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sans que la cour ou le tribunal puisse, du consentement même de ladite partie, en prénoncer l'application à une œuvre quelconque. »

Cet article, comme ceux qui suivent, ne demande que quelques remarques, L'art. 51 est fort simple; on conçoit très-bien que la partie lésée par un délti ou par un crime puisse et doive obtenir, contre l'auteur du crime ou du délit, une condamnation pécuniaire destinée à l'indemniser. Ce n'est là, au reste, que la conséquence des principes dont nous aurons plus tard à développer l'application, savoir, la distinction entre l'action publique et l'action civile. La question s'élève, se place sur les premiers articles du Code d'instruction criminelle.

Envers la partie lésée, si elle le requiert: en effet, les tribunaux criminels, pas plus que les tribunaux civils, ne peuvent appliquer d'office une condamnation de dommages-intérêts au profit d'une personne qui ne les demande pas. Il faut requérir la condamnation, c'est-à-dire, en d'autres termes, se porter partie civile. Nous verrons plus tard dans quelle forme on prend cette qualité et quels en peuvent être les dangers ou les avantages, car il y a des uns et des autres. Il faut des conclusions précises de la partie lésée, pour que le tribunal puisse lui adjuger des réparations.

A l'égard des restitutions, ce qui est tout différent des dommages-intérêts, à l'égard de la remise des objets qui ont été volés, il ne paraît pas que des conclusions formelles soient nécessaires; nous verrons dans l'art. 366 du Code d'instruction criminelle, que la loi autorise et ordonne que la remise des objets volés soit faite d'office sans conclusions: c'est un point qui appartient à la procédure du jury.

Le principe de l'art. 51 est le principe des art. 2 et 3 du Code d'instruction criminelle; mais sa rédaction pourrait donner lieu à quelques embarras; elle est en effet fort singulière. La loi vous dit que, quand il y aura lieu à restitution, par exemple, à la remise des objets volés à l'une des parties; QUAND IL Y AURA LIEU A RESTITUTION, le coupable pourra être condamné en outre; mais est-ce que cette faculté, est-ce que cette obligation de condamner le coupable à réparer en argent, autant que faire se peut, le préjudice qu'il a causé, se bornent aux causes, aux affaires dans lesquelles il y a matière à restitution? Ainsi, par exemple, par négligence, ou même par le fait d'une volonté criminelle, un homme en a blessé et grièvement blessé un autre ; voilà une cause où évidemment il n'y a pas matière à restitution. Il n'y a rien à rendre ; est-ce donc que, prenant l'article à la lettre, nous devrons dire dans ce cas qu'il ne peut être déterminé ni accordé des dommages-intérêts. Cette conséquence serait fausse, et cependant la lettre de l'article paraît l'autoriser. Cette observation fut faite au conseil d'État en 1808; c'est M. Merlin qui soulevait la question; on lui répondit que l'article était mal rédigé, mais qu'on avait inséré ces mots pour que les tribunaux n'allassent pas penser qu'ils ne devaient pas adjuger de dommages-intérêts dans les cas où il y avait lieu à restitution; en d'autres termes, pour avertir les tribunaux qu'ordonner la restitution, dans les cas où il y avait lieu, ce n'était pas donner à la partie une indemnité suffisante, qu'une restitution n'est pas une indemnité. Autrement, on a voulu avertir les tribunaux que, tout en prononçant la restitution, comme ils doivent toujours le faire, ils

peuvent et doivent de plus condamner à la réparation pécuniaire du préjudice. On convint cependant que l'article serait changé, attendu que la rédaction était vicieuse. Ce changement n'a pas été fait; mais il est bien sûr que l'article ne doit pas être pris à la lettre. Ainsi, soit qu'il y ait ou non matière à restitution, il n'est pas douteux que la partie lésée ne doive, si elle le requiert, obtenir du tribunal qui condamne l'indemnité pécuniaire dont parle l'art. 51.

113. Quant aux derniers mots de cet article, qui défendent aux tribunaux d'appliquer cette indemnité à une œuvre quelconque, même du consentement de la partie qui la demande, ces mots ont eu pour but, a-t-on dit dans la même séance, de prévenir les écarts d'une assez fausse délicatesse qui empêcherait la partie lésée de requérir directement pour elle, à son profit, les dommages-intérêts, l'indemnité du préjudice à elle causé; d'empêcher qu'on ne demandât, par exemple, une somme quelconque de dommagesintérêts applicables aux hospices, aux pauvres, aux églises, à telle autre œuvre que vous voudrez supposer. On a craint que, par une fausse délicatesse, une partie à laquelle des dommages-intérêts seraient nécessaires, que l'état de sa fortune ne mettrait pas à même de s'en passer, n'osât pas cependant les demander pour elle et les demandât en laissant aux tribunaux la faculté de les appliquer à telle ou telle œuvre. Il y avait aussi à craindre que les dommages-intérêts ne fussent un peu trop facilement et trop largement appliqués par les tribunaux, et que, sous la couleur de faire une bonne œuvre, on ne s'assurât une vengeance contre la partie vis-à-vis de laquelle on conclut aux dommages-intérêts.

114. « ART. 52. L'exécution des condamnations à l'amende, aux restitutions, aux dommages-intérêts et aux frais, pourra être poursuivie par la voie de la contrainte par corps. »

Nous avons vu, dans l'explication du Code de procédure, que la contrainte par corps n'était admise, en matière civile, que comme voie exceptionnelle, et dans certains cas spécialement déterminés; dans les matières criminelles, quelle que soit la nature de la condamnation pécuniaire, la contrainte par corps est, au contraire, la voie directe d'en poursuivre l'exécution.

Remarquez, d'ailleurs, que cette contrainte par corps est parfaitement distincte de la peine d'emprisonnement qui aura pu être appliquée pour châtier le délit.

Le principe de l'art. 52 a été consacré par la loi du 17 avril 1832 sur la contrainte par corps et par celle du 13 décembre 1848.

« ART. 53. Lorsque des amendes et des frais seront prononcés au profit de l'État, si, après l'expiration de la peine afflictive ou infamante, l'emprisonnement du condamné, pour l'acquit de ces condamnations pécuniaires, a duré une année complète, il pourra, sur la preuve, acquise par les voies de droit, de son absolue insolvabilité, obtenir sa liberté provisoire. La durée de l'emprisonnement sera réduite à six mois, s'il s'agit d'un délit; sauf, dans tous les cas, à reprendre la contrainte par corps, s'il survient au condamné quelque moyen de solvabilité. »

L'art. 53 modifiait cependant le principe de l'art. 52, en ajoutant que, lorsqu'après un certain temps, le condamné pour dettes de l'art. 52 justifierait de

son insolvabilité, il pourrait obtenir son élargissement. Cette disposition est abrogée par les art. 35 et suivants de la loi du 17 avril 1832, non pas qu'on ait supprimé d'une manière absolue le droit d'élargissement, mais dans les art. 35 et suivants, l'exercice de ce droit a été subordonné à des distinctions assez nombreuses.

Ainsi, lorsque l'amende des condamnés dont parle l'art. 52 n'excédera pas trois cents francs, la durée de la contrainte variera dans des limites et sous des distinctions assez nombreuses, indiquées par l'art. 34; le condamné pourra, en justifiant de son insolvabilité, obtenir son élargissement. Au contraire, si l'amende de ces condamnés excède trois cents francs, le jugement ou l'arrêt qui la prononce devra déterminer la durée de la contrainte dans un délai qui variera depuis un an jusqu'à dix ans, art. 40 de la même loi.

J'ajoute que les modifications apportées par les art. 19 et 27, pour l'exercice de la contrainte entre les ascendants et les descendants, entre les époux, les frères, sœurs, que ces modifications ont été étendues par l'art. 41 à la contrainte exercée pour les condamnations criminelles.

Je vous renvoie donc aux art. 35 et suivants de la loi du 17 avril 1832, et 8 et suiv. de la loi du 13 décembre 1848.

115. ART. 54. En cas de concurrence de l'amende avec les restitutions et les dommages-intérêts, sur les biens insuffisants du condamné, ces dernières condamnations obtiendront la préférence. »

Il est fort simple, en effet, que les dommages-intérêts, réparation d'un préjudice effectif causé à la partie privée, passent, en cas d'insuffisance, avant l'amende que vient réclamer le Trésor à titre purement pénal. Mais remarquez que cette préférence, accordée ici à la partie privée ou civile pour ces dom. mages-intérêts, sur la créance du Trésor pour l'amende, ne s'applique point à la créance du Trésor pour les frais de justice; les frais dont parle l'art. 52 et dont ne parle pas l'art. 54, loin d'être primés par les dommages-intérêts, jouissent au contraire d'un privilége constitué par une loi du 5 septembre 1807; cette loi et la place du privilége vous seront indiquées dans votre cours de troisième année.

116. ART. 55. Tous les individus condamnés pour un même crime ou pour un même délit seront tenus solidairement des amendes, des restitutions, des dommages-intérêts et des frais. »>

Vous trouvez ici une exception aux principes du droit commun, une exception à l'art. 1202 du Code civil, dans lequel vous verrez qu'en principe la solidarité, c'est-à-dire le droit pour le créancier de plusieurs personnes de pouvoir demander à l'une d'elles seulement la totalité de ce qu'elles lui doivent toutes ensemble, vous y verrez que la solidarité n'a pas lieu de plein droit, qu'elle doit être stipulée formellement; mais que cependant il y a lieu à solidarité quand la loi la prononce formellement. L'art. 55 du Code pénal est du petit nombre de ceux dans lesquels la loi prononce formellement la solidarité entre plusieurs débiteurs.

Vous remarquerez, du reste, que notre article ne parle que de la solidarité pour amendes, frais, dommages-intérêts, restitutions en matière de crime ou

de délit. La même disposition n'est pas expresse pour le cas de contravention. On examinera nécessairement, dans vos cours de Code civil, le point de savoir si la solidarité prononcée par l'art. 55, en cas de crime ou de délit, a lieu également en cas de contravention; ce n'est au fond qu'une question d'argent et de payement, c'est une question de droit civil, bien plus que de droit pénal.

Nous passons à la question de récidive, qui achèvera tout ce que renferme le livre premier.

CHAPITRE IV

DES PEINES DE LA RÉCIDIVE POUR CRIMES ET DÉLITS.

117. « ART. 56. Quiconque ayant été condamné à une peine afflictive ou infamante, aura ommis un second crime emportant, comme peine principale, la dégradation civique, sera condamné à la peine du bannissement. Si le second crime emporte la peine du bannissement, il sera condanmé à la peine de la détention. Si le second crime emporte la peine de la réclusion, il sera condamné à la peine des travaux forcés à temps. Si le second crime emporte la peine de la détention, il sera condamné au maximun de la même peine, laquelle pourra être élevée jusqu'au double. — Si le second crime emporte la peine des travaux forcés à temps, il sera condamné au maximum de la même peine, laquelle pourra être élevée jusqu'au double. · Si le second crime emporte la peine de la déportation, il sera condamné aux travaux forcés à perpétuité. Quiconque, ayant été condamné aux travaux forcés à perpétuité, aura commis un second crime emportant la même peine, sera condamné à la peine de mort. Toutefois, l'individu condamné par un tribunal militaire ou maritime ne sera, en cas de crime ou de délit postérieur, passible des peines de la récidive, qu'autant que la première condamnation aurait été prononcée pour des crimes ou délits punissables d'après les lois pénales ordinaires. »

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Quelle est, en matière de crime ou de délit, l'influence de la récidive, et pourquoi le législateur en a-t-il fait l'objet de dispositions spéciales et d'un chapitre particulier? Ces dispositions ont, en général, pour but d'aggraver la pénalité encourue par celui qu'une première condamnation avait frappé avant un second crime ou un second délit; elles ont pour objet de détourner, d'épouvanter, par une sanction pénale plus forte, celui qu'une première condamnation avait déjà signalé à la méfiance de la société.

Du reste, par quels moyens la loi fortifie-t-elle la sanction pénale en cas de récidive? Ceci exige quelques détails et, avant tout, quelques distinctions. Quatre cas peuvent se présenter: 1° il est possible que le premier fait fût un crime, ayant été frappé d'une condamnation afflictive ou infamante, et qu'alors le second fait soit encore un crime; 2° il est possible que le premier fait fût un crime, et que le second ne soit qu'un simple délit; 3° le premier fait peut n'avoir été qu'un délit, et le second être un crime; 4° enfin, le premier fait, comme le second, peuvent n'être tous deux que des délits. Les règles de la récidive pourront varier dans chacune de ces hypothèses. L'art. 56 se rapporte au premier cas; l'art. 57 au second; l'art. 58 au quatrième cas; quant au troisième, celui d'une condamnation correctionnelle suivie d'un crime, la loi est

restée et devait rester muette; il n'y avait véritablement pas d'intérêt à aggraver alors une pénalité que la nature même des faits aggravait assez par ellemême. Nous reviendrons tout à l'heure sur ce point.

118. Prenons d'abord la première hypothèse, celle de l'art. 56, sur laquelle la loi donne le plus de détails, celle d'une condamnation criminelle, suivie ensuite d'un autre crime.

Quiconque, ayant été condamné (nous reviendrons tout à l'heure sur la force de ce mot) à une peine afflictive ou infamante (voilà bien la condamnation criminelle), aura commis un second crime (voilà bien notre cas) emportant, comme peine principale, la dégradation civique, sera condamné à la peine du bannissement.

Dans ces premiers mots, vous pouvez voir déjà la pensée et un peu le système de la loi en matière de récidive. Le second crime, au lieu d'être puni seulement de la peine qu'il méritait par lui-même, est frappé d'une pénalité plus forte à raison de la condamnation qui l'avait précédé. Mais à quel degré, dans quelle proportion la pénalité s'accroît-elle à raison de la récidive? Pouvons-nous, à cet égard, établir une règle générale, formuler en deux mots la proportion dans laquelle la loi fait croître la peine à cause de la récidive ? Non, car la loi suit à cet égard des règles fort différentes; il est aisé, d'ailleurs, de s'expliquer, en y regardant de près, le motif de ces différences.

119. Dans le premier paragraphe, la loi part de l'échelon le plus bas des condamnations criminelles, de la dégradation civique, c'est-à-dire de la seconde des peines purement infamantes; dans ce cas, si le second crime est de nature à entraîner par lui-même la dégradation civique, on appliquéra la peine plus élevée d'un degré, savoir, le bannissement. Ainsi, vous trouvez dans ce § 1er que la loi monte d'un degré. Vous en trouvez autant dans le § 6: Si le second crime emporte la peine de la déportation, il sera condamné aux travaux forcés à perpétuité. De même, vous en trouvez un autre exemple dans le § 7: Quiconque, ayant été condamné aux travaux forcés à perpétuité, aura commis un second crime emportant la même peine sera condamné à la peine de mort. En effet, dans ces trois paragraphes, la loi monte immédiatement du no 1 au no 2 de l'art. 8, du n° 3 au no 2 et du no 2 au no 1 de l'art. 7.

120. Mais cette marche qui consiste, pour aggraver la peine à cause de la récidive, à monter d'un degré, d'un échelon dans la série des peines, cette marche n'est pas celle que la loi a toujours suivie, celle qu'elle pouvait toujours suivre; dans d'autres cas elle franchit, à cause de la récidive, non pas seulement un degré, mais deux degrés de pénalité, c'est ce qui arrive dans le § 2: Si le second crime emporte la peine du bannissement, il sera condamné à la peine de la détention. Or, la détention n'est que l'avant-dernière des peines de l'art. 7; la détention par sa durée est plus sévère que la réclusion, car elle peut s'élever jusqu'à vingt ans. Pourquoi donc la loi, qui dans le premier paragraphe se contente de monter d'un degré, en franchit-elle deux, par exemple, dans le second? La raison en est facile à trouver, elle se rattache à ce que déjà nous avons dit sur le but et la nature de la peine de la détention, peine réservée, à

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