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l'intérieur avec le peu de troupes qu'il était parvenu à réunir, et il ne lui restait plus d'autres ressources que de se retirer à l'étranger. Le pouvoir du président Fructuoso Rivera parut s'affermir de plus en plus, et vers la fin de l'année il licencia son armée, se bornant à maintenir sur pied le nombre de soldats strictement nécessaire pour veiller à la garde des frontières.

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Le calme dont cet empire jouissait depuis quelques mois fut troublé par une insurrection qui éclata le 22 mars à Ouro-Préto, capitale de la province de Minas-Géraes. A en croire les insurgés, ils ne s'étaient révoltés que par des motifs de loyauté. Ils accusajent le président et le vice-président de la province d'intriguer pour établir la république sur les ruines du trône du jeune empereur. Ils dépeignaient ces deux fonctionnaires comme deux monstres sous forme humaine, et affirnaient qu'ils avaient violé toute loi et toute justice pour exécuter leur projet. Des hommes de mérite, des pères de famille âgés qui avaient long-temps été employés au service de l'état, s'étaient vus, disait-on, privés de leurs emplois, en même temps que l'on créait de nouvelles places pour les satellites et les agens du républicanisme. Les choses en étaient venues au point que l'on avait menacé de retirer leurs pensions aux officiers retraités et aux veuves, sur le prétexte de la détresse du trésor. L'infernal système de l'espionnage avait été mis en pratique; les citoyens étaient en butte à des persécutions de toute espèce, et enfin les chaires instituées pour l'instruction de la jeunesse avaient été don-nées à des créatures du gouvernement et à des partisans de la république. Outre ces griefs, les insurgés alléguaient que l'époque de l'élection des membres du congrès, fixée au 24 mars, avait été choisie pour l'exécution d'une tentaLive tendant à établir la république, et que, en fidèles sujets, ils avaient jugé nécessaire de la déjouer en se soule

vant deux jours auparavant. Une circonstance qui contribua beaucoup à leur succès, c'est que le régiment qui occu pait Ouro-Préto, soit qu'il crût à la réalité de cette conspiration républicaine, soit par quelque motif particulier, était mécontent du gouvernement, et qu'il appuya l'insurrection. Le 22 mars la générale fut battue, on sonna le tocsin, les habitans, le régiment, la garde municipale et la garde permanente, se réunirent sur la grande place, où l'on poussa des cris en faveur de la religion, de l'empereur, de la régence, et en opposition à la république, au président et au vice-président. Les autorités de la ville se mêlèrent à ce mouvement, et tous protestèrent de l'intention de périr les armes à la main pour la défense de leur sainte religion ainsi que du gouvernement. L'officier qui commandait la garde impériale essaya en vain de disperser la foule. Il ordonna à ses soldats de faire feu, mais ils refusèrent d'obéir, et lui-même fut arrêté. Alors la populace assaillit la maison du vice-président; elle demandait sa tête et celle de ses coadjuteurs. Toutefois on se borna à le forcer de partir sur-le-champ pour Rio-Janeiro, et on le remplaça par un habitant de la ville qui jouissait de la confiance populaire. Cette insurrection n'avait qu'une cause toute locale; le reste de la province n'y prit aucune part; elle fut même désavouée sur quelques points, et quoique les révoltés fussent restés maîtres d'OuroPréto pendant deux ou trois mois, le gouvernement finit par y ramener l'ordre, et rétablir son autorité.

Sur ces entrefaites, une guerre civile de la nature la plus déplorable, avait ensanglanté la ville de Para. Le 5 avril, les gens de couleur s'étaient soulevés pour s'opposer à l'installation des nouveaux fonctionnaires nommés par la régence, que les Portugais voulaient appuyer. Dès le lendemain toutes les affaires avaient cessé; toutes les maisons étaient fermées, et un grand nombre de Portugais cherchèrent un refuge à bord des navires qui se trouvaient dans le port. Les choses restè

rent dans cette incertitude jusqu'au 16 avril; alors éclata l'orage depuis si long-temps redouté. Cernés dans diverses maisons où ils s'étaient retranchés, les Portugais firent feu sur leurs ennemis, qui bientôt les attaquèrent avec du canon et enlevèrent les maisons hostiles, après une opiniâtre résistance. Tous ceux qu'on y trouva furent massacrés. Ensuite une autre boucherie commença. On fouilla les maisons voisines, on traîna dans la rue les Portugais qu'elles renfermaient, et tous furent impitoyablement passés par les armes. La plupart de ces malheureux étaient innocens de tout autre crime que celui d'être d'une race étrangère. Le carnage dura trois jours, car, le combat fini, les bandes victorieuses s'étaient dispersées, et, sans ordre ni chefs,chacun avait pu exercer ses vengeances particulières et se baigner impunément dans le sang. Des détachemens de trois ou quatre hommes, cachés dans les joncs sur le bord de la rivière, guettaient les fuyards et les fusillaient sans miséricorde; d'autres battaient les bois et traquaient comme des bêtes féroces ceux qui s'y étaient réfugiés. Quant on eut fait main basse sur tous les Portugais qu'on avait pu atteindre, des tombereaux parcoururent la ville et ramassérent pêle-mêle les cadavres, qui furent jetés en masse dans une fosse commune. Et ces scènes eussent été encore bien plus effroyables, sans l'intervention intrépide des consuls de France et des Etats-Unis, qui recueillirent et sauvèrent une foule d'enfans, de femmes et d'hommes de la rage des vainqueurs.

D'autres troubles, heureusement moins funestes dans leurs conséquences, eurent lieu quelques jours après à Bahia. Une troupe de quatre-vingts condamnés, détenus dans le fort, surprit la garnison composée de trente-cinq soldats, dont quelques uns se joignirent à eux. Ils arborèrent un drapeau bleu et blanc, qu'ils appelaient les couleurs fédérales, et braquèrent les canons du fort sur la ville. Cette révolte, qui avait éclaté dans l'après-midi du 26 avril, ne fut pas ré

primée avant le soir du 29, à cause de la force de la position que les révoltés avaient prise. Mais ils durent se rendre à discrétion au moment où on allait leur donner l'assaut.

C'est dans ces tristes circonstances que se fit l'ouverture de la session législative, le 3 mai; et le discours de la régence, tout en annonçant que la tranquillité était rétablie dans les provinces de Ceara et de Maragnan, naguère troublées par l'insurrection, déclarait qu'il n'en était pas de même sur les frontières de Pernambouc et d'Alagoas. Attendu les difficultés locales et le manque de troupes réguliè

il était impossible d'assigner un terme à la révolte de ces contrées. Des mouvemens séditieux avaient encore éclaté sur plusieurs autres points, mais la régence avait l'espoir que l'ordre y serait bientôt rétabli.

.. Le gouvernement de Rio-Janeiro avait aussi ou prétendait avoir de justes sujets de craindre que des complots ne fussent tramés pour rappeler l'empereur, qui, comme duc de Bragance et régent de Portugal, était alors assiégé dans les murs de Porto. Un message, accompagné d'un grand nombre -de documens relatifs à ces projets de restauration, fut adressé à la Chambre des députés dans les premiers jours de juin. Le congrès renvoya le tout à une commission d'examen, qui fit ensuite un rapport par lequel elle déclara avoir trouvé dans ces documens beaucoup de choses qui n'étaient nullement faites pour inspirer l'inquiétude. D'autres indices, et particulièrement les conditions auxquelles on disait que des soldats avaient été enrôlés par don Pedro, pouvaient donner à croire que des agens, des créatures de l'ex-empereur nourrissaient la pensée de son retour au Brésil, et même qu'il n'était pas impossible que quelques personnes fussent engagées dans de pareils desseins, quoiqu'on dût regarder les cabinets de l'Europe comme contraires à leur exécution. Dans l'état actuel du pays, il était à présumer que ces plans reposaient sur l'espoir de continuelles dissensions intérieures, et la commission ne dissimulait pas la nécessité de chercher

par tous les moyens possibles à fonder l'union, à neutraliser les partis, à calmer les passions, et, en conséquence, à s'abstenir de tout ce qui pourrait exciter l'irritation ou l'alarme.

La réponse des députés au message portait que, «< inébranlable dans le dessein de maintenir l'honneur du Brésil, le système de la monarchie constitutionnelle, le trône de don Pedro II, et la révolution du avril, la Chambre soutien7 drait de toute sa puissance le gouvernement dans toute mesure juste et constitutionnelle dont l'objet serait d'éviter l'oppróbre d'une restauration ; qu'elle prendrait ses propositions en considération, et qu'elle adopterait toutes celles qui paraîtraient le mieux combinées pour prévenir le malheur d'une révolution: nouvelle et le retour au Brésil du duc de Bragance, sous quelque titre que ce fût. » Un projet de loi fut done soumis à la Chambre, à l'effet d'interdire l'entrée du territoire brésilien à don Pedro', même comme étranger ou comme simple particulier, sous peine d'être traité en ennemis public et en agresseur de la nation brésilienne; de plus la régence réclama des restrictions contre la presse, la conversion de la garde nationale en troupe de ligne, et la faculté de contracter un emprunt. Mais la Chambre des députés ne voulut voter aucune de ces mesures. Il est vrai que, suivant beaucoup de personnes, le message et les craintes fictives qu'il décelait n'avaient d'autre but que d'exciter l'esprit public, de renverser le gouvernement impérial, en un mot, d'exécuter le complot que les insurgés d'Ouro-Préto avaient accusé les agens de la régence de préparer. Quoi qu'il en soit, la régence avait pris le parti de suspendre le consul portugais de ses fonctions et interrompit toute relation officielle entre le Brésil et le Portugal. Mais d'un autre côté, telle était la défiance qu'inspirait la régence, que dans la nuit du 21 septembre, un certain nombre de juges de paix, suivis d'une foule de citoyens, se rendirent subitement au palais pour s'assurer par eux-mêmes que le jeune

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