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mant le titre XI, indiquent, d'une manière plus détaillée que le Code d'instruction criminelle, quelle est la qualité, la compétence spéciale des divers agents qui y sont dénommés.

Vous remarquerez d'abord, quant au droit d'arrestation indiqué et limité par l'art. 16, § 4, que ce droit se trouve étendu, en certains cas, par l'art. 163 du Code forestier; on permet aux gardes forestiers d'arrêter et de conduire devant le juge de paix tout inconnu qu'ils auront surpris en flagrant délit. Le droit se trouve donc étendu, en ce sens que l'art. 163 n'exige plus, comme l'art. 16, que le fait en flagrant délit duquel on est surpris soit de nature à entraîner l'emprisonnement, ou une peine plus forte. Mais l'art. 163 exige, dans la personne surprise, une qualité dont ne parle pas l'art. 16: il exige qu'il s'agisse d'un inconnu; dans le cas contraire un garde n'a pas droit d'arrestation.

Quant à l'affirmation du procès-verbal devant le juge de paix, affirmation à laquelle sont toujours soumis les procès-verbaux des gardes champêtres, cette condition ne s'applique pas dans tous les cas aux procès-verbaux des gardes forestiers; elle s'applique rigoureusement à tous les procès-verbaux des gardes particuliers et des agents inférieurs de l'administration forestière ; au contraire, la loi en dispense les procès-verbaux des agents supérieurs, art. 165, 166 et 189 du Code forestier.

De même, les procès-verbaux des gardes champêtres ne font foi que jusqu'à preuve contraire, tandis que les procès-verbaux des gardes forestiers, ou au moins de quelques-uns d'entre eux, font foi même jusqu'à inscription de faux; ces procès-verbaux figurent au nombre de ceux dont parlent les art. 154 et 189 du Code d'instruction criminelle. Il y a cet égard, soit dans la nature du fonctionnaire rédacteur, soit aussi dans l'importance de la condamnation à laquelle peut donner lieu le procès-verbal, des distinctions dans lesquelles je n'entre pas; je vous renvoie aux art. 176, 177 et 188 du Code forestier.

Enfin, les procès-verbaux des gardes champêtres sont toujours remis aux officiers chargés des poursuites. Ainsi, s'il s'agit d'un délit, le procès-verbal sera remis au procureur impérial chargé, par l'art. 182 du Code d'instruction criminelle, de la poursuite des faits correctionnels; s'il s'agit d'une simple contravention, le procès-verbal sera remis au commissaire de police, ou au maire, ou à son adjoint, art. 144. Au contraire, pour les gardes forestiers de l'État, leurs procès-verbaux sont remis au conservateur ou à l'inspecteur auxquels appartient, en matière de contravention comme de délit, l'exercice de l'action publique devant les tribunaux correctionnels, art. 179 et 182 du Code d'instruction criminelle. Vous verrez que les contraventions forestiè res, commises au détriment de l'État ou des communes, rentrent, quoiqu'elles soient de simples contraventions, dans la compétence des tribunaux correctionnels. Que si, au contraire, il s'agit du garde forestier d'un particulier, alors le procès-verbal sera remis, s'il s'git d'une contravention, au commissaire de police chargé de la poursuite devant les tribunaux de police; ou, s'il s'agit d'un délit, au procureur impérial chargé de la poursuite devant les tribunaux correc tionnels.

Je vous renvoie pour résumer ces notions au texte même du chapitre . Nous passons au chapitre iv, qui traite du procureur impérial et de ses substituts.

CHAPITRE IV

DES PROCUREURS IMPÉRIAUX ET DE LEURS SUBSTITUTS.

540. Jusqu'ici les fonctionnaires, les officiers de police judiciaire dont nous nous sommes occupés se sont présentés à nous sous des caractères tout à fait spéciaux. Ainsi, dans les commissaires, de police nous n'avons vu, quant à la police judiciaire, que des officiers chargés de constater les contraventions, à l'exclusion des crimes ou des délits. Dans les gardes champêtres ou forestiers nous avons vu des officiers de police judiciaire chargés de constater les contraventions, les crimes ou les délits, mais seulement en tant que ces actes portent atteinte aux propriétés rurales ou forestières; il n'y a pas cette largeur d'attribution, cette généralité de caractère que nous allons rencontrer dans les officiers aux attributions desquels nous passons maintenant.

Ainsi, entre les officiers de police judiciaire qui précèdent et les procureurs impériaux et leurs substituts, nous rencontrerons d'abord cette différence bien saillante, que la compétence des premiers est bornée, est spéciale, soit quant à la gravité des faits qu'ils doivent constater, soit au moins quant à leur nature; au contraire, la compétence des procureurs impériaux est générale, en ce sens que la mission que la loi leur confie n'est pas bornée à telle ou telle nature, à tolle ou telle gravité de faits punissables, mais qu'elle embrasse, au contraire, les crimes et les délits: si elle laisse les contraventions en dehors, c'est par le peu d'importance de ces faits, et non pas par le défaut de pouvoir. Ainsi, voilà une première différence entre les officiers précédents et les procureurs impériaux ; elle tient à la généralité du caractère accordé à ceux-ci, relativement à la nature des actes pour lesquels la loi leur a donné mission.

541. Mais une autre différence beaucoup plus importante, surtout parce qu'elle est bien moins connue, bien moins sensible, bien moins facile à saisir à la lecture des textes du Code, tient à la nature des pouvoirs, au caractère de la mission, au mode d'exercice des actes que la loi a attribués au ministère public. Fixons-nous bien sur cette idée. Quels sont, d'après l'art. 8, les caractères, les fonctions de la police judiciaire? La loi en indique trois qui peuvent se réduire à deux rechercher les actes coupables, en rassembler les preuves, en livrer les auteurs aux tribunaux. Les deux premiers membres de cette phrase se rattachent à la constatation des faits punissables; le troisième et dernier se rattache à la poursuite. Ainsi, constater les faits punissables, poursuivre leurs auteurs devant les tribunaux : telles sont les fonctions générales de la police judiciaire.

Mais déjà nous avons dit que ces fonctions ne se cumulaient pas, ne se réunissaient pas nécessairement sur la même tête, qu'il ne suffisait pas d'être appelé par la loi officier de police judiciaire pour avoir le droit : 1o de constater, 2o de poursuivre. Ainsi, pour les commissaires de police, pour les gardes champêtres.

et forestiers, nous avons vu formellement écrit dans la loi le droit, l'obligation de constater, nous n'avons pas vu, au contraire, un seul mot du droit de poursuivre, surtout en ce qui concerne les gardes champêtres et les gardes forestiers. Eh bien, pour le procureur impérial, il faut faire la même distinction, mais il faut la faire en sens tout à fait contraire. Les agents qui précèdent ont droit de constater et n'ont pas droit de poursuivre; le procureur impérial, quelle que haute que soit sa position, quelque grave que soit son caractère, a droit de poursuivre et non pas de constater. Il a droit et devoir de livrer aux tribunaux l'auteur présumé d'un fait punissable; il a droit de requérir la poursuite, de requérir tels ou tels actes d'instruction propres à faire éclater la vérité qu'il soupçonne, mais il n'a pas le droit de rechercher, de rassembler les preuves. Ainsi, dans le procureur impérial nous ne trouvons, au moins en principe, sauf deux exceptions notables, qui se justifient d'ailleurs fort aisément, nous ne trouvons en principe que le droit de poursuivre, mais jamais le droit de réunir, de constater les preuves.

542. Cette idée de n'accorder au ministère public que le droit de poursuivre, à l'exclusion du droit de constater, n'est pas nouvelle en droit français, mais elle y a été quelque temps méconnue d'une manière assez grave; il n'est pas inutile de remonter plus haut pour en bien sentir la portée.

Dans l'ancienne jurisprudence criminelle, dont nous sommes loin d'approuver toutes les dispositions, c'était une idée fondamentale que la poursuite des actes punissables n'appartenait point aux simples particuliers, mais à une magistrature spéciale, instituée à cet effet, savoir, au ministère public; le droit de se porter partie contre les auteurs d'un crime ou délit était le premier attribut du ministère public.

Mais de là une conséquence fort logique et fort sage, c'est que le ministère public, étant partie nécessaire dans toute poursuite criminelle, devait par là même être exclu du droit de participer à un acte d'instruction quel qu'il fût. En effet, disait-on, un acte d'instruction, c'est une décision, c'est une sorte de jugement au moins provisoire; ordonner qu'une visite domiciliaire sera faite, ordonner que des témoins seront entendus, décerner un mandat, frapper un individu d'arrestation, c'est porter sur son sort une décision, un jugement, provisoire si l'on veut, mais enfin une décision. Or, décider, juger, même provisoirement, c'est un acte du ministère du juge; or, la qualité de juge et celle de partie sont des qualités incompatibles. Si donc le ministère public est nécessairement l'adversaire du prévenu, s'il est inévitablement partie, demandeur dans toute poursuite criminelle, il s'ensuit qu'il ne peut être juge; et il serait juge s'il pouvait faire un acte d'instruction, si léger que fût cet acte.

A côté de ce raisonnement tout logique viennent se placer des considérations d'une nature fort grave: au ministère public est im posée l'obligation de rechercher les faits punissables, et, dès qu'il en soupçonne l'auteur, de poursuivre cet auteur présumé depuis le premier acte d'instruction qu'il requiert, jusqu'à l'exécution de la peine qu'il a sollicitée contre lui. Or, ne serait-il pas à craindre, si l'on confiait au ministère public le droit de faire lui-même des actes d'instruction, qu'il ne se laissât influencer, dominer dans l'origine par des préventions contre lesquelles il n'aurait pas plus tard le courage de re

venir? ne serait-il pas à craindre que le même officier, venant demander aux juges la punition du prévenu contre lequel il a fait l'instruction, ne parût pas devant les juges avec cette plénitude, cette franchise d'impartialité qui est le premier de ses devoirs et la plus belle de ses attributions? De là cette conséquence, bien observée dans l'ancienne jurisprudence criminelle, qu'au ministère public appartient, uniquement, exclusivement, le droit de poursuivre ; et au juge au contraire, uniquement, exclusivement, le droit d'instruire.

Cette conséquence fut méconnue, et bien à tort sans doute, dans le Code criminel de 1791. J'ai déjà dit que les fonctions de la police judiciaire y furent uniquement confiées aux juges de paix et aux officiers de gendarmerie. Cette attribution si illimitée avait d'abord un inconvénient, c'était de ne pas confier à des mains assez puissantes, à des fonctionnaires assez haut placés la première poursuite, la première impulsion nécessaire pour rechercher et pour constater les crimes. Des juges de paix isolés par canton, n'ayant pas pour stimulant les réquisitions du ministère public, n'imprimaient pas à la direction des affaires dont ils étaient chargés l'énergie suffisante pour réunir les preuves nécessaires. Mais il y avait un autre inconvénient, c'est que les officiers du ministère public, commissaires du gouvernement, étaient toujours chargés de la poursuite; seulement, ils n'intervenaient dans la poursuite qu'après qu'un jury d'accusation avait voté l'accusation du prévenu. On remarqua avec raison qu'il était contradictoire de confier la poursuite aux agents du gouvernement, et de leur refuser toute espèce de part d'action dans la direction des premières poursuites; de les charger spécialement de la recherche et de la répression des délits et des crimes, et de ne leur permettre d'intervenir, pour solliciter cette répression, qu'au dernier moment d'une poursuite déjà commencée, et peut-être mal commencée. Cependant le Code du 3 brumaire an IV, en remédiant au premier défaut, en plaçant les fonctions de l'instruction dans des mains plus puissantes que celles des juges de paix, avait aussi laissé subsister cette concentration de tous les actes de l'instruction dans les mains des officiers qu'il désigne, il avait laissé le ministère public en dehors de tous les actes préliminaires. On sentit ce défaut, et une loi du 7 pluviose an IX institua dans chaque arrondissement un substitut à l'accusateur public appelé plus tard magistrat de sûreté. La principale mission de ce substitut était de surveiller les poursuites, d'y imprimer le mouvement d'activité qui pouvait y manquer jusqu'alors.

Lorsqu'on rédigea le projet du Code criminel, on se jeta dans l'excès contraire à celui de 1791; on fut si vivement frappé de l'inconvénient d'exclure le ministère public de l'instruction préliminaire, que dans l'art. 480 de ce projet on conférait au ministère public, représenté par des officiers appelés magistrats de sûreté, le droit de faire à lui seul tous les actes d'instruction nécessités par le début de l'instance. Au sein du conseil d'État de vives réclamations s'élevèrent; on demanda le rétablissement de cette distinction fondamentale méconnue en 1791, et que le projet du Code allait méconnaître; on demanda que la distinction entre le droit de poursuivre et le droit de constater fût rétablie; qu'aux agents du gouvernement, à la partie publique appartint exclusivement le droit de poursuivre; qu'aux agents judicaires proprement dits, aux magistrats appartint exclusivement le droit d'instruire. Après une longue

et vive discussion ce principe prévalut enfin; on décida en règle générale que le ministère public n'aurait que le droit de poursuivre les délits et les crimes, d'en requérir la répression, de solliciter, d'exiger qu'il fût procédé à chaque acte d'instruction, mais qu'il n'aurait pas, au moins en principe, le droit d'y procéder par lui-même. Ce droit fut réservé à un fonctionnaire d'une nature, d'une position plus impartiale, plus indépendante : ce droit fut réservé au juge d'instruction.

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Ainsi, comme idée générale devant servir de point de départ aux explications qui vont suivre, retenons que, si la qualité d'officier de police judiciaire, aux termes de l'art. 9, appartient également, d'une part, au procureur impérial, de l'autre, au juge d'instruction, cependant la mission de ces officiers n'est pas la même la mission du procureur impérial est de requérir du juge d'instruction tel ou tel acte de poursuite; la mission du juge d'instruction est de procéder à ces actes. Et de même qu'en général le procureur impérial ne peut pas par lui-même procéder à l'instruction, de même aussi en général le juge d'instruction ne peut opérer que sur la réquisition, sur les conclusions de la partie publique, c'est-à-dire du procureur impérial. Je dis en général, car nous verrons plus tard, dans les deux cas que j'ai indiqués, dans les cas des art. 32 et 46, l'urgence du flagrant délit introduire une exception remarquable à ces principes qui d'ailleurs sont fondamentaux.

543. Il suit de ce qui précède que nous aurons à considérer les procureurs impériaux sous deux points de vue et dans deux qualités bien différentes; le premier relativement à leurs fonctions habituelles, régulières, à leurs fonctions normales, si je puis ainsi parler; le second relativement à leurs fonctions extraordinaires, exceptionnelles, nécessitées quelquefois par l'hypothèse du flagrant délit.

Au nombre des fonctions habituelles et régulières figurent des opérations des différentes natures. Ainsi, le procureur impérial, en, sa qualité de partie publique, borné, limité au droit de requérir, au droit de poursuivre, doit:

1° Rechercher d'office les crimes ou les délits commis dans son arrondissement, en rechercher le bruit, l'avis, la rumeur publique; ce qui n'est pas en rassembler les preuves, par exemple appeler des témoins pour déposer; à cet égard, il doit rechercher l'annonce, la nouvelle des crimes ou délits;

2o Recevoir toutes les dénonciations, toutes les plaintes qui peuvent lui être adressées, soit par des fonctionnaires publics, soit par des particuliers, aux termes des art. 29, 30 et 31, soit que ces plaintes ou dénonciations, dont nous verrons plus tard la forme et le détail, se rattachent à des crimes ou à de simples délits;

3o Il doit immédiatement transmettre les pièces au juge d'instruction, avec telles réquisitions qu'il juge convenable de faire en vertu de ces premiers documents;

4o Il doit correspondre avec le procureur général, dont il n'est, à vrai dire, que le substitut, à l'effet d'informer immédiatement celui-ci de tous les crimes dont il vient de prendre connaissance et de recevoir ses ordres sur la direction de la poursuite, art. 27. Non contents d'établir entre le procureur impérial de chaque arrondissement et le procureur général, dans le ressort

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