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qu'elle avait perdues. Il ne savait pas ce qu'elle auraità répondre au peuple, lorsqu'il lui demanderait ce qu'elle avait fait pour lui; mais il croyait que le peuple lui dirait : « Vous n'avez fait que ce que les torys faisaient avant vous; votre opposition à leur gouvernement n'a été qu'une opposition factieuse, car vous avez adopté tous leurs principes. Votre bill de réforme n'est rien que tromperie et dérision. >>

Après avoir justifié le parlement qui avait adopté l'acte septennal, lord John Russell entreprit de démontrer que la Chambre des communes ayant la disposition absolue de l'argent du peuple, avait réellement toute la puissance du pays.

« La puissance de la couronne, disait-il, réside dans la prérogative de dissoudre le parlement à sa volonté. Si, après une dissolution, la même Chambre est renvoyée par les électeurs, il n'y a plus d'autre frein à lui opposer; elle devient souveraine; et ainsi, le peuple, en nommant consécutivement deux Chambres imbues des mêmes opinions,‘animées des mêmes sentimens, devient le suprême directeur de l'état. En présence de ce pouvoir prépondérant du peuple, il est nécessaire que la couronne en ait quelqu'un qui le contrebalance. Mais, si vous établissez que le parlement n'aura que trois années, c'est-à-dire, en fait, qu'il durera deux ans, la couronne perd cette faculté de choisir l'époque de la dissolution. Cependant, comme il doit y avoir de temps en temps des dissolutions, vous obtiendrez non l'expression des opinions solides et réfléchies de la nation, auxquelles je pense qu'il faut se soumettre dans tous les cas, mais une opinion formée sous la chance des malentendus, de l'erreur, de la passion, de l'illusion, et vous placeriez la constitution dans un état de danger continuel, sans aucun contrepoids pour la protéger. Telle est la raison coustitutionnelle qui fait que la couronne, comme pouvoir établi pour balancer celui de la démocratie, doit avoir le choix de l'époque de la dissolution, et la faculté de déclarer que les op aions du peuple lui paraissent mûres et fermes, tel ou tel moment est convenable pour procéder à de nouvelles élections. Maintenant, si vous réduisez la durée du parlement à deux ou trois années, vous ôtez à la couronne la liberté de ce choix. Ce n'est pas tout; la substitution des parlemens triennaux aux septennaux mettrait tellement la Chambre à la merci, non de la véritable opinion du peuple anglais, opinion que je crois généralement sage et éclairée, mais de toutes ses impressions les plus fugitives, les plus transitoires ; la rendrait si sujette à se tromper, à se conduire et à voter sur de fausses représentations des choses, sur des motifs sans fondement qu'on ne manquerait pas de créer, que je pense qu'une Chambre des communes, vivant continuellement dans la crainte de toutes ces chances d'erreur, ne pourrait pas coexister avec la monarchie. Voilà le résultat de mes réflexions de plusieurs années sur cette matière; ainsi, je suis d'avis que le changement de notre système actuel, pour en revenir aux parlemens triennaux, serait la destruction complète de la constitution mixte d'Angleterre. »

Quant à limiter la durée des parlemens à cinq années,

lord John Russell admettait qu'il y aurait quelques avantages dans ce plan. Si l'Angleterre se trouvait, comme dernièrement la France, dans le cas de renouveler sa constitution jusque dans ses bases, il préférerait sans doute le terme de cinq ans à celui de sept ans. Mais, sous une Constitution établie depuis long-temps, il ne voyait pas, à fixer la durée des parlemens à cinq ans au lieu de sept, un assez grand bien pour compenser les inconvéniens d'un pareil changement.

M. Sheil était étonné d'entendre un membre du ministère ne parler qu'avec appréhension d'une dissolution du parlement qui arriverait dans un temps d'agitation populaire, et d'élections qui auraient lieu à une époque où l'esprit du peuple ne serait ni calme ni fixé. Un tel argument n'était pas de mise pour les ministres. Avaientils donc déjà oublié par quel moyen ils s'étaient maintenus en place, par quelle mesure l'Angleterre avait obtenu le bill de réforme? L'orateur se rappelait que lord John Russell, en engageant le débat sur la réforme, avait déclaré qu'il laissait ouverte la question de la durée des parlemens; il ne la considérait pas alors, ainsi qu'il semblait le faire maintenant, comme une question grosse de dangers pour la constitution.

« L'acte de la réforme parlementaire, continuait M. Sheil, n'était basé que sur des théories et n'avait aucun précédent; la réforme qu'on réclame aujourd'hui n'est pas une pure théorie, mais un système fondé sur l'expérience des temps les plus glorieux de notre histoire, et sanctionné par les meilleurs principes de la constitution. Elle a pour appui le bill des droits, qui déclare que pour redresser tous les griefs, que pour amender, renforcer et maintenir les lois, il est nécessaire que les parlemens soient souvent assemblés. Elle a aussi pour appui le préambule de l'acte 6 du règne de Guillaume et Marie, portant que des parlemens souvent renouvelés aident à la bonne intelligence du souverain et du peuple. S'il faut souvent de nouveaux parlemens pour contrôler les ministres, il faut aussi de nouvelles élections au peuple pour contrôler les parlemens. Je conviens que le pouvoir def la Chambre des communes est grand aujourd'hui, et qu'il a été doublé par le triomphe du bill de réforme; mais s'ensuit-il, par ce qu'il est grand, qu'il doive durer long-temps? Le noble lord a dit : « Son pouvoir est grand, donc il doit durer sept années. » — - Je dis moi: « Son pouvoir est grand, donc il doit être court. » Le noble lord a dit encore: « Le mandat de la Chambre est immense »; — laissez donc le mandataire Ann. hist. pour 1833. 40

retourner plus fréquemment devant son commettant, et rendre plus tôt ses comptes. »

Quoique la motion n'eût pas été faite à une époque convenable, le docteur Lushington votait pour elle plutôt que de courir le risque de perdre les avantages qu'elle présentait. Il la croyait très-salutaire pour forcer les membres de la Chambre à se rendre exactement à leur poste. Elle empêcherait le renouvellement des scènes que les parlemens avaient offertes avant la réforme. Les membres ne pourraient plus, grâce à elle, laisser, comme auparavant, les bancs de la Chambre vides, presque jusqu'au moment où la septième année serait sur le point d'expirer, et où, dans la prévision d'une dissolution prochaine, ces bancs se garniraient tout à coup de membres désireux de paraître remplir leurs devoirs envers leurs commettans, en 's'occupant avec assiduité des affaires publiques. Parce que le parlement avait subi une réforme, ce n'était pas une raison pour que de pareilles choses ne s'y vissent plus, à moins de quelque frein convenable. Quant à cet argument que ces dissolutions fréquentes pourraient coïncider avec des temps d'agitation et de préjugés défavorables aux membres de la Chambre, l'orateur ne pensait pas qu'il prouvât rien; car il s'appliquait aussi bien aux parlemens septennaux qu'aux parlemens triennaux. M. Lushington soutenait d'ailleurs que trois ans suffisaient aux électeurs pour apprécier avec justice la conduite de leurs représentans.

Suivant M. Stanley, la véritable question était de savoir si, dans les circonstances présentes, les intérêts de l'état exigeaient que les membres de la Chambre des communes fussent placés plus immédiatement sous le contrôle du peuple; si le pouvoir populaire était si faible, et celui de la couronne si prépondérant, qu'il devint à propos de mettre un nouveau poids dans un des côtés de la balance, pour rétablir l'équilibre de la constitution. Il pen

sait que cette constitution avait déjà été tant et si ma-, térialement affectée par la grande mesure de la dernière session, qu'il serait mieux d'attendre ses résultats avant d'y laisser faire un nouveau changement aussi important, avant de jeter encore ce poids dans la balance pour ajouter à l'inégalité actuelle.

Après une réplique de M. Tennyson, la Chambre sel divisa, et la question préalable, qui avait été demandée par lord Althorp, fut adoptée à une majorité de 49 voix (213 contre 164). Le ministère n'en aurait pas moins été battu, si les torys, qui n'avaient pris aucune part à la disscussion, ne s'étaient rangés de son côté au moment du vote.

Le bill de réforme lui-même, quoique plusieurs de ses clauses eussent essuyé des critiques fort vives, demeura intact, sauf une disposition de détail sans portée politique, malgré une motion présentée le 22 mai pour, la nomination d'un comité chargé d'examiner les amendemens qu'il pourrait recevoir, dans le but de faciliter son exécution et de diminuer les dépenses électorales. La motion avait été rejetée, et quand ensuite le parti radical revint à la charge en demandant le rappel de la clause du bill qui fait du paiement préalable des taxes une condition essentielle de l'exercice de la franchise électorale, il vit encore une grande majorité repousser sa proposition.

Les amis des principes libéraux éprouvèrent un autre échec par le fait de la Chambre haute. Les juifs formaient la seule classe de la nation que sa religion mit désormais en dehors du droit commun. Le ministère pensa que le temps était venu de les émanciper à leur tour, et M. Grant introduisit un bill tendant à les relever de toute incapacité civile. Le bill passa dans la Chambre des communes, non sans une assez forte opposition; mais il fut rejeté par les lords, à la seconde lecture.

Un autre bill a aussi échoué devant la Chambre des lords,

quoiqu'il fût vivement désiré par l'opinion publique. Dans l'état actuel de la loi, le recouvrement des petites dettes était de fait impossible, à moins de courir le risque de se ruiner en gagnant son procès. Le ministère avait voulu remédier à ce mal, en présentant à la Chambre un bill sur les cours locales qui eût, en quelque sorte, amené la justice à la porte de chaque citoyen, qui eût mis en pratique ou plutôt qui eût restauré la constitution judiciaire du pays. Ce bill fut rejeté, sur le prétexte que la justice à bon marché était un mal public, et que des juges qui vivraient dans la province, qui n'auraient pas d'énormes appointemens, seraient de mauvais jurisconsultes et des juges corrompus. Cependant cette session ne s'est point écoulée sans introduire plusieurs améliorations dans la législation civile du pays.

Deux actes importans ont aussi été adoptés pour constituer sur de sages principes les bourgs d'Écosse. D'après ces actes, les électeurs du bourg deviennent bourgeois de la commune; ceux de chaque quartier élisent les membres du conseil communal, qui nomment à leur tour le maire, les aldermen, le clerc de la ville et d'autres officiers municipaux. Cette réforme dans l'administration communale était une conséquence inévitable de la réforme électorale : elle devra être étendue à l'Angleterre.

Tels sont les travaux, dignes de l'attention de l'histoire, qui ont été accomplis dans la première session du premier parlement réformé le 29 août, elle fut close par le roi en personne : il se plut à passer en revue, dans son discours, tous les résultats de cette longue session, entre lesquels il signalait d'abord les trois grandes mesures pour le renouvellement de la charte de la banque, l'arrangement des affaires de la compagnie des Indes orientales, et l'abolition de l'esclavage. Le roi témoignait hautement sa satisfaction de la manière dont les deux Chambres avaient rempli leurs devoirs.

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