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président appela ensuite son attention sur le point de savoir si elle entendait clore définitivement le crédit: M. Laffitte présenta un amendement dans ce sens, et le ministre de l'intérieur déclara l'accepter en ce qui concernait les dommages éprouvés par la capitale ; mais il demanda une exception au profit de la ville de Nantes, dont la liquidation n'était point encore terminée. Un nouvel amendement, dont la rédaction n'excluait du crédit que les réclamations non encore faites, ayant été proposé par M. Félix Réal, auquel se réunit M. Laffitte, et accueilli par la Chambre, le projet de loi entier fut voté à une très-grande majorité (200 voix contre 49).

19 mars. Le ministre de l'intérieur soumit le même jour les trois projets de loi, dont nous venons de nous occuper, à la sanction de la Chambre des pairs. Une même commission fut chargée de leur examen, et un même rapporteur, M. Besson, en proposa l'adoption pure et simple (25 mars). Les deux premiers, relatifs aux pensions des orphelins et à la portion de crédit à transporter d'un exercice à l'autre, passèrent sans discussion (28 mars). Dans le cours de la discussion du troisième, relatif aux indemnités, M. le comte de Tascher fit le rapport de deux pétitions adressées à la Chambre par un commandant de la gendarmerie départementale des Basses-Pyrénées, et par trente-quatre officiers ou soldats de l'ancienne gendarmeric, lesquels attaquaient l'exclusion prononcée contre eux par la Chambre des députés; le rapporteur conclut à renvoyer ces pétitions au ministre de l'intérieur, ce qui eut lieu. Le jour suivant (30 mars), la Chambre des pairs écarta la demande du général Dubourg, déjà repoussée par l'autre Chambre, et après quelques explications du rapporteur, suivies d'une courte discussion, adopta le projet sans amendement sur un nombre de 116 membres présens, 102 votèrent pour, et 13 sculement contre. Ainsi fut réglé définitivement le compte des satisfactions et indennités, ouvert par les événemens de juillet 1830.

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Pétitions à la Chambre des députés. Discussion relative à la duchesse de Berry dans la Chambre des pairs. Mission des docteurs Orfila et Auvity à Blaye. Mouvemens et provocations du parti légitimiste. - Duels politiques. La duchesse de Berry déclare qu'elle est mariée.

Plusieurs pétitions dignes d'intérêt, présentées à travers les débats législatifs dont l'analyse précède, nous obligent à revenir sur nos pas.

12 janvier. Dans la nuit du 28 au 29 juillet 1832, le pont d'Arcole, à Paris, avait été le théâtre d'une scène sanglante (voyez la Chronique pour 1832). Un sieur Perrotte adressa à la Chambre des députés une pétition dans laquelle il dénonçait le crime (c'étaient ses expressions) de l'administration de la police, consommé par la main et l'épée meurtrière des sergens de ville. Voulant rendre le préfet de police responsable de la conduite de ses agens, le pétitionnaire avait d'abord déposé une plainte au parquet du procureur du roi, dans le but de demander au conseil d'état l'autorisation de poursuivre M. Gisquet; mais cette démarche n'ayant rien produit, faute d'être régulière, il avait eu recours à la voie. de pétition.

« Messieurs, dit M. de Montépin, rapporteur, il n'est que trop vrai que le sang a coulé sur le pont d'Arcole dans la nuit du 28 au 29 juillet, à la suite d'un conflit entre des citoyens et des sergens de ville; et il a malheureusement été possible que quelques personnes n'ayant point participé à ce conflit aient reçu des blessures.

Le sieur Perrotte paraît être une de ces victimes. Sa pétition contient un récit des événemens. Il dit qu'un certain nombre de citoyens affligés de ce que l'autorité supérieure avait supprimé, dans la célébration de l'anniversaire des journées de juillet 1830, les honneurs funèbres das aux victimes de ces journées, résolurent d'honorer leurs mânes.

Sous l'impression des sentimens religieux qui les animaient, ils se rendirent des Champs-Elysées au Louvre, en chantant la Marseillaise et la Parisienne. Ayant trouvé les grilles du Louvre fermées, ils continuèrent

leur marche et leurs chants jusqu'au marché des Innocens et au pont d'Arcole. Là, et d'après le récit même du sieur Perrotte, il paraît que l'approche de ces citoyens affligés et chantans inspira quelque effroi; car le préposé au péage du pont ne rendant pas, à ce qu'il semble, justice à leur piété, et craignant pour la caisse qui contenait sa recette, éteignit sa lumière, et chercha sa sûreté dans l'obscurité. Peu d'instans après, à l'heure de minuit environ, les sergens de ville attaquèrent sans sommation, et l'épée à la main, tous ceux qui se trouvaient sur le pont. La retraite était impossible, l'autre extrémité du pont étant occupée par la garde municipale; ils furent assaillis, percés de coups, passés au fil de l'épée. Tel est à peu près en résumé le détail des faits rapportés dans la pétition. »

Pour se former une opinion sur le récit du sieur Perrotte, la commission avait consulté l'instruction judiciaire ordonnée par la chambre du conseil du tribunal de première instance du département de la Seine: il en résultait une version fort différente.

« D'abord, continuait le rapporteur, c'est qu'arrivés aux grilles du Louvre, plusieurs des individus composant l'attroupement cherchèrent à les escalader. Une patrouille s'étant présentée, on entendit ces mots : Il faut les désarmer et les envoyer coucher. Puis encore: A bas la ligne! Mais la force armée ayant fait bonne contenance, ces individus se disper

sèrent.

« Au pont d'Arcole, le péage fut refusé, et le buraliste repoussé; ce qui explique ses craintes pour la caisse qui lui était confiée. Dans le trajet du boulevart de la Madeleine au pont d'Arcole, les cris de vive la répuUlique! avaient été proférés. Ils furent répétés sur le pont, et il y fut ajouté ceux de à bas Louis-Philippe! vengeance des 5 et 6! (Allusion évidente aux événemens du mois de juin.) Il est très-vrai que lorsque la nouvelle du rassemblement arriva à la préfecture de police, on prit des mesures pour le disperser.

« Le colonel de la garde municipale envoya un détachement de gardes à pied an pont d'Arcole par la place de Grève.

« Des sergens de ville se dirigèrent par la Cité sur le même pont. Le rassemblement se trouvant ainsi cerné, une collision eu lieu avec les sergens de ville du côté du quai de la Cité; mais elle ne dura que quelques minutes, et les individus qui composaient le rassemblement se dispersèrent.

« Le sang ayant malheureusement coulé, et les blessés, au nombre de six, dont l'un est le sieur Perrotte, ayant déclaré que les sergens de ville étaient les auteurs de leurs blessures, le procureur du roi requit une instruction.contre les agens de police. Ceux-ci ont d'abord été entendus comme témoins, et ensuite sous mandats de comparution comme inculpés. Ils ont déclaré avoir fait aux personnes composant le rassemblement, sommation de se retirer; mais que, loin d'obtempérer à cette sommation, ces personnes les avaient attaqués, et que si quelques uns d'entre eux avaient tiré leur épée, c'avait été pour leur défense personnelle; mais que du reste nul individu n'avait été blessé par eux.

« Ces déclarations ont été confirmées par d'autres témoignages tendant à faire penser qu'effectivement les sergens de ville avaient été attaqués. Il parait cependant que les personnes blessées l'ont été par des sergens de ville; mais ils sont restés inconnus, aucun des plaignans ne pouvant re

connaître ceux qui les avaient frappés. Ce que l'instruction n'a pu éclaircir, c'est si les voies de fait qui ont occasione l'effusion du sang avaient eu lieu par suite de légitime défense, ou si, au contraire, elles avaient été exercées sans provocation contre des individus inoffensifs. Dans cette incertitude, il a été déclaré n'y avoir lieu à suivre.

Tels sont, messieurs, les faits constatés par l'information judiciaire,

et la déclaration qui a été rendue à la suite. »

Dans cet état de choses, tout en déplorant les événemens qui avaient amené les blessures dont le sieur Perrotte avait porté plainte, la commission proposait à la Chambre de passer à l'ordre du jour.

M. Cabet prit la parole pour combattre les conclusions de ce rapport, et demander le triple renvoi de la plainte à M. le garde-des-sceaux, à M. le ministre de l'intérieur, et à M. le président du conseil. Il examina d'abord le fait en lui-même, ensuite la procédure, c'est-à-dire les démarches faites par le sieur Perrotte, les obstacles qu'il avait rencontrés pour obtenir des tribunaux justice et protection.

«L'intérêt de la police elle-même, dit-il en terminant, non moins que celui du pétitionnaire, réclame une instruction solennelle. Il faudrait enfin que le pays sût s'il a des lois qui garantissent la sûreté publique; il faudrait que les citoyens sussent s'ils peuvent rentrer chez eux sans s'exposer à èfre assassinés, et si, quand ils l'auront été, ils pourront demander justice. Il faut aussi que vous sachiez'si, quand vous avez voté des lois après les avoir long-temps méditées, ce ne sont pas des lois dont les agens subalternes de la police viendront se jouer en les foulant aux pieds.

La police est coupable ou innocente. Si elle est coupable, il faut qu'une instruction judiciaire le prouve, et que ses agens soient punis. Si au contraire elle est innocente, son intérêt à elle-même, l'intérêt du gouvernement, demandent que cette innocence soit connue et hautement proclamée. C'est dans ce but que j'ai demandé le triple renvoi de la pétition au ministre de la justice, au ministre de l'intérieur, et au président du conseil des ministres.

a Je crois que jamais affaire n'a mérité autant d'attention que celle qui nous occupe; je ne puis donc qu'insister pour les renvois que j'ai demandés. »

Le procureur général, M. Persil, répondit à M. Cabet, et, suivant l'ordre tracé par ce dernier, de l'apologie de la police il passa à celle de la magistrature. Il s'efforça d'établir que, dans tout ce que venait de dire l'orateur, il y avait erreur de fait, erreur de droit, et, en résumé, conclusions qui ne pourraient amener à aucun résultat. Selon M, Persil, et contrairement aux assertions de M. Cabet, la provo

cation, exprimée en cris séditieux contre la nouvelle mo narchie, en cris de mort contre les sergens de ville qui voulaient réprimer le désordre, était partie du côté des jeunes gens.

« Voilà, disait M. Persil, comment le conflit a commencé. Je n'ai plus qu'une chose à dire : c'est que la justice a fait tout ce qu'elle devait pour chercher les provocateurs; elle n'a pas trouvé encore qui avait proféré les cris, qui a appliqué les premiers coups, si ce sont les sergens qui ont tiré leurs épées à ces mots: A l'eau les sergens de ville! ou si ce sont les jeunes gens qui ont fait usage de leurs bâtons, soit pour forcer le passage, soit pour attaquer les sergens de ville, et les jeter à l'eau ensuite. C'est impossible à dire, l'instruction ne le constate pas.

L'instruction a bien constaté le résultat de ce conflit déplorable. Il y avait pour témoins non-seulement des hommes intéressés, des jeunes gens et des sergens de ville; il y avait aussi des hommes étrangers à ce conflit, qui étaient à côté du pont, qui avaient tout entendu ; des voisins qui, à la lueur des réverbères, avaient vu les bâtons se lever, les épées se croiser, et qui étaient en position de dire ce qui s'était passé.

« Perrotte, plaignant, sur lequel je dirai quelques mots, qui avait annoncé que des hommes étaient morts, qui avait cité les personnes qui avaient disparu, a été obligé de reconnaître le lendemain que personne n'avait disparu. ·

« Ainsi, que l'orateur qui m'a précédé à la tribune ne dise pas que des hommes morts n'ont pas pu se représenter; tous ceux qui étaient sur le pont ont pu se représenter, et se sont représentés en effet il n'y a point eu de disparition, il n'y a point eu de morts; première satisfaction.

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On insiste cependant on parle des blessés; on dit qu'il y a des blessés nombreux, que le sang a coulé par flots. Eh bien! il y a eu six personnes, non pas blessées, mais légèrement atteintes. Sur ces six, j'en mets sur-le-champ cinq de côté, car leurs blessures ont été guéries en quatre jours; ce fait est également constaté. Le sixième, M. Perrotte, est allé à Í’Hôtel - Dieu, et malheureusement ses blessures, étaient assez graves. M. Perrotte avait-il conservé encore assez d'animosité pour venir se plaindre? Non, messieurs; il aurait gardé le silence, s'il n'avait pas été poussé par des hommes qui avaient un autre intérêt, qui n'étaient point atteints par des blessures physiques, mais qui ressentaient d'autres blessures, et qui demandaient vengeance.

Quant au triple renvoi réclamé par M. Cabet, M. Persil demandait pourquoi le renvoi au garde-des-sceaux, puisque la justice avait fait son devoir; pourquoi le renvoi au ministre de l'intérieur, puisque le préfet de police ne méritait aucun reproche; et enfin, pourquoi le renvoi au président du conseil, puisqu'il ne s'agissait ni d'un acte du gouvernement, ni d'un fait de police générale ?

La Chambre entendit encore M. Salverte et M. Charamaulle, qui parlèrent dans le même sens que M. Cabet.

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