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gent viole un contrat en reprenant sa chose, il ne commet point un vol, car cette chose, quoique engagée, n'a pas cessé de lui appartenir. Il en est ainsi du saisi qui détourne les objets saisis sur lui et confiés à sa garde. L'art. 400 porte ce qui suit:

« ART. 400. Le saisi qui aura détruit, détourné ou tenté de détourner des objets saisis sur lui et confiés à sa garde, sera puni des peines portées en l'art. 406. — Il sera puni des peines portées en l'art. 401, si la garde des objets saisis et par lui détruits ou détournés avait été confié à un tiers. - Celui qui aura recélé sciemment les objets détournés, le conjoint, les ascendants et descendants du saisi qui l'auront aidé dans la destruction ou le détournement de ces objets, seront punis d'une peine égale à celle qu'ils auront

encourue. »

Il résulte de ce texte, qui a été introduit dans le Code par la loi du 28 avril 1832, que le saisi qui détourne ou détruit les objets saisis sur lui ne commet aucun vol, car la saisie n'a point changé la propriété de ces objets qui demeurent entre ses mains. La loi, qui voulait arriver à la répression de cet acte, a donc dû faire deux hypothèses: ou les objets lui ont été confiés après la saisie, et, dans ce cas, leur détournement a été qualifié, non de vol, mais d'abus de confiance; ou ces objets avaient été remis entre les mains d'un tiers, et alors leur soustraction par celui à qui ils appartiennent a été assimilée au vol. Mais cette assimilation, qui n'existe qu'en vertu d'une disposition spéciale, a pour unique effet d'étendre à ce cas les peines du vol; elle ne fait pas que l'acte luimême soit un vol; elle crée une exception aux règles légales qui définissent et punissent ce délit.

419. Une autre conséquence du même principe est que l'action du vol cesse: 1° quand la chose soustraite n'appartient à personne, quand elle est du nombre des res nullius qui appartiennent au premier occupant : on en trouve des exemples dans les art. 715, 716 et 717 du Code civil; 2o quand la chose, après avoir appartenu à autrui, a été abandonnée: telles sont toutes les choses qui sont jetées après avoir rempli un certain usage et qui peuvent être recueillies par celui qui croit pouvoir s'en servir encore; 3° quand la chose a été perdue par l'ancien propriétaire qui ne se représente pas et qui n'est pas même connu. Il en serait autrement si ce propriétaire pouvait facilement, à l'aide de recherches, être trouvé. Ainsi, il a été décidé, relativement à un ouvrier qui s'était approprié une somme en or qu'il avait trouvée en démolissant un mur, que le vol peut exister indépendamment de toute réclamation du légitime propriétaire, quand même ce propriétaire ne serait point actuellement connu et quand il aurait ignoré les droits qu'il avait sur la chose soustraite : 4o quand le propriétaire de la chose a consenti lui-même à son enlèvement ; il ne peut y avoir de vol, en effet, qu'autant que la soustraction a été faite contre le gré du propriétaire.

Mais il ne faut point en induire que l'agent qui aurait dans une chose un droit partiel ne commettrait pas un vol, en s'emparant de cette chose; car il est évident qu'il vole la partie de cet objet qui ne lui appartient pas. Cette décision présente cependant quelques difficultés en ce qui concerne les cohéritiers et les coassociés. On a objecté, en faveur des premiers, que les art. 792 et

801 du Code civil déclarent purs et simples les cohéritiers qui ont diverti ou recélé des effets de la succession; et cette déchéance étant une sorte de peine, on en a conclu qu'aucune autre pénalité ne leur était applicable; mais ces deux articles ne sont relatifs qu'à l'intérêt civil et aux instances civiles ; c'est à titre de restitution que la déchéance est encourue; et il n'en résulte aucune modification aux droits de l'action publique. On a objecté encore la règle posée par l'art. 380 du Code pénal, règle que nous examinerons tout à l'heure et par laquelle les vols entre ascendants et descendants et entre époux sont exempts de toute poursuite. Mais si l'honnêteté publique a fait interdire cette poursuite en certains cas et à l'égard de certaines personnes, ces cas et ces personnes ont été déterminés par l'art. 380, et les dispositions de cet article ne peuvent être étendues. Il en est de même entre les coassociés : l'association laisse nécessairement une portion de la chose à un tiers; or, il n'y a que la propriété entière qui puisse faire disparaître le délit; la règle générale est donc que la copropriété, dans des effets mobiliers, n'exclut pas l'action de vol pour la soustraction frauduleuse de ces effets par un des copropriétaires au préjudice des autres.

420. La loi a fait une exception à cette doctrine dans l'art. 380 :

« ART. 380. Les soustractions commises par des maris au préjudice de leurs femmes, par des femmes au préjudice de leurs maris, par un veuf ou une veuve, quant aux choses qui avaient appartenu à l'époux décédé, par des enfants ou autres descendants au préjudice de leurs pères ou mères ou autres ascendants, par des pères et mères ou autres ascendants au préjudice de leurs enfants ou autres descendants, ou par des alliés aux mêmes degrés, ne pourront donner lieu qu'à des réparations civiles. A l'égard de tous autres individus qui auraient recélé ou appliqué à leur profit tout ou partie des objets volés, ils seront punis comme coupables de vol. »

Cette disposition a été expliquée dans l'exposé des motifs : « Les rapports entre ces personnes sont trop intimes pour qu'il convienne, à l'occasion d'intérêts pécuniaires, de charger le ministère public de scruter les secrets de famille, qui peut-être ne devraient jamais être dévoilés; pour qu'il ne soit pas extrêmement dangereux qu'une accusation puisse être poursuivie dans des affaires où la ligne qui sépare le manque de délicatesse du véritable délit est souvent très-difficile à saisir; enfin, pour que le ministère public puisse provoquer des peines dont l'effet ne se bornerait pas à répandre la consternation parmi tous les membres de la famille, mais qui pourrait encore être une source éternelle de division et de haine. » Il résulte de ces paroles et du texte qu'elles expliquent que le délit n'est pas seulement voilé dans les cas prévus par la loi, il n'existe pas ce n'est plus un vol dont il s'agit, c'est une simple soustraction, et cette soustraction n'est point incriminée, parce qu'il serait difficile de poser la ligne qui sépare en cette matière le manque de délicatesse du véritable délit. Mais c'est là une exception au droit commun; il y a donc lieu de la limiter expressément aux soustractions commises au préjudice des personnes qui sont énoncées. Ainsi, l'art. 380 ne couvre que les soustractions et non les délits concomitants à ces soustractions. Ainsi, si l'agent a employé, pour arriver à la même fin, d'autres moyens que la soustraction; par exem

ple, s'il a commis un crime de faux, ce crime est punissable indépendamment de l'objet que son auteur a eu en vue.

La désignation des personnes qui peuvent invoquer le bénéfice de l'art. 380 est restrictive puisque la loi ajoute : « A l'égard de tous autres individus... ils seront coupables de vol. » Ainsi, le vol commis par un frère au préjudice de ses frères pourrait être l'objet d'une poursuite. La soustraction commise par le beau-père au préjudice des enfants de sa femme rentre-t-elle dans les termes de l'art. 380? Oui, puisque cet article protége les soustractions commises par les pères et mères ou autres ascendants, et par les alliés aux mêmes degrés, et puisque, aux termes des art. 161 et 162 du Code civil, le lien d'afânité établi par le mariage entre l'un des époux et les enfants du premier lit n'est pas détruit par le décès de celui-ci. Faut-il comprendre dans l'expression d'enfants les enfants adoptifs? Évidemment, puisqu'ils ont les mêmes droits que les enfants légitimes. Faut-il comprendre les enfants naturels ? La solution doit être dans un sens contraire. L'exception de l'art. 380 n'a évidemment été faite par le législateur qu'en considérant du lien de famille qui existe entre les parents; or, il résulte de l'art. 765 du Code civil que la loi ne reconnaît de lien de famille en faveur d'enfants naturels que vis-à-vis de leurs pères et mères qui les ont reconnus; et c'est d'après ce principe que l'art. 299 du Code pénal, après avoir qualifié de parricide le meurtre des pères et mères légitimes, naturels ou adoptifs, ne donne la même qualification qu'au meurtre des autres ascendants légitimes.

Les soustractions prévues par l'art. 380 n'admettent point de complices, puisqu'elles ne constituent ni crime ni délit, mais elles admettent des coauteurs tel est le sens du dernier paragraphe de cet article. L'exception, en effet, motivée sur les rapports étroits de la famille, ne saurait profiter à l'étranger qui a coopéré à la perpétration de la soustraction et en a profité. Cet étranger, ne se trouvant pas dans le cas de se prévaloir des considérations morales qui ont désarmé la loi, reste nécessairement exposé aux conséquences légales de l'acte qu'il a commis et dont l'incrimination, en ce qui le regarde, ne saurait être écartée par la circonstance qu'un des auteurs de cet acte se trouve dans une situation exceptionnelle et protégée. Ainsi, les individus qui ont recélé ou qui ont appliqué à leur profit tout ou partie des objets soustraits ne sont point punis comme complices, mais comme auteurs principaux du vol. Il suit de là que ceux qui n'ont fait qu'assister les parents, désignés par l'art. 380, dans les actes d'exécution des soustractions, sans recéler les objets soustraits et sans en profiter personnellement, ne sont passibles d'aucune peine, car ils ne sont que les complices d'un fait qui n'est pas punissable.

421. Vous connaissez maintenant les caractères généraux du vol, vous savez dans quels cas il peut y avoir soustraction, dans quels cas cette soustraction peut être réputée frauduleuse, dans quels cas enfin il y a soustraction de la chose d'autrui. Lorsque ces trois circonstances sont réunies, il y a vol, et, si aucun autre fait ne vient compliquer ce vol, il ne constitue qu'un simple délit, un vol simple, suivant l'expression de la pratique. Il y a lieu dans ce cas à l'application de l'art. 401 qui est ainsi conçu :

« ART. 401. Les autres vols non spécifiés dans la présente section, les larcins et filou

teries, ainsi que les tentatives de ces mêmes délits, seront punis d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus, et pourront même l'être d'une amende qui sera de 16 fr. au moins et de 100 fr. au plus. Les coupables pourront encore être interdits des droits mentionnés en l'art. 42 du présent Code, pendant cinq ans au moins et dix ans au plus, à compter du jour où ils auront subi leur peine. Ils pourront aussi être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police pendant le même nombre d'années. »

Les vols non spécifiés dans la présente section sont ceux qu'aucune circonstance aggravante n'accompagne, ceux qui n'ont été spécifiés par aucun fait de leur exécution, les vols simples, en un mot. Ce sont ces vols, dégagés de tous les incidents qui les compliquent et les aggravent, qui sont l'objet de l'art. 401. La loi assimile à ces vols les larcins et les filouteries: que faut-il entendre par ces mots? Les larcins et les filouteries sont des vols exécutés, ceux-là furtivement, ceux-ci par adresse; mais ce sont de véritables vols, qui en ont nécessairement tous les caractères et qui dès lors supposent, comme le vol simple, la soustraction frauduleuse de la chose qui n'appartient pas à l'auteur de la soustraction.

422. J'arrive aux circonstances aggravantes de ce vol. Ces circonstances sont soit la qualité de l'agent, soit le temps ou le lieu où le vol est commis, soit les faits qui ont accompagné l'exécution. La qualité de l'agent est une cause d'aggravation quand il est commis par les domestiques, hommes de services à gages, ouvriers, compagnons ou apprentis, par les aubergistes et hôteliers, par les voituriers et bateliers. Le temps est une cause d'aggravation quand il est commis pendant la nuit. Le lieu est une cause d'aggravation quand il est commis dans les maisons habitées et leurs dépendances, dans les édifices consacrés aux cultes, sur les chemins publics. Enfin, les faits d'exécution sont une cause d'aggravation quand il est commis soit de complicité, soit avec effraction, escalade ou fausses clefs, soit avec port d'armes, menaces de violences, soit avec usurpation de titres ou de costumes ou suppositions d'ordre de l'autorité. Je vais successivement examiner chacune de ces circonstances.

423. L'aggravation fondée sur la qualité de l'agent résulte des no 3 et 4 de l'art. 386 et de l'art. 387 de notre Code :

« ART. 386. Sera puni de la peine de la réclusion tout individu coupable de vol commis dans l'un des cas ci-après..... 3° Sr le voleur est un domestique ou un homme de service à gages, même lorsqu'il aura commis le vol envers des personnes qu'il ne servait pas, mais qui se trouvaient, soit dans la maison de son maître, soit dans celle où il l'accompagnait; ou si c'est un ouvrier, compagnon ou apprenti, dans la maison, l'atelier ou le magasin de son maître; ou un individu travaillant habituellement dans l'habitation où il aura volé. » D

Cette aggravation pénale est fondée tout entière sur la confiance nécessaire qui doit s'établir entre le maître et chacune des personnes désignées par l'article. De là il suit que cet article ne fait nulle distinction entre les domestiques à gages et les personnes qui ne sont admises dans la maison que pour un service momentané. De là il suit encore que cette disposition ne s'étend pas aux

personnes admises à titre d'hospitalité, c'est-à-dire par l'effet d'une confiance volontaire.

Que faut-il entendre par domestiques? Dans l'ancienne jurisprudence on distinguait: « Les serviteurs, dit Serpillon, sont les valets, les laquais, les portiers, cochers, cuisiniers et autres d'un état semblable; sous la qualité de domestique, sont compris ceux d'un état moins abject, comme les secrétaires, agents, maîtres d'hôtel et autres gens à gages. » Cette distinction n'existe plus; toutes les personnes attachées au service de la personne ou de la maison sont indifféremment comprises sous la dénomination de domestiques. Il faut toutefois excepter les élèves, clercs, secrétaires et commis, puisque la loi du 28 avril 1831 n'a pas ajouté à l'art. 386 l'addition qu'elle a faite à cet égard à l'art. 408. Le vol est réputé domestique, non-seulement quand il est commis dans la maison et au préjudice du maître, mais encore: 1o quand il est commis dans cette maison au préjudice d'autres personnes que le maître; 2o quand il est commis dans une autre maison, où le domestique accompagnait son maître. La raison de ces deux extensions est que tous les objets qui se trouvent dans la maison du maître, étant confiés à sa surveillance, sont, aux yeux du domestique, réputés la propriété du maître lui-même, et que, lorsqu'il accompagne celui-ci dans une maison étrangère, la responsabilité de ses actes appartient à ce dernier. La loi n'exige pas d'ailleurs que le propriétaire de la chose volée se trouve dans la maison où le domestique l'a volée; il suffit que l'agent ait été revêtu, dans le sens de la loi, de la qualité de domestique dans cette maison. Il importe peu également que le vol ait été commis au préjudice du maître dans sa maison ou en dehors de sa maison. La confianee nécessaire du maître, en effet, est illimitée et suit le domestique partout où il peut en abuser.

424. La deuxième espèce de vol domestique est prévue par la dernière partie du no 3 de l'art. 386: elle concerne le vol des ouvriers dans la maison du maître. Deux conditions sont nécessaires à cette aggravation; il faut que le vol ait été commis par un ouvrier, compagnon ou apprenti, et qu'il ait été commis dans la maison, l'atelier ou le magasin du maître. Que faut-il entendre par ces dernières expressions? Il faut entendre le lieu où les ouvriers sont employés à leur travail habituel.

La loi assimile aux ouvriers les individus travaillant habituellement dans l'habitation où ils ont volé. Le sens de ces expressions est suffisamment indiqué par l'esprit général de la loi. L'aggravation résulte, en effet, ici comme pour les ouvriers, de la confiance que le maître est forcé d'accorder à l'individu qui travaille habituellement chez lui. Il faut donc limiter l'application de cette disposition à ceux qu'un travail habituel appelle dans la maison pour y exécuter des travaux nécessaires; elle ne s'étendrait pas dès lors aux personnes qui sont appelées à titre d'hospitalité et par l'effet d'une confiance volontaire ; elle ne s'étendrait pas non plus aux individus qui n'auraient été appelés que pour un travail momentané..

425. La troisième espèce de vols qui sont aggravés par la qualité de l'agent sont les vols des aubergistes et hôteliers.

« ART. 386, n. 4. Si le vol a été commis par un aubergiste, un hôtelier, un voiturier,

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