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SIXIÈME PARTIE

POSITION DES JUGES DE PAIX

CHAPITRE I

CONDITIONS DE NOMINATION, AGE, TRAITEMENT, VACATIONS, PRÉSENCE, GREFFIER, ETC.

Du magistrat qui juge seul.

Parmi les tribunaux ordinaires et d'exception, il n'y a que ceux de canton dont les jugements sont rendus par un seul magistrat.

C'était une règle sous l'ancienne monarchie qu'un juge ne devait pas juger seul.

Dans les campagnes, les justices de paix sont sai– sies de questions importantes. Là, suivant le personnel de plaideurs que le hasard y a placé, les titulai – res de ces modestes sièges sont parfois en butte aux

prétentions outre-cuidantes, aux passions haineuses. Ils n'en sont que plus fermes dans l'accomplissement de leurs devoirs, mais la loi pourrait les protégés en divisant la responsabilité... L'adjonction de collègues augmenterait d'ailleurs les garanties en faveur des justiciables.

Si des assesseurs siégeant avec le juge de paix ou le suppléant qui le remplace étaient établis pour certaines affaires, et pris suivant l'ordre du tableau, dans le conseil municipal du chef-lieu de canton, la mesure serait bien accueillie.

Nous allons dire quelques mots sur l'institution des magistrats et les origines judiciaires.

Institution des magistrats, aperçus historiques.

Anciennement le roi ne nommait pas tous les magistrats ayant l'office de juger, quoique l'un des attributs essentiels de la couronne fùt de rendre et faire rendre la justice. Les officiers des sièges seigneuriaux rendaient la justice au nom du seigneur qui les choisissait.

Les prérogatives du monarque étaient plus restreintes encore, avant le XIe siècle, époque où fut reprise l'étude du droit romain et où les justices royales furent établies. Les hautes justices féodales étaient devenues intolérables.

L'affaiblissement du pouvoir excessifs des hauts

justiciers s'effectua graduellement dans toute l'Europe. Les villes ou communautés et les juridictions municipales qui s'établirent en France, en Italie, en Allemagne, amenèrent ce résultat.

En Angleterre, Edouard Ier limita la puissance féodale par la création des juges de paix. De son côté, Ferdinand-le-Catholique brisa, en Espagne, la juridiction territoriale des barons par l'établissement de tribunaux nés de l'association des cités contre des entreprises juridiques et des privilèges aussi incompatibles avec l'autorité du prince qu'avec l'ordre et l'harmonie de la société.

D'autres causes aidèrent chez nous à ces change-ments.

Dans les temps où prévalaient tant de règles bizarres et sanguinaires et tout ce qui constituait l'abus de la force matérielle, entretenu par les situations indépendantes et oppressives des grands vassaux ; produits de la conquête, qui devaient précéder le règne des lois; les Cours de justice de France et les tribunaux des seigneurs n'étaient composés que de Pairs et de chevaliers qui y siégeaient par droit de naissance. Ces hommes d'armes et de noblesse, préférant manier l'épée que débrouiller le cahos des lois, firent successivement place aux jurisconsultes.

Les gens habiles dans la science du droit, miles justitiæ, arrivèrent bientôt aux mêmes honneurs que ceux, distingués dans l'art de la guerre. Cela

contribua, dit Montesquieu, à la chute de la féodalité et fut à l'avantage de l'autorité suprême et des libertės publiques... Le pouvoir judiciaire, établi dans l'intérêt de toutes les classes, excluait d'ailleurs le monopole, en faveur de l'une d'elles, des emplois de judicature.

La France a repoussé ce monopole, aussi contraire à l'intérêt des gouvernements et à la bonne administration de la justice qu'à l'égalité devant la loi. Les États où cet abus est encore enraciné luttent aujourd'hui contre lui.

Est venue ensuite la vénalité de ces charges, et, de nos jours, le choix et la nomination directe par le souverain.

Ce dernier mode, appliqué à toutes les fonctions de magistrature, concorde avec l'unité administrative et judiciaire, et avec l'unité des lois que notre nation possède aujourd'hui. Progrès que tant de siècles ont appelé, et qu'avait rêvé un roi de France qui désirait, dit Philippe de Commines, qu'en ce royaume on usât d'une coutume, d'un poids, d'une mesure.

Nomination des juges de paix.

Les juges de paix et leurs suppléants sont amovibles. Ils sont nommés par le chef de l'État comme les autres magistrats de l'ordre judiciaire. Ils sont choi

sis sur des présentations faites par les chefs du tribunal et du parquet de première instance, et ceux de la Cour d'appel et du parquet de la Cour; ou en dehors des présentations, qui ne sont qu'un mode d'instruction sur les personnes des candidats.

La loi du 20 avril 1810 veut que les magistrats des tribunaux soient licenciés en droit et aient suivi le barreau pendant deux ans, après avoir prêté serment devant la Cour d'appel.

Les anciens édits ordonnent que nul ne puisse être pourvu d'aucune charge de judicature sans faire apparoir de ses degrés de licence, endossés du serment d'avocat. En outre les cours et sièges étaient tenus de procéder à un examen du récipiendaire.

Age de trente ans exigé pour être juge de paix.

Aucune condition d'aptitude légale n'est exigée des juges de paix.

Cependant, la nature de leurs attributions exigeant une grande expérience, une connaissance profonde des hommes et des choses, d'autant plus qu'ils ju · gent seuls, a fait fixer à trente ans accomplis, l'âge auquel ils peuvent être nommés. (Loi du 22 août 1795, article 209.)

L'article qui fixe à trente ans l'âge des juges de première instance et des juges de paix, se trouve

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