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du nord. Les affaires du conseil se diviseraient en quatre départemens: l'intérieur, l'extérieur, la guerre et les finances.

Une innovation moins heureuse formait trois classes des affaires soumises à la diète : 1° celles pour lesquelles les cantons tracent des instructions à leurs députés; 2, celles qui après, décisions sans instructions préalables, sont assujteties à la ratification des cantons; 3° celles qui n'ont besoin ni d'instructions ni de ratification. Ainsi, pour les affaires les plus importantes, rien, sauf les cas d'urgence, n'était laissé à la spontanéité du député enchaîné, dans son indépendance et dans sa conscience, par ses instructions comme par un mandat impératif.

Mais enfin, avec toutes ses imperfections, le nouveau pacte était un progrès vers un meilleur avenir, et si nous nous en sommes occupé aussi longuement, sans considérer le sort qui lui était réservé, c'est qu'il ne peut manquer de servir de base et de point de départ à toute tentative de réformes ultérieures dans la constitution fédérale de la Suisse. A cé titre, les travaux des législateurs suisses de 1833 appartenaient évidemment à notre ouvrage.

En attendant la décision des conseils cantonnaux, à la sanction desquels le nouveau pacte fut soumis, la presse et le public en firent le sujet de leurs investigations. Les défenseurs du projet en conseillaient l'acceptation, non pas tant à cause de son mérite intrinsèque, que parce qu'ils y voyaient un moyen de sortir la Suisse de la position critique où elle se trouvait. Dans les rangs opposés, les réformateurs absolus qui appelaient une république une et indivisible, reprochaient à la diète de Zurich tous les sacrifices qu'elle avait faits à l'égoïsme cantonnal, et, se fondant sur la souverai neté du peuple, démolissaient, pièce à pièce, l'édifice qu'on avait élevé. La ligue de Sarnen et tous ceux qui se rattachaient au parti aristocratique ou stationnaire, repoussaient aussi le pacte, en haine de tout changement d'abord, ensuite pour sa tendance à la centralisation, et comme ne

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contenant aucune disposition concernant les affaires religieuses. Dans les cantons catholiques, on allait même jusqu'à lui reprocher d'émaner d'une diète où les votes des protestans avaient été en majorité.

Déjà plusieurs conseils cantonnaux avaient fait connaître leur opinion sur le nouveau pacte : ici, on l'avait accepté purement et simplement; là, il ne l'avait été que sauf la ratification des assemblées primaires; ailleurs, on l'avait rejeté; mais sa destinée définitive était encore incertaine, lorsque la diète ordinaire se réunit, le 1er juillet, à Zurich, sous la présidence de M. J. J. Hess. Pour la première fois, depuis 1816, tout le corps diplomatique, à l'exception de l'ambassadeur français, s'abstint d'assister à la séance d'ouverture. C'était un encouragement pour les cantons dissidens, dont les députés s'étaient réunis à Schwytz, le 26 juin, sur l'invitation d'Uri, et avaient adressé de nouveau une déclaration au vorort de Zurich, portant qu'ils ne prendraient aucune part à une diète où siégeraient des députés de Bâle-campagne et de Schwytz extérieur, et qu'ils ne jugeraient ni valables, ni obligatoires, les résolutions d'une assemblée ainsi composée, contrairement au droit et au pacte fédéral.

A Zurich, une première pensée domina dans tous les discours, la nécessité de jeter les bases d'une nouvelle alliance plus étroite, plus en harmonie avec les exigences du temps. On remarqua, comme un progrès, qu'aucun député n'avait fait entendre des plaintes déclamatoires contre l'esprit de l'époque et les réformes, ainsi qu'en 1831 et 1832; progrès qui tenait sans doute à l'absence des députés des cantons formant la ligue de Sarnen. Trois cantons seulement, Valais, Tessin et Appenzell, déclarèrent ne pouvoir concourir à la révision du pacte. Schaffhouse et les Grisons désiraient que la diète eût encore une fois recours aux voies de conciliation; cependant, dût leur vœu ne pas être pris en considération, ils n'en resteraient pas moins unis à

la Confédération et disposés à voter le nouveau pacte. Au reste, on faisait de toutes parts un appel à la concorde, à l'union : c'était en effet le besoin le plus pressant de la Suisse.

Sur tous les points du pays, les partis étaient en fermentation; mais nul autre ne s'agitait davantage que celui qui s'efforçait de faire repousser le pacte. Ce parti eut assez de crédit pour triompher dans le canton de Lucerne, celui-là même qui devait le plus gagner à l'adoption du nouvel ordre de choses: l'assemblée générale du peuple offrit une forte majorité pour le rejet, dans l'opinion que le pacte était destructif de la religion, parce qu'il ne garantissait pas les propriétés des couvens. Cette décision du peuple lucernois, en opposition avec celle de son grand conseil, était un fait grave le canton de Lucerne comptait parmi les plus éclairés, les plus dévoués aux principes libéraux, et sa détermination, par l'influence qu'elle devait avoir sur les autres cantons, décidait du sort du nouveau pacte; elle consommait sa ruine, à laquelle avaient également concouru l'aristocratie, le clergé, le radicalisme, l'indifférence publique et peut-être aussi des intrigues étrangères, OEuvre de transaction, il n'avait inspiré d'enthousiasme à personne ; il n'avait ramené aucun de ses ennemis.

Cet événement mit le comble aux embarras de la diète et aux divisions de la Suisse. Une conférence extraordinaire de députés, après avoir délibéré pendant deux jours, pour savoir ce qui restait à faire dans. la circonstance, se sépara sans avoir rien résolu. Deux opinions avaient été successivement soutenues : les uns voulaient sans délai recommencer les débats sur la révision du pacte, en se bornant à proposer quelques modifications au projet de Zurich, afin de pouvoir le représenter le plus tôt possible à l'acceptation des états. Le principe fondamental de cette partie de l'assemblée était que tout retard équivalait à une véritable défaite, pour les partisans du pacte. Le reste des députés était d'avis que pour le moment on laissât de côté

la question de la révision. La diète, persévérant dans les mesures de conciliation, et pour ne rien négliger qui pût ramener la concorde, avait décidé, sur la proposition des Grisons, qu'une conférence appelée à mettre un terme aux divisions qui affligeaient les cantons de Bâle et de Schwytz, se réuni rait le 5 août à Zurich. Les partisans de l'ajournement du pacte voulaient qu'on s'occupât d'abord de cette pacification. Ils estimaient d'ailleurs que le pacte, même révisé, ne serait guère moins mauvais que celui de Zurich, qui ne contenait aucun principe rationnel, aucune idée élevée. Pendant la délibération, on avait remarqué le plus grand désaccord sur les changemens à introduire dans le projet tel qu'il existait, et tout faisait prévoir que, bon gré mal gré, on resterait dans l'incertitude actuelle.

Mais le rejet du pacte à Lucerne, s'il avait entravé la marche des libéraux, avait au contraire rehaussé les espérances et doublé l'énergie de la ligue de Sarnen. Les menées aristocratiques furent plus actives que jamais; on se livra avec une nouvelle ardeur à des manoeuvres qui ne tendaient qu'à attirer sur la Suisse le malheur d'une intervention étrangère. Bâle-ville continuait ses enrôlemens. La guerre, tantôt cachée, tantôt ouverte, que ce canton et Neufchâtel entretenaient depuis si long-temps en Suisse, devait épuiser leurs ressources, et le parti populaire se demandait qui fournissait les fonds nécessaires pour alimenter tant de dépenses. Quoi qu'il en soit, l'occasion parut propice aux adhérens de la ligue de Sarnen pour en appeler à la force des armes.

Depuis quelques semaines les districts extérieurs de Schwytz étaient fortement travaillés par l'ancien pays; des vœux de réunion avaient été prononcés dans une ou deux communes; Schwytz intérieur avaitgagné quelques uns de leurs habitans à sa cause; mais un prétexte manquait encore pour l'entreprise projetée : il fut trouvé.

Le 29 juillet un individu qui colportait un écrit demandant que l'assemblée du peuple fût convoquée pour délibérer

sur la proposition de réunir le district de Kussnacht à l'ancien canton, fut soumis à un interrogatoire de la part de l'autorité locale. Il ne fit que des réponses mensongères, ou s'obstina à ne pas répondre. On l'avertit que s'il se refusait davantage à donner des explications sur sa conduite, il serait incarcéré. « Je serai bientôt délivré, répliqua-t-il. » En effet, son arrestation ayant été effectuée, on ne tarda pas à voir arriver sur Kussnacht, de quelques districts voisins, une soixantaine d'hommes armés de piques et de fusils. Entrés dans le bourg, ils durent se retrancher dans une maison où ils furent attaqués par des hommes du parti fédéral qui en eurent promptement raison.

Deux délégués d'une commune à laquelle appartenait une partie des assaillans, vinrent le 30 à Kussnacht, pour offrir leur médiation. Ils déclarèrent que si elle n'était pas acceptée, le gouvernement de Schwytz enverrait une force armée pour rétablir la tranquillité. Le landammann de Kussnacht répondit qu'il considérerait une pareille démarche comme un acte d'hostilité. Sur ces entrefaites on apprit que le colonel Abyberg marchait contre Kussnacht avec 600 hommes de troupes. Le magistrat du bourg donna aussitôt avis de cet événement au gouvernement de Lucerne, en réclamant sa protection. L'ex- avoyer Amrhyn, envoyé sur les lieux par ce gouvernement, rencontra le colonel Abyberg et lui fit observer que Kussnacht se trouvant en dehors du territoire de l'ancien pays, il n'avait aucun droit d'y pénétrer. M. Amrhyn protesta au nom de son canton et de la diète contre une agression contraire au droit des gens et qui portait atteinte au repos et à la neutralité de la Confédération. Le colonel Abyberg répliqua qu'il ne reconnaissait ni la diète ni ses actes, et qu'au surplus il attendait encore 2000 hommes qui viendraient le jour suivant renforcer sa troupe.

Malgré les protestations et les représentations de M. Amrhyn, le colonel continua sa marche, et le 31 juillet au

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