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de 1815, qui fixe les droits et les devoirs des membres de la Confédération. Les états dissidens pensaient que la Confédération ne pouvait pas désavouer les principes qu'elle avait elle-même proclamés, et rompre les traités qui garantissent l'intégrité du territoire suisse ainsi que sa neutralité perpétuelle. Ils pensaient encore qu'aucun nouveau membre ne devait entrer dans l'alliance que du consentement unanime de ceux qui la composent, et refusaient en conséquence de permettre que leurs députés siégeassent en diète avec ceux de la campagne de Bâle et ceux des districts extérieurs de Schwytz.

Dans la séance du 12 mars, la députation du Valais fit la motion que les députés de la campagne de Bâle ne fussent pas admis; et l'ayant vu rejeter, elle annonça qu'elle se trouvait forcée de quitter la diète. Malgré cette nouvelle désertion le parti qui siégeait à Zurich comprenait encore les représentans de seize états et demi : plus homogène ce parti eût été imposant; mais plusieurs cantons se désunirent bientôt, de manière qu'il fut impossible aux réformateurs de compter sur eux.

Des invitations, des sommations, furent adressées à différentes reprises par la diète aux cantons dissidens, d'envoyer leurs députés à Zurich : tout fut inutile. Alors la diète ne jugea pas devoir laisser plus long-temps les districts extérieurs de Schwytz dans la position incertaine où ils étaient prenant en considération qu'un accommodement n'avait pu être conclu entre les deux parties de ce canton, elle reconnut son état politique actuel, sous la réserve d'une réunion postérieure, et accorda aux deux parties le droit de se faire représenter dans l'assemblée fédérale, chacune par une demi-voix. Dans la séance du 13 mai, la diète aborda la discussion du nouveau pacte, tel lui qu'il était revenu de sa commission de révision, considérablement modifié dans le sens des opinions exprimées par les conseils cantonnaux. C'est

ce qu'il avait été facile de prévoir en présence de l'indifférence des uns sur cette grande question, et de l'opposition opiniâtre des adversaires de la révision. Aussi la diète y procéda-t-elle avec une incertitude de vues et une intention de ménager tous les intérêts contradictoires, qui firent que son œuvre s'éloigna notablement du projet de

Lucerne.

La première question était de savoir si l'on avait entendu faire de la Suisse une confédération ou un état fédératif, question élevée par l'art. 1er du projet de Lucerne. Cette difficulté avait entièrement disparu. Le projet de Zurich portait: Les cantons unis par la présente alliance forment dans leur ensemble la Confédération suisse. L'expression de confédération indissoluble avait été également retranchée du même article.

L'art. 8 déclarait nettement. que les traités sur des objets de législation, d'ordre judiciaire et d'administration, que les cantons viendraient à conclure entre eux, pourraient être mis à exécution sans l'autorisation préalable de l'autorité fédérale. La Confédération aurait seulement la faculté de s'opposer à ces traités dans le cas où elle reconnaîtrait qu'ils renferment des dispositions contraires au pacte ou aux droits des autres cantons. Les traités des cantons avec les états étrangers devraient être présentés à la suprême autorité fédérale avant l'échange des ratifications; mais, tandis que le projet de Lucerne n'exceptait de cette règle que les traités purement financiers, pour des fournitures de sel et de blé, le projet de Zurich en exceptait encore les conventions relatives aux postes.

En fait de péages, de droits de transit et de consommation, la souveraineté cantonnale voyait disparaître toutes les restrictions auxquelles le projet de Lucerne lui proposait de se soumettre. L'état actuel des choses était garanti. La révision fédérale des péages, le tarif uni

forme à imposer par la diète se. trouvaient au nombre des dispositions rejetées. Les droits d'entrée cantonnaux étaient maintenus; les articles 17 et 19 tendaient seulement à une centralisation limitée. Le premier donnait à la Confédération le droit d'enquête pour s'assurer que les cantons ne perçoivent aucun péage qui n'ait été approuvé par la diète. D'après le second, les autorités fédérales seraient chargées de faire tous leurs efforts pour déterminer les cantons à pourvoir par des concordats aux intérêts du commerce, surtout en ce qui concerne le

transit.

La centralisation des postes avaient été exclue du projet de Zurich. Quelque utile qu'elle pût paraître, elle aurait mis sans cesse l'autorité fédérale aux prises avec les gouvernemens cantonnaux, et n'aurait eu une issue favorable qu'autant qu'elle aurait été votée par une grande majorité. Or, cela n'était point à espérer. Le nouveau pacte renvoyait donc éventuellement à des concordats toute la question de centralisation. Ainsi la souveraineté cantonnale conservait, même à cet égard, sa pleine et entière liberté. A la vérité on avait attribué (art. 20) à la Confédération un droit d'inspection sur les postes; mais comme il était décidé que la loi qui devait déterminer le mode et l'étendue de cette inspection ne pourrait être discutée et votée que par une diète instruite (1), la souveraineté cantonnale n'avait encore ici aucune raison de s'alarmer.

L'art. 29 disposait que lorsque les revenus ordinaires de la Confédération seraient insuffisans, les cantons qui jouissent de la régale des postes verseraient dans la caisse fédérale une portion qui pourrait s'élever jusqu'au quart du produit net de leurs postes. La diète, par là, avait voulu satisfaire, et ceux qui attachaient un grand prix à

(1) C'est-à-dire dont les députés auraient reçu à ce sujet de leurs gouvernemens respectifs des instructions dont ils ne pourraient pas s'écarter.

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la centralisation des postes comme moyen de soulager les cantons pauvres, et ceux qui la combattaient par d'autres raisons que par la raison d'argent.

La question des monnaies reçut à Zurich une solution toute nouvelle. L'établissement du système monétaire français, proposé par la commission de Lucerne, n'avait pas été accueilli favorablement dans les cantons orientaux, où le commerce se fait principalement avec l'Allemagne, Cet obstacle était levé. On avait trouvé qu'en adoptant comme livre suisse une pièce de 21 grains d'argent fin, il en résulterait, à une trèsminime fraction près, que trois livres et demie seraient égales à 5 francs, et que la livre suisse formerait le juste 'équivalent d'un écu de Brabant. Cet expédient avait été saisi avec empressement par la commission de Zurich: l'article 21 développait le système monétaire dont il est la base; système qui donnait à la Suisse une monnaie uniforme, en rapport exact avec la monnaie française et la monnaie allemande.

Quant aux forces militaires de la Confédération, le projet de Zurich ne faisait que reproduire à peu près ce qui existait. Le chiffre restait le même : 67,516 hommes; celui de la réserve restait également fixé à la moitié de l'élite. Les troupes conserveraient la cocarde cantonnale. L'instruction des recrues était laissée aux cantons; la Confédération ne se chargeait que de l'instruction supérieure et de celle des offieiers et sous-officiers de l'élite. Ce n'était done au fond que l'ordre de choses établi. La disposition la plus utile du projet était celle qui tendait à empêcher que les lois militaires. des cantons fussent désormais en opposition avec l'organisation générale de l'armée de la Confédération (art. 27). Le but du projet n'était pas d'augmenter la force de cette armée, mais de la rendre réelle, disponible et plus apte au service auquel pourrait l'appeler la défense du pays.

En évaluant à 350,000 francs l'instruction et les autres dépenses militaires, on avait, pour se procurer cette somme,

les intérêts du fonds capital et les droits d'entrée fédéraux, qui produisent environ 270,000 francs. Il resterait donc 80,000 fr. à demander au contingent en argent, en argent, c'est-à-dire moins que le sixième. Ainsi l'appel du quart du revenu des postes devenait très-improbable, et, à plus forte raison, l'appel d'un second sixième du contingent en argent (art. 29). D'ailleurs on ne devait pas oublier 1° qu'il ne pouvait être porté au budget que les dépenses autorisées par les lois fédérales ou par des décisions spéciales de la diète (art. 49); 2o que la mise sur pied de l'armée en tout ou en partie l'intervention armée dans un canton, la révision de l'échelle des contingens et la création d'emplois fédéraux permanens, ne pouvaient être décrétées que par une diète instruite, (art. 52); 30 que la nomination de nouveaux agens diplomatiques, la fixation des traitemens des fonctionnaires fédéraux et l'allocation des crédits extraordinaires, ne seraient valables et exécutoires que par la ratification des cantons (art. 54).

L'article relatif au libre établissement des Suisses dans chaque canton avait fait aussi des concessions aussi larges que possible à la souveraineté cantonnale qui avait réclamé contre cet article, au nom de l'ordre et des mœurs.

On voit, par cette analyse, sur quels points la diète de Zurich avait dû plier devant les exigences de la souveraineté cantonuale. Quant à ce qu'il y avait de vraiment utile dans le projet de Lucerne, pour donner plus d'énergie et d'unité à l'autorité centrale, on le retrouvait dans celui de Zurich. Sous ce rapport, la création la plus importante était le conseil fédéral, destiné à donner à la Suisse un pouvoir exécutif stable, au lieu de ce pouvoir nomade qui, d'après le pacte de 1815 et l'acte de médiation, passait tour à tour de l'un à l'autre des trois cantons directeurs. La position du landammann, président né de ce conseil, élu pour quatre ans et rééligible pour quatre autres années, répondrait à peu près à celle du président des Etats-Unis de l'Amérique

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