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était celui qui supprimait le tribunal du légat, attendu, disait le préambule, qu'il est incompatible avec la Charte constitutionnelle de la monarchie portugaise, avec l'organi sation judiciaire, et que c'est une anomalie offensante pour la dignité nationale, les droits de l'épiscopat et les libertés de l'église lusitanienne, qu'il continue d'exister un tribunal présidé par un étranger, et composé de juges qu'il nomme lui-même, sans l'approbation de l'autorité royale, d'où résulte la monstruosité inouïe de voir des ecclésiastiques réguliers exerçant les fonctions judiciaires, contrairement aux dispositions formelles des lois du royaume et des canons de l'église.

C'étaient là autant de pas d'une hardiesse extrême, et qui firent craindre que don Pedro ne nuisît à sa propre cause, en se brouillant avec la cour de Rome (voyez plus haut, p. 500), en heurtant violemment les opinions religieuses; que ses réformes ne fussent trop tranchantes, et qu'il ne mît une sorte d'humeur despotique dans ses importations libérales. La nomination, au ministère, de Jose del Silva Carvalho (finances), de Candido Jose Xavier (affaires étrangères) et de Agostinho Jose Freire (guerre), tous trois disciples de l'école démocratique française; l'exclusion du duc de Palmella, malgré la faveur dont l'entouraient les gouvernemens de France et d'Angleterre, et de tous les autres hommes du parti modéré, la préférence constante avec laquelle on exécutait l'hymne constitutionnelle de 1820, dans les théâtres et dans les régimens, étaient représentées comme autant d'indices de la détermination d'imposer au Portugal un système que l'on croyait incompatible avec l'état de ses lumières, avec les vœux de la masse des habitans, avec la diversité des passions, des opinions et des intérêts.

Les cabinets de Paris et de Londres ne tardèrent pas à reconnaître le gouvernement de don Pedro, et à accréditer des ambassadeurs à Lisbonne; néanmoins, on ne peut douter qu'ils n'aient vu avec mécontentement les dispositions du

régent, jusqu'à désirer, peut-être, qu'un autre que lui achevât l'œuvre de la restauration du trône de dona Maria. Il n'est pas exagéré d'avancer qu'à cette condition l'Angleterre se serait sans doute décidée à employer ses soldats, pour en finir plus tôt avec don Miguel et l'expulser irrévocablement du Portugal.

Cependant les hostilités continuaient dans les Algarves et dans l'Alentejo. Des guérillas de couleurs opposées, et qui ne s'accordaient qu'en un point, le pillage et la dévastation, se donnaient mutuellement la chasse, occupaient et évacuaient tour à tour les villes et les villages, et se livraient à des excès également déplorables dans ces deux provinces, décimées par le double fléau de la guerre civile et du choléra. D'un autre côté, don Miguel cherchait à concentrer ses forces pour marcher sur Lisbonne. C'est dans ce but que les troupes du général Bourmont abandonnèrent, le 7 août, une partie de leurs positions devant Porto, qui commença ainsi à être délivré des misères de son long siége. La garníson compléta cette délivrance dans une sortie exécutée quelques jours après. Toutefois, les miguelistes, avant de se retirer définitivement, détruisirent une immense quantité de vin dans les magasins de Villa-Nova, et mirent ensuite le feu à ces magasins.

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A Lisbonne, le projet de don Miguel avait été prévu, et don Pedro se préparaît en conséquence. Comme il n'avait pas ásséz de monde pour occuper les lignes de Torrès-Vedras, il fallut nécessairement que la ville fût défendue dans ses propres limites. Les travaux consistaient en barricades, tranchées et batteries, disposées de manière à commander les approches. Partout où le terrain le permettait, on établissait des redoutes. Un grand nombre de travailleurs étaient employés à ces ouvrages, et la plupart annonçaient, par leurs dispositions, des volontaires pleins de dévouement. Les chemins, à une certaine distance hors de Lisbonne, furent morcelés, rompus, coupés, pour obstruer le passage

de la cavalerie et de l'artillerie miguelistes. Don Pedro, avec la persévérance et l'ardeur belliqueuse qu'il n'avait cessé de montrer depuis son arrivée en Portugal, faisait tous les soirs l'inspection des lignes, et, tout en marchant, adressait aux travailleurs des paroles d'encouragement. L'armée s'organisait et se renforçait de jour en jour. Vers la fin d'août le général Saldanha amena à Lisbonne une partie de la garnison de Porto. Le duc de. Terceira, qui s'était d'abord établi à Villa-Franca avec 6,000 hommes, se replia sur la capitale. Enfin, les bâtimens de la flotte avaient été disposés sur le Tage, pour concourir à la défense si l'occasion s'en présentait. Les forces de don Pedro étaient portées à 15 ou 16,000 hommes, dont la moitié de troupes régulières, et formée en grande partie, de ces mêmes soldats qui avaient si vaillamment défendu Porto, ou accompli l'expédition des Algarves. Tel était l'état de Lisbonne, lorsque les miguelistes, sous la conduite de M. de Bourmont, parurent devant elle dans les premiers jours de septembre.

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Le 5 de ce mois, après une légère affaire engagée la veille par leurs guérillas et qui n'avait eu aucun résultat, ils déployèrent des forces assez considérables pour faire une reconnaissance plus complète sur la ligne de l'armée constitutionnelle. Entre cinq et six heures du matin, ils s'avancèrent au nombre de 10 à 12,000 hommes sur six colonnes. Les troupes de don Pedro se retirèrent dans leurs retranchemens. Alors le feu commença de part et d'autre sur tous les points; il dura toute la journée, et la nuit seule arrêta ce combat, pendant lequel la tranquillité la plus parfaite avait régné dans la ville. Les deux armées conservèrent leurs positions respectives, en regard l'une de l'autre. Le lendemain, les miguelistes, sans revenir à la charge, se mirent à construire de nouvelles batteries. De leur côté, les assiégés redoublèrent d'activité et d'énergie pour achever leurs préparatifs de défense. La population de Lisbonne était toujours pleine d'enthousiasme pour la cause constitutionnelle, et la

garde nationale avait montré le sien sur le champ de bataille da 5 par quelque chose de mieux que des acclamations. Les volontaires s'étaient battus en vieux soldats.

Le 14, les troupes de don Miguel firent une nouvelle démonstration sur le centre et la gauche de leur ligne. Ce fut pour les miguelistes l'occasion d'un nouvel échec et une preuve de plus que Lisbonne comme Porto pouvait braver impunément leurs efforts. Bientôt même, le général Bourmont parut abandonner l'intention d'enlever la capitale de vive force. Il n'était pas impossible que cette résolution prît sa source dans des considérations morales aussi bien que militaires; car les conséquences qui résulteraient du carnage des citoyens rendraient à don Miguel son triomphe encore plus dangereux. Dans cet état de choses et avec la conviction de toutes les difficultés qui s'opposaient à la prise de la ville de Lisbonne, on conçoit que le généralissime ait pu être d'avis d'opérer sa retraite sur l'Alentéjo, et d'y soutenir une guerre de partisans; mais la mauvaise fortune avait produit ses effets ordinaires dans le camp de don Miguel on ne s'y entendait plus. Il laissa percer ouvertement son désappointement des opérations militaires du général Bourmont, et celui-ci, voyant que ses conseils n'étaient pas acceptés, donna sa démission. Un grand nombre des officiers vendéens qui l'accompagnaient suivirent son exemple.

C'est dans ces circonstances, toutes favorables à sa cause, que la reine dona Maria arriva à Lisbonne. La jeune princesse et sa belle-mère, la duchesse de Bragance, habitaient Paris, lorsqu'après le succès de l'expédition des Algarves don Pedro les appela en Portugal. Elles allèrent s'embarquer au Havre le 7 septembre, sur un bateau à vapeur, qui les conduisit immédiatement à Portsmouth. En Angleterre, dans toutes les villes qu'elles traversèrent et à Windsor, dans le sein de la famille royale, l'accueil qu'elles recurent contrasta, par son empressement et sa bienveillance, avec la froideur et l'absence de toute cérémonie officielle

qui avaient signalé leur départ de Paris et du Havre. Peutêtre cette conduite du gouvernement français, qui avait laissé de quelques jours au gouvernement anglais l'initiative de la reprise des relations diplomatiques à Lisbonne, tenait-elle au système politique de don Pedro et à son refus de mettre M. de Palmella à la tête de l'administration. Quoi qu'il en soit du véritable motif de ce refroidissement, le gouvernement anglais n'en accorda pas moins à dona Maria tous les honneurs qu'on rend aux personnes couronnées. Enfin, la jeune reine s'embarqua le 16 à Portsmouth, et débarqua le 23 à Lisbonne, au milieu des transports de joie et d'enthousiasme de la population.

Cependant les assiégeans demeuraient tranquilles devant les lignes de Lisbonne; mais une grande activité régnait à leur arrière-garde, où tout indiquait l'intention de disposer de la grosse artillerie dans les fortes positions qu'ils occupaient. Don Pedro résolut d'attaquer les miguelistes avant qu'ils se fussent établis plus solidement dans ces positions. Le 10 octobre, ayant laissé les fortifications de Lisbonne suffisamment gardées, il sortit avec le reste de ses troupes, marchant sur quatre colonnes, sous les ordres du duc de Terceira et du général Saldanha, et engagea vivement l'action. L'ennemi fut défait sur tous les points et obligé de battre en retraite, poursuivi par les constitutionnels. La nuit vint, et les deux armées campèrent en face l'une de l'autre. Le lendemain, les miguelistes continuèrent leur retraite, en abandonnant une partie de leurs malades et des bagages. Les constitutionnels les suivirent, et, à trois heures après midi, un nouveau combat eut lieu, qui se termina encore à leur avantage. Dès lors les miguelistes n'essayèrent plus d'en venir aux mains, et ils ne s'arrêtèrent qu'à Santarem, forte position où don Miguel se retrancha, déterminé à attendre les événemens et à traîner la guerre en longueur. La fin de l'année arriva sans que les constitutionnels eussent été capables de lui enlever ce dernier boulevart.

Ann, hist. pour 1833.

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