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Ceux de France datent de 1790, et ont été ainsi dénommés dans le sens de la concorde privée.

Le législateur a d'abord entendu n'en faire que des arbitres entre les citoyens et un premier degré de juridiction. Successivement, il les a établis officiers de police judiciaire et délégués de l'Administration. Leurs attributions sont plus nombreuses, plus exactement définies, mais d'un ordre moins élevé dans l'Etat que celles des juges de paix de l'Angleterre.

Par cette création, l'Assemblée constituante remplaça les justices seigneuriales dans les campagnes, établit le préliminaire de conciliation, et fit les bases du nouvel ordre judiciaire, comme par l'éta blissement des municipalités elle posa les premières assises de l'organisation administrative.

La loi du 16-24 août 1790 dispose qu'il y aura en chaque canton un juge de paix et des prud'hommes assesseurs, tous élus pour deux ans et rééligibles ; que ce juge connaîtra, assisté de deux assesseurs, de toutes les causes purement personnelles et mobilières, sans appel jusqu'à la valeur de cinquante francs et à la charge d'appel jusqu'à la valeur de cent francs ; plus des actions pour dommages aux champs, fruits, récoltes, déplacement de bornes, usurpation de terre, arbres, haies, clôtures et autres actions possessoires, réparations locatives, indemnités aux locataires pour non jouissance, salaire des gens de travail, gages des domestiques, injures verbales, etc. Enfin qu'il procé

derait aux appositions et levées de scellés et rece vrait les délibérations de famille, à la charge de renvoyer devant les tribunaux le contentieux de ces opérations.

Dans cette partie de la loi, le législateur ne crée pas précisément une institution nouvelle; il ne fait que déférer à un juge élu et dispensé d'études le ju-gement de certaines contestations et celui des actions possessoires qui, elles seules, exigent la science de l'homme de loi; plus les appositions et levées de scellés et les avis de parents, matières qui toutes appartenaient auparavant à des magistrats graduės. Les avantages de cette innovation peuvent être contestés.

Il établit un juge d'exception pour des affaires précédemment de la juridiction ordinaire, outre les attributions des anciens officiers des bailliages qui jugeaient les causes personnelles d'un modique intérêt.

Il accorde la préférence à un simple propriétaire, élu temporairement, et il pressent des cas contentieux dont il ordonne le renvoi aux tribunaux ; sans songer que ce juge improvisé aura forcément à rẻsoudre d'importantes questions de droit, et que le système de le rendre électif est vicieux. L'élection peut arriver en certains cas a un magistrat permanent et le récompenser d'un dévouement consciencieux, mais ce n'est pas d'elle qu'il doit tenir son autorité de juge.

Cette loi ordonne ensuite que dans toutes les matières excédant la compétence du juge de paix, ce juge et ses assesseurs forment un bureau de paix et de conciliation, et qu'aucune action ne sera reçue au civil devant les juges du district, sans que la partie ait été appelée à ce bureau.

Elle veut encore que le bureau de paix du district soit en même temps bureau de jurisprudence charitable, chargé d'examiner les affaires des pauvres et de défendre ou faire défendre leurs causes. Elle établit l'assistance judiciaire existant en d'autres pays en faveur des indigents, laquelle a été organisée par la loi du 30 janvier 1851, d'une manière moins simplifiée.

La disposition remarquable de la loi du 16 août 1790, l'idée neuve présentant un vrai progrès, c'est le bureau de paix, l'obligation d'essayer la conciliation, qu'a reproduite le Code de procédure civile. Le bureau de conciliation peut tenir lieu, dans une certaine limite, de l'assistance judiciaire, suivant le dévouement qui y est déployé.

Anciennement l'on ne manquait pas de juges pour les diverses affaires appartenant aujourd'hui aux justices de paix. Mais aucun magistrat n'était prėposé à la conciliation des plaideurs, à la solution amiable des procès.

Voilà l'œuvre nouvelle, l'œuvre bienfaisante de cette loi. Il ne paraît pas que le préliminaire artifi

ciel de la conciliation fût usité en Angleterre où les statuts des justices de paix ne parlent que de haute surveillance, d'instruction criminelle et de répression.

La loi de 1790 institua le juge de paix suivant l'acception littérale du mot, en vue d'éteindre les litiges. et maintenir la concorde entre les particuliers. Quelques constituants pensaient de plus inaugurer une ère de calme parfait... Un bon père de famille tenant en ses mains l'olivier de la paix, devait faire disparaître les passions et garantir à jamais l'ordre public !...

Survinrent les déceptions!... mais l'idée princirale était féconde. Les bons résultats ne furent en-través que par le mode adopté du choix du juge de paix et par les orages de l'époque qui détournèrent l'institution de son paisible cours. Les circonstances firent dénaturer son caractère primitif.

L'Assemblée constituante, après avoir voté la loi martiale et décrété les moyens de rétablir la subordination dans l'armée, voyant s'évanouir l'âge d'or qu'elle avait rêvé, métamorphosa l'homme de paix en magistrat militant. Elle lui conféra, par les lois des 19, 27 juillet et 16 septembre 1791, le droit de requérir les troupes du district pour dissiper les attroupements séditieux. Elle le fit aussi juge de police correctionnelle et officier de police de sûreté. Dès lors, le juge de paix délivra des mandats d'amener, des mandats de dépôt, et remplit dans son

canton, non pas en qualité d'auxiliaire tel qu'il est aujourd'hui, mais comme magistrat principal, les fonctions actuelles du procureur de la République et une partie de celles du juge d'instruction.

L'institution de tribunaux de paix fut rembrunie subitement, alors que l'on venait de poétiser son berceau !

Le droit du juge de paix en France, à mesure qu'on s'éloignait de sa création, se rapprochait des pouvoirs de celui d'Angleterre, chargé de constater les crimes et délits et d'en punir les auteurs.

Une loi du 25 octobre 1795 a restreint ces attributions elle a rangé les juges de paix parmi les officiers de police judiciaire et les a placés sous la surveillance de l'accusateur public et du directeur du jury, desquels les fonctions sont actuellement remplies par le procureur de la République et le juge d'instruction. Elle les maintient juges du tribunal de police correctionnelle sous la présidence d'un membre du tribunal d'arrondissement.

Par la loi du 18 mars 1800, ils cessèrent d'être juges correctionnels, mais ils restèrent présidents du tribunal de simple police. Ce tribunal était composé du juge de paix et de deux de ses assesseurs. L'adjonction des assesseurs avait lieu lorsque le juge de paix siégeait comme juge civil et de police, et comme conciliateur.

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