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de moi, prenez-la », ou de ces innombrables articles de littérature répandus dans tous les journaux, dans tous les recueils, et qui, chose assurément peu commune, ont fait à la fois aimer et admirer le critique; soit enfin que M. Tissot se présentât avec ses Etudes sur Virgile, ce magnifique parallèle de la poésie chez tous les peuples; toutes les voix devaient se réunir dans un concert unanime d'éloges en faveur du récipiendaire. Au surplus, M. Tissot neût-il pas eu tous ces titres à siéger sur les bancs de l'académie, il lui eût suffi de son discours seul pour y marquer sa place. Ce n'est pas que le sujet portât l'orateur; M. Tissot succédait à M. Dacier, dont l'éloge était plutôt du ressort de l'academie des inscriptions et belles-lettres, et toutefois on n'aurait pu tracer avec plus de talent et de bonheur, avec un style plus élégant et plus animé, les faits les plus intéressans de la vie si longue et si pleine de son prédécesseur.

M. Dacier, mort en 1833. à 94 ans, pouvait passer pour un dernier témoin du siècle de Louis XIV, ayant dû vivre lui-même avec plus d'un contemporain de « cette époque de génie et de bon sens », comme l'appelle M. Tissot. Grâce à ce privilége qui liait la mémoire de M. Dacier à un passé si grand et si reculé, l'orateur a pu retracer l'âge d'or de la littérature française..

«De quelle splendeur la France était environnée! s'est-il écrié, quel luxe de grands hommes ! Confondus par la renommée dans une espèce d'égalité qui semblait ne former qu'une famille d'élite, Corneille et Condé, Racine et Turenne, Fénélon et Catinat, le Poussin et Pascal, Molière et Bossuet, le prince de Conti et La Fontaine, Tourville et Descartes, Boileau et La Bruyère, Vauban et Massillon, faisaient ensemble un continuel échange de gloire; et quand la victoire ou la paix venait les réunir autour de Louis, si habile à les récompenser avec de nobles paroles, les palmes qui brillaient sur leurs têtes se pen

chaient vers celle du monarque pour lui former une couronne immortelle,

« Mais le grand siècle décline et meurt, et avec lui disparaît cette société modèle qui jetait le plus vif éclat, par la réunion continuelle des hommes les plus distingués du temps avec des femmes dignes de les entendre: témoin, parmi tant d'autres dont les noms vivront toujours, l'ingénieuse et savante Lafayette; témoin cette mère devenue immor telle en causant avec sa fille, et plus instruite et plus aimable encore la modeste La Sablière, érudite avec Ménage, philosophe avec Gassendi, amie de Molière qui la consultait, providence de La Fontaine et confidente de son génie. « Quel in concevable changement!» s'écriait Monsieur avec l'expression d'une juste douleur. L'hypocrisie imposée par la dévotion et la tristesse du vieux monarque désenchanté de tout, même de la gloire, a séparé la cour en deux camps ennemis : l'un fait de la religion pour plaire an converti de madame de Maintenon; l'autre suit, en les outrant, les exemples de la société du Temple. C'est là que les Sully, les deux princes de Vendôme, le brillant abbé de Chaulieu, le chantre et le compagnon de leurs plaisirs; La Farc, qui suit le torrent; La Fontaine, qui n'y rẻsiste pas, malgré la crainte des reproches de son ami Racine, calomnient la doctrine d'Epicure par la licence des mœurs, et semblent préluder aux bacchanales de la régence; tandis que la hardiesse de leurs opinions, leur mépris absolu des préjugés annoncent un nouveau siècle dont Voltaire, leur avide etjeune disciple, sera la merveille et le génie.»

C'est avec la même tbeauté de style, avee la même chaleur d'expression que M. Tissot a fait passer à travers le dix-huitième siècle et la révolution un auditoire tantôt ému, tantôt charmé, qui avait souvent interrompu ce discours par d'unapimes applaudissemens.

M. Jouy a répondu au récipiendaire avec beaucoup de tact et de convenance; il a heureusement ana

lysé les travaux de M. Tissot et les qualités qui le recommandent à la fois comme bon écrivain et comme bon citoyen. L'orateur a terminé en rappelant avec à propos que c'est au courage et au zèle infatigable de M. Tissot, son camarade d'enfance, qu'il a dû sa liberté dans un temps où la prison était encore si proche de l'échafaud.

M. Arnault a fait ensuite un rapport sur le concours defpoésie etd'éloquence; le prix d'éloquence, dont le sujet était le courage civil, a été remis, pour la seconde fois, à l'année prochaine. Le prix de poésie : la Mort de Sylvain Bailly, a été décerné à M. Emile Bonnechose. M. Bonnechose a lui-même récité la pièce couronnée, qui se distingue moins par l'énergie et la nouveauté que par la correction et une douce sensibilité. M. Chevalier, professeur, a obtenu l'accessit. L'Académie a décerné une mention à deux autres pièces.

Madame Berteau, directrice de l'hospice d'Elbeuf, et Suzanne Géral, femme Giraud, de Florac, département de la Lozère, ont mérité le prix de vertu de 6,000 francs. Les médailles ont été accordées à François Nowillez, Clotilde Vachelet, Caroline Bourlaud, Anne Charrin, Lucie Caumartin, Jeanne Lafon, Jean Pichon, Véronique Vieille, Jacques Rossegain, pour actions vertueuses.

Les ouvrages couronnés comme étant les plus utiles aux moeurs sont : PÉducation progressive, de madame Necker-Saussure, l'ouvrage de MM. Tocqueville et de Beaumont, sur le système pénitentiaire des Etats-Unis, celui sur les colonies agricoles, par M. Huerne de Pommeuse, et le Brame voyageur, par M. Ferdinand Denis; l'Académie a adjugé un prix de 6,000 francs aux deux premiers; aux deux seconds un prix de 2,500 et de 1,500 francs.

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sion. Le nombre des votans était de 44 majorité absolue, 23. Un premier scrutin a été sans résultat. Au second scrutin, les voix se sont partagées ainsi : M. Flourens, 23; M. Auguste Saint-Hilaire, 15; M. Dumas, 6.

M.. Flourens, ayant obtenu la pluralité des suffrages, a été nommé secrétaire perpétuel.

15. Cour d'assises. Assassinat de la veuve Houet. - Les annales de la justice criminelle offrent peu d'affaires dont les détails soient plus extraordinaires et qui démontrent d'une manière plus frappante que rarement le crime échappe à son châtiment.

La veuve Houet, qui avait marié sa fille au sieur Robert, passait pour avoir une fortune de 150 à 200,000 francs. Elle vivait en assez mauvaise intelligence avec son gendre, qu'elle voyait rarement. Le 13 septembre, 1821 au matin, alors qu'elle se disposait à prendre son café qu'elle avait l'habitude de préparer elle-même, une personne, restée inconnue, vint la demander à son domicile, rue Saint-Jacques, no 83 ; elle sortit, et depuis ne reparut plus. Les recherches de la justice furent inutiles; on ne douta pas qu'elle n'eût péri victime d'un assassinat. Les soupçons se dirigèrent d'abord contre son gendre, qui fut arrêté, soumis à une instruction, puis relâché plus tard par suite d'une ordonnance de non-lieu. Quelques nouveaux indices ayant été recueillis en 1824, Robert fut de nouveau mis sous la main de la justice; mais un arrêt de la chambre des mises en accusation le rendit à la liberté, attendu qu'il n'existait pas contre lui de charges suffisantes. Près de dix années s'étaient écoulées depuis ce dernier acte de procédure quelques mois encore, et le crime allait être couvert par la prescription décennale, lorsque de nouveaux indices recueillis par l'autorité sont venus élever contre Robert les plus graves présomptions. Les soupçons l'avaient suivi dans la retraite

qu'il avait choisie, la police veillait. On apprit qu'il était l'objet de sollicitations fréquentes de la part de Bastien. On sut que celui-ci avait dit à plusieurs reprises que Robert lui devait beaucoup d'argent, et que dernièrement encore il s'était vanté d'avoir, le même jour, mis à la poste pour Robert une lettre qui ne pouvait rester sans réponse. Cette lettre était adressée à Bourbonne - les Bains, lieu de la résidence habituelle de Robert. Le chef de la police de sûreté s'y transporta au mois d'avril dernier, et, muni d'un mandat d'amener, arrêta Robert en même temps qu'il saisit la lettre qui lui était adressée par Bastien. Dans cette lettre, ce dernier lui réitérait ses demandes d'argent, et accompagnait ses sollicitations des plus étranges menaces. « Rappelle-toi, lui disaitil à peu près en ces termes, rappelletoi le jardin de la rue de Vaugirard, no 81... Tu sais .. à quinze pieds du mur du fond... à quatre pieds du mur de côté... Les morts peuvent quelquefois revenir... »

Bastien fut arrêté et conduit à Pais avec Robert. Un de MM. les conseillers de la cour a été désigné pour procéder à l'instruction de cette affaire et à la recherche des preuves terribles que semblait indiquer la lettre de Bastien. M. le conseiller instructeur se rendit dans la maison de la rue de Vaugirard, no 81, indiquée par la lettre, assisté de M. Boys de Loury, docteur en médecine, et accompagné d'ouvriers fossoyeurs du cimetière du Père-Lachaise. Robert et Bastien furent séparément amenés sur les lieux pour être présens aux fouilles qu'on se proposait de pratiquer.

On apprit d'abord dans la maison qu'elle avait été louée par Robert en 1821; qu'il ne l'avait jamais occupée, et qu'on avait fini par lui donner congé parce qu'il n'y venait jamais que la nuit. Les fouilles commencèrent; les terres furent enlevées, et bientôt la pioche du fossoyeur, perçant un corps dur, pénétra fort avant dans une cavité. » Nous y voilà », dit celui-ci; et

aussitôt, insinuant son bras par le trou qu'il venait de pratiquer, il s'écria: « Je sens les ossemens d'un cadavre!» Robert resta immobile sans manifester aucun trouble; Bastien changea de couleur. Les recherches continuèrent. On s'aperçut bientôt en déblayant que le cadavre qui avait été enterré là avait été recouvert de chaux vive, mais on avait oublié sans doute d'y jeter de l'eau. La chaux, au lieu de produire son effet et de consumer le corps, avait au contraire servi à le conserver. Pendant le long espace de temps qui s'était écoulé depuis l'inhumation, les chairs avaient disparu, et le cadavre, réduit à l'état de squelette, avait sans doute, par sa diminution de volume, produit l'excavation que venait de percer la pioche du fossoyeur.

La croûte de chaux ayant été enlevé, M. le docteur Boys-de-Loury constata que le squelette avait encore une corde au cou. Il fut désormais établi que la personne inhumée en ce lieu était morte victime d'un assassinat par strangulation.

Cependant les dents et les cheveux du squelette étaient parfaitement conservés. On avait même retrouvé un anneau d'or à l'un de ses doigts. Des hommes de l'art furent mandés. L'un deux, ayant examiné les débris du squelette qui lui était présenté, mit de côté quelques ossemens d'animaux qui s'y trouvaient mêlés, et, après avoir examiné la tête avec attention, jugea, par sa forme allongée d'avant en arrière, qu elle avait appartenu à une femme. L'état des sutures lui fit penser que cette femme devait être déjà avancée en âge. Il ajouta qu'il devait y avoir plusieurs annécs qu'elle était inhumée.

On peut imaginer facilement l'intérêt que présentait cet examen à ceux qui étaient informés de ce qui le motivait. La physionomie des prévenus témoignait qu'ils n'y étaient pas indifférens, d'autant plus que les observations du savant anatomiste tendaient à confirmer une accablante identité. Mais leur sur

prise et celle des spectateurs fut au comble quand l'anatomiste, continuant ses remarques, commença à parler de la personne dont il tenait la tête, et assura qu'elle devait être avare, disposée aux emportemens, ajoutant d'autres détails qui tous se trouvèrent parfaitement d'accord avec ce que l'on connaissait de l'humeur de la veuve Houet.

Les débats de cette affaire ont rempli les séances du 12, du 13, du 14 et du 15 août. Robert et Bastien se sont renfermés dans des dénégations absolues; mais les preuves qui s'élevaient contre eux étaient de la nature la plus accablante. Un témoin d'une nouvelle espèce a paru dans la cause; c'est le squelette même de la veuve Houet, et ainsi s'est justifiée la prédiction de Bastien : « Les morts peuvent quelque

fois revenir. »

Bastien, déclaré coupable d'assasinat, et Robert, coupable d'avoir, par dons ou promesses, provoqué l'auteur de l'assassinat à le commettre, mais tous deux avec des

circonstances atténuantes, ont été condamnés à la peine des travaux forcés à perpétuité, avec exposition.

19. Concours général des colléges royaux. Cette solennité universitaire, dont le retour est attendu chaque année avec impatience par les familles, et fait battre plus vivement tant de jeunes cœurs, avait réuni aujourd'hui à la Sorbonne un auditoire non moins nombreux et brillant que de coutume.

L'honneur de prononcer le discours latin, ce jour-là de rigueur, était échu à M. Daveluy, professeur de rhétorique au collège de Charlemagne. Ce discours a été fort attentivement écouté, et plusieurs fois accueilli par les bravos du jeune auditoire.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique, s'est levé quan i les applaudissemens retentissaient encore, et, dans une allocution simple, il a félicité les élèves de leur travail attesté par la supériorité des

épreuves de cette année sur celles des années précédentes. Il a ajouté que la discipline sévère des colléges et les travaux pénibles de nos écoles, en trempant fortement leurs âmes et leurs esprits, les disposaient merveilleusement à supporter les dégoûts qui les attendent dans le monde, où, dit l'orateur, l'on ne doit pas toujours rencontrer, comme dans cette enceinte, la justice qui classe le mérite, et la bienveillance qui accueille le succès.

M. Naudet, inspecteur-général, a fait ensuite l'appel des lauréats, dont le triomphe à été, à peu d'exceptions près, confirmé par les applaudissemens de leurs condisciples.

Voici comment les prix ont été Charlemagne, 18 prix; Henri IV, répartis entre les divers colléges : 15; Louis-le-Grand, 11; Rollin, S; Bourbon, 7; Stanislas, 6, dont sophie et de rhétorique ; Versailles, les deux prix d'honneur de philophie ( dissertation française), a été 1. Le prix d'honneur de philosoremporté par l'élève E. Dulamon, et le prix d'honneur de rhétorique (discours latin), par l'élève Huet.

31. Institut. Élection. - M. Drolling, peintre d'histoire, ancien pensionnaire de l'Académie de France à Rome, membre de la Société libre des Beaux-Arts, a été nommé aujourd'hui membre de l'Institut, en remplacement de M. Guérin. Ses concurrens à la place vacante étaient MM. Schnet, Abel de Pujol et Picot.

SEPTEMBRE.

2. Paris. Académie des sciences. Statistique.-M. Moreau de Jonnès lit un Mémoire dont l'objet est la détermination des termes numériques de la mortalité dans chacune des parties de l'Europe.

D'après les tableaux de M. Moreau de Jonnès, il meurt annuelle

ment:

1 habitant sur 28 dans les états

romains et les anciennes provinces vénitiennes;

I sur 30 dans l'Italie en général, en Grèce, en Turquie;

I sur 39 dans les Pays-Bas, en France et en Prusse;

1 sur 40 en Suisse, dans l'empire d'Autriche, en Portugal et en Espagne;

1 sur 44 dans la Russie d'Europe et en Pologne ;

1 sur 45 en Allemagne,
marck et en Suède ;

1 sur 48 en Norwége;
1 sur 53 en Irlande;
I sur 58 en Angleterre;

en Dane

1 sur 59 en Ecosse et en Irlande. Ainsi, les moindres chances de la vie et la plus courte durée en Europe sont en Italie. C'est au contraire en Irlande et en Ecosse que l'homme parvient à la plus longue vieillesse.

Au total, on compte, année moyenne, en Europe, sur 210 millions et plus d'habitans, 5,256,000 décès, ce qui fait une mortalité d'un 40, qui est répartie inégalement entre les états du Nord et ceux du Midi. Les premiers n'ont qu'un décès sur 44 personnes, tandis que. Jes seconds en ont un sur 36. Sur un million d'habitans, la part de la mort est tous les ans de 22,701 individus, dans les pays situés au Nord de la France; elle est de 27,800 dans ceux qui gisent au midi. C'est une différence de plus de 5,000 décès, équivalant à un 200° de la population.

M. Moreau de Jonnès en conclut que les climats du Nord favorisent la prolongation de la vie humaine.

Les lieux de la zone torride dont on a calculé la mortalité montrent à quelle influence pernicieuse est soumise l'existence des hommes. Batavia, (1 déc. sur 26 172 hab. Trinitad, 1 Ste-Lucie, 1 Martinique, I Bombay, I Havane, I

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Néanmoins, il faut observer que ces proportions changent quand on considère les races indigènes.

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