Images de page
PDF
ePub

au roi, et là était consignée l'expression de ces deux principes, avec le serment de ne s'en détacher jamais.

» La question ainsi posée, je ne m'étonne pas que le ministère soit enfin intervenu; et avec lui, je vois apparaitre l'amendement que je combats, après vous en avoir signalé la source. Le ministère a manifesté son opinion par l'organe du ministre de la justice. S'il approuvait l'abrogation de la loi en tant qu'elle contient la confirmation des droits de la branche aînée de la maison de Bourbon, il résiste à l'abrogation, en tant que la loi sanctionne aussi le principe de l'inviolabilité des personnes royales. Et c'est dans ce sens que le ministre a dit : « On exprime un désir légitime, naturel, moral; c'est que dans la loi d'abrogation on trouve des traces de la fétrissure. »

» Il s'agissait donc de trouver un moyen terme entre abroger et ne pas abroger la loi. Il était difficile de concilier cette double tendance, il était difficile d'atteindre à cé double but. L'amendement de la Chambre des pairs a-t-il seulement répondu à cette double pensée ? Cette intention douteuse, qui veut et ne veut pas, sera-t-elle satisfaite par l'amendement? Je ne le pense point. »

En terminant, M. Berryer releva une assertion du gardedes-sceaux, qui, dans son discours à la Chambre des pairs, avait accusé la loi du 19 janvier 1816 d'être entachée d'hypocrisie : suivant lui, cette loi n'était pas hypocrite; elle était franche; elle défendait un principe, et le reproche devait être renvoyé à l'amendement qu'il combattait, car évidemment il y avait dans la loi présentée une scandaleuse opposition entre le fait et les paroles.

« Faire une loi, ajoutait-il, dont les paroles démentent la disposition, c'est un acte d'hypocrisie et de mensonge. La loi, telle que vous l'avez faite, seule, sans amendemens, au moins est franche et sans détours : elle convient, elle doit convenir à ceux qui ont le courage de la franchise de leurs opinions, et qui veulent résolument et avec intelligence l'abrogation de la loi de 1816. »

que

di

Dans sa réponse à M. Berryer, le garde-des-sceaux répéta la loi de 1816 avait été une loi de réaction et une loi hypocrite; quant à l'amendement, il affirma que M. Berryer s'était complétement abusé sur son esprit. En effet, que saient toute les feuilles du parti légitimiste ? L'abrogation de la loi de 1816 était regardée par elles comme un retour aux doctrines régicides, et lorsqu'on mettait dans la loi même d'abrogation une phrase, une qualification qui répondait à cette calomnie, à l'instant même cette phrase était encore combattue, et l'on prétendait qu'il y avait hypocrisie à l'avoir mise. Personne ne pouvait être dupe de cette tactique, d'ailleurs peu

nouvelle, et qui remontait à 1816, époque, où l'on évoquait si fréquemment le fantôme du régicide. Le ministre persistait donc à penser que la dernière rédaction de la loi devait réunir tous les esprits, et qu'en l'adoptant la chambre des députés ne montrerait pas moins de dispositions conciliatrices que la Chambre des pairs n'en avait montré en modifiant sa résolution.

Ensuite M. Cabet développa son amendement: il repoussait toute espèce de flétrissure jetée sur la révolution française et sur la Convention : la loi proposée lui paraissait une loi de réaction et de regrets qu'on voulait faire au profit de la dynastie déchue, une loi destinée à rétablir la lutte entre la restauration et la révolution de juillet. M. de Grammont parla, après M. Cabet, en faveur du projet; puis M. de Corcelles déclara qu'il retirait son amendement, ne voulant participer en rien à une disposition extra-légale et insolite.

L'amendement de la Chambre des pairs, ayant été mis aux voix, fut adopté à une forte majorité. Trente membres des extrémités, au plus, se levèrent contre. L'article ențier passa à une majorité à peu près égale, et le scrutin secret sur l'ensemble de la loi donna pour résultat 262 boules blanches contre 82 boules noires. Telle fut l'issue de cette longue discussion, qui menaçait de devenir insoluble, et dont les partis avaient habilement profité, comme d'un élément de discorde et de désorganisation.

Deux fois, pour s'occuper de cette loi urgente, et qui ne put néanmoins être achevée avant le retour de la journée funèbre, la Chambre des députés avait interrompu le travail de la loi sur les conseils de département et d'arrondissement. Dès le 15 septembre 1831 un projet concernant les conseils électifs avait été soumis à la Chambre des députés. La commission, chargée de son examen, y introduisit de nombreux amendemens; son rapport fut présenté le 11 avril 1832; mais la session législative s'étant brusquement terminée sous l'influence d'un fléau destructeur, le projet n'arriva pas jus

[ocr errors]

qu'à la discussion. Le ministère le reprit donc avec les modifications apportées par la commission et le présenta de nouveau dans les commencemens de la session suivante (8 décembre 1832).

Ainsi que l'annonçait M. d'Argout dans son exposé des motifs, il n'était pas question de changer les bases de la loi, mais seulement d'en améliorer quelques dispositions. Les modifications principales se rapportaient au nombre des adjoints (art. 2), au choix des maires et adjoints (art. 3), au domicile réel de ces fonctionnaires (art. 4), à leur remplacement provisoire (art. 5), aux incompatibilités exclusives de ces fonctions (art. 6): plusieurs autres articles avaient encore reçu des changemens. Le projet ainsi modifié passa par l'examen d'une commission, dont trois membres seulement avaient coopéré au premier travail, et M. Gillon, auteur du rapport présenté le 11 avril de l'année précédente, fut chargé du nouveau rapport, qu'il lut à la Chambre dans sa séance dų 5 janvier. Sans entrer dans la multitude de détails qui composaient l'économie de la loi, et pour lesquels il renvoyait à son rapport du 11 avril, M. Gillon ne s'attachait qu'à en fixer les principes fondamentaux : à leur tête il plaçait la conservation des conseils d'arrondissement, résolue affir mativement par l'article 1a. ; ensuite il passait en revue les questions relatives au nombre des membres des conseils généraux, au mode de leur élection, aux conditions de leur éligibilité : enfin, il examinait les diverses dispositions communes aux conseils généraux et aux conseils. d'arrondissement.

[ocr errors]

7 janvier. La discussion générale sur une matière si souvent traitée depuis quatre ans, offrait peu d'intérêt ; elle eut aussi peu d'étendue. Trois orateurs seulement furent entendus, M. Bresson contre le projet, MM. Emmanuel Poulle et Merlin en sa faveur; après quoi, la Chambre ferma la discussion.

9 janvier. La seconde séance consacrée à ce projet ne fut pas moins importante au fond, que curieuse dans la

forme. On y agita la question des conseils d'arrondissement, question fameuse depuis qu'elle avait amené la retraite du ministère Martignac, et par suite la chute d'une dynastie. On y vit les chefs de l'opposition se diviser, et réclamer les uns le maintien, les autres le rejet des conseils dont l'existence était mise en problême. Beaucoup de ceux qui les avaient attaqués le plus vivement en 1829, ne les défendaient pas avec moins d'opiniâtreté aujourd'hui.

L'article 1er du projet du gouvernement était ainsi conçu: « Il y a dans chaque département un conseil général. »

La commission avait proposé sur cet article la rédaction suivante: « Il y a dans chaque département un conseil général, et dans chaque arrondissement de sous-préfecture un conseil d'arrondissement.

« Nul ne peut être à la fois membre de plusieurs conseils généraux, ni de plusieurs conseils d'arrondissement, ou d'un conseil général et d'un conseil d'arrondissement. ▾ Sur ce même article, l'amendement suivant avait été proposé par M. Bérard : « Il y a dans chaque département un conseil général et autant de conseils cantonnaux qu'il y a de cantons.

« Nul ne peut être à la fois membre de plusieurs conseils généraux, ni de plusieurs conseils de canton. >>

Un second amendement, de M. Foy, portait : « Il y a dans chaque département un conseil général, dans chaque arrondissement de sous-préfecture un conseil d'arrondissement, dans chaque canton un conseil cantonnal. »

Dans la rédaction du gouvernement, il n'était question que d'un conseil général : on avait placé sous un autre titre les conseils d'arrondissement. La commission avait jugé plus convenable de rapprocher, sous le titre de dispositions gếnérales, des articles qui, dans le projet du gouvernement, se trouvaient sous des titres divers, et elle avait proposé de dire, dès l'article 1", qu'il y aurait dans chaque départe

ment un conseil général, et dans chaque arrondissement de sous-préfecture un conseil d'arrondissement.

M. Bérard occupa le premier la tribune et soutint que, dans l'état actuel des choses, les conseils d'arrondissement étaient une véritable superfétation.

« La loi qui nous occupe, dit-il, n'est point une loi politique: c'est une loi d'intérêt à la fois général et local. J'écarterai donc soigneusement de la discussion tout ce qui ne se rattacherait pas à ce dernier point de vue. Je demande la permission d'établir brièvement quelques principes, afin d en déduire les conséquences.

« L'intérêt de la défense, celui de la conservation, ont créé l'être collectif que l'on appelle commune. Cet être, réel et défini, a une existence qui lui est propre, des droits et des besoins qui tiennent à sa nature: il lui faut donc un mode de représentation qui soit en rapport avec lui.

« Les relation's d'un voisinage plus ou moins immédiat font naître une autre classe d'intérêts, et ces intérêts ont aussi leur communauté moins directe, il est vrai, que celle de la commune proprement dite, mais non moins certaine, non moins effective. Ces intérêts de voisinage ont donné lieu à la création des cantons, c'est-à-dire à la réunion d'un certain nombre de communes ou contiguës ou très-rapprochées, placées dans des situations analogues, ayant des besoins plus ou moins identiques.

[ocr errors]

Après avoir envisagé la société en quelque sorte par sa base, si nous nous élevons jusqu'à son sommet, nous y trouvons un gouvernement chargé par l'universalité des citoyens de veiller sur leurs intérêts, et obligé de diviser et de déléguer sa surveillance pour la rendre possible ou du moins facile. La nécessité de cette division a, dans notre pays, créé l'unité administrative que l'on nomme département. Le lien qui unit les diverses parties d'un département n'est pas de la même espèce que celui qui rassemble les citoyens d'une commune ou les communes d'un canton. Ce dernier, ainsi que nous l'avons dit, tient à quelque chose de matériel et de positif L'autre s'applique à un ordre d'idées différent. Il repose sur la nécessité de donner, à une étendue assez grande de pays et à un nombre assez considérable de citoyens, une même impulsion politique et une semblable direction administrative.

« Les intérêts que je viens de définir ont besoin d'être représentés, et ils le sont dans la commune par un conseil. municipal, et au chef-lieu du département par un conseil-général; mais dans le système du projet de loi les intérêts cantonnaux n'ont point d'organes, et on en donne, au contraire, à l'arrondissement, c'est-à-dire, à une agrégation de cantons qui souvent ont des intérêts distincts, quelquefois des intérêts opposés...

« Je ne nierai pas l'utilité des arrondissemens considérés sous le rapport purement administratif. De même que le chef du gouvernement est obligé de diviser son pouvoir entre un certain nombre de préfets, de même aussi ces préfets peuvent ne pas suffire à administrer seuls leurs départemens, et des délégués, plus ou moins nombreux, peuvent leur être indispensables. Mais ces délégués ne participent pas au pouvoir qui les institue ; ils instruisent les affaires, ils préparent les décisions, ils ne décident pas.

« Je ne comprendrais, je l'avoue, l'utilité d'un conseil auprès de ces délégués que si l'on assimilait au moins en partie leurs fonctions à celles des préfets, et c'est ce que l'on n'est sûrement pas tenté de faire. Le conseil d'arrondissement ne représente aucun intérêt matériel d'une manière

« PrécédentContinuer »