, était d'une telle importance, de l'aveu même de son auteur, qui réussit à la faire prendre en considération, dans la séance du 21 mai, malgré l'opposition de M. Jaubert, que la com

mission, dont M. Martin (du Nord) fut l'organe (19 juin), annonça, tant les intérêts qu'elle avait eus à concilier étaient graves, tant étaient nombreuses les questions que la proposition faisait naître, qu'après s'en être occupée avec soin, elle n'avait pu terminer son travail.

Une proposition tendant à libérer les imprimeurs et libraires qui ont déposé dans les magasins du gouvernement des livres et gravures pour sûreté des prêts à eux faits en 1830, moyennant l'abandon du dépôt, avait aussi été présentée le 4 mai, par M. Laffitte. Sur les 30 millions avancés au commerce d'après la loi du 17 octobre 1830, il y avait eu une somme de 1,284,000 fr. spécialement affectée à la librairie et à l'imprimerie, qui l'avaient obtenue en déposant pour 3,700,000 fr. de gravures et de livres. M. Laffitte demandait que ces objets fussent mis à la disposition du gouvernement pour être distribués dans les bibliothèques de département et autres établissemens publics. Le 30 mai, M. Vatout fit au nom de la commission qui l'avait examinée, un rapport favorable à cette proposition, sur laquelle il ne fut statué définitivement qu'en 1834.

Entre les diverses pétitions dont la Chambre élective a eu à s'occuper, celle par laquelle M. Hyde de Neuville, renouvelant une tentative avortée dans la Chambre des pairs (voyez page 205), demandait l'abolition du serment politique, et qui fut écartée par l'ordre du jour (8 juin), est la seule qui mérite d'être mentionnée ici.

En résumé, la session de 1833 avait eu des résultats importans : c'étaient d'abord un budget voté en temps utile, pour faire enfin, sortir les finances du provisoire, et ensuite des lois telles que celles sur l'organisation des conseils de département et d'arrondissement, et sur l'instruction primaire qui, bien qu'incomplètes et susceptibles d'améliorations que l'expérience devait indiquer, n'en répondaient pas moins à des besoins vivement sentis et à des voeux depuis long-temps exprimés. Une précipitation inouïe dans les

fastes parlementaires, et qui peut expliquer beaucoup d'imperfections, avait été d'ailleurs le trait caractéristique de la session et la condition absolue de la solution de plusieurs questions. législatives dont l'ajournement ne se fût pas prolongé davantage sans produire le plus fâcheux effet.

Considérés dans leurs rapports avec le pouvoir, les votes des deux Chambres n'avaient point présenté les mêmes nuances. Soit par le résultat des scrutins, soit par l'esprit d'ensemble des discours prononcés dans son sein, la Chambre des pairs avait manifesté une concordance parfaite avec les vues du ministère. La Chambre élective, au contraire, avait plusieurs fois suivi une autre marche, et gardé une allure plus indépendante. Non seulement le ministère n'avait, sur quelques points, remporté l'avantage qu'à un petit nombre de voix, mais sur d'autres il avait été battu complétement. Il était difficile que, se plaçant dans une.position différente vis-à-vis du ministère, les Chambres n'entrassent pas elles-mêmes en conflit. La vieille question du divorce n'avait pas été, entre elles, la seule cause de litige. Elles s'étaient mises de même en dissidence au sujet des matières religieuses, et nous les avons vues, dans la discussion des lois sur l'instruction primaire et sur l'organisation des conseils d'arrondissement et de département, prendre d'abord des résolutions diamétralement opposées. Enfin, relativement au budget, la Chambre des pairs avait accueilli avec faveur les protestations du ministre des finances contre la disposition introduite, sur la proposition de .M. Eschassériaux, dans le budget des cultes, et la commission d'examen les avait reproduites par l'organe de son rapporteur. Bref, s'il ne s'était engagé entre les pouvoirs aucune de ces collisions décisives qui entraînent un changement de système, il n'y avait pas eu non plus cette harmonie calme et profonde dont on doit induire que la politique en vigueur rallie, dans toutes ses applications, les suffrages de la grande majorité.

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CHAPITRE XII.

Projet de fortifications à clever autour de Paris.

Anniversaire des journées de juillet, — Procès de vingt-sept accusés d'attentat contre la sûreté de l'état. Manifeste de la Société des droits de l'homme.—Coalitions d'ouvriers.-Affaire des crieurs publics.-Démonstrations du parti légitimisté dans l'ouest et dans le midi. Voyage du roi en Normandie. Application de la loi sur l'instruction primaire. Législation consulaire. Elections des conseils de département et d'arrondissement. — Colonies: événemens à Alger, au Sénégal, à Cayenne, à la Martinique. - Coup d'oeil général sur la situation de la France à la fin de 1833.

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La tranquillité publique, qui s'était maintenue sans effort dans le cours des deux sessions, ne sembla pas aussi assurée pendant la dernière moitié de l'année. Le projet poursuivi par le gouvernement de fortifier Paris, quoique une loi sur la question fût encore à faire, parut d'abord devoir être la cause ou le prétexte de graves désordres. Cette question, que nous avons vu agiter à la tribune, avait été débattue par la presse avec une vivacité croissante. Entre les deux plans de fortifications proposés, une enceinte continue ou des forts détachés, le gouvernement s'étant prononcé pour le dernier, le langage de l'opposition avait redoublé d'énergie, et les forts désignés sous le nom proscrit de bastilles, avaient été représentés comme conçus dans une pensée de répression contre les habitans de la capitale, beaucoup plus que dans une pensée de prévoyance contre les ennemis du dehors. A l'appui de cette interprétation, un journal (le National) avait cité, au commencement de juin, un rapport que M. de Clermont-Tonnerre, ministre de la guerre, avait soumis au roi Charles X en 1826, rapport tendant à démontrer au gouvernement la nécessité de se ménager des positions fortifiées contre Paris en cas d'émeute, et dans ces considéra

tions developpées par un ministre de la restauration, on trouvait les motifs déterminans du ministère actuel. Ainsi commenté par les journaux de l'opposition de la capitale et par ceux des départemens, le projet avait jeté dans le public un sentiment d'inquiétude. On a vu que la Chambre` des députés l'avait implicitement condamné par un vote (14 juin), dans le cours de la discussion sur le budget de la guerre; le lendemain cependant, en exécution de résolutions antérieurement prises, le gouvernement avait fait procéder à des actes relatifs à l'adjudication des travaux des forts. L'opposition, rapprochant ces deux faits, invoqua le vote de la Chambre, redoubla ses attaques avec une nouvelle violence, et pendant les mois de juin et de juillet, des protestations menaçantes, mêlées d'encouragemens à la résistance et de promesses d'appui, furent adressées aux Parisiens de plusieurs points de la France.

L'approche des journées anniversaires de la révolution de 1830, qui allaient mettre le gouvernement et la population en présence et donner à l'opinion une occasion solennelle de se manifester, ajoutait encore à la gravité de ce débat. Aucun moyen n'était négligé par les adversaires du projet pour agiter la garde nationale, pour l'animer et la provoquer à quelque démarche, à quelque clameur hostile au pouvoir, et le cri: A bas les forts détachés, à bas les bastilles, lui était soufflé de toutes parts. En même temps l'on pouvait croire, à divers indices, que le parti républicain faisait ses préparatifs pour être en mesure d'agir, si une scission venait à éclater dans le sein de la garde nationale. Les circonstances prenaient ainsi un caractère alarmant, quelque fermentation se manifestait, et de sinistres prévisions commençaient à être assez généralement accueillies. Alors, le gouvernement, qui avait déjà protesté depuis long-temps par l'organe de ses journaux contre l'interprétation donnée à ses projets, et qui avait démenti les bruits sémés sur la continuation des travaux au mépris du vote

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