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-Le budget des recettes, voté par les Chambres de Belgique, était évalué à la somme de 86,037,982 francs, dont le ministère de la guerre devait à lui seul consommer audelà des sept huitièmes, le contingent de l'armée sur lẹ pied de guerre pour 1833, ayant été fixé à 110,000 hommes, non compris la garde civique mobilisée, et le budget de ce même ministère, présenté à la Chambre des représentans le 21 janvier, se montant à 70 millions de francs, savoir : 25 millions pour les besoins ordinaires, et 48 millions pour les besoins extraordinaires : ce dernier chiffre formait l'excédant de dépenses que le pays devait supporter, tant que les arrangemens polítiques qui resteraient à conclure avec la Hollande, n'auraient pas permis au gouvernement belge de réduire son armée au pied de paix, c'est-à-dire de 25 ou 30,000 hommes sous les armes.

23, 25, 26, 27, 28, 29 mars. Le budget de la guerre devint, dans la Chambre des représentans, l'objet d'une longue discussion où le systême ministériel fut accusé avec autant de violence qu'au mois de novembre der nier, comme si ce système n'était pas tracé par la force des choses, comme si l'opposition eût été capable d'en adopter un autre et surtout de l'imposer à l'Europe.

Le premier orateur entendu (M. H. Vilain xiv) expliquait la défaveur avec laquelle ce budget avait été accueilli par l'énormité de son chiffre, comparée à l'exiguité de ses services. C'était par une inconséquence bien funeste, et qui n'avait pu provenir que d'une fausse appréciation de la situation politique de la Belgique, que le ministère précédent,

dans la velléité bientôt abandonnée, de tenter un coup de désespoir, avait porté l'armée à plus de 110,000 hommes.

M. Osy croyait qu'avant de discuter les détails du budget, il était essentiel que la Chambre fût éclairée sur l'état des affaires extérieures du pays. Si la France et l'Angleterre s'étaient engagées à faire exécuter le traité du 15 novembre dans son entier, sans permettre jamais à la Belgique d'en finir elle-même, il ne voyait pas pourquoi elle devait continuer à tenir sous les armes une armée au-delà de ses forces, une armée qui épuisait le pays, qui ne serait jamais qu'une armée de parade et le déconsidérait aux yeux de toute l'Europe. Dans le cas contraire, M. Osy espérait que le gouvernement ne souffrirait plus d'intervention par terre, et que sans se lancer dans une guerre immédiate, il ferait respecter le traité imposé, et n'admettrait plus aucune concession. L'orateur avait vu les notes des négociations entamées et avortées jusqu'ici entre la France, l'Angleterre et la Hollande, et il déclarait que les propositions faites par les deux puissances à cette dernière étaient tout-à-fait contraires, non seulement aux intérêts de la Belgique, mais même au traité du 15 novembre. Il désirait savoir si le gouvernement s'était opposé à ces propositions.

A cette interpellation, le ministre des affaires étrangères répondit qu'il n'était pas possible d'assurer que les négociations obtiendraient une solution très-prochaine'; que toutefois, en supposant encore cette solution très-éloignée, la Belgique devait être tranquille en voyant ses droits défendus par les puissances intéressées à l'exécution du traité du 15 novembre. Le ministère avait livré à la publicité la note du 14 février, sa pensée étant tout entière dans cette note satisfaisante selon lui, et conciliant ce qu'exigeaient et les droits de la Belgique, et les circonstances du moment. On avait parlé d'entraves sur l'Escaut ; mais l'Escaut restait toujours libre pour les bâtimens neutres. Quant à la nécessité de maintenir l'armée sur le pied de guerre, elle était

évidente pour tous ceux qui, en suivant attentivement le cours des événemens, avaient pu sé convaincre que la situation politique du pays s'améliorait à mesure que son système militaire devenait plus fort. Désarmer avant d'avoir obtenu de la Hollande la reconnaissance de l'indépendance belge, ce serait rétablir un statu quo indéfini.

Après des discussions incidentes sur la communication des protocoles, sur la proposition faite à la Prusse au mois d'octobre dernier, par la France et l'Angleterre, de prendre le Limbourg et le Luxembourg sous le séquestre, sur les abus qui s'étaient glissés dans l'administration de la guerre et enfin sur les investigations auxquelles divers membres avaient été exposés de la part de la police, M. de Brouckère, rentrant dans la question politique, se plaignit d'abord de ce que le ministre des affaires étrangères n'avait donné à la Chambre que des nouvelles de gazettes, de ce qu'il n'avait débité que des phrases sonores, mais vides de sens.

«M. le ministre, ajoutait l'orateur, annonce pompeusement qu'il nous dévoilera son système sans rien dissimuler. Il consiste à respecter et à faire respecter les engagemens contractés; faire respecter c'est le but qu'on se propose, mais quel système emploierez-vous? Voilà ce que vous auriez dû nous dire... Mais je me trompe, il nous le dit: son système, le voici : attendre, temporiser, prendre patience. (On rit.)

<< Nous ne pouvons pas employer de moyens violens sans perdre l'alliance de l'Angleterre et de la France, et il ne faut pas nous y exposer. << L'Escaut est-il soumis à des entraves qui ruinent le commerce? Que faut-il faire? Nous plaindre aux cabinets de France et d'Angleterre, nous taire et prendre patience.

« Ferme-t-on la Meuse? Nous plaindre et prendre patience.

« C'est assez prendre patience; il est temps qu'on en finisse de ce système de crainte et de temporisation qui nous ruíne et nous déshonore.

« Si l'on veut continuer à subir le joug des puissances étrangères, je ne puis voter le budget, notre armée est inutile, nos protecteurs nous défendront en attendant qu'ils nous envahissent.

« Si l'on veut signifier à nos alliés que notre volonté est d'en finir dans un temps donnéet que nous sommes décidés à nous faire justice nous-mêmes, je voterai la somme nécessaire pour maintenir l'armée sur un pied de guerre, je ferai plus, je voterai les sommes qu'on nous demanderait pour l'augmenter. (Bien! très-bien.) »

Le ministre de la justice (M. Lebeau) répliqua aussitôt que le système ministériel était bien simple, qu'il était tout entier dans la note du 5 octobre portant que si au 3 novem

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bre la garantie donnée par les cinq puissances était stérile, la Belgique se croirait déliée de son engagement et en appellerait aux armes.

La' stabilité du gouvernement français, l'honneur de la Grande-Bretagne et de la France, l'honneur même des deux chefs de ces natious sont intéressés au maintien des mesures coërcitives.

<< Avons-nous les moyens de nous substituer aux mesures coërcitives de la France et de l'Angleterre? Avons-nous une marine puissante pour paralyser le commerce hollandais? Non, et aussi long-temps que nous n'aurons pas ces moyens, il serait imprudent de provoquer une reprise d'hostilités. Si le gouvernement s'abstient, c'est parce qu'il croit que les mesures coërcitives seront maintenues ; si elles venaient à cesser...

« M. Pirson. Elles ont cessé.

«M. le ministre de la justice. Non, elles n'ont pas cessé; mais si elles venaient à cesser, si alors le ministère ne faisait pas son devoir il mériterait tous les anathèmes qu'on pourrait lui lancer.

« On nous accuse de rester passifs et de souffrir les hostilités commises sur l'Escaut. Mais la France et l'Angleterre, qui ont aussi le sentiment de leur dignité, souffrent une prohibition absolue de leurs pavillons, consé quence légale de l'embargo mis sur les navires hollandais; et ce que souffrent la France et l'Angleterre, la Belgique serait-elle déshonorée en le souffrant?

« On dit que nous nous bornons à nous plaindre. Wais que fait la HolJande, lorsque des actes d'hostilités sont commis sur son territoite? Elle s'adresse à la conférence, et pourquoi ? Parce qu'il n'y a pas de relations établies entre les deux pays pour l'échange des notes diplomatiques. C'est le résultat de la force des choses.

« On regarde comme une anomalie de garder une armée de 130,000 hommes, alors que la diplomatic seule agit; mais que fait la France dont le territoire est couvert de bataillons? De la diplomatie. La France a 500,000 hommes, et elle fait de la diplomatie parce que la guerre ne se déclare que quand la diplomatie a décidé que toutes les voies conciliatrices sont fermées. »

M. Dumortier revint sur le traité du 15 novembre pour reprocher au gouvernement d'avoir toujours négligé de faire des réclamations en faveur de la Belgique, sous le rapport de la question territoriale et de la dette. Il fit encore une sortie violente contre la France qu'il accusa de fausseté, de mauvaise foi, en alléguant l'acceptation de la couronne belge pour le duc de Nemours par le cabinet de Paris, tandis que presque au même instant le prince de Talleyrand signait à Londres le protocole qui l'excluait du trône. L'orateur exprimait la crainte que la France ne forçat la Belgique à payer les frais de ses interventions, bien que le gouvernement belge cût déclaré à la France qu'il ne paierait ces frais en aus

cun cas: il terminait ainsi : « Avant de voter une armée de 130,000 hommes, je veux savoir si le gouvernement consentirait à une nouvelle intervention, s'il consentirait à laisser notre armée immobile spectatrice de la bravoure d'une armée étrangère, situation qui amenerait pour dernier résultat le partage ou la restauration. »

La bonne foi de la France et de l'Angleterre fut aussi fort vivement attaquée par M. Gendebien qui n'en ménagea pas davantage le ministère.

Après avoir réfuté le reproche fait au gouvernement d'avoir négligé d'obtenir des conditions meilleures que celles du traité du 15 novembre, M. Nothomb démontrait que la position de la Belgique n'étant pas purement défensive, pour tous les cas possibles, une armée forte et nombreuse lui était nécessaire, et que cette armée, par cela seul qu'elle existait, avait déjà rendu de grands services.

L'orateur ajoutait ensuite que les dernières proposition de la France et de l'Angleterre étaient en faveur de la Belgique qui aurait seule intérêt à prolonger le statu quo résultant de ces propositions, sans que la Hollande eût le droit de se plaindre, parce qu'il lui serait libre de le faire cesser en adoptant un arrangement définitif. L'orateur démontrait aussi combien l'embargo était funeste aux intérêts de la Hollande.

M. de Robaulx soutenait que depuis la régence jusqu'à ce jour, un système de peur, suggéré à ceux qui avaient été à la tête des affaires, par de faux amis, avait rendu la Belgique le jouet de la diplomatie, en la soumettant à une espèce de vasselage. « La preuve, disait-il, c'est qu'avant que la France et l'Angleterre nous eussent accablés de leur protection, nous comptions pour quelque chose, on nous craignait comme de mauvaises têtes. » Dans l'état actuel de l'Europe, l'orateur n'était pas d'avis de désarmer; mais d'un autre côté, admettre l'armée sur le pied de guerre pour toute une année, c'était favoriser encore pendant tout ce temps le système qui

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