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=de 16 à 3,000 fr.: - 1o Toute coalition entre ceux qui font travailler des ouvriers, tendant à forcer l'abaissement des salaires, s'il y a eu tentative ou commencement d'exécution; -2° Toute coalition de la part des ouvriers pour faire cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, empêcher de s'y rendre avant ou après certaines heures, et en général pour suspendre, empêcher, enchérir les travaux, s'il y a eu tentative ou commencement d'exécution. Dans les cas prévus par les deux paragraphes précédents, les chefs ou moteurs seront punis d'un emprisonnement de deux à cinq ans. » « ART. 415. Seront aussi punis des peines portées par l'article précédent, et d'après les mêmes distinctions, les directeurs d'atelier ou entrepreneurs d'ouvrage et les ouvriers qui, de concert, auront prononcé des amendes autres que celles qui ont pour objet la discipline intérieure de l'atelier, des défenses, des interdictions, ou toutes prescriptions, sous le nom de damnation ou sous quelque qualification que ce puisse être, soit de la part des directeurs d'ateliers ou entrepreneurs contre les ouvriers, soit de la part de ceux-ci contre les directeurs d'ateliers ou entrepreneurs, soit les uns contre les autres. »

« ART. 416. Dans les cas prévus par les deux articles précédents, les chefs ou moteurs pourront, après l'expiration de leur peine, être mis sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus. »

Le seul objet de cette loi avait été d'établir une parfaite égalité entre les patrons et les ouvriers relativement au délit de coalition. Cette égalité n'existait, › dans le système du Code pénal, ni quant à la définition du délit, ni quant à la pénalité. Quant à la définition du délit, l'art. 414 du Code pénal ne punissait les chefs d'ateliers que lorsqu'ils avaient entrepris de forcer injustement et abusivement l'abaissement des salaires. L'art. 415, relatif aux coalitions d'ouvriers, n'avait pas reproduit ces mots. C'était admettre qu'une coalition formée entre des chefs d'ateliers, et ayant pour but de forcer l'abaissement des salaires, pouvait ne pas être injuste et abusive, tandis que toute coalition entre les ouvriers avait nécessairement ce caractère. La loi a fait disparaître cette différence. Le mot seul de coalition implique l'idée d'un pacte repréhensible. L'art. 123 du Code pénal, relatif à la coalition des fonctionnaires publics, la définit un concert de mesures contraires aux lois; or quand ce concert a été établi pour forcer l'abaissement des salaires, il est nécessairement injuste et abusif; car forcer l'abaissement des salaires, c'est produire, par un pacte aussi illicite que contraire à l'humanité, un abaissement de salaires qui ne serait pas résulté des circonstances industrielles et de la libre concurrence. Quant à la pénalité, elle a été soumise à une parfaite égalité.

Le principe de la répression même de la coalition avait été mis en question. Le rapporteur de la loi du 27 novembre 1849 (M. de Vatismenil) a répondu sur ce point : « Lorsqu'il y a une coalition établie pour exercer une pression soit de la part des chefs d'ateliers contre les ouvriers, soit de la part de ceux-ci contre les chefs d'ateliers, la liberté de la concurrence, et par conséquent la liberté constitutionnelle du travail, sont étouffées par cette coalition. Un tel fait ne saurait être toléré. Conclure de la liberté que chacun a de négocier personnellement les conditions du travail à la faculté de former une coalition pour imposer à autrui ses conditions, c'est faire un raisonnement évidemment faux. C'est comme si, du droit que chacun a de stationner sur la voie publique, on tirait la conséquence qu'il peut se réunir à d'autres individus pour y former des attroupements. Les coalitions tendent sous deux rapports à ruiner l'industrie nationale; d'abord elles amènent la suspension du

travail, et elles diminuent ainsi le revenu général du pays. En second lieu, elles font souvent passer à l'étranger des commandes faites à l'industrie française. » Au surplus, deux conditions étaient nécessaires pour que la poursuite dans l'une et l'autre hypothèse pût avoir lieu : il fallait, d'une part, qu'il y eût un fait de coalition ayant pour objet, soit l'abaissement des salaires, soit la cessation du travail; et, d'une autre part, que cette coalition fût suivie d'un commencement d'exécution.

471. La législation que nous venons de mettre sous vos yeux a été changée encore une fois. La loi du 25 mai 1864, partant d'un autre principe, le principe de la liberté du travail, a remplacé les dispositions précédentes par des dispositions moins restrictives. Voici d'abord le texte de cette nouvelle loi:

« ART. 1er. Les art. 414, 415 et 416 du Code pénal sont abrogés. Ils sont remplacés par les articles suivants :

« ART. 414. Sera puni d'un emprisonnement de six jours à trois ans et d'une amende de 16 à 3,000 fr., ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir une cessation concertée de travail, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail. »

« ART. 415. Lorsque les faits punis par l'article précédent auront été commis par suite d'un plan concerté, les coupables pourront être mis, par l'arrêt ou le jugement, sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus. »

« ART. 416. Seront punis d'un emprisonnement de six jours à trois mois et d'une amende de 16 à 300 fr. ou de l'une de ces deux peines seulement, tous ouvriers, patrons et entrepreneurs d'ouvrages qui, à l'aide d'amendes, défenses, prescriptions, interdictions prononcées par suite d'un plan concerté, auront porté atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail. »

« ART. 2. Les art. 414, 415 et 416 ci-dessus sont applicables aux propriétaires et fermiers, ainsi qu'aux moissonneurs, domestiques, et ouvriers de la campagne. Les art. 19 et 20, tit. II, de la loi du 28 septembre - 6 octobre 1791, sont abrogés. »

La portée et l'esprit de cette loi sont nettement exprimés dans le rapport: « Désormais la coalition des patrons ou celle des ouvriers est absolument libre, c'est le point de départ de la loi. On a proposé de distinguer entre les coalitions justes et les coalitions abusives: nous n'avons pas admis cette distinction. Abusive ou non, juste ou injuste la coalition est permise. D'autres ont demandé que la séparation fût établie entre les coalitions factices, violentes ou frauduleuses, et les coalitions naturelles, paisibles et sincères, et que, les secondes étant licites, les premières ne le fussent pas; nous n'avons pas davantage accepté cette distinction. La coalition violente, factice, frauduleuse, ne tombera pas plus sous le coup de la loi que la coalition naturelle, paisible et sincère. Les auteurs des violences et des fraudes seront poursuivis et punis;la coalition sera respectée. Nous n'avons pas voulu que, sous prétexte de rechercher le caractère d'une coalition, et de s'enquérir si elle est juste ou injuste, abusive ou équitable, violente ou paisible, l'autorité judiciaire ou administrative pût reprendre indirectement ce qui lui est retiré directement, Ni la commission ni le gouvernement; qui s'est associé à ses vues, n'ont voulu

faire une œuvre équivoque, retenir en ayant l'air de donner, cacher des piéges sous des apparences de liberté. Cette loi est loyale et sans arrière-pensées, elle accorde ce qu'elle promet, elle réalise avec courage un progrès considérable poursuivi en vain depuis la Révolution. Les anciens art. 414 et 415 sont abrogés : l'art. 1er le proclame en termes formels. Ceux qui les remplacent ne modifient pas l'ancien délai de coalition; ils en créent un nouveau : l'atteinte à la liberté du travail. Loin d'être une restriction du droit de se coaliser, ils en sont la garantie. Que dirait-on du propriétaire qui croirait son droit compromis parce qu'on punit le vol? C'est ce qu'il faudrait penser de ceux qui trouveraient la liberté de se coaliser menacée parce qu'on punit les violences et les fraudes. « L'art. 414 ne laisse aucun doute sur ces solutions: le délit qu'il crée est subordonné à l'existence de deux conditions: 1o il faut qu'il y ait des violences, des voies de fait, des menaces, des manoeuvres frauduleuses consommées et prouvées; 2° il faut que ces violences aient eu pour but de porter atteinte, par une cessation simultanée du travail, à la liberté, soit du patron, soit de l'ouvrier. L'art. 415 prévoit une circonstance aggravante du délit : le cas où la violence est l'acte de plusieurs qui se sont préalablement entendus et concertés pour le commettre. Cette entente constitue une aggravation de la culpabilité, et l'art. 415 donne au juge la faculté de placer le coupable sous la surveillance de la haute police. L'art. 416 enfin prévoit l'atteinte plus légère résultant des proscriptions et interdictions prononcées contre les patrons et ouvriers. Deux conditions sont encore exigées ici : que ces condamnations soient prononcées en exécution d'un accord préalable et qu'elles aient porté atteinte à la liberté du travail. La tentative ne suffirait pas. Telle est la théorie de la loi du 25 mai 1864 qui, comme vous le voyez, diffère essentiellement de l'ancien code et a apporté, en matière de coalition, un système tout nouveau.

472. Après les coalitions des maîtres contre les ouvriers et des ouvriers contre les maîtres, la loi a placé celles qui se forment entre les détenteurs d'une marchandise pour en opérer soit la hausse, soit la baisse.

« ART. 419. Tous ceux qui, par des faits faux ou calomnieux, semés à dessein dans le public, par des suroffres faites aux prix que demandaient les vendeurs eux-mêmes, par réunion ou coalition entre les principaux détenteurs d'une même marchandise ou denrée, tendant à ne la pas vendre ou à ne la vendre qu'à un certain prix, ou qui, par des voies ou moyens frauduleux quelconques, auront opéré la hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises, ou des papiers ou effets publics, au-dessus ou au-dessous des prix qu'aurait déterminés la concurrence naturelle et libre du commerce, seront punis d'un emprisonnement d'un mois au moins, d'un an au plus, et d'une amende de 500 fr. à 10,000 ff. »

Cette disposition, dont les différents termes sont peut-être trop vagues et trop flexibles, a été expliquée dans l'exposé des motifs : « Elles n'ont pas échappé non plus à la prévoyance du Code, porte cet exposé, ces manœuvres coupables qu'emploient des spéculateurs avides et de mauvaise foi pour opérer la hausse ou la baisse du prix des denrées ou marchandises, ou des papiers ou effets publics, au-dessus ou au-dessous des prix qu'aurait déterminés la concurrence naturelle et libre du commerce. Le Code cite, pour exemples

de ces manœuvres, les bruits faux et calomnieux semés à dessein dans le public, les coalitions entre les principaux détenteurs de la marchandise ou denrée; il ajoute toute espèce de voies ou moyens frauduleux, parce qu'en effet, ils sont si multipliés, qu'il ne serait guère plus facile de les détailler que de les prévenir. La disposition ne peut s'appliquer à ces spéculations franches et loyales qui distinguent le vrai commerçant. Celles-ci, fondées sur des réalités sont utiles à la société. Loin de créer tour à tour les baisses excessives et les hausses exagérées, elles tendent à les contenir dans les limites que comporte la nature des circonstances, et par là servent le commerce, en le préservant de secousses qui lui sont toujours funestes. >>

On aperçoit facilement dans ces paroles la pensée qui a dicté l'article; mais il est plus difficile de préciser les éléments du délit. Cependant deux conditions principales sont exigées : d'une part, l'un des moyens frauduleux à l'aide desquels s'opère la hausse ou la baisse, et, d'une autre part, l'événement de cette hausse ou de cette baisse opérée par ces moyens. La vraie difficulté de cette matière est, d'abord, de définir chacun des moyens employés, ensuite de constater le lien qui unit l'emploi de ces moyens et le résultat. Qu'est-ce qu'il faut entendre par des faits faux ou calomnieux semés à dessein dans le public, par les suroffres faites au prix des vendeurs, par la réunion ou coalition des détenteurs d'une marchandise, enfin par les voies on moyens frauduleux quelconques qui peuvent être employés dans le même but? Il est évident que cette dernière formule, qui comprend toutes les fraudes, et qui rendait peut-être les premières inutiles, laisse à l'appréciation du juge tous les moyens employés pour produire la hausse ou la baisse des marchandises et des effets publics. Il importe seulement de constater qu'à l'aide de ces moyens frauduleux la hausse ou la baisse a été opérée. L'art. 419 ne prononce en effet de pénalité que dans le seul cas où la hausse ou la baisse a eu lieu, ce qui exclut formellement la simple tentative du délit.

La peine s'élève de deux mois à deux ans, et l'amende de 1,000 à 20,000 fr., aux termes de l'art. 420, « si ces manœuvres ont été pratiquées sur grains, grenailles, farines, substances farineuses, pain, vin ou toute autre boisson. » C'est la nature de la marchandise qui fait ici l'aggravation. L'État a dû attacher une plus grande importance aux manœuvres qui influent sur les cours d'une denrée qui fait la base de l'alimentation publique, et dont les prix peuvent exercer une influence directe sur la tranquillité.

DES PARIS SUR LA HAUSSE OU LA BAISSE DES EFFETS PUBLICS.

473. Notre Code pénal avait voulu interdire les jeux de bourse et frapper l'agiotage qui opère sur des valeurs fictives.

ART. 421. Les paris qui auront été faits sur la hausse ou la aisse des effets publics seront punis des peines portées par l'art. 419. »

« ART. 422. Sera réputée pari de ce genre toute convention de vendre ou de livrer des effets publics qui ne seront pas prouvés par le vendeur avoir existé à sa disposition au temps de la convention, ou avoir dû s'y trouver au temps de la livraison. »

« Il résulte de cette définition, porte l'exposé des motifs, que le but de la loi

est de réprimer une foule de spéculateurs qui, sans avoir aucune espèce de solvabilité, se livrent à ces jeux, et ne craignent pas de tromper ceux avec qui ils traitent. La loi soumet le vendeur seul à la preuve qu'elle exige, parce que c'est lui qui promet de livrer la chose. Mais si la promesse de livrer existe de la part des deux contractants, la preuve est nécessaire pour l'un et pour l'autre; car tous deux sont respectivement vendeurs et acheteurs. Ce moyen de répression, loin de nuire en aucune manière aux opérations des spéculateurs honnêtes et délicats, les rendra moins périlleuses, en les délivrant du concours de ceux qui, n'ayant rien à perdre, osent tout risquer. »>

Ce n'est pas la première fois que la loi a voulu punir les marchés d'effets publics faits à terme et sans livraison. Les arrêts du conseil du 7 août 1785 et du 22 sept. 1786, les lois des 28 vendémiaire et 13 fructidor an IV les avaient déjà interdits. L'art. 422 n'a point abrogé ces lois; il ne s'occupe que des contractants et non des marchés eux-mêmes. I suppose frauduleux, ou du moins dangereux pour l'ordre, les marchés à terme, et punit ceux qui les contractent. Quant à ces marchés eux-mêmes, ils sont nuls et sans effet légal d'après le texte formel des lois antérieures. Cependant, il faut le dire, toutes ces prohibitions sont demeurées stériles; soit que ces textes n'aient pas paru assez précis, soit qu'il soit difficile de saisir ces transactions illicites, soit enfin que des poursuites à ce sujet aient paru plus périlleuses que salutaires, les art. 421 et 422 n'ont reçu qu'une rare application.

DE LA TROMPERIE SUR LA NATURE DES CHOSES VENDUES ET DE LA VENTE A FAUX POIDS ET A FAUSSES MESURES.

474. L'art. 423 prévoit deux délits distincts: la tromperie sur la nature des choses vendues, et la tromperie sur la quantité des mêmes choses par usage de faux poids et de fausses mesures.

« ART. 423. Quiconque aura trompé l'acheteur sur le titre des matières d'or ou d'argent, sur la qualité d'une pierre fausse vendue pour fine, sur la nature de toutes marchandises; quiconque, par usage de faux poids ou de fausses mesures, aura trompé sur la quantité des choses vendues, sera puni de l'emprisonnement pendant trois mois au moins, un an au plus, et d'une amende qui ne pourra excéder le quart des restitutions et dommages-intérêts, ni être au-dessous de 50 fr. Les objets du délit, ou leur valeur, s'ils appartiennent encore au vendeur, seront confisqués. >>

La loi du 13 mai 1863 a ajouté un paragraphe ainsi conçu :

Le tribunal pourra ordonner l'affiche du jugement dans les lieux qu'il désignera, et son insertion intégrale ou par extrait dans tous les journaux qu'il désignera, le tout aux frais du condamné. »

Lorsqu'il s'agit soit des matières d'or et d'argent, soit des pierres précieuses, c'est la tromperie sur l'identité de la chose vendue qui constitue le délit. Mais, hors ces deux cas, ce n'est pas seulement le défaut d'identité, ce sont les circonstances qui changent la nature de la marchandise que la loi a voulu saisir. Ainsi, toute tromperie opérée par ruses et artifices, et qui a pour objet d'égarer l'acheteur sur la nature de la chose vendue, rentre dans les termes de la loi.

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