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sition. Elle conduit les parties devant les tribunaux ordinaires, et grâce aux lumières de la cour de cassation, ce régime marche assez bien pour qu'on soit dispensé d'emprunter, soit à l'ancienne France, soit aux pays étrangers, le système des juridictions spéciales pour les contributions indirectes.

Mais quant aux contributions directes, tout n'est pas accompli par la loi qui pose les bases de l'impôt. Il faut une suite d'opérations administratives pour le répartir entre les arrondissements, les communes et les citoyens. C'est toujours aux gens de l'Administration qu'est confié le soin de rendre les rôles exécutoires. Le même principe s'applique à toutes les matières pour lesquelles la loi autorise des perceptions assimilées à celle des contributions directes.

Je pourrais citer entre autres les rôles relatifs au curage de quelques rivières non navigables, et aux travaux qui s'exécutent pour la défense des terrains situés sur les rives de certains fleuves.

Vous sentez, Messieurs, combien il est important de maintenir la distinction que je viens de rappeler. Vous concevez également que rien n'empêche de faire intervenir les sous-préfets. On répète trop souvent qu'ils n'ont pas d'ordre à donner. Cette assertion ne me semble justifiée ni par le principe de leur institution, ni par la pratique administrative. Il est vrai qu'ils n'ont que des avis à émettre sur les affaires qui doivent être soumises aux préfets, mais il en est une foule d'autres dans lesquelles leur position est différente. Quand il s'agit de faire respecter les lois, les ordonnances ou les règles de l'Administration, ils donnent des ordres et en assurent l'exécution. Que la tranquillité publique vienne à être troublée dans un arrondissement, le sous-préfet se bornera-t-il à envoyer au cheflieu du département pour qu'on lui indique ce qu'il aura à faire? Non, certes, il agira de luimême; il exercera le droit, il remplira le devoir de requérir la force armée, et de pourvoir à toutes les nécessités du moment.

Il est permis, je crois, d'établir quelque analogie entre la position des sous-préfets et celle des maréchaux de camp commandant des subdivisions militaires. Sans doute il y a des occasions où ceux-ci doivent recourir à l'autorité supérieure du lieutenant général qui commande la division territoriale: mais qui peut dire qu'ils ne soient pas habituellement dans le cas de donner des ordres ?

Votre sagesse, Messieurs, ne serait pas satisfaite, si, après avoir exposé les principes qui réclament l'intervention des sous-préfets, je ne vous mettais pas à portée de reconnaître qu'elle ne peut entrainer aucune espèce d'inconvénient dans la pratique.

Vous savez que les sous-préfets entretiennent avec les communes de leurs arrondissements respectifs des communications fréquentes, et qui deviennent chaque jour plus faciles par suite des améliorations qui sont introduites dans le service des postes. Mais je dois porter particulièrement votre attention sur les devoirs que le projet de loi impose aux sous-préfets. C'est avec beaucoup de raison qu'on leur défère la présidence du comité d'arrondissement chargé de surveiller l'instruction primaire, et qu'on leur prescrit de l'assembler au moins une fois par mois. C'est aussi tous les mois que doivent être dressés les rôles sur lesquels l'instituteur com

munal recevra sa rétribution. En les rendant exécutoires, le sous-préfet y rencontrera des renseignements qu'il devrait toujours se procurer sur une des circonstances les plus intéressantes dans le développement de l'instruction primaire, sur le nombre des éléves reconnus en état d'acquitter la rétribution mensuelle.

J'aurais pris la liberté de vous présenter ces observations, lors même que vous n'auriez pas déjà adopté des amendements qui obligent de reporter à la Chambre élective le projet que vous discutez. Je n'ignore pas cependant à quel point vous êtes impatients de réaliser les promesses faites à la France par l'article 69 de la Charte constitutionnelle. Je me dis surtout que, si la loi sur l'instruction primaire pouvait être encore différée d'une année, ce serait pour le pays un malheur comparable à celui d'une récolte perdue. Mais le zèle qui anime au même degré les deux Chambres, défend toute inquiétude cet égard, et c'est en pleine sécurite que j'ai l'honneur de vous proposer l'amendement dont Vous venez d'entendre les motifs. Il consiste uniquement à décider que le rôle mentionné au premier paragraphe de l'article 15, sera rendu exécutoire, non par le juge de paix, mais par le sous-préfet.

M. Guizot, ministre de l'instruction publique. Les principes posés par l'honorable préopinant me paraissent fondés; ils avaient déterminé la proposition du gouvernement, qui avait voulu que le rôle fut rendu exécutoire par le préfet. L'objection qu'on a présentée à l'autre Chambre, était relative à la difficulté de l'exécution, attendu le grand nombre des rôles et la multiplicité des écritures qui en résulteraient. L'amendement proposé lève cette objection; les souspréfets suffiront pleinement à ce travail, et en même temps les principes généraux, les règles habituelles de l'administration seront maintenus. Je ne fais donc aucune objection à l'amendement.

(L'amendement de M. le baron de Fréville est mis aux voix et adopté.)

M. le comte Roy. D'après le premier paragraphe de l'article 14 en discussion, l'instituteur communal, en sus du traitement fixe, recevra une rétribution mensuelle dont le taux sera réglé par le conseil municipal, laquelle sera perçue dans les mêmes formes, et selon les mêmes règles que les contributions indirectes, et dont le rôle sera recouvrable, mois par mois, sur un état des élèves certifié par l'instituteur, visé par le maire, et rendu exécutoire par ie juge de paix.

Le paragraphe suivant ajoute que le recouvrement de cette rétribution ne donnera lieu à aucune remise au profit des agents de la perception.

Il ne me paraît pas possible de conserver cette dernière disposition dans la loi qui a pour objet d'organiser l'instruction primaire, avec laquelle elle n'a pas de rapport. C'est un désordre, qui se produit trop souvent, d'introduire dans les lois des dispositions qui appartiennent à un autre ordre de choses et de matières. Il en résulte dans la législation, une confusion et une incohérence qui ont beaucoup d'inconvénients. Le projet de loi a pour objet l'institution de l'instruction primaire: les perceptions sont réglées par d'autres lois fondées sur un même système, avec lequel la disposition proposée ne peut être en harmonie. On ne saurait se faire

une idée des embarras que les percepteurs, dont les circonscriptions se composent souvent de 8, 9, 10 communes, éprouveront de la charge de ces recouvrements qui se renouvelleront tous les mois, et qui devront s'exercer sur de nombreux contribuables, presque toujours sans moyen de payer et sans bonne volonté. Ces soins si multipliés, si minutieux, ne seront pas d'ailleurs sans dépense et sans responsabilité pour eux. Je ne puis concevoir qu'il soit possible de les assujettir particulièrement, à contribuer dans une si forte proportion aux charges de l'instruction primaire: j'entrerai dans plus de détails, si ces courtes observations n'ont pas l'assentiment de M. le ministre de l'instruction publique.

M. le Président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Barthe, garde des sceaux, ministre de la justice. Voici les lettres de grande naturalisation pour le comte Borgarelli d'lson.

« LOUIS-PHILIPPE, roi des Français, A tous ceux qui ses présentes verront, salut :

Le sieur comte Borgarelli d'Ison (LaurentVincent-Victor-Amédée-Frédéric-Eugène), né le 17 juin 1787, à Alexandrie, ancien département de Marengo, officier de la Légion d'honneur, colonel en expectative de retraite.

« Nous a exposé qu'il a servi dans l'armée française pendant plus de vingt-quatre ans, dont cinq dans le grade de colonel; qu'il compte quatorze campagnes, y compris l'expédition de Morée; qu'il a reçu deux blessures graves; que des actions honorables ont signalé sa carrière militaire; qu'en vertu de l'ordonnance du 21 septembre 1815, des lettres de naturalisation lui ont été délivrées, et qu'il désire aujourd'hui obtenir des lettres de grande naturalisation.

"A ces causes, voulant traiter favorablement l'exposant, nous déclarons par ces présentes, signées de notre main, que ledit sieur comte Borgarelli d'Ison sera tenu et réputé, ainsi que nous le tenons et réputons, pour naturel de la France et régnicole; qu'il pourra demeurer et s'établir dans tel lieu du royaume qu'il désirera et y jouir des droits civils et politiques dont jouissent les originaires français, sans qu'au moyen des lois, ordonnances et règlements il lui soit fait aucur empêchement dans la pleine et libre jouissance des droits que nous trouvons à propos de lui accorder, à la charge de fixer pour toujours son domicile en France.

« Ordonnons que les présentes, signées de notre main, seront adressées à la Chambre des pairs et à la Chambre des députés, pour être, ensuite, sur ce, toutes lettres nécessaires expédiées.

«Fait au Palais des Tuileries, le 25 jour du mois de mai de l'an mil huit cent trente-trois.

« LOUIS-PHILIPPE. Par le roi :

"Le garde des sceaux de France, ministre secrétaire d'Etat au département de la justice, « BARTHE. » M. le Président. La Chambre donne acte au ministre du roi de la présentation des lettres de grande naturalisation.

(La séance est levée à cinq heures.)

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"Cependant, depuis nombre d'années nos plaintes, nos sanglots retentissent dans toute « la France, et nos humbles réclamations ont "sans cesse assiégé le sanctuaire des lois.

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En 1821, une pétition fut présentée aux Chambres, qui, touchées de notre infortune, renvoyèrent au ministère. Nous avons bien « obtenu alors, non la remise du produit de nos biens, mais d'une partie seulement de ce que «le Trésor avait perçu en sus du montant des " condamnations prononcées. "

Ils ajoutent que, depuis la Révolution de Juillet, une nouvelle pétition a été présentée à la Chambre des pairs, et renvoyée au ministère; et que quoiqu'un rapport favorable ait été élaboré dans les bureaux de M. le garde des sceaux; quoiqu'ils se soient adressés à M. le ministre des finances, afin d'en obtenir au moins la remise du complément de ce qui, dans la vente des biens, a excédé le montant des condamnations, leurs réclamations n'ont obtenu encore aucun résultat.

S'il s'agit de rétablir la bonne mémoire du mort et de réhabiliter l'innocent injustement condamné, on oppose le danger d'une semblable mesure et l'insuffisance de la législation actuelle. Quant aux sommes que retient encore le Trésor, c'est par la plus criante et la plus injuste des fins de non-recevoir qu'on entend les payer.

Dans cette cruelle extrémité n'ayant d'espoir que dans les Chambres, à qui la Charte de 1830 donne une initiative que celle de 1814 leur refusait, ils s'adressent à la juste bienveillance des députés de la France.

Leur réclamation a deux objets le premier est relatif au rétablissement de la mémoire de l'infortuné Lesurques; le second, aux capitaux que retient encore l'Etat, et qui dans tous les cas devront être définitivement restitués, même dans l'état actuel de la législation, pour tout ce qui excède le montant des condamnations.

Joseph Lesurques, père de famille, jouissant d'une réputation très honorable et d'une fortune aisée, fut impliqué dans l'accusation de l'assassinat horrible du courrier de Lyon, commis le 27 août 1796.

Des dépositions fondées sur des vraisemblances, appuyées par l'indice trompeur d'une fatale reconnaissance, et par un concours nombreux d'autres circonstances, entraînèrent la condamnation de ce citoyen irréprochable, et son arrêt de mort fut malheureusement ramené à exécution le 9 novembre suivant. Cependant la voix publique attestait l'invraisemblance de sa culpabilité, les aveux des autres coaccusés condamnés avec lui, la déclaration qu'ils faisaient de leurs complices, proclamaient son innocence. Malheureusement ces complices furent arrêtés trop tard, et particulièrement le nommé Duboscq, quí avait quelques traits de ressemblance avec Lesurques; son apparition fit évanouir tout prestige, et dissipa tous les doutes. Tous furent condamnés, et en s'avouant coupables, tous ont affirmé que Lesurques, qui leur était inconnu, n'avait pas été leur complice, et ont confirmé irrévocablement l'erreur judiciaire à la suite de laquelle le glaive de la justice avait frappé sa tête innocente.

En demandant que sa mémoire soit justifiée ou que la loi leur donne le droit d'agir pour parvenir à ce résultat, il faut en convenir, sa veuve et ses enfants ne font que céder à un noble sentiment, remplir le plus saint des devoirs. La loi, qui est sévère pour le méchant, doit ouvrir en toute occasion un recours salutaire contre les méprises et les erreurs; la condamnation de l'innocence doit obtenir une expiation solennelle; on ne saurait refuser aux larmes de l'épouse et des enfants du condamné la réparation du crime involontaire de la société.

Si la législation actuelle est impuissante, si l'article 443 du Code d'instruction criminelle n'autorise la revision des procédures que lorsque deux individus condamnés pour un même crime, par des arrêts différents, ne peuvent être en même temps coupables, et par conséquent lorsque les condamnés sont encore existants, pourquoi n'autoriserait-elle pas la même revision pour les cas où l'erreur n'est reconnue qu'après que la victime a péri sur l'échafaud? La bonne renommée de Lesurques n'est-elle pas la propriété de sa veuve, de ses enfants? Malgré l'abolition du préjugé relatif à l'infamie, n'ont-ils pas un intérêt réel à ne pas rester flétris dans l'opinion, par l'ignominie dont l'arrêt de condamnation a si injustement frappé le chef de la famille, à faire proclamer son innocence, à réhabiliter complètement sa mémoire, à recouvrer sa,fortune?

Il est donc à désirer que la législation soit améliorée sur ce point par une proposition du gouvernement, en défaut, en vertu de l'initiative autorisée par l'article 15 de la Charte de 1830. Cette amélioration a été provoquée par les Chambres; et si elle ne peut avoir lieu dans la présente session, il faut espérer qu'elle ne sera pas plus longtemps retardée, puisqu'elle est réclamée autant dans l'intérêt particulier de la famille Lesurques que dans l'intérêt général de la société.

Quant aux sommes dont la restitution est demandée par les pétitionnaires, ceux-ci exposent encore que le domaine, quoique créancier apparent, a toujours été sans droit comme sans qualité pour s'emparer des immeubles du condamné, et les vendre, contre la teneur même de l'arrêt de condamnation, qui n'autorisait qu'à recouvrer le montant du vol et des frais de justice. Aurait-il procédé légalement? Comment pourrait-il se refuser à faire compte aux pétitionnaires des

fermages par lui perçus pendant cinq ans, à raison de 7,000 francs par an, ce qui fait un total de 35,000 francs? Comment pourrait-il opposer en compensation un précompte de 15,357 fr. 44 de frais de perception et de régie de biens? Comment enfin ne serait-il pas tenu du payement des intérêts des capitaux, depuis leur encaissement?

L'exception qu'il oppose, disent les pétitionnaires, prise de ce que ceux-ci auraient perçu sans réserve ce qui leur était offert en 1824, est une exception mal fondée, et prescrite même par la bonne foi. En effet, le domaine peut-il loyalement faire le reproche à une veuve et à des enfants réduits à la plus affreuse misère, d'avoir accepté une partie de ce qui leur était dù, de n'avoir fait aucune réserve dans la quittance? Mais ont-ils renoncé au surplus dont ils ont été injustement dépouillés, et dont le Trésor s'est emparé? Celui-ci a-t-il pu se libérer autrement que par une mise intégrale? Peut-on enfin perdre de vue que c'est à la veuve et aux enfants malheureux de celui dont le sang innocent a coulé qu'on oppose une semblable exception, qu'on les a spoliés pendant leur minorité, et qu'ils ont un droit incontestable non seulement à la restitution des entiers capitaux, mais encore à de justes dommages qu'ils ne réclament point, et dont l'action en répétition leur serait ouverte ?

Les fermages des biens pendant tout le temps que le domaine les a perçus doivent donc, disentils encore, être restitués aux véritables propriétaires, sans qu'on puisse leur opposer en compensation les frais de perception et de régie, dont la gestion, qui, d'après les pétitionnaires, aurait été un délit, n'aurait pu tourner au profit de l'administration. Celle-ci, par la même raison, devrait encore, d'après eux, être tenue à faire compte des intérêts des capitaux pendant tout le temps de la jouissance. Elle s'est emparée des propriétés de son prétendu débiteur, et les a vendues si elle est en droit de retenir le montant des condamnations jusqu'à la réhabilitation de l'innocent, qui devient dès lors d'une nécescessité indispensable, tout ce qu'elle a perçu au delà est sujet à restitution, et elle ne sera complètement libérée qu'après l'entière remise de cet excédent. Ce n'est donc pas un simple défaut de réserve dans une quittance, mais une renonciation formelle de la part des réclamants qui ont pu la libérer. Le spoliateur peut toujours être poursuivi tant qu'il est en possession de tout ou partie des fruits de sa spoliation. Ainsi, outre que le défaut de réserve qu'on oppose est une exception odieuse à laquelle les héritiers disent qu'ils ne devraient pas s'attendre, elle est inadmissible dans l'espèce, et, dans tous les cas, mal fondée.

L'administration aurait dû, ajoutent-ils, imiter le sénateur Jacqueminot, qui, en refusant pour sa sénatorerie la jouissance de ces biens, eut le courage d'écrire qu'il respectait trop le champ du malheur pour recevoir une dotation entachée du sang de l'innocence.

Telles sont, Messieurs, les réclamations que la veuve Lesurques et ses enfants vous adressent. La première est le vœu de l'humanité, l'intérêt de la société; la seconde, la demande d'une restitution pécuniaire commandée par le droit le plus rigoureux, les pricipes les plus incontestables de la justice.

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Les cris et les supplications du malheur ajoutent-ils en finissant, ne vous trouveront point insensibles, et la sympathie que fait naître dans

le cœur de tout homme de bien la plus grande et la moins méritée des infortunes nous assure, nous l'espérons, l'intervention que nous sollicitons. »

Messieurs, la commission, d'après ces faits et autres détaillés dans les mémoires et dans les pièces remises à l'appui de la pétition, a pensé que quand la notoriété et l'évidence constatent l'erreur de la condamnation, quand l'innocent a péri, sa mémoire, sa fortune, son honneur ne devraient pas avoir péri avec lui.

Il serait peut être convenable, non seulement dans l'intérêt particulier, mais encore dans celui de la société, que si l'article 443 du Code d'instruction criminelle présente une lacune sur ce point la législation fût améliorée, soit sur la proposition du gouvernement, soit en vertu de l'initiative attribuée aux Chambres par la Charte

de 1830.

Quant à la réclamation pécuniaire, il paraît que si la réhabilitation a lieu, le Trésor devrait rembourser intégralement tout ce qu'il aurait perçu; mais, abstraction faite de cette circonstance, il semble que, dans l'état actuel, il n'est pas juste qu'il retienne partie de l'excédent de la condamnation prononcée par l'arrêt. Toute fin de non-recevoir à cet égard deviendrait une exception odieuse, quand on ne peut être insensible au sort d'une famille dont le chef fut victime d'une erreur judiciaire, et devrait être rejetée.

Si nous ne pouvons tarir les larmes et étouffer les sanglots des pétitionnnaires, en cédant au sentiment irrésistible que commande leur situation déchirante, nous aurons, du moins, jusqu'à ce qu'ils obtiennent l'entière justice qu'ils réclament, procuré un soulagement momentané à leurs malheurs.

La commission m'a chargé de vous proposer le renvoi de la pétition à M. le garde des Sceaux, à M. le ministre des finances, et d'en ordonner le dépôt au bureau des renseigne

ments.

M. Fulchiron. Je demande la parole.

Messieurs, quoique je sois convaincu que la Chambre, à l'unanimité, prononcera les divers renvois demandés par la commission, j'espère qu'elle me permettra de dire deux mots en fayeur de mon malheureux compatriote. Son innocence a été solennellement reconnue, et j'espère que la Chambre renverra cette pétition au ministre avec de telles marques d'intérêt, qu'on rendra enfin justice à cette famille infortunée. Messieurs, il y a quelque chose de monstrueux à ne pas proclamer l'innocence d'un condamné et à retenir ses biens.

J'appuie donc de toutes mes forces les conclusions de la commission. (Appuyé! appuyé!)

M. de Belleyme. Ma conviction sur l'innocence de Lesurques est profonde. Elle date de 1809, époque à laquelle, comme avocat, et réuni à plusieurs de mes confrères, nous avons présenté un mémoire à l'empereur. De plus, à Versailles, où j'étais procureur du roi, et à Paris, j'ai examiné avec attention toutes les pièces dé cette malheureuse affaire. Depuis, de nouveaux efforts ont été faits par divers avocats pour faire triompher les droits de la malheureuse famille Lesurques, et ma conviction est plus éclairée et plus forte encore.

En conséquence, j'appuie le renvoi au ministre de la justice, et les autres conclusions de la commission.

(Les divers renvois proposés par la commission sont prononcés à une grande majorité.)

M. Merlin, rapporteur. Messieurs, le sieur François Merembert, ancien entrepreneur des services militaires de l'armée d'Italie, demeurant à Paris, et le sieur Melchior Daniel, négociant, établi à Marseille, prient la Chambre de prendre telle mesure qu'elle jugera convenable pour procurer le payement des sommes qui leur sont dues pour fournitures de vivres et de fourrages en Italie, aux troupes françaises et italiennes en 1813 et 1814.

En 1813, le premier pétitionnaire, sous le nom Merembert et Cie, avait fait un traité avec le ministre de la guerre du royaume d'Italie, pour la fourniture des vivres et fourrages aux troupes françaises et italiennes.

Après le commencement de ce traité survinrent les grands événements politiques qui forcèrent les Français à évacuer l'Italie, et les Etats de ce royaume rentrèrent en grande partie sous la domination de l'Autriche.

Le pétitionnaire déposa les pièces justificatives de ses fournitures à la direction de comptabilité à Milan. D'après lui, ces pièces constatent qu'il lui est dù une somme de 557,698 fr. 37 cen times.

En vertu de la convention du 20 novembre 1815, une commission fut établie à Paris pour la liquidation de ce qui était dù par la France aux créanciers étrangers, et tout fut liquidé et soldé de 1816 à 1819.

Une juste réciprocité eût exigé que les Français fussent traités de la même manière pour les créances qu'ils avaient à recouvrer des gouvernements étrangers.

Ce n'a été que par une ordonnance du 27 août 1820, rendue par l'empereur d'Autriche, qu'il fùt créé à Milan une commission chargée de liquider la dette de l'ex-royaume d'Italie, antérieure au 20 avril 1814.

Le pétitionnaire expose que, malgré des démarches et des efforts inouïs, il lui a été impossible d'obtenir une liquidation définitive, et aucune ordonnance de payement.

La situation de ce créancier a été prise en considération par M. le ministre des relations extérieures, qui a invité M. le maréchal Maison, ambassadeur en Autriche, à faire de puissantes démarches, afin d'amener le terme de tant de retards.

La commission de liquidation, établie en vertu de l'article 97 du traité de Vienne, oppose que le royaume d'Italie a été divisé en plusieurs puissances, et que jusqu'ici le gouvernement pontifical a refusé de concourir au payement de la dette.

Le sieur Melchior Daniel, autre créancier d'une somme de 69,014 fr. 78 centimes, qui éprouve les même retards, fait une semblable réclamation.

Ces pétitionnaires demandent à leur égard l'exécution des traités, comme ils ont reçu leur effet vis-à-vis des étrangers créanciers de la France. Dès que celle-ci a satisfait à ses obligations depuis 1819, les gouvernements étrangers, à son exemple, devraient rendre la même justice aux créanciers français de l'ex-royaume d'italie, pour les sommes que la commission de Milan reconnaitra leur être dues.

Les objections du gouvernement pontifical peuvent être debattues et appréciées à l'amiable, et ne sauraient dans aucun cas mettre obstacle à ce que celui d'Autriche s'acquitte de tout ou

partie de ce qui est dû. Le défaut de répartition des charges de la dette entre les deux gouvernements n'est pas un motif suffisant pour laisser les créanciers en souffrance depuis tant d'années.

Mais que peut vous proposer la commission pour répondre au vou des pétitionnaires? Un renvoi à M. le ministre des relations extérieures, afin qu'à l'exemple de son prédécesseur, par l'intermédiaire des ambassadeurs français à Vienne et à Rome, il puisse parvenir à activer la liquidation que la commission de Milan laisse en suspens, et mettre les pétitionnaires à même d'exiger le payement de ce qui sera reconnu leur être légitimement dù.

C'est dans ce sens que la commission propose le renvoi des pétitions à M. le ministre des relations extérieures.

M. Auguis. Messieurs, je viens m'opposer aux conclusions de votre commission, qui vous propose de renvoyer la réclamation des sieurs Merembert et Daniel à M. le ministre des affaires étrangères, afin qu'il en soit écrit à nos ministres à Berlin et à Rome.

Messieurs, après la convention du mois de novembre 1815, une somme de 360 millions a été affectée par la France au payement des réclamations qui pourraient être élevées de la part des créanciers étrangers et nationaux. Il y a aujourd'hui prescription. Dans la session dernière, vous avez renvoyé à divers ministres des pétitions semblables à celle-ci. Il en est résulté qu'en décembre 1832, M. le ministre de la guerre est venu vous demander un crédit de deux millions et quelques cent mille francs pour pourvoir à ces diverses réclamations. En conséquence de la présentation de ce projet de loi, une commission a été créée, qui s'est occupée de l'examen de ces réclamations. Pendant trois mois que cette commission en a été saisie, elle en a examiné pour 27 millions et demi; et pourtant le crédit demandé ne s'élevait qu'à 2,500,000 fr. J'ai eu lieu moi-même de prendre une connaissance exacte de celle-ci, et je pense qu'une demande faite par M. le ministre des affaires étrangères à nos ministres à Berlin et à Vienne, ne produirait aucun résultat.

En effet, Messieurs, c'est à Paris que ces réclamations doivent être formées. Les commissions déjà nommées ont repoussé les réclamations des pétitionnaires. Si vous adoptez aujourd'hui les conclusions du rapport, il n'y a pas de raison pour que les mêmes pétitions ne vous soient renvoyées de nouveau.

Je pense, au contraire, qu'il y a lieu de passer à l'ordre du jour.

M. Chasles. L'honorable M. Auguis vient de plaider la cause des gouvernements étrangers; veuillez me permettre de défendre celle de nos compatriotes.

Les sieurs Daniel et Merembert se présentent comme créanciers des gouvernements de Prusse et d'Italie. Votre commission, qui a examiné leurs prétentions, conclut à renvoyer la pétition à M. le ministre des affaires étrangères, pour qu'il appuie leurs réclamations auprès des cours de Berlín, Rome, Florence et Vienne. M. Auguis allègue qu'il y a déchéance; il me semble que ce sera aux puissances étrangères à opposer leurs moyens de libération et leurs fins de non-recevoir, et qu'il ne nous appartient pas de laisser ici les intérêts de nos nationaux pour protéger

ceux des étrangers. J'appuie les conclusions de la commission. (Aux voix ! aux voix!)

M. le Président. La commission propose le renvoi à M. le ministre des affaires étrangères; M. Auguis a demandé l'ordre du jour. L'ordre du jour ayant la priorité, je le mets aux voix.

(L'ordre du jour n'est pas adopté. La Chambre ordonne le renvoi de la pétition à M. le ministre des affaires étrangères.)

M. Merlin, rapporteur. Messieurs, FrançoisGuillaume et Etienne Millon, propriétaires du Théâtre-Français de la ville de Marseille, demandent la révocation d'une décision ministérielle qui porte préjudice aux intérêts de leur entreprise théâtrale.

Ils se plaignent de la violation de leur droit de propriété, prétendue commise par ordre de M. le ministre du commerce et des travaux publics, et sollicitent l'intervention de la Chambre pour faire cesser la mesure dont ils se prétendent les victimes.

Un traité fut passé le 24 septembre 1831 entre la ville de Marseille et le sieur Baubet, artiste dramatique, pour l'exploitation des théâtres de cette ville, qui sont le grand théâtre et le ThéâtreFrançais, moyennant une subvention de 56,000 francs.

Ce traité fut approuvé par M. le ministre du commerce et des travaux publics.

Le sieur Baubet voulut forcer les pétitionnaires à lui louer la salle du Théatre-Français, qui est leur propriété; ceux-ci s'y refusèrent, et le tribunal de Marseille poursuivit la prétention du sieur Baubet, comme inconciliable avec le droit sacré de propriété.

Les sieurs Millon ont voulu exploiter euxmêmes leur salle par une troupe indépendante; mais M. le ministre a décidé le 25 août 1832 que le droit d'ouvrir un théâtre n'était pas inhérent à la possesion d'une salle de spectacle, et que le traité passé avec le sieur Baubet s'opposait à la délivrance de l'autorisation.

Les pétitionnaires avaient fait des dépenses considérables pour mettre la salle en état et réunir une troupe; mais le refus de M. le ministre, contre lequel ils réclament, a paralysé leur entreprise, et leur a fait éprouver des pertes désastreuses.

Ils ont soumis l'examen de cette question aux jurisconsultes les plus éclairés de la ville de Marseille, et tous ont été d'avis que, d'après la législation existante, les sieurs Millon avaient le droit d'ouvrir leur salle au public; qu'il n'existait aucun moyen légal de les en empêcher; que tout obstacle qui leur serait porté serait une violation du droit de propriété, qu'il n'était pas permis de supposer que l'administration voulût commettre.

Voilà l'état de la législation sur ce point. La loi des 13 et 19 janvier 1791 porte, article 1er, que tout citoyen peut élever un théâtre, et y faire représenter des pièces de tous les genres; en faisant préalablement sa déclaration à la municipalité.

Un décret du 18 juin 1806 porte que, dans les grandes villes, les théâtres seront réduits à deux; que, dans les autres, il ne pourra en exister qu'un, et que tous seront munis de l'autorisation du préfet.

Deux arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône, l'un du 14 décembre 1816, l'autre du 6 juin 1818, attribuent au Théâtre-Français le droit de re

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