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Il a paru logique et juste de considérer la violence comme une circonstance assez aggravante pour motiver seule la peine des travaux forcés à temps. Cette peine devient perpétuelle si les violences ont laissé des traces. Il faut entendre par violences toutes les voies de fait exercées contre les personnes pour parvenir à la consommation du vol.

438. L'extorsion n'est pas autre chose qu'un vol commis avec violence :

ART. 400. Quiconque aura extorqué par force, violence ou contrainte, la signature ou la remise d'un écrit, d'un acte, d'un titre, d'une pièce quelconque contenant cu opérant obligation, disposition ou décharge, sera puni de la peine des travaux forcés à temps. >>

Le vol consiste dans la signature surprise ou contrainte, dans la soustraction de l'obligation, de la disposition ou de la décharge. De là il suit qu'il faut nécessairement que l'écrit extorqué contienne obligation, disposition ou décharge, car il n'y a pas de vol où il n'y a pas de préjudice. Toutefois, les formes irrégulières que peuvent avoir les billets qui sont l'objet de l'extorsion ne changent rien au caractère du crime, pourvu que, malgré l'état imparfait de leur rédaction, ils soient susceptibles d'obligation.

439. La loi du 13 mai 1863 a ajouté à cet article un deuxième paragraphe, ainsi conçu :

« ART. 400... 2o §. Quiconque, à l'aide de la menace écrite ou verbale de révélations ou d'imputations diffamatoires, aura extorqué ou tenté d'extorquer, soit la remise de fonds ou valeurs, soit la signature ou remise des écrits énumérés ci-dessus, sera puni d'un emprisonnement d'un an à cinq ans et d'une amende de 50 à 1,000 fr. »

Voici comment ce paragraphe additionnel a été expliqué: « A propos des extorsions par violence ou contrainte qui sont réglées par l'art. 400, nous avons cru devoir nous occuper d'un genre d'extorsion qui ne se commet pas par une violence physique, mais qui s'accomplit au moins à l'aide d'une contrainte morale. Le hasard, l'occasion, une confidence imprudente, nous initient quelquefois à des secrets qui intéressent le repos des citoyens, l'honneur des familles, la paix du foyer domestique, et dont la révélation peut amener une poursuite criminelle, ou occasionner un scandale. Il se rencontre des hommes assez vils pour profiter de la connaissance qu'ils ont de ces secrets et pour menacer de les dénoncer ou de les répandre si on ne consent pas à acheter leur silence. D'autres, plus éhontés, ne savent rien qui puisse compromettre la personne qu'ils ont choisie pour victime, mais par des combinaisons astucieuses ils l'entraînent dans une situation suspecte et difficile à expliquer, ils font naître des circonstances d'où puisse résulter le soupçon d'une action honteuse, et, menaçant d'exploiter de simples apparences, ils arrachent à la faiblesse et à la peur la rançon d'une calomnie dont ils promettent de s'abstenir. C'est ce qu'on nomme vulgairement le chantage. Dans le premier cas, c'est le chantage à l'aide de la menace de la révélation d'un fait vrai; dans le second cas, c'est le chantage à l'aide de la menace de l'imputation d'un fait faux. Il paraît difficile de ne pas voir un délit dans un abus aussi révoltant. >>

Quels sont les éléments de ce délit? Il faut distinguer la manoeuvre frauduleuse qui prépare le délit et le fait matériel qui le constitue. La manœuvre,

c'est la menace écrite ou verbale de révélation ou d'imputation diffamatoire; le fait matériel, c'est l'extorsion qui conduit à la remise d'une somme d'argent ou d'un titre obligatoire. On aperçoit aisément ces deux éléments quand le fait se consomme; cela est plus difficile quand il s'arrête à la tentative. C'est la seule menace qui suffira pour la constituer. Il faut prendre garde cependant que cette menace ne peut être incriminée qu'autant qu'elle a pour but l'extorsion; il ne faut pas la séparer de ce but qu'elle poursuit et dont elle n'est qu'un acte préparatoire. Or qu'est-ce que l'extorsion? C'est un vol qui s'accomplit à l'aide de violence. La menace doit donc avoir pour objet direct de voler soit une somme d'argent, soit un titre obligatoire. C'est là ce qui lui donne son caractère et sa criminalité.

440. Le 4 § de l'art. 381 prévoit le vol commis à l'aide d'un faux titre, d'un faux costume ou d'un faux ordre. Cette fraude, qui facilite l'introduction dans la maison pour consommer le vol, est assimilée par la loi à l'escalade et à l'effraction. Elle n'aggrave donc le vol que lorsqu'elle est jointe à la circonstance de maison habitée.

441. Je viens de parcourir toutes les circonstances qui, soit isolées, soit réunies l'une à l'autre, aggravent la criminalité du vol. Il me reste à prévoir le cas où ces différentes circonstances concourent à la fois à l'aggravation de ce délit.

« ART. 381. Seront punis des travaux forcés à perpétuité, les individus coupables de vols commis avec la réunion des cinq circonstances suivantes : 1o si le vol a été commis la nuit; - 2o s'il a été commis par deux ou plusieurs personnes ; - 3° si les coupables ou l'un d'eux étaient porteurs d'armes apparentes ou cachées ; 4° s'ils ont commis le crime, soit à l'aide d'effraction extérieure ou d'escalade ou de fausses clefs, dans une maison, appartement, chambre ou logement habités ou servant à l'habitation, ou leurs dépendances, soit en prenant le titre d'un fonctionnaire public ou d'un officier civil ou militaire, ou après s'être revêtus de l'uniforme ou du costume du fonctionnaire ou de l'officier, ou en alléguant un faux ordre de l'autorité civile ou militaire; - 50 s'ils ont commis le crime avec violence ou menace de faire usage de leurs armes. »

Le Code de 1810 portait la peine de mort : le vol avec les cinq circonstances avait paru au législateur de cette époque devoir être mis au même rang que l'assassinat. La loi du 28 avril 1832 a remplacé cette peine par celle des travaux forcés à perpétuité. La raison de cette substitution, alléguée par l'exposé des motifs, est que la loi qui punit de mort le vol accompagné de la réunion de plusieurs circonstances aggravantes de meurtre fait courir un danger de plus à celui dont la propriété seule est attaquée : le coupable, n'ayant pas une plus grande peine à redouter, pourra donner la mort pour se débarrasser d'un témoin. Cette raison avait été alléguée depuis longtemps par tous les publicistes, depuis Jean Bodin, et particulièrement par Montesquieu et Beccaria.

VINGT-TROISIÈME LEÇON.

442. Je comprendrai dans cette leçon toutes les fraudes qui produisent, par des moyens ou manoeuvres moins coupables, les mêmes effets que le vol, puis

dr qu'elles tendent à spolier la propriété d'autrui. Je dis que ces fraudes sont moins criminelles que le vol, d'abord, parce que leurs moyens d'exécution supposent une moindre audace, ensuite parce qu'il est plus facile de les déjouer et de s'en garantir. Le vol dont nous venons de parcourir toutes les espèces est, en général, une attaque violente et imprévue, il attente à la propriété à l'insu du propriétaire ou malgré sa résistance, il s'en empare audacieusement par surprise ou par force.

Les fraudes que nous allons examiner maintenant ont un tout autre caractère: c'est par la ruse qu'elles procèdent et non par la violence; au lieu de soustraire l'objet qu'elles convoitent, elles se le font remettre; elles prennent la peine de circonvenir et de tromper le propriétaire au lieu d'agir à son insu; elles s'attaquent à sa confiance elle-même, au lieu de s'attaquer aux fermetures de sa maison. Tels sont les banqueroutes, les escroqueries, les abus de confiance, les abus de blanc-seing, les contraventions aux règlements sur les maisons de jeu et les maisons de prêt sur gages, les entraves apportées à la liberté des enchères et toutes les fraudes relatives au commerce.

DES BANQUEROUTES.

443. Le Code pénal en cette matière se borne à poser une peine et se réfère au Code de commerce pour les conditions de l'incrimination et la définition du délit :

« Art. 402. Ceux qui, dans les cas prévus par le Code de commerce, seront déclarés coupables de banqueroute, seront punis ainsi qu'il suit : les banqueroutiers frauduleux seront punis des travaux forcés à temps; les banqueroutiers simples seront punis d'un emprisonnement d'un mois au moins et de deux ans au plus. »

ART. 403. Ceux qui, conformément au Code de commerce, seront déclarés complices de banqueroute frauduleuse, seront punis de la même peine que les banqueroutiers frauduleux. »

Reportons-nous donc au Code de commerce pour connaître les faits constitutifs de la banqueroute simple et de la banqueroute frauduleuse. La banqueroute est la situation d'un commerçant dont la faillite a été précédée ou suivie, soit de fautes graves, soit d'actes frauduleux. Elle est simple dans le premier cas et frauduleuse dans le second. Mais, dans l'une et l'autre hypothèse, deux conditions sont indispensables pour qu'elles puissent exister: il faut que l'agent ait la qualité de commerçant et qu'il soit en état de faillite. Ces deux conditions sont formellement exigées par la loi : l'art. 585 C. com. porte: «Sera déclaré banqueroutier simple tout commerçant failli qui se trouvera dans les cas suivants... » L'art. 591 du même Code porte également : « Sera déclaré banqueroutier frauduleux tout commerçant failli qui aura soustrait, etc. » Ainsi, la banqueroute simple ou frauduleuse est un délit ou crime spécial qui ne peut être commis que par des personnes commerçantes en état de faillite. Ici se présentent deux questions: qu'est-ce qu'un commerçant ? qu'est-ce que l'état de faillite? Vous en avez déjà trouvé la solution dans le Code de commerce. L'art. 1er de ce Code définit les commerçants « ceux qui exercent le commerce et qui en font leur profession habituelle. » Et l'art. 437 ajoute que «< tout commerçant qui cesse ses payements est en état de faillite. »>

444. Les faits constitutifs de la banqueroute simple sont énumérés dans les art. 585 et 586 du Cod. de comm.

sont jugées excessives;

« ART. 585. Sera déclaré banqueroutier simple tout commerçant failli qui se trouvera dans un des cas suivants : - 10 si ses dépenses personnelles ou les dépenses de sa maison 2o s'il a consommé de fortes sommes, soit à des opérations de pur hasard, soit à des opérations fictives de bourse ou sur marchandises; 3o Si, dans l'intention de retarder sa faillite, il a fait des achats pour revendre au-dessous du cours; si, dans la même intention, il s'est livré à des emprunts, circulation d'effets ou autres moyens ruineux de se procurer des fonds; — 4° si, après cessation de ses payements, il a payé un créancier au préjudice de la masse. »>

« ART. 586. Pourra être déclaré banqueroutier simple tout commerçant failli qui se trouvera dans un des cas suivants : - - 1o s'il a contracté pour le compte d'autrui, sans recevoir des valeurs en échange, des engagements jugés trop considérables eu égard à sa situation lorsqu'il les a contractés ; 2o s'il est de nouveau déclaré en faillite sans avoir satisfait aux obligations d'un précédent concordat; 3° si, étant marié sous le régime dotal, ou séparé de biens, il ne s'est pas conformé aux art. 69 et 70; 4° si, dans les trois jours de la cessation de ses payements, il n'a pas fait au greffe la déclaration exigée par les art. 438 et 439, ou si cette déclaration ne contient pas les noms de tous les associés solidaires; 5o si, sans empêchement légitime, il ne s'est pas présenté en personne aux syndics dans les cas et dans les délais fixés; ou si, après avoir obtenu un sauf-conduit, il ne s'est pas présenté à la justice; -6° s'il n'a pas tenu de livres et fait exactement inventaire; si ses livres ou inventaires sont incomplets ou irrégulièrement tenus, ou s'ils n'offrent pas sa véritable situation active ou passive, sans néanmoins qu'il y ait fraude.

Je ne ferai sur ces deux articles que deux observations générales. En premier lieu, ils divisent en deux séries les faits de banqueroute simple, avec cette formule diverse que les premiers seront poursuivis et que les autres pourront être poursuivis. Cette distinction sépare donc les cas où la banqueroute simple doit être déclarée de ceux où elle peut l'être. Quel est le but d'une telle formule? Il me semble qu'elle est parfaitement inutile, puisque les juges ne sont jamais enchaînés par la poursuite et que, lorsqu'il s'agit d'un délit, ils doivent toujours en apprécier, non-seulement les éléments matériels, mais la moralité. Notre seconde observation est que, en matière de banqueroute simple, il ne faut pas confondre l'absence de la fraude et l'absence de la volonté. Ce délai ne suppose pas un acte frauduleux, mais il suppose une faute grave; or, toute faute admet nécessairement le concours de la volonté, de l'intention. Donc ce n'est point une infraction exclusivement matérielle; elle ne se constitue que par le double élément d'un fait matériel et d'une intention répréhensible. Il est donc nécessaire, en appréciant chacun des faits qui peuvent fonder le délit, de rechercher, en dehors du fait lui-même ou plutôt dans les éléments qui le composent, l'existence de cette volonté qui constitue la faute et que la loi a voulu incriminer, en classant cette infraction parmi les délits.

445. Les cas de banqueroute frauduleuse sont énumérés dans l'art. 591 du Cod. de comm.:

« ART. 591. Sera déclaré banqueroutier frauduleux et puni des peines portées au Code pénal, tout commerçant failli qui aura soustrait ses livres, détourné ou dissimulé une partie de son actif, ou qui, soit dans ses écritures, soit par ses actes publics ou des engage

ments sous signature privée, soit par son bilan, se sera frauduleusement reconnu débiteur de sommes qu'il ne devait pas. »

Ici, ce qui constitue le crime, ce n'est plus seulement une faute grave, c'est la fraude, c'est la mauvaise foi, c'est l'intention de spolier les créanciers. Chacun des faits constitutifs, la soustraction des livres, le détournement ou la dissimulation de l'actif, la reconnaissance des dettes supposées, admet en luimême une formule qui peut causer un préjudice aux tiers. Il importe peu que ces faits soient antérieurs ou postérieurs à l'ouverture de la faillite; ils peuvent produire les mêmes effets, ils ont le même caractère. Il faut seulement qu'ils rentrent strictement dans les termes de l'art. 591.

446. Les complices de banqueroute frauduleuse, que punit l'art. 403 du Code pénal, sont énumérés par l'art. 693 du Code de commerce :

« ART. 593. Seront condamnés aux peines de la banqueroute frauduleuse : 1o les individus convaincus d'avoir, dans l'intérêt du failli, soustrait, recélé ou dissimulé tout ou partie de ses biens, meubles ou immeubles; le tout sans préjudice des autres cas prévus par l'art. 60 du Code pénal; - 2o les individus convaincus d'avoir frauduleusement présenté dans la faillite et affirmé, soit en leur nom, soit par interposition de personnes, des créances supposées; 3o les individus qui, faisant le commerce sous le nom d'autrui, se seront rendus coupables des faits prévus en l'art. 591. »

Une première observation que suscite cet article est la réserve des autres cas de complicité prévus par l'art. 60 du Code pénal. C'est donc dans cet art. 60 que se trouvent en général les éléments de cette complicité. Ainsi, tous les actes, soit de provocation, soit de fourniture de moyens, soit d'aide et d'assistance, prévus par cet article, peuvent être incriminés à titre d'actes de complicité de la banqueroute frauduleuse. Ainsi, le défaut d'intention criminelle de l'auteur principal ne fait pas obstacle à la poursuite et à la condamnation du complice. Mais, à côté de ces actes généraux, la loi a cru devoir incriminer à part certains actes spéciaux qui font l'objet de l'art. 593; le but de cette incrimination distincte a été d'éviter la preuve, souvent difficile, d'un concert frauduleux entre le failli et les tiers. Ces derniers peuvent donc être inculpés séparément à raison de l'acte de détournement qu'ils ont commis, et sans aucune relation avec le crime principal. L'art. 594 contient, toutefois, une exception à ces dispositions, lorsqu'il déclare que « le conjoint, les ascendants. ou descendants du failli ou ses alliés aux mêmes degrés, qui auraient détourné, dévasté ou recélé des effets appartenant à la faillite, sans avoir agi de complicité avec le failli, seront punis des peines du vol. »

447. Vous trouverez dans l'art. 404 du Code pénal une circonstance aggravante de la banqueroute simple et frauduleuse.

ART. 404. Les agents de change et courtiers qui auront fait faillite seront punis de la peine des travaux forcés à temps: s'ils sont convaincus de banqueroute frauduleuse, la peine sera celle des travaux forcés à perpétuité. »

Les agents de change et courtiers qui font faillite violent la règle de leurs fonctions qui leur défend (art. 85 et 86 du Code de commerce) de se livrer à

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