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réaction contre les chefs du parti vaincu. D'ailleurs Bâle et Schwytz choisirent d'autres députés, et donnèrent par là, aux exigences de leurs adversaires, une satisfaction qui dut calmer les esprits irrités.

Neufchâtel, où l'opinion dominante comptait sur l'appui du gouvernement prussien, se refusait à suivre l'exemple de ses alliés de Sarnen, et persista à ne point rentrer dans le giron fédéral. Là ne se borna point le corps législatif de ce canton : dans la séance du 28 août, après avoir déclaré qu'il ne pouvait reconnaître les décrets relatifs à Bâle et à Schwytz cómme fondés sur le pacte du 7 août 1815, il résolut de renouveler sa demande déjà faite en 1832, au roi de Prusse, pour être séparé de la Confédération helvétique. Mais ce qu'il y avait d'exceptionnel dans la position de Neufchâtel, canton républicain en Suisse, principauté monarchique en Prusse, n'empêcha pas la diète d'agir avec la même célérité, Ja même vigueur qu'à l'égard de Bâle et de Schwytz. Elle ne recula point devant un danger que ses milices, qui partout avaient couru aux armes et répondu avec tant d'élan à son appel, auraient écarté au besoin. Instruite de la décision prise par le corps législatif, à une grande majorité (67 contre ∙15, 2 s'étant abstenus), elle s'apprêta à traiter les Neufchàtelois en rebelles. Dans la séance du 3 septembre, elle prit un arrêté déclarant la résolution du 28 août inconstitutionnelle et non avenue; elle somma de nouveau le canton opposant de remplir ses devoirs fédéraux, en envoyant des députés à la diéte, et en se détachant formellement de la conférence de Sarnen. Si le 11, au plus tard, Neufchâtel ne s'était pas soumis, il serait occupé par les troupes fédérales. Le conseil de guerre fédéral fut, dès à présent, chargé de préparer toutes des mesures à cet effet. En conséquence, et sans attendre la réponse du corps législatif de Neufchâtel à l'arrêté du 3 septembre, des bataillons d'infanterie, des compagnies d'artil'leurs et de carabiniers se dirigèrent vers la frontière de ce canton, tout prêts à y entrer au terme fixé par la diète.

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Le chargé d'affaires prussien près la Confédération crut devoir venir en aide aux Neufchâtelois. Il adressa au vorort une protestation menaçante contre le décret du 3 septembre, en réservant de la manière la plus solennelle les droits du roi son maître, comme prince souverain de Neufchâtel, et comme co-garant de la neutralité reconnue par les hautes puissances à la Confédération suisse de 1815. II ajouta qué toutes les suites d'une atteinte aussi marquante portée au droit des gens et aux traités, devaient retomber sur ceux qui prêteraient les mains à son exécution.

Malgré cette protestation, le corps législatif de Neufchâtel jugea prudent de se soumettre, avec les restrictions et les explications d'usage pour se défendre de tout motif de crainte et de faiblesse. Il envoya deux députés à Zurich. Toutefois cette démarche consacrait, et par la teneur des instructions données aux députés et par la discussion qu'elle avait fait naître, un caractère provisoire que l'intention du gouvernement neufchâtelois avait été évidemment de lui imprimer. On attendait de Berlin la solution de la question de séparation. Le corps législatif espérait que cette question serait décidée selon ses désirs, et qu'alors ayant derrière lui la puissance prussienne, il serait de force à braver la diète. La protestation du chargé d'affaires prussien était de nature à confirmer Neufchâtel dans ses espérances; mais il se trompa sur tous les points.

En premier lieu, le vorort repoussa cette protestation, comme n'ayant pas le moindre fondement. Il déclara de plus que c'était bien plutôt à la diète à protester contre le droit que s'arrogeait le ministre prussien de s'immiscer dans les affaires intérieures de la Suisse, et notamment dans les rapports qui existent entre la Confédération et le canton confédéré de Neufchâtel, en vertu de l'acte de réunion du 19 août 1815. Le ministre prussien ne répliqua pas, faute d'être soutenu par son gouvernement, qui parut ne point considérer les affaires de Neufchâtel comme assez impor

tantes pour en faire un objet de complications nouvelles dans un moment où de grandes questions européennes absorbaient son attention. D'ailleurs, il s'en fallait que le projet de séparation eût pour lui l'unanimité des voeux dans le canton de Neufchâtel. Des pétitions contraires à ce projet avaient été couvertes d'une grande quantité de signatures et envoyées tant au roi de Prusse qu'à la diète de Zurich. Le cabinet de Berlin se décida, pour la seconde fois, à refuser d'appuyer le parti qui demandait la séparation. Dèslors toute opposition dut tomber de la part de Neufchâtel, et la victoire resta pleine et entière à la diète de Zurich.

Pendant ce temps-là, les difficultés dans les cantons de Bâle et de Schwytz avaient continué de marcher vers un dénouement pacifique. La séparation des deux parties du canton de Bâle s'opéra sous la médiation de la diète. Bâleville refit sa constitution: elle admit l'égalité des droits, étendit davantage le droit d'élection et reconnut la liberté de la presse. Schwytz adopta aussi une nouvelle constitution basée sur les principes les plus libéraux et qui mit ce canton à l'unisson des états régénérés depuis 1830. Toute chose étant rétablie sur un pied convenable dans les deux cantons, ils ne tardèrent pas à être délivrés du fardeau de l'occupation militaire.

Ainsi s'était complétement dissipé le nuage gros de tempêtes civiles qui avait long-temps obscurci l'horizon de la Suisse. C'est alors que le directoire, jetant un coup d'œil en arrière, remonta jusqu'à la cause première des événemens, dans une circulaire adressée le 18 septembre à tous les agens diplomatiques de la Confédération, en les chargeant de rectifier par son moyen, partout où cela serait nécessaire, des jugemens erronés et partiaux. Cette circulaire, remarquable par la sagesse des vues dont elle porte l'expression est un document précieux pour l'histoire de la Suisse en 1833 (voy. l'Appendice).

Cependant la question du pacte, qui avait disparu au milieu des discordes intestines de la Suisse, recommençait à occuper l'attention. Cette question avait été renvoyée par la diète à l'examen d'une commission sur le rapport de laquelle il fut résolu qu'il n'y avait pas lieu, eu égard aux votes émis par les cantons le 17 août dernier, à entamer pour le moment une nouvelle discussion du projet d'acte fédéral révisé, mais que les instructions cantonnales y relatives seraient communiquées à tous les états et qu'on attendrait leurs résolutions ultérieures.

C'était le dernier objet important que la diète eût à régler. Le 15 octobre, elle couronna dignement ses longs travaux par une proclamation aux Suisses, et se sépara le 16, victorieuse du parti aristocratique qui s'était insurgé à force ouverte contre ses décrets, et laissant au pays une tranquillité intérieure, qu'elle était parvenue à lui assurer par un mélange de fermeté et de modération rares dans les assemblées délibérantes, en usant, sans rigueur comme sans faiblesse, des pouvoirs que la constitution lui donnait.

CHAPITRE VII.

PIEMONT. Démêlés avec Tunis.

Découverte d'une conspiration.-Juge

ment des conspirateurs.- Exécutions. - Edit contre l'introduction des livres de l'étranger.

MODÈNE.-LUCQUES. TOSCANE.- Evénemens divers.

ETATS ROMAINS. Troubles sur plusieurs points. Finances.- Affaires extérieures.

DEUX-SICILES. Démêlés avec Tunis. Traité d'alliance entre Naples et la Sardaigne contre le bey. Conspiration contre la personne du roi.

PIEMONT.

Un officier du bey de Tunis s'étant rendu coupable d'une insulte grave envers un capitaine de la marine sarde, qui était arrivé dans le port de Tunis à la fin de l'été dernier, le gouvernement fit préparer, au mois d'avril, une expédition à Gênes, pour obtenir par la force une réparation qu'il avait en vain recherchée par la voie des négocia tions. Cette expédition, à laquelle s'étaient ralliés quelques bâtimens napolitains (voy. l'article des Deux-Siciles), était composée de treize voiles et ne portait pas de troupes de débarquement; car elle n'avait pour but que de bloquer le golfe de Tunis et d'inquiéter le commerce du bey, en capturant ses navires. Plusieurs bâtimens avaient été disposés en bombardes, et la flotte réunie était assez forte pour approcher de la ville, dont l'abord n'est défendu que par des batteries mal construites et en mauvais état. Cette démonstration énergique eut tout l'effet désirable : le bey accepta l'ultimatum du gouvernement sarde. Les conditions portaient que le commandant de la garde irait au consulat de S. M. déclarer, en présence du contre-amiral et des officiers de l'escadre royale, du corps consulaire, et de quatre négocians repré

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