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de ses emprunts. En 1834, M. Rignoux confia à M. Théotiste Lefèvre son projet de monter une imprimerie (féminine) et lui en donna la direction. On l'établit à Fontenay (Côte-d'Or), dans une propriété de M. Élie Montgolfier, fabricant de papier'. Pendant huit mois, de jeunes paysannes y furent instruites par les soins incessants de leur habile professeur, et furent bientôt à même de composer tout aussi bien le grec que le français. C'est à cette époque que M. Rignoux dut céder son établissement à MM. Didot. En 1835, au mois d'août, tout le matériel de cette imprimerie fut transporté au Mesnil-sur-l'Estrée (Eure), où M. Théotiste put instruire à son aise des jeunes filles des villages environnants, au nombre de quatre-vingts. Bientôt elles devinrent tellement habiles, que les classiques grecs et français leur furent confiés. Le grec, chose rare, était composé avec une telle pureté, une telle attention constamment soutenue, qu'il y avait des pages sans une seule faute, des pages pucelles, pour nous servir de l'expression typographique. On peut hardiment avancer que deux maisons seulement de la capitale sont capables d'exécuter de si beaux labeurs grecs,

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1. L'Annuaire de la Papeterie latine nous fournit les précieux renseignements qui suivent sur cette importante papeterie, ou règne encore aujourd'hui la plus grande activité. Il est vrai que les produits de cette honorable maison sont d'une supériorité incontestable. Montgolfier père et fils, lit-on dans ledit Annuaire, possèdent des usines à Montbard (18 kilom. de Semur), à Choiseau (Mormagne), à Fontaine l'Orme, près Touillon, et à Fontenay (Mormagne). -Impression, journal, 30 piles, 3 machines à papier de 2m, 15, 1, 40et 1,50. Usines sur la rivière Brenne et le canal de Bourgogne.

M. Lefort, imprimeur libraire à Lille (Nord), publie une série de brochures intéressantes sous le titre suivant les Hommes utiles. Parmi ces livraisons, nous en trouvons une qui a sa place ici : Les Frères Montgolfier (les Ballons de papier). A la suite on a inséré Bernard Palissy (l’Email), in-8 de 32 pages, avec portraits. Prix 60 cent.

c'est à savoir Delalain et Lahure. Nous ne parlons pas de l'Imprimerie Nationale, qui est hors concours. Depuis trente ans, l'établissement typographique du Mesnil, avec tout son personnel de compositrices, est dirigé par M. Charles Lefèvre fils, qui a succédé à son père. Dans toute la force de l'âge, et ayant lui-même amplement profité des leçons de son digne et honoré père, il a imprimé à l'officine du Mesnil une impulsion extraordinaire. Depuis 1878, on y a créé un nouvel établissement. De jeunes sourdes-muettes, au nombre de vingt-quatre, furent instruites et transformées en habiles compositrices, sous la direction morale des sœurs de la Providence, et elles ont comme professeur M. Pamphile Boudet, ancien prote de MM. Didot, à Paris, et gendre de M. Théotiste Lefèvre. Ces disgraciées par la nature exécutent aujourd'hui des labeurs hérissés de difficultés.

<< L'introduction des femmes dans l'imprimerie ne date pas d'hier; ce n'est pas une invention nouvelle. En 1862, au moment de virulentes attaques contre l'Imprimerie Administrative de Paul Dupont, qui venait de monter à Asnières, avec le plus grand succès, un atelier de jeunes filles et de femmes, nous avons détaché de notre collection une brochure qui mériterait certes d'être reproduite ici, car elle semble écrite d'hier pour la cause d'aujourd'hui les Femmes Compositrices d'imprimerie sous la Révolution Française, en 1794; Paris, Dentu, in-8. On lit à la fin : De l'École typographique des Femmes, rue des Deux-Portes-Bons-Conseils (Saint-Sauveur), no 8, avec cette épigraphe : « C'est nous qui faisons l'homme, pourquoi n'aurions-nous pas voix délibérative dans ses conseils? Eugénie NIBOYET. » —

Addition à cette brochure: En passant un jour sur les quais, nous mîmes le nez dans une de ces bouquineries en plein vent qui longent principalement la rive gauche de la Seine, et nous eûmes la satisfaction de tomber sur un petit ouvrage qui est le complément obligé de la pétition du citoyen Deltufo. Il a pour titre: Triomphe de la Saine Philosophie, ou la Vraie Politique des Femmes, par la C. B***. Se vent chez Debrai, libraire, maison de l'Égalité, et à l'Imprimerie des Femmes, sous les auspices de la Convention Nationale, rue des Deux-Portes-Bons-Conseils, no8, à Paris, in-8 de 117 pages, titre compris, sur lequel on voit une vignette républicaine. Barbier, Dictionn. des Anonymes, t. III, no 18473, l'attribue à la citoyenne Booser et donne pour millésime l'an V (1797). Ne se trouve pas plus à la Bibliothèque Nationale que la première. On voit qu'en 1794 il était question d'établir une École typographique pour les femmes. On vient d'en fonder une pour les compositeurs, rue Denfert-Rochereau, à Paris, l'École de Gutenberg. Rien ne s'opposerait, ce semble, à ce qu'on en fît autant pour les jeunes filles et les femmes. Ce serait une véritable pépinière qui viendrait alimenter les maisons qui ont déjà quelques compositrices.

«On sait que feu Portier, le prote de Vinchon, puis de Demourgues frères, est l'auteur de la Typographique, spirituelle chanson dont le journal mensuel qui l'a reproduite, la Musette, a été poursuivi pour avoir oublié de faire le dépôt du numéro renfermant une réimpression de ladite chanson. Mais ce que l'on ne sait pas, c'est que Portier en a rimé le pendant sous le titre de la Compositrice. Nous le possédons en manuscrit autographc.

<<< Terminons en donnant, par ordre alphabétique, la liste presque complète des imprimeries de Paris et des environs qui occupent aujourd'hui des femmes: AlcanLévy; Chamerot; Charaire et fils, à Sceaux (Seine); Crété, à Corbeil (Seine-et-Oise); Dejey et Cie; de Soye et fils; Didot et Cie, au Mesnil-sur-l'Estrée (Eure); Paul Dupont et Cie, à Asnières (Seine); l'Estafette, chez Schiller; Gauthier-Villars; la Gazette de France; Guyot; l'Illustration, chez Marc et Cie; Levé; Martinet, à Puteaux (Seine); Maury, l'imprimerie du Sentier; le Moniteur, chez Mouillot, à Issy (Seine); Moquet fils; Noizette (Imprimerie rapide); Plon, Nourrit et Cie; Rougier, à Paris. Nous savons pertinemment que quelques grands journaux sont à la veille de livrer leur composition à des femmes.

<< Il reste à relever, à compléter les imprimeries des départements, en très petit nombre, et à donner la statistique en divisant par 1° femmes mariées ; 2o veuves; 3° jeunes filles; 4° apprenties. On pourrait, enfin, indiquer les liens de parenté. »

Nous possédons de M. Théotiste Lefèvre:

I. Recueil complet d'impositions, exécutées en caractères mobiles, suivi d'une Nouvelle classification de la casse française. Au Mesnil, près Dreux, typographie de Hyacinthe Firmin-Didot; Paris, librairie de FirminDidot frères et Cie, imprimeurs de l'Institut de France, 1838, in-16 oblong de vIII (faux titre et titre compris) et 215 pages. 2 fr. 50.

Renferme à la fin un modèle de casse d'après la nouvelle classification, et un d'après l'ancienne. L'ou

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vrage se termine par la Table des impositions contenues dans ce Recueil, et Indication pour plier chaque feuille, p. 185-204, puis vient la Nouvelle classification de la casse française, combinée d'après l'exact emploi des lettres, p. 205-215, et enfin un Tableau synoptique indiquant: 1o la distance ancienne et la distance nouvelle des lettres, avec la différence en moins et en plus que donne leur déplacement; 2o le nombre moyen des lettres contenues dans une distribution de 18,000 n, et la distance que parcourt la main pour les composer; 3° le rapport de la distance parcourue par la distribution à celle de la composition. La Nouvelle classification de la casse française fut publiée en 1833, dans le format grand in-4.

Il est certain que la casse actuellement en usage presque partout n'est pas en rapport, nous l'avons déjà fait remarquer ailleurs, avec le langage d'aujourd'hui; on s'en aperçoit bien en composant du latin ou du vieux français. Cela nous avait frappé depuis longtemps, quoique encore jeune typographe débutant dans la carrière; mais nous savions qu'il fallait compter avec la routine, cette ennemie acharnée de tout progrès : nous ne voulions rien bouleverser. Nous songeâmes donc à faire disposer une casse d'après l'ancienne classification; nous lui laissâmes sa physionomie, tout en réunissant le haut et le bas de casse et en y ajoutant plusieurs cassetins. Ainsi dans le cassetin aux e on trouve les é, è, ê, ë, et ainsi de suite. On nous engagea à présenter notre casse à la Société d'Encouragement, accompagnée d'un mémoire. Nous nous empressâmes de le faire, et le tout fut envoyé à l'imprimerie de la Société, à Mme Huzard, rue de l'Éperon. Eh bien, au bout de quelques semaines, on nous apprit que notre

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