Images de page
PDF
ePub

Le reste de la discussion ne consista qu'en courtes répliques des divers orateurs : la clôture ayant été prononcée, l'ordre du jour fut mis aux voix et adopté à une très-grande majorité.

19 janvier. Les délégués des créanciers des emprunts des cortès avaient réclamé l'appui de la chambre des députés pour obtenir la suppression de la cote du 3 pour 100 espagnol sur la cote authentique de la bourse de Paris. Cette pétition, que quatre autres avaient déjà précédée, renfermait deux questions distinctes. Sur la première, relative à la responsabilité que le ministre des finances aurait encourue, en faisant coter à la bourse le 3 pour 100 espagnol, la commission avait reconnu qu'aux termes de la législation actuelle, il n'était pas au pouvoir du ministre de l'empêcher, comme il l'avait déclaré d'ailleurs par sa lettre du 16 octobre 1832; quant à la seconde, relative aux recherches à faire sur les moyens de déception employés pour tromper les capitalistes français, elle avait pensé que le devoir d'un bon gouvernement était d'avertir les particuliers des piéges que la mauvaise foi pouvait leur tendre. En conséquence la commission proposait l'ordre du jour pour la première partie de la pétition, et le renvoi au ministre pour la seconde.

A M. Garcias, qui parla après le rapporteur, et demanda le renvoi de la pétition à tous les ministres, succéda le ministre des finances. Il rappela le régime légal de la bourse, concernant les fonds étrangers: un arrêt du conseil du 7 août 1785 défendait aux agens de change de Paris de coter d'autres fonds que nos effets royaux et le cours des changes; mais cet arrêt n'existait plus : il avait été complétement abrogé par une ordonnance rendue le 12 novembre 1823. D'après cette ordonnance, le ministre n'avait la faculté d'autoriser ni de défendre la cote officielle des fonds étrangers: c'était au syndicat des agens de change qu'il appartenait de statuer sur les demandes de cette nature. La prétention des pétitionnaires n'était donc nullement fondée. Un gouverAnn. hist. pour 1833.

6

vernement, disait le ministre, ne pouvait céder à de telles exigences; ses décisions devaient être basées sur des principes généraux s'il y avait lieu d'entrer dans la voie indiquée par les pétitionnaires, ce ne serait pas seulement le 3 pour 100 espagnol qu'il faudrait proscrire, mais tous les fonds de l'Espagne et ceux de tous les gouvernemens qui ont laissé des engagemens en souffrance. Ce rigorisme ne remédierait à rien : les négociations d'effets publics étrangers n'en continueraient pas moins; la défense d'en constater le cours n'empêcherait personne d'en acheter ni d'en vendre. La vogue des fonds espagnols tenait à l'intérêt usuraire qu'offrait leur cours, et non à la cote officielle.

Pour appuyer le renvoi de la pétition au conseil des ministres, M. Joly rappela les discussions qui avaient eu lieu dans les précédentes sessions sur cette matière, et les expli cations données par M. le comte Roy, ancien ministre des finances. M. Odilon Barrot examina s'il était vrai que le gouvernement français eût abandonné toute intervention dans les transactions de la bourse, et demanda, en supposant qu'un agent de Charles X se présenterait à la bourse pour contracter un emprunt destiné à alimenter la guerre civile, si le gouvernement ne l'empêcherait pas ? Le ministre ayant répondu affirmativement, l'orateur en conclut que la liberté n'était pas illimitée, et qu'il y avait des cas dans lesquels le gouvernement devait interdire la négociation de tels ou tels effets. En Angleterre, il n'avait pas été nécessaire que le gouvernement intervînt, parce que la bourse de Londres avait fait elle-même justice, parce que les courtiers avaient résolu que les effets espagnols ne seraient pas cotés, et qu'ils avaient flétri en quelque sorte ceux qui se permettaient d'être les intermédiaires d'une pareille négociation.

Le ministre des finances avait déclaré ne pas s'opposer à ce que la pétition lui fût renvoyée, quoique en même temps il assurât qu'après avoir approfondi la matière, il n'avait rien trouvé de raisonnable à proposer. En définitive le

renvoi au conseil des ministres et au ministre des finances fut voté par la Chambre.

26 janvier. Une autre pétition, également relative à des intérêts financiers et commerciaux, se présenta quelques jours plus tard. Les fondateurs et directeurs d'un comptoir d'escompte proposé à Paris, se plaignaient de l'inexécution de l'article 15 du décret du 16 janvier 1808 constitutif de la banque de France, et conçu en ces termes : « Il sera pris des mesures pour que les avantages résultant de l'établissement de la banque se fassent sentir au petit commerce de Paris, et qu'à dater du 15 février prochain l'escompte sur deux signatures, avec garantie additionnelle qui se fait par un termédiaire quelconque de la banque, n'ait lieu qu'au même taux que celui de la banque elle-même. »

Ils demandaient qu'il y fût suppléé par l'établissement d'un comptoir spécial d'escompte, dont l'effet serait d'obtenir en faveur du petit commerce de la capitale la réduction de l'intérêt de l'argent. La commission pensa qu'une enquête sur les avantages probables de l'établissement était nécessaire, et conclut au renvoi de la pétition au ministre du commerce et des travaux publics. Dans la discussion qui s'ouvrit à ce sujet, le privilege même de la banque de France eut à subir diverses attaques on prétendit que ce privilége exorbitant ayant été accordé sous des conditions que la banque ne remplissait pas, il fallait l'abolir. Tel était, entre autres, l'avis formel du général Bertrand. M. Benjamin Delessert lui répondit que, loin d'avoir été conféré dans l'intérêt de quelques individus, le privilége de la banque l'avait été dans l'intérêt public. M. Laffitte s'attacha à justifier son administration; il rappela qu'une seule fois elle s'était écartée de ses statuts, et dans une circonstance où le gouvernement souffrait du plus grave discrédit. Alors le gouvernement proposa à la banque, embarrassée de ses capitaux, de faire un placement en rentes sur l'état ; l'opération fut doublement avantageuse : les rentes n'avaient pas coûté cher; le

crédit public fut soutenu et les actionnaires retirèrent un bénéfice. La chambre adopta le renvoi de la pétition au ministre du commerce et des travaux publics.

29 janvier. Dans la session précédente, une proposition convertie en loi par les trois pouvoirs, avait autorisé le gouvernement à lever pour des causes graves la prohibition portée par l'article 162 du Code civil, aux mariages entre beaux-frères et belles-sœurs. Une pétition tendant à ce que l'autorisation de mariage entraînât la légitimation des enfans déjà nés, fut soumise à la Chambre des députés. Le rapporteur, M. Bédoch, qui présenta sur la question un travail fort étendu, conclut à ce que la pétition fût renvoyée au garde-des-sceaux et déposée au bureau des renseignemens. M. le garde-des-sceaux et M. Dupin approfondirent la matière et l'envisagèrent sous toutes ses faces. Des explications fournies par le ministre, il résultait que sur 912 demandes parvenues au ministère, il avait été accordé 347 autorisations. Remontant au principe de la légitimation des enfans, le ministre soutint qu'elle n'était possible sans scandale et sans danger que dans le cas où, lors de la conception des enfans, aucun empêchement ne s'opposait au mariage. M. Dupin au contraire, se fondant sur les traditions de l'ancienne jurisprudence, opinait pour que la légitimation suivit nécessairement la dispense, et pensait que le scandale existerait au plus haut degré, si l'on séparait l'une de l'autre. Dans l'hypothèse où une loi sur ce point ne serait pas proposée, il ne doutait pas que la jurisprudence n'y pourvût, et ne se fixât dans l'intérêt des enfans, que l'on ne saurait punir d'une faute qui n'était pas la leur. Le renvoi et le dépôt de la pétition, demandés par le rapporteur, furent prononcés par la Chambre.

Dans la Chambre des pairs (28 janvier), à propos d'une pétition de quelques pensionnaires de l'ancienne liste civile, une interpellation avait été adressée au ministère par

M. de Dreux Brézé, relativement à la détention de la duchesse de Berry.

"

Puisque la Chambre, avait-il dit, m'accorde la parole, je me permettrai de lui faire remarquer que le droit de pétition consacré par la Charte est devenu depuis quelque temps, dans cette assemblée, un droit illusoire.

« Un grand nombre de pétitions relatives à la loi sur l'état de siége ont été adressées à la Chambre, et cependant l'on n'a point fait de rapport. Or, je vous le demande, qu'attend-on pour faire ce rapport? Si on ne le fait que lorsque la Chambre aura statué sur cette loi, que devient le droit de pétition

«Mais il est d'autres pétitions d'un ordre plus élevé, et que je m'étonne de ne pas voir rapportées; je veux parler de celles relatives à la captivité d'une illustre princesse, dont le sort fixe en ce moment les regards de la France et de l'Europe. Je ne saurais ignorer leur existence, puisqu'elles m'ont été presque toutes adressées pour les déposer sur le bureau de la Chambre; je saisirai même l'occasion qui m'est offerte par la publicité des débats, pour témoigner aux pétitionnaires ma profonde reconnaissance pour la confiance dont ils m'ont honoré. J'en ai reçu une ce matin qui est relative au même objet, et qui est couverte de 1700 signatures.

Comment se fait-il, messieurs, qu'au mépris du droit de pétition, on laisse enfouies dans des cartons des milliers de signatures qui demandent la liberté de Madame, duchesse de Berry? et, dans quelles circonstances? lorsqu'il est impossible de ne pas éprouver pour sa personne les craintes les plus vives, les alarmes les plus fondées; lorsque sa captivité, vu l'insalubrité du lieu de sa détention, n'est plus seulement un acte arbitraire, mais devient un attentat à son existence. Je ne me propose point d'entrer, messieurs, dans une discussion qui, dans ce moment, ne serait point motivée, mais je demande que la Chambre fixe dans cette séance le jour de la discussion sur les nombreuses pétitions qui réclament la liberté de Madame, duchesse de Berry. »

Le garde-des-sceaux répondit à M. de Dreux Brézé :

« L'orateur, dit-il, s'est plaint du lieu où la duchesse de Berry est détenue. Voudrait-il qu'on l'eût laissée perpétuer la guerre civile dans la Vendée ? Ce n'est sans doute pas sa pensée: mais on pourrait le croire, et rationnellement sa réclamation pour la liberté de la duchesse de Berry, quand on sait l'usage qu'elle en fait, pourrait-être ainsi¡interprétée. »

Le ministre de l'intérieur ajouta que, loin d'être un séjour insalubre, la ville de Blaye était un séjour parfaitement sain, dans lequel jamais il n'avait régné d'épidémie. Il ne comprenait donc pas qu'on eût pu le qualifier de lieu choisi à dessein pour nuire à la santé de la duchesse. L'incident n'eut pas d'autre suite dans l'enceinte de la Chambre.

Mais à la même époque, l'opinion fermentait au dehors, agitée par les mouvemens et l'attitude plus que jamais hostile du parti carliste. L'état de la prisonnière de Blaye

« PrécédentContinuer »