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oppression telle qu'elle justifiât ou même excusât la résistance, ne peut être imputée à la politique actuelle ou aux mesures passées du gouvernement fédéral. »

Après avoir établi le droit du gouvernement général de maintenir l'Union et d'assurer force à ses décrets, le président exposait les moyens qui étaient à sa disposition pour faire exécuter les lois, et ceux qu'il serait en outre nécessaire de lui accorder. Ses recommandations, sous ce rapport, étaient présentées dans des termes d'une grande modération, de manière à prévenir une collision, et à jeter l'odieux de l'attaque sur le parti contraire. Ces moyens et quelques autres de moindre importance étaient jugés suffisans pour maintenir le pouvoir des lois, à moins que les Caroliniens ne vinssent à opposer la force militaire aux officiers du gouvernement général : dans la prévision de cet événement, le président signalait quelques modifications à introduire dans l'acte de 1795, pour réprimer la résistance d'un état, afin de l'adapter aux circonstances présentes. Enfin un bill fut soumis au sénat, ayant pour objet d'assurer plus efficacement la perception des droits de douanes.

Entre les nullificateurs et le gouvernement s'élevait comme parti intermédiaire une grande portion de l'Union, qui, bien que désirant aussi le rappel du tarif, jugeait la conduite des premiers trop précipitée, trop violente, et repoussait tout à la fois les doctrines du président, ainsi que celles de la convention de la Caroline. A cette classe d'états appartenait la Virginie, dont l'assemblée générale adopta le 18 janvier, à l'unanimité des voix moins une, après une discussion qui avait duré trois semaines, des résolutions requérant avec une instance respectueuse les autorités de la Caroline du sud de révoquer ou de suspendre l'ordonnance de nullification, et le congrès de modifier le tarif des droits. Quelques jours après, les Caroliniens ajournèrent du 1er février au 3 mars la mise à exécution de cette ordonnance.

Cependant le nouveau tarif des droits présenté par le

gouvernement n'avait satisfait aucun parti, et pendant deux mois la Chambre des représentans fut engagée à ce sujet dans des discussions sans résultat. Il en était à peu près de même dans le sénat, relativement au bill pour assurer l'exécution des lois de l'Union. Ainsi, non seulement la clôture de la session approchait, mais le 22° congrès allait finir au 2 mars, et, quoique de nouvelles élections et une longue interruption des travaux législatifs dussent avoir lieu, rien n'avait encore été fait pour arranger le différend des états du sud, ou pour réprimer l'insurrection à laquelle la Caroline était préparée. Dans ces circonstances, M. Clay présenta au sénat, comme une sorte de compromis, un nouveau bill sur le tarif, qui fut appuyé par M. Calhoun et d'autres sénateurs appartenant aux états du sud. D'après la première section de ce bill, tous les droits seraient fixés à 20 p. % de la valeur à compter de 1842 jusque-là ils subiraient tous les deux ans une réduction de 10 p. /. pendant huit ans; ensuite la moitié de ce qui excéderait ces 20 p. /. disparaîtrait en 1841 et l'autre moitié en 1842. La seconde section établissait un droit actuel de 50 p. / sur les étoffes de laine, sur les vêtemens des esclaves, etc., lequel serait réduit graduellement et de la même manière. Par la troisième section il était statué que tous les droits seraient acquittés en argent en 1842, lorsque tous les articles sujets aux droits ne paieraient plus que 20 p. % de la valeur, La quatrième, section déclarait exempts du droit les toiles blanchies ou écrues, les soies de ce côté-ci du cap de Bonne-Espérance, les produits en laine filée et d'autres articles en soie et en laine filée. La cinquième section enfin exemptait de tout droit, après 1842, l'opium, les cotons bruts, le vif argent, etc.

Ce bill, traitant de matières de finances, ne pouvait émaner du sénat; mais comme il y avait été reçu avec faveur, il fut introduit par voie d'amendement dans le bill sur le tarif que discutait l'autre Chambre: ayant été adopté ici en deux ou trois séances, il fut renvoyé au sénat, où il passa

sans éprouver beaucoup d'opposition. En même temps, le bill pour assurer l'exécution des lois, revint du sénat à la Chambre des représentans qui l'accueillit avec le même empressement que les modifications au tarif proposées par les sénateurs.

Les votes sur ces deux bills sont curieux à connaître comme indications des différences d'opinion qui existent entre deux grandes portions de l'Union, d'après l'incompatibilité réelle ou supposée de leurs intérêts respectifs, indépendamment de tout esprit de parti. Sur 38 votes appartenant aux états du nord, le tarif de M. Clay en avait eu 28 contre lui, et 47 sur 71 appartenant à ceux de l'est, tandis qu'il avait réuni 55 votes sur 56 donnés par les états du sud, et 31 sur 39 donnés par ceux de l'ouest; ce qui faisait en définitive une majorité de 36 voix (120 contre 84). Au contraire, le bill pour assurer l'exécution des lois obtint 36 votes sur 37 du nord, et 60 sur 67 de l'est; de la part des états du sud, 32 votes sur 36 le repoussèrent, et 7 sur 36 de la part des états de l'ouest. Au total, sénateurs et représentants compris, 152 membres votèrent pour et 100 contre le tarif, tandis que le bill tendant à assurer l'exécution des lois fut adopté par 172 voix et rejeté par 48 seulement.

Cette longue et dangereuse querelle étant heureusement apaisée, la session du congrès fut close le 2 mars, et le 4 suivant le président Jackson, qui avait été continué dans ses hautes fonctions (1), inaugura la seconde période de sa présidence, par un discours prononcé dans la salle des re

(1) Voici comment se sont répartis les votes entre les divers candidats :Pour André Jackson, de Ténessée.

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M. Martin Van Buren a été en même temps élu vice-président à une majorité de 140 voix sur M. Sargeant, de l'état de】 Pensylvanie, qui a obtenu le plus de suffrages après lui.

présentans. Il s'attacha principalement à démontrer l'importance de l'Union aux états, et à signaler les dangers auxquels une séparation et des mésintelligences entre eux pourraient les exposer. Quant à lui, son principe serait un égal respect pour les droits des états et pour ceux de la fédération.

Satisfaite des modifications qui avaient été introduites dans le tarif des douanes, la convention de la Caroline du sud adopta une ordonnance révoquant les actes de nullification passés l'année précédente; mais elle se mit de nouveau en opposition avec le congrès en statuant aussitôt, par une seconde ordonnance, que le bill rendu pour assurer d'une manière plus efficace la perception des droits sur les importations, n'était point autorisé par la constitution des États-Unis, dont il violait l'esprit en même temps qu'il détruisait la liberté publique : en conséquence, il était ordonné que ce bill serait nul et non avenu dans les limites de l'état. Cette nouvelle application de la doctrine des nullificateurs ne pouvant avoir aucune suite, puisque le bill de coërcition était devenu inutile, passa inaperçue: néanmoins elle montre combien la Caroline était jalouse de maintenir sa souve→ raineté intacte.

Sortis heureusement de cette crise, les Etats-Unis trouvèrent dans la question de la banque des dangers également graves quoique d'une autre nature. L'antipathie du président contre la banque des Etats-Unis, qui l'avait poussé l'année dernière (voyez notre volume précédent), à mettre son véto sur le bill de renouvellement de la charte de la banque, après qu'il avait été adopté dans les deux Chambres, se manifesta cette année par des mesures plus énergiques. Il fit retirer brusquement les dépôts des fonds du gouvernement à la banque des Etats-Unis et à ses succursales, pour les remettre aux banques locales (1). A l'appui de cette détermina

(1) Ces dépôts ou excédans sur les besoins du service, s'élèvent habituel◄ lement à 10 millions de dollars (55,500,000 fr.)

tion, il adressa au cabinet un long mémoire dans lequel il reprochait principalement à la banque d'avoir retardé le rachat d'une partie de la dette publique, en disposant de l'argent qui aurait dû être employé à ce rachat; d'avoir, à l'aide de ses fonds, exercé une influence sur la presse mercenaire du pays, et cherché à empêcher sa réélection comme président. Nonobstant toutes ces manœuvres, cette réélection avait eu lieu, et il la considérait comme une approbation de sa conduite, comme une décision rendue contre la banque. I l'accusait de divers actes tendant soit à inspirer de justes soupçons sur sa solvabilité, sur sa bonne foi, soit à affaiblir le crédit, à ternir l'honneur du gouvernement, soit enfin à l'enrichir elle-même au détriment de l'intérêt public. Il était persuadé que si la Chambre des représentans avait connu ces actes, elle n'aurait pas donné son assentiment au renouvellement dela charte. Cette charte d'ailleurs avait été violée dans plusieurs de ses dispositions par la banque, qui était devenue une vaste machine électorale, possédant les moyens de jeter le pays dans des querelles terribles, et d'infiltrer la corruption dans toutes les veines du corps social.

Les défenseurs de la banque nièrent ces accusations et soutinrent, au surplus, que, fussent-elles fondées, la loi ne conférait pas au président le droit de lui retirer les dépôts publics, pour les confier aux banques locales. A son tour le général Jackson fut attaqué avec une grande violence. « Il agit au mépris des lois, disait un de ses antagonistes; le règne des lois a cessé. Il n'y a plus que la volonté du dictateur. » On faisait aussi valoir les immenses services que la banque avait rendus au crédit (1).

Quoi qu'il en soit, la mesure prise par le président eut,

(1) En 1832, le mouvement de fonds, d'un point à l'autre de l'Union, ou entre l'Union et les pays étrangers, qui a été opéré par la banque des

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