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avait inspiré généralement des soupçons, fait naître des conjectures, que ses partisans repoussaient du ton de l'in sulte et de la menace. Cependant, le brusque départ des docteurs Orfila et Auvity, chargés d'une mission du gouvernement, pour la citadelle de Blaye, sembla confirmer les bruits accrédités dans le public. D'abord le Nouvelliste, organe ministériel, s'était borné à dire que les docteurs avaient à examiner une question importante de médecine légale. La vague concision de cette note prêtait aux commentaires, et en effet, les commentaires se multipliant, le Nouvelliste jugea nécessaire d'expliquer sa note dans un article ainsi conçu :

<< Plusieurs journaux se livrent à mille conjectures sur la mission de messieurs Orfila et Auvity pour le château de Blaye; cette mission n'a pourtant rien qui puisse justifier la multitude des commentaires qu'elle fait naître. L'état de madame la duchesse de Berry ne présente rien d'inquiétant; seulement elle est depuis quelque temps assez indisposée pour qu'il ait paru convenable de lui offrir une occasion de consulter sur sa santé deux des hommes les plus dignes de confiance, M. Orfila, doyen de la faculté de médecine, et M. Auvity, dont l'un a été son médecin ordinaire, et l'autre son médecin consultant. La position de prisonnière où se trouve madame la duchesse de Berry imposait l'obligation de suivre cette marche régulière, et c'est dans ce sens que nous avons appelé légale la mission de ces deux médecins. »>

naux,

Cette explication, non moins ambiguë que le texte primitif, n'était pas de nature à lever les doutes, à terminer les querelles, à prévenir les appels et les défis. L'intention hautement manifestée du parti carliste était de ne pas souffrir qu'on exprimât d'aucune manière, et notamment dans les jourune opinion désavantageuse à la moralité de la princesse. De nombreux champions se levèrent pour la défense de son honneur, et tandis qué la chouannerie redou blait d'ardeur en Vendée, à Paris on dressait des listes de combattans légitimistes; on les déposait aux bureaux des journaux les plus prononcés dans la couleur libérale, où des listes se dressaient dans le sens contraire. Dejà, vers les derniers jours de l'année précédente, à l'occasion d'un article dans lequel la grossesse de la duchesse de Berry était présentée comme probable, une rencontre avait eu lieu entre un parti¬

san de la duchesse et un rédacteur du Corsaire: le journaliste avait été atteint d'une balle au bras droit. Une rencontre, plus grave encore par son issue, puisque les deux adversaires furent blessés, eut lieu par suite de provocations adressées au rédacteur en chef du National (Voy. la Chronique). Cette affaire, qui fit une vive impression à Paris, semblait devoir en entraîner autant d'autres que des deux côtés il s'était présenté de témoins: mais l'autorité prit des mesures pour s'opposer au retour de ces scènes de barbarie, renouvelées du moyen-âge, et qui contrastaient de la manière la plus affligeante avec l'état actuel des lumières et de nos mours, C'était en effet une déplorable contradiction que cette fureur à froid qui poussait quelques hommes à laver dans le sang des offenses imaginaires, lorsque la société hésite maintenant å frapper les plus grands crimes du glaive de la loi, et ne croit pas pouvoir mieux marquer la haute civilisation où elle est parvenue, qu'en adoucissant les rigueurs de son Code pénal.

L'effervescence ayant eu le temps de se calmer, les partis comprirent que des torrens de sang versé ne changeraient rien à leur position réciproque: des lettres furent échangées à ce sujet entre MM. Garnier-Pagès et Berryer, tous deux députés ; et, d'un commun accord, les provocations et les duels s'arrêtèrent, à Paris comme dans les départemens, où l'on avait suivi l'exemple de la capitale.

Cependant les deux docteurs envoyés à Blaye remplirent leur mission, et le Moniteur publia leur rapport (5 février) entièrement rempli de détails hygiéniques sur la citadelle, sur l'habitation occupée par la duchesse de Berry, sur les alimens dont elle faisait usage, et sur les soins dont elle était l'objet. Le rapport de MM. Orfila et Auvity ne renfermait aucune circonstance propre à fixer les opinions sur l'état présumé de la princesse.

L'attention publique s'était déjà refroidie, lorsque, dans le Moniteur du 29 février, partie officielle, on lut ce qui suit:

«Le vendredi 22 février, à cinq heures et demie, madame la duchesse de Berry a remis à M. le général Bugeaud, gouverneur de la citadelle de Blaye, la déclaration suivante:

« Pressée par les circonstances, et par les mesures ordonnées par le >> gouvernement, quoique j'eusse les motifs les plus graves pour tenir mon » mariage secret, je crois devoir à moi-même, ainsi qu'à mes enfans, de » déclarer m'être mariée secrètement pendant mon séjour en Italie. « De la citadelle de Blaye, ce 22 février 1833.

« Signé Marie-Caroline. >>

« Cette déclaration transmise par M. le général Bugeaud à M. le président du conseil, ministre de la guerre, a été immédiatement déposée au dépôt des archives de la chancellerie de France. >>

Cet article n'était accompagné d'aucune réflexion, et tous les journaux rédigés sous l'influence plus ou moins directe du pouvoir affectèrent de garder le même silence. Il n'en fut pas de même des organes du parti légitimiste et de ceux de l'opposition. Les premiers persistèrent à nier l'évidence et soutinrent que la princesse n'étant pas libre, il ne pouvait émaner d'elle aucune parole, aucune pièce digne de foi; les seconds, prenant acte d'une déclaration qui frappait au cœur leurs adversaires, n'en blâmèrent pas moins le gouvernement de la publicité qu'il donnait à la faiblesse d'une femme, nièce de son chef, et demandèrent ce que signifiait le dépôt aux archives de la chancellerie de France, formalité déjà employée pour l'abdication de Charles X.

La déclaration de la duchesse de Berry laissait dans le vague la nature des circonstances qui avaient déterminé sa conduite, mais on l'entrevoyait sans peine : quant au nom et au rang de son nouvel époux, c'était une énigme plus difficile à deviner, et dont le mot ne fut connu qu'environ deux mois plus tard.

CHAPITRE V.

Proposition relative à la composition des commissions dans la Chambre des députés.-Loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique.-Propo sition relative à l'amortissement. Proposition relative aux biens communaux. Proposition relative à la négociation des effets publics. — Projet de loi relatif à la vente des récoltes pendantes par racines.-Proposition sur le nombre légal des députés pour délibérer. - Proposition pour l'abolition des majorats. Proposition relative au mariage des prêtres. Proposition pour l'insertion des ordonnances royales au Bulletin des lois. - Proposition relative aux individus nés en France de parens étrangers. - Projet de loi sur l'état de siége.

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Avant de reprendre la suite chronologique des travaux des deux Chambres, rendons compte d'une modification que la Chambre des députés introduisit dans la forme des siens. Une proposition ainsi conçue avait été lue par M. de Corcelles (21 janvier):

~10 Les députés ne pourront faire partie de plus de deux commissions.

• 20 Les commissions autres que celles du budget ne pourront s'assembler pendant la tenue des séances.

« 3o Les rapports des pétitions auront lieu trois fois la semaine, les mardi, jeudi et samedi, de midi à une heure. »

Dans les développemens qu'il présenta quelques jours après (25 janvier), l'honorable membre établit que son but avait été d'éviter une perte de temps déplorable, de substituer à l'encombrement, source de confusion dans les affaires et de découragement pour tous, une judicieuse répartition de travaux. D'après lui, sa proposition tendait à économiser environ deux séances par semaine : « Deux séances, ajoutait il, c'est le tiers de notre temps, c'est un mois sur trois; ce sont les beaux jours du printemps à l'expiration de la session, ».

Une autre proposition tendant également à modifier le réglement de la Chambre, relativement au travail des commissions, fut déposée, par M. Comte, le jour même où M. de Corcelles développa la sienne; en voici la teneur :

«Lorsque la discussion est terminée, ou que les deux tiers des bureaux se déclarent suffisamment instruits, le président, en séance publique, nomme cinq, sept ou neuf commissaires, selon l'importance des projets ou propositions.

Si cinquante membres au moins réclament contre les nominations du président, la Chambre procède elle-même àla nomination de ses commissions par scrutin de liste, et à la majorité relative des suffrages. Cette disposition n'est pas applicable aux commissaires du budget, qui continueront d'être nommés par les bureaux.

« Les commissaires nommés ainsi qu'il est dit dans l'article précédent se réunissent et discutent ensemble. Le président, quand il le juge convenable, peut assister à leur déiibération. »

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Cette proposition, qui avait pour objet, ainsi que le déclara son auteur, de composer chaque commission des hommes les plus versés dans les matières sur lesquelles cette commission était appelée à délibérer, ne fut pas prise en considération. Au contraire, la Chambre admit celle de M. de Corcelles, mais pour le premier et le second article seulement elle rejeta le troisième (28 janvier). Ainsi réduite par la Chambre, la proposition le fut encore par la comanission chargée de son examen, laquelle supprima le second article, et substitue au premier cette nouvelle rédaction:

« Tout membre de la Chambre faisant déjà partie de deux commissions autres que celle de la comptabilité de la chambre, est înéligible à une troisième, jusqu'à ce que l'une des deux ait fait son rapport. »

M. de Corcelles se réunit à l'avis de la commission, qui fut adopté par la Chambre, et la proposition, rédigée dans les termes que nous venons de faire connaître, passa comme article additionnel au réglement (2 mars).

Maintenant, occupons-nous d'un projet de loi vivement réclamé par l'intérêt général, du projet sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, qui avait été présenté à la Chambre des députés dans sa séance du 12 décembre 1832.)

Depuis long-temps des plaintes s'élevaient sur les entraves

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