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laiffé l'autre tiers à Françoife fa four, montant 2000. liv. & bientôt àprés ledit Jean le Foreftier eft décedé. On demande comment ces biens maternels feront partagez entre Catherine fa four uterine roturiere, & Françoife la four germaine noble.

Françoife noble, prétend recueillir noblement, collateralement le tout des immeubles, proce eedans de la mere commune, comme étant venus à fon défunt frere par un partage noblement fait entr'elle & lui, fuivant l'article 543. de la Coûtume.

Catherine au contraire, prétend que cette fucceflion collateralë fe doit partager également avecelle, comme l'avoit été la maternelle, ce qu'arrivant elle roturiere, fe trouveroit avoir des biens. provenus de la mere par l'un & l'autre partage d'un cinquième plus que fa fœur noble..

Les fentimens font partagez ia deffus, on demande celui du Confeil.

Réponse. Le Soulignant fur cette queftion problematique, eft d'avis que ladite Françoifè le Fo reftier noble, n'eft pas bien fondée à recueillir noblement, collateralement le tout des biens mater nels que fon frere a laiffez. L'article 543. de la Coûtume ne favorife pas fon intention, parce qu'il ne donne le droit de recueillir collateralement pour le tout que les biens provenus du tror c commun par partage noble, & il eft trés vray de dire, que partie de ceux cy étoient venus du trorc commua par partage égal. Mais Catherine le Foreftier roturiere eft pareillement mal fondée a prétendre un partage égal du total defdits biens maternels, dautant qu'une partie étoit venuë au défunt par pars tage noble.

Il fembleroit plus probable que ces biens du défunt estimez 4000. livres dûffent être partagez aux deux parts pour ladite Françoile noble, & au tiers pour Catherine, ce qui produiroit 2666. livres 13. fols pour la premiere, & 1333. livres 6. fols pour l'autre. L'article $44. autorile en aparence cette penfée, en décidant que, les biens noble's qui fe trouvent dans les fucceffions collaterales par quelque moyen que ce foit, (autres que ceux qui font venus du tronc commun par partage noble que l'aîné recueille pour le tout par l'article 543. ) Seront partagez noblement entre les coheritiers; fçavoir les deux parts à l'aîné, & le tiers aux puínez.

Mais cette penfée fe renverfe par deux raifons invinciblés, la premiere, que cet article 544. n'eft qu'une continuation du texte de l'article précedent, qui parle du partage des fucceffions collaterales entre les nobles, & celle-cy fe dait divifer entre deux fœurs, dont l'une eft roturiere. La feconde que ce même article $44. donne les deux tiers à l'aîné, & ici c'eft la roturiere fille du premier lit qui eft aînée, fur laquelle la puinée, quoique noble, n'a point d'avantage par l'art. 556. de la Coût Il faut donc chercher une autre folution du problême propofé. L'efprit de la Coûtume & l'équité en offrent un commode, en fupofant fuivant les articles $56. in fine $70. in fine & $93. que les par tages des fucceffions collaterales fe reglent par ce qui a été fait dans le partage de la fucceffion du

tronc tommun.

Dans l'efpece propofée, Geneviève le Pontois a laiflé de fon premier mary roturier une fille, & de fon fecond mary noble un fils & une fille, entre lefquels trois enfans, fes biens nobles ont été partagez également, revenant la portion d'un chacun à 3000. livres. Et fuivant l'article 556. les deux enfans nobles ayant réjoint enfemble leurs portions montant à 6000. livres pour les partager noblement entr'eux fuivant le même article, il eft venu 4000. livres au fils pour les deux tiers, ce qui s'eft fait par décroiffement ou détraction de 1000, liv. fur la portion de la foeur puînée, n'ayant affectives ment pris qu'une portion égale de 3000. 1. dans la fucceffion de la mere. De forte que venant au partage de ces biens nobles montant 4000. 1. il eft jufte que les 1000. 1. qu'il avoit pris fur la portion de Françoife fa fœur puînée noble, retournent pour le tout à fad. fœur noble, parce que cette portion eft venue du tronc commun au défunt par partage noble, & doit retourner à l'heritier collateral noble par le texte de l'art. 543. Car il eft de l'équité que la qualité noble de la four lui raporte ce qu' elle lui avoit ôté, & qu'elle ne foit pas retorquée contr'elle au profit de la four roturiere. Les autres 3000.1. qui étoient venues au défunt,de la fucceffion de la mere par partage égal, fe doivent par tager également entre ces deux fœurs, dautant qu'ils étoient venus au défunt du partage égal de la fucceffion maternelle : par ce moyen la four noble prendra 2500. 1. fur les biens de la fucceffion, qui eft un peu moins que les deux tiers, & la feur roturiere 1500, 1. ce que faifant, chacune aura part égale des biens de la fucceffion maternelle, tout ainfi que fi elles n'avoient point eu de frere. Enfin il faut confiderer qu'il y a eu deux partages de la fucceffion maternelle, le premier roturier ou égal entre tous, & ce qui eft provenu de celui-là, fçavoir 3000. 1. doit être partagé de même. Le fecond noble entre le frere & la fœur noble, & ce qui en provient, fçavoir 1000. 1. doit être recueilli noblement par la fœur noble en le rejoignant à fa portion de laquelle il avoit été détâché, car il n'eft pas. fans exemple en Droit, ut portio non ad folidum, fed ad ptionem revertaturâ qua feparata fuit, l. f. de ufufruct. accrefcendo. HEVIN

Deliberé à Vennes le 30, Novembre 1687,

DEVOIR DE CHEVAUCHE'E OU SERVICE D'ARMES eft un attentat outrageux à la Souveraineté du Roy, pernicieux au public, & condamné par toutes les Ordonnances & les Arrêts.

Mc. Pierre Hevin ancien Avocat au Parlement, Défendeur en Requêtes & Lettres de Commiffion du

&c.

CONTRE Meffire Charles de la Tremoille, Duc de Touars, Pair de France, &c. Prenant le fait pour Me. Jean Lafnier fon Procureur Fifcal & Receveur, &c. Demandeur aufdites Requêtes & Lettres de Commiffion.

It devant vous Nofleigneurs de Parlement, qu'ayant expliqué par fa production le fait & la

premiere, concernant le Devoir de Chevauchée ou Service d'Armes prétendu par Mr. le Duc de La Tremoille contre tous les hommes Etagers de fes Fiefs de Vitré à Rennes. La feconde, la qualité des Rentes & Amendes, prétendues contre les mêmes hommes. La troifiéme le Bouteillage.

Les propofitions que ledit Lafnier fait touchant la premiere queftion, font trois. La premiere, que par un Ufement General des Fiefs de Vitré à Rennes tous hommes poffedant étages ou maifons, font tenus de s'affembler dans la place publique de Rennes, dire le Champjacquer: le 22. Juillet Fête de la Madelaine, montez à cheval & armez, pour de là accompagner les Offi• ciers à la Foire, qui fe tient prés la Chapelle de la Madelaine, à l'extremité d'un Fauxbourg du même nom.

La feconde, que faute de rendre ce fervice, qu'il apelle obéiffance à Chevauchée, les défaillans tombent en l'amande de foixante fols.

Et la troifiéme, que ces foixante fols font monnoye & valent foixante & douze fols tournois. Encore que cette matiere qui a exercé l'efprit de plufieurs grands hommes, Meffieurs de Marca Archevêque, Bignon Avocat General, Galland Maitre des Requêtes, Sirmond, Spelman, Hauteferre, & pleinement Brodeau fur l'article 7. de la Coûtume de Paris, & du Cange dans fa Differ tation 29. fur Joinville, & 30. autres, fût trés-digne de paroître devant la Cour ayant fait le fu jet de plufieurs Conciles, de so. Ordonnances de nos Rois, & d'une infinité d'Arrêts, le Défendeur fe refferrera à toucher trés fuccintement l'origine de cette Chevauchée, lon progrés & fon abolition.

C'eft une verité conftante que les Francs ou François, Nation Germanique, paffant de Germanie ou d'Allemagne dans les Gaules, au commencement du cinquiéme fiecle, où ils s'établirent, y aporterent leurs Coûtumes, dont l'une convenable à la fierté de ce Peuple belliqueux, étoit de vuider tous les differens par les armes, foit qu'il s'agir d'injure ou de poffeffion; mais avec cette dureté, que tous les parens & les amis étoient obligez de s'intereffer dans la querelle, & de faire la guerre pour ou contre, Sufcipere tam immicitias feù Patris,feù propinqui quam amicitias neceffe eft, Tacite parlant d'eux, on fe jettoit fur le parent & fur l'amy de l'outrageant, comme fur lui-même le fejour qu'ils firent dans les Gaules pendant plus de quatre ficcles, ni les Loix Romaines qu'ils y trouverent, ni même celles du Chriftianifme, ne putent attendrir la dureté de Jeurs cœurs touchant ces inimitiez capitales, apellées faidas Charlemagne condamna, mais inutilement, ce pernicieux ufage, nefcimus qua pernoxia inventione à nonnullis ufurpatum eft, ut hi qui nullo minifterio publico fulciuntur propter fua odia & diverfiffimas voluntates peffimas, indebitum fibi ufurpant in vindicandis proximis & interficiendis hominibus vind:Eta minifterium, &c. Capitul. lib. 5. cap. 180. il prenoit pour exemple la Ley 1. ut armorum ufus infcio Principe interdiaus fit au Code Theodofien pratiqué dans une partie de la France, & laquelle Loy eft auffi dans le Code de Juftinien lib. 11. tit. 47.

L'introduction des Fiefs dans l'onzième fiecle aigrit & aprofondit l'ulcere, car les hommes de Fief furent envelopez dans ces guerres privées, & chacun fe fervit de l'infeodation pour s'affûrer de Soldats, en affeageant à condition du Service par armes, apellé Exercitus, Equitatio, Cavalcata, Chevaucheia. Guntherus lib. 8. raportant les premieres Loix des Fiefs établies par l'Empereur Frederic I.

Publica militia vaßallus munera jufta Non Tenual,
Tome II.

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Cette condition devint non-feulement naturelle dans les inveftitures, mais encore la plus in difpenfable de toutes, en forte que l'on n'en exemptoit pas même les Ecclefiaftiques pour leur Temporel, une Patente du Roy Louis VII. de l'an 1143. Si Hoftem noftrum submonemus, Abbas feù Major, feù Monachus ex parte noftra fubmonebitur: Philippes Augufte en 1200. accorda comme une grace finguliere à Othon Evêque de Paris, de ne fervir pas en perfonne pendant la vie, In perfonâ tuâ tantum quamdiù vixeris ab exercitu & Equitatione abfolvimus; en 1206. remettant la Regale à l'Evêque d'Auxerre, il en excepta L'oft & la Chevauchée, falvo fervitio noftro Equitationis & fubmonitionis, & dans un Traité entre lui & l'Abbé de Saint Denis de 1190. nihil nobis &fucceßoribus noftris jure retento, excepto Gueto, exercitu Cavalcata ; l'Ancienne Coûtume d'Anjou explique que Houft, Hoftis, Exercitus, eft pour défendre le pays: & Chevauchée, eft pour défendre fon Seigneur.

Les Evêques & les Abbez furent obligez d'affeager partie de leurs terres aux mêmes conditions pour avoir des défenfeurs, c'est l'origine des Vidames & des Advoüez.

Ainfi tout Seigneur Haut-jufticier s'attribua la puiffance publique qui comprend le droit des armes, & le Souverain fut contraint de voir fes Sujets fe faire la guerre fans fa participation.

Tant de guerres privées & d'hoftilitez, tant de pillages & de faccagemens dans les membres particuliers cauferent des convulfions à l'état; car on ne voit rien de plus frequent dans les Hiftoriens depuis le dixième fiecle jufqu'au quatorziéme; que ces faccagemens particuliers & ces termes; ille totam terram iftius devaftavit, Caftella cepit, diruit, funditus deftruxit, combuffit, rapinis & incendiis delevit. Tout ce que l'on pût faire dans le 12. fiècle avec le fecours de l'Eglife & des Conciles, fut d'introduire la Treve apellée de Dieu qui étoit une ceffation d'armes depuis la relevée du Mereredy, jufqu'au Lundy de chaque femaine. Le Concile de Clermont en l'an 1-095. extendit cette ceflation aux tems de l'Avent, du Carême, des Octaves de Pâques & de la Pentecôte. Les Empereurs Frederic I. & II. établirent que les hoftilitez ne commenceroient qu'aprés une declaration ou dénoncy apellée diffidatio, deffy, depuis laquelle il y auroit encore un delay de trois jours, afin que les parens, les amis & les hommes de Fief ne fuffent pas furpris & envelopez fous un rivage imprevû, Saint Louis fit ce délay de 40. jours environ l'an 1260.

La confufion alloit jufqu'au point que le proche Vaffal lige ou homologue étoit tenu de fervir fon Seigneur contre tous; contre fon propre lang, contre fon Seigneur fuferain ( & ce qui eft horrible) contre fon Roy. Saint Louis par le chap. 49. du liv. 1. de fes Etabliffemens ou Ordonnances, ne pouvant guerir cette atteinte mortelle portée à la Souveraineté, tâcha feulement de la couvrir un peu par une vaine ceremonie, fçavoir que l'homme proche ne feroit pas tenu de s'armer contre le Roy, finon aprés lui avoir demandé s'il vouloit faire juftice à fon Seigneur proche, Ainfi le Seigneur de Vitré declaroit la guerre au Seigneur de la Guerche, celui de Châteaugiron à celui de Vitré, chacun d'eux défioit le Comte ou Duc de Bretagne, & le Duc défioit fon Roy Souverain, comme Pierre de Dreux fit le Roy Saint Louis en 1229. & Jean IV, le Roy Charles VI. ca 1373.

Chacun affectoit de faire montre de fes forces en toutes les faifons de l'année, ordinairement & particulierement aux plaids que le Seigneur tenoit lui-même en perfonne & aux jours de Foire, pour fe faire redouter de fes voifins, pour narguer fon Seigneur & lui montrer les dents, & pour être prêts de repouffer les hoftilitez & les infultes que les ennemis eulent pû faire aux plaids ou à la Foire.

Les Seigneurs de Laval qui fe font vûs Comtes de Cafertę, de Harcourt, Seigneurs des Ba ronnies de Vitré, de la Roche-Bernard & de Quintin, & par aucun tems de Château-Briand, de Derval, Sires de Montfort & autres Terres de Baniere, & de plufieurs Châtelenies en Bretagne, apuyez de leurs alliez faifoient trembler le Duc & affectoient de montrer par là leur pouvoir.

Mr. Dufail dans l'Epître dedicatoire de fon Recücil d'Arrêts de ce Parlement au Prince de Guemené de l'an 1679. marque qu'il avoit quelque peu penetré dans cette connoiffance, car en Breta gne cet abus des armes regnoit, & le duel ou combat à outrance avoit lieu, pourvû qu'il s'agit de plus de cinq fols par l'article 41. de la trés ancienne Coûtume: Voicy les termes de Mr. Dufails Les Seigneurs du Pays avoient un ordre d'amaßer leurs Vaßaux par une forme qu'ils apelloienɛ dreit de MaNE'E pour aller en Guerre, fi besoin étoit, ou pour le fugement de leurs procés & querelles; & étoient à cet effet femonds & apellez par un Sergent apelle AMENEUR, lesdits Vassaux ainfi apellez ne fe retiroient de ladite Menée on Assemblée, jufqu'à ce qu'ils fuffent DELIVREZ, mis hors licentiez de s'en aller par le Seigneur ou fon Lieutenant, dont eft venu le mit DELIVRANCE employé dans le premier article de la Coûtume, &c.

En effet l'article 261. de la trés-ancienne Coûtume porte que noble homme n'eft pourforcé de faire Corvées fors d'aller és armes ou és plaids ou en gibier ou en l'aide du Seigneur, tous les hommes valides s'y devoient trouver. Le Rôle des Fiefs du Duc de 1294. porte que tous les hommes de l'Evêque de Rennes devoient être menez par fon Senechal excepté fon Camerier & fon Fournier. Les femmes étoient auffi exceptées, l'article 2 32. de la même trés-ancienne Coûtume, dit: qu'il n'apartient pas à la femme d'aller en oft ne en Chevauchée (car fon pouvoir n'est rien) ne à plaids jugemens.

Le Roy Philippes le Bel en 1311. voulut défendre cet ufage par Ordonnance raportée, Inftit. 3.parte Stili Tit. 42. mais la défense ne fit qu'irriter le mal, les Seigneurs foûtinrent que les Nobles peuvent doivent ufer des armes quand il leur plaira.

Le Roy Jean en 1353. tenta auffi cette prohibition de guerres particulieres, non pas absolument, mais maxime guerris fuis durantibus, afin que les Sujets par leurs guerres particulieres ne fufsent pas détournez de le fervir dans fes guerres generales pour la défenfe & l'utilité de l'Etat.

Jean du Coq foannes Galli raporte un Arrêt du Parlement de Paris de 1387. portant défenses aux Gentilshommes de Picardie & de Champagne de fe faire la guerre; & un autre de l'an 1395. qui fait la même prohibition à des Seigneurs de Gascogne; le Roy Louis XI. plus abfolu les abrogea pleinement par fon Ordonnance de 1451. fuivie de plufieurs autres, mais cela ne s'extendit pas d'abord en Bretagne, où le defordre continua encore fi long-tems, que nos dernieres Coûtumes en ont confervé des veftiges, cela s'eft pourtant fait dans la fuite.

Si bien qu'aujourd'huy aprés tant de prohibitions il eft vray de dire que le droit des armes, & l'attroupement attaquent la Majefté, un Seigneur quel qu'il foit & bien moins un Officier de fa Jurifdiction, ne peut faire monter les hommes de Fiel à Cheval, ny faire ceindre l'épée à ceux aufquels la faculté de la porter eft interdite, il ne peut les affembler ny les conduire en troupe. Et partant le Défendeur a eu raifon de repondre à l'exploit de Lafnier du 11. Juillet 1685. tendante à amende pour défaut de Chevauchée, Qu'il tenoit à grand honneur d'etre Vaffal de Mr. le Duc de la Tremoille comme poßeffeur d'un petit heritage, fous l'un de fes Fiefs de Vitré à Rennes, qu'il connoifsoit l'antiquité & la splendeur de fon nom, l'immensité de fes biens, & la gloire de fes alliances, & qu'il étoit perfuadé de la veneration que l'on doit avoir pour ses grandes vertus perfonnelles, plus que tous fes Officiers; mais qu'il n'avoit garde de confondre les droits d'u Seigneur de Fief avec ceux du Souverain Maitre, ny de fe faire complice d'un abus outrageux, à la Souveraineté du Roy, & condamné par les Ordonnances & Loix generales du Royaume, elles ont été renouvellées fi fouvent depuis l'union de la Province à la Couronne, & font fi connuës de rout le monde, portant prohibition de s'attrouper, & même de porter l'épée à l'exception de ceux qui en ont le droit, qu'il feroit inutile de les dater, & cela fuffit en general touchant l'ori gine, le progrés & l'abolition de la Chevauchée.

Refutation des Objections.

Es précedentes veritez fe confirment pleinement par la refutation des Objections ou moyens que Lafnier Procureur Fiscal de Mr. le Duc de la Tremoille a deduits pour perfuader que l'abus doit continuer.

1. Objection. La premiere, eft que la Chevauchée ou Service d'armes eft de l'effence des Fiefs & une fuite de la foy, & que Mr. le Duc eft Seigneur de Fief.

Réponse. Le Défendeur convient & l'a dit qu'elle étoit autrefois ordinaire & même la plus indifpenfable de toutes les obligations qui naifloient des inveftitures, mais c'étoit dans le tems que la Seigneurie étoit definie une puissance publique, & que la Souveraineté étoit dechirée depuis ce tems-là le Sceptre a repris fon autorité & les droits, incompatibles avec la prétendue Chevauchée des Seigneurs particuliers, dont il ne faut fe fouvenir que pour la derefter & non pas pour la reffufciter. Le Défendeur produit ici trois grands hommes de Palais qui l'expliquent mieux que ne feroit fa plume. Le premier, eft Maitre Charles Dumoulin, qui dit fur l'ancienne Coûtume de Paris §. 1. gloff, 6. num. 13. Hodiè ad folius Regis autoritatem & poteftatem armorum ufus & congregatio militum pertinet Leg. unic. & Rubrica ut armorum ufus infcio Principe interdictus fit Cod. lib. XI. Vbi illa verba (infcio Principe) intelliguntur, id eft, non mandante, non enim fufficeret fola. Scientia patientia, fed expreffum & fpeciale mandatum requiritur, ut determinat Andreas de ferpia & Lucas de Penna in d. Leg. unica fup. & ad lib. 3. ff. ad Leg ful. Majeftatis. En effet cette Loy met entre les crimes de Leze Majefté l'amas de gens, fi quis delectum habuerit injuffu Principis, lequel mot, injußu, marque qu'il faut un ordre exprés.

L 11 ij

Le fecond, eft M. Bertrand d'Argentré, Senéchal de Rennes, Commentateur de notre Cou tume fur l'article 95. de l'ancienne, nomb. 3. Jure feudorum arma movere cuique licebat aut auxi-` lio Domini accurere, nunc in totum prohibitis armis privatorum, relinquitar ut manus Domini VasSalum ad arma movere poffit, nifi evocante & jubente Rege.

Le troifiéme eft M. Charles Loyfeau au Traité des Seigneuries fuferaines, chap. 4. où il dit: autre fois la Seigneurie étoit définie, PUISSANCE PUBLIQUE, parce qu'elle ne comprenoit pas feulement la Justice, mais le commandement aux armes : car originairement les Seigneurs avoient l'un & l'autre commandement. Ils commandoient en guerre à leurs Vaßaux même les arriere Vaffaux .Ce qui étoit cause que les Seigneurs étant perpetuellement assurez de l'assistance de leurs Vaffaux, entreprenoient de faire la guerre de leur autorité, foit pour leurs querelles, foit pour celles de leurs amis. Et de la tant de queftions dans les Feudiftes, fi le vassal eft tenu affifter fon Seigneur contre fon frere, contre fon autre Seigneur, & contre le Seigneur de fon Seigneur. Mais cet abus a été retranché & prohibition faite aux Seigneurs de déclarer guerre, qui au fentiment de Dumoulin eft la premiere caufe de la. tranquillité & durée du Royaume. Les Seigneurs n'ont plus aucun commandement fur leurs Vaffaux au fait des armes, il ne leur refte que la propriété de la fuftice, dont l'exercice eft encore demeuré à leurs Officiers.

2. Objection. Lafnier allegue que par les Aveus & denombremens que le Seigneur de Laval fournit en 1542. au Roy François en execution de fes Commandemens, il a employé cette Chcvauchée & exprimé que les hommes de fes Fiefs à Rennes y étoient tenus, ainfi que par un Aveu de 1555.

Réponse. On convient que l'Aveu mentionne ce devoir & y affujettit tous les Etagers, mais il ne faut pas s'étonner que l'on fouffrit encore alors ces expreffions dans les aveus & denombremens, d'autant que la reformation de la vieille Coûtume que l'on avoit fait trois ans feulement auparavant, c'eft-à-dire, en 1539. avoit encore confervé des veftiges de l'ancien dereglement, en repetant dans l'article 95. que l'homme Noble étoit tenu d'ayder fon Seigneur aux armes.

Ille trouve même au deshonneur des derniers Reformateurs de l'an 1580. qu'ils ont encore repeté la même difpofition dans l'article 91. de la nouvelle Coûtume, oubli fi furprenant qu'on ne le peut attribuer qu'à la déplorable conjoncture des guerres civiles & de la Religion, qui dans le tems de la reformation replongeoient le Royaume dans la confufion & le defordre des Guerres privées, & des entreprises des fauteurs de chaque parti les uns contre les autres, dont le procés verbal même fait foy. Mais cette difpofition ne tient plus lieu que de relation hiftorique, tout ainfi qu'à l'égard de l'exercice de la Juftice par le Seigneur en perfonne.

Car originairement le Seigneur de Fief tenoit lui même en perfonne fes Plaids. La menée ou affemblée de tous les hommes fe faifoit à certains jours prefix, devant le Seigneur qui les menoit ou à la Guerre ou à la Chaffe, ou s'arrêtoit à juger les differens qu'ils lui propofoient, & il n'y a rien de plus conftant, finon que le Seigneur de Fief jugeoit lui même, comme on a touché dans les Annotat. fur Frain p. 373. la trés ancienne Coûtume art. 241. 261. & autres en fait preuve: La Coûtume de 1539. en a retenu les veftiges aux art. 10. ubi Argentr. 16. 31. 37. 38. &c. & la derniere de 1580 aux art. 9. 14. 34. 35. 36. 40. cependant un Seigneur ne peut pas aujourd'huy exercer fa Jurifdiction; & bien moins attrouper les hommes armez pour Chevauchée, ayant été publié depuis ce tems là vingt Ordonnances generales & plus de cinquante Reglemens qui prohibent tout attroupement & port d'armes, comme un attentat à la Souveraineté. 3. Objection. Que la Chevauchée qu'il pretend n'eft point un fervice d'armes, qu'elle ne confifte que dans une obéiffance reverentielle, que ce n'eft qu'un droit de menée, qui affujetit les Vaffaux à fe reprefenter à un jour prefix à la Cour de leur Seigneur pour marque de leur foumiflion, c'eft ce qu'il allegue page 6. & 8. de la Production imprimée du Avril 1686,

Réponse. 1. Que de contradictions & d'impertinences dans ces propofitions! Car la Chevauchée 'étant autre chofe que le fervice d'armes par fon origine, par fa definition, par fa cause & fon objet, par la maniere dont elle a été exercée pendant qu'elle a fubfifté, & par toutes les authoritez cy-deffus alleguées, il eft infaillible qu'elle eft un fervice par armes, & que fi le Seigneur ne peut plus pretendre de fervice de cette nature, il ne peut pretendre de Chevauchée.

Le droit de Chevauchée que s'attribue le Seigneur de Vitré dans ce fiécle, n'eft pas autre que celui qu'André Seigneur de Vitré, ou Guy de Laval VIII, XII. ou XV. du nom s'attribuoient, ils le pretendoient, & l'exerçoient comme fervice d'armes, qui étoit, comme Lafuier dit lui même naturel & de l'effence de toute Seigneurie féodale, en tant qu'elle comprenoit alors comme remarque Loifeau, la puiffance publique & le droit des armes, laquelle ayant été ôtée aux Seigneurs, il ne peut plus y avoir de Chevauchée,

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