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sement cesserait à l'instant d'avoir aucune action sur aucune partie de la dette; car les dettes, autres que les 5 et 3 0/0, sont si peu de chose, qu'elles ne valent pas la peine d'être comptées. Ainsi, vous voyez les variations qui ont eu lieu à l'égard de l'amortissement en 1816, en 1817, en 1825. En 1825 on dit: L'amortissement ne pourra plus agir sur les rentes au-dessus du pair, chose qui s'était faite jusqu'alors.

C'est en présence de cette situation que nous nous trouvons maintenant.

On est arrivé par la force des choses, par la législation antérieure, à vous proposer de réduire de 95 millions à 12, à 15, l'action réelle et effective de l'amortissement. C'est ce qui résulte du projet de loi présenté par le ministère et par la Commission. Ce sont donc ces 15 millions qui eux-mêmes disparaîtraient et cesseraient d'agir.

Le préopinant a parlé de la justice qu'il y aurait à rendre au 5 0/0 l'amortissement qui avait été créé pour lui; il a oublié que le 5 0/0 avait fort peu de reconnaissance de ce genre de bienfait, car aucun remboursement ne pourra s'exercer à son égard, puisqu'il est au-dessus du pair. Le 3 0/0 a seul moyen d'exercer quelque action sur la dette publique. Continuons donc d'agir sur la dette publique avec l'action de l'amortissement sur le 3 0/0.

Je vote contre l'amendement.

M. de Mosbourg. M. Pelet (de la Lozère) semble croire que je veux ôter tout amortissement au 30/0; au contraire, en restreignant l'action de l'amortissement je la rends bien supérieure à celle qu'on lui aurait accordée si cette question eût été réglée à l'époque de la conversion. Je propose de fixer l'amortissement à raison d'un capital calculé à 75 0/0. Ce n'est pas la totalité de l'amortissement, telle que la Commission propose de l'accorder au 30/0, que je veux supprimer, c'est seulement un quart de cet amortissement.

Je vous prie de remarquer que c'est moins cette réduction qui fait l'objet de mon amendement, qu'une proposition qui se trouve dans un article suivant, et qui a pour objet de déterminer que les rentes 3 0/0 ne seraient pas rachetées audessous de 75, quoique l'Etat ne doive jamais les rembourser qu'à 100. L'Etat, qui a l'obligation de ne les rembourser qu'à 100, n'a pas celle de les racheter au-dessus de 75. Ces deux articles de mon amendement sont essentiellement liés l'un à l'autre, et c'est surtout en vue du dernier article que je tiens à l'article 1er.

M. Humann, ministre des finances. L'observation de M. Pelet (de la Lozère) est rigoureusement exacte; en effet, l'amendement de M. de Mosbourg renchérit sur le système de M. Laffitte; il ôte le restant d'amortissement à la dette publique.

M. de Mosbourg dit Le capital des rentes 3 0/0 sera calculé sur cette répartition, seulement à raison de 75 francs pour 3 0/0 de rente. »

Dans un autre il dit : « Les fonds d'amortissement qui ne pourront pas être employés, parce que le cours des rentes dont ils devraient opérer le rachat, se sera élevé au-dessus de la limite fixée par la présente loi, seront versés, jour par jour, au Trésor, pour le service public. »>

M. de Mosbourg a reconnu lui-même que le cours de la rente 3 0/0 est aujourd'hui de 79 à 80 francs. Dans son système, il faudrait cesser à l'instant même le rachat de cette rente. C'est

alors tout bonnement l'annulation totale de l'amortissement qui résulte de l'amendement de M. de Mosbourg.

M. de Mosbourg. Sans doute, si toutes les rentes étaient au-dessus du pair, l'amortissement devrait être employé au service du Trésor; lorsque les rentes seront au-dessus du pair, M. le ministre des finances, lui-même, a stipulé dans son projet qu'elles seraient remises au Trésor, qu'elles y seraient conservées ou employées ailleurs, mais qu'il faudrait les retrouver au besoin les rendre à l'amortissement. Ce système est pour à mes yeux désastreux pour le Trésor; il compromet le crédit public. Supposez, en effet, que le 50/0 soit resté au-dessus du pair pendant 18 mois ou 2 ans; que l'amortissement ait versé au Trésor 150 millions, et que dans une telle situation il survienne une guerre qui vous mette dans la nécessité d'emprunter 200 millions, pour mettre des armées en mouvement, ce ne sera plus 200 millions, mais 350 millions qu'il faudra emprunter. Ainsi vous aurez peut-être doublé vos besoins précisément pour l'époque où il sera le plus difficile d'y pourvoir, et le nouveau poids ajouté aux charges si pesantes de l'état de guerre peut vous faire succomber; il peut vous jeter dans une espèce de banqueroute; c'est la mesure la plus imprudente qu'il était possible de conseiller à l'Etat.

M. Laffitte. Je suis fàché d'avoir à combattre la proposition de mon honorable collègue M. de Mosbourg, mais je la crois injuste, parce que les effets vont directement contre l'intention de son honorable auteur.

Les 3 0/0 portent peut-être à notre insu l'impression fâcheuse de leur origine. Vous savez que les 3 0/0 ont eu pour objet de donner 1 milliard, non pas à ceux qui ont défendu le pays, à qui on l'avait promis, mais à ceux au contraire qui étaient venus le combattre. Les 3 0/0 n'ont pas eu d'amortissement. On a créé 30 millions de rentes, au capital d'un milliard. Mais il ne s'agit pas de la création de ces 30 millions de rentes. Il y a eu, comme l'a dit M. Pelet (de la Lozère), des conversions qui n'ont pas été parfaitement libres; presque toutes les personnes attachées au gouvernement ont, en grande partie, sans conviction, opéré cette conversion. Vous avez converti alors 30 millions de rentes en 5 0/0, contre 24 millions de rentes en 3 0/0. Il y a eu un bénéfice pour l'Etat de 6,300,000 francs qui sont venus au soulagement des contribuables. Mais il est évident qu'à ceux qui participent aujourd'hui à ces 3 0/0, qui possédaient de l'ancienne créance 5 0/0, vous ne pouvez pas dire que vous les réduirez à 75, tandis que vous avez promis formellement de racheter à 100: ce serait là une injustice.

Ma proposition, que je développerai plus tard, j'espère le prouver à la Chambre, n'a pas pour résultat de détruire l'amortissement; ce sera une organisation meilleure, et, suivant moi, plus conforme à l'intérêt des contribuables et à celui même du crédit.

Mais ici vous commettez une injustice; vous avez promis aux porteurs de rentes 5 0/0, lorsqu'ils ont fait une conversion au profit de l'Etat, de ne les rembourser qu'à 100 francs; vous ne pouvez pas aujourd'hui arrêter le rachat à 75. Par les diverses transmutations qui ont eu lieu, il est nécessaire de considérer tout porteur dé rentes 3 0/0, comme ayant été propriétaire de rentes à 5 0/0 converties. Il est très vrai que, si

vous disiez que vous ne pouvez racheter au-dessus de 75, l'action de l'amortissement ne se porterait que sur les 4 et les 4 1/2 0/0.

M. Humann, ministre des finances. Pas même, car le 4 1/2 0/0 a dépassé le pair.

M. Laffitte. C'est une question à part; vous n'avez promis que 4 0/0 et c'est la première fois que vous avez promis moins que vous n'avez

reçu.

Je dis que ce serait faire porter tous les fonds de l'amortissement, sur les 4 et les 4 1/2 0/0; le 4 1/2 0/0 est même très près du pair; le 4 0/0 en est encore loin. L'effet de l'amendement de M. de Mosbourg serait donc de donner en quelque sorte une prime au 4 0/0.

Ce qu'il faut faire, c'est de ne donner au 3 0/0 que l'amortissement qui lui appartient, c'est de rendre le plus tôt possible votre loi, afin que les contribuables ne perdent plus sur cette différence que M. de Mosbourg a si bien signalée. Mais vous manqueriez à vos promesses, à la justice, si vous ne laissiez pas le rachat du 30/0 aller son cours, si vous l'arrêtiez à 75.

M. de Mosbourg. Je demande à répondre. (Non! non! Aux voix ! aux voix!)

M. Laurence. Je demande la division de ces deux dispositions, ou au moins une explication sur la première. Le premier paragraphe ne diffère essentiellement de celui de la commission, que pour l'addition de ces mots : restant à racheter, qui terminent la première partie de l'amendement.

Le second paragraphe, au contraire, ne répond à rien dans l'article de la commission. C'est une disposition nouvelle qui en change le système. Il doit être bien entendu, ce me semble, que la commission ne voulait pas que les rentes rachetées aient leur contingent dans la répartition des fonds destinés à l'amortissement. Pour ces rentes, il n'y a plus ni créancier ni débiteur. L'addition que proposait M. de Mosbourg au premier paragraphe doit donc être accueillie.

M. Gouin, rapporteur. La commission a parfaitement entendu qu'il s'agissait des rentes restant à racheter.

M. Laurence. Alors il faudra ajouter ces mots à l'article de la commission.

M. le Président. Insistez-vous à demander la division?

M. Laurence. Oui, car il n'est pas possible d'adopter cette addition, sans diviser l'amendement.

De toutes parts: C'est inutile, puisque la commission consent à l'addition!

M. le Président. Je vais mettre aux voix l'article 1er de M. de Mosbourg.

M. de Mosbourg. La division a été demandée, elle est de droit.

Plusieurs voix La commission consentant, il n'y a plus de difficulté.

(L'amendement de M. de Mosbourg est mis aux voix et rejeté à l'u nanimité.)

M. de Podenas. Il faut dans le langage des lois employer les expressions techniques. Les rentes ne sont amorties que quand elles ont été annulées par une loi, quand elles n'existent réellement plus. Jusque là, celles qui sont rachetées par la caisse d'amortissement sont sa propriété; elle est créancière de leur montant, et le Trésor en est le débiteur; leur produit sert encore à acquérir d'autres rentes. Ce sont

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M. de Podenas. Au lieu de dire comme dans l'article: Les rentes amorties dont il n'aura pas été disposé dans la présente session, se«ront, à dater de 1er juillet prochain, répar«ties, etc.,» je propose la rédaction suivante : « Les rentes amorties dont il n'aura pas été disposé avant la promulgation du budget de 1834, seront, à compter de sa promulgation, réparties, etc. »>

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La disposition du projet, tel qu'il vous est présenté, fait nécessairement supposer que la session actuelle devra être clôturée avant le 1er juillet. Il ne faut que lire pour se convaincre de ce sens, qui résulte évidemment de la contexture de l'article dans cette partie. Adopter ce texte, c'est, sans vous en douter, circonscrire la prérogative royale (Mouvement),qui peut à son gré clore, proroger ou dissoudre. Qu'arriverait-il si la loi actuelle étant promulguée, votre session se prolongeait au delà du 1er juillet? C'est que le paragraphe que vous discutez, adopté tel qu'il est, ne pourrait pas recevoir son exécution. Si je vous donne comme terme la promulgation du budget de 1834, c'est à raison de la proposition qui vous est faite dans ce budget d'annuler 20 millions de rentes rachetées, et parce qu'il est nécessaire que cette disposition puisse récevoir votre assentiment.

M. Laffitte. L'article doit rester tel qu'il est rédigé; il ne prête à aucune équivoque; il dit que les rentes amorties seront réparties entre les rentes à amortir cela est clair comme le jour, et conforme à la loi.

(Les trois paragraphes de l'article 1er de la commission sont successivement adoptés.

(La Chambre adopte ensuite l'ensemble de cet article.)

M. le Président. « Art. 2. A l'avenir, tout emprunt, au moment de sa création, sera doté d'un fonds d'amortissement qui sera réglé par la loi, et qui ne pourra être au-dessus d'un pour 100 de capital nominal des rentes créées. >>

M. Bastide-d'Izar a présenté sur cet article un amendement qui peut être considéré comme un article additionnel.

M. Gouin, rapporteur. Il renferme une disposition qui doit faire l'objet d'un article additionnel.

M. Bastide- d'Izar. Je veux bien que mon amendement soit porté à la fin de la loì comme un article additionnel; je ne l'avais rattaché à l'article 2 que parce que, dans cet article, il est question d'emprunt.

M. de Podenas. L'article 2 paraît inutile; on ne peut pas régler d'avance ce qu'on fera dans telle circonstance donnée.

M. Humann, ministre des finances. Cela s'est toujours fait.

(L'article 2 est mis aux voix et adopté.)

M. le Président. « Art. 3. A dater de la promulgation de la présente loi, il ne pourra être disposé d'aucune partie des rentes achetées par

la caisse d'amortissement qu'en vertu d'une loi spéciale. "

M. Vidal propose, par amendement, de retrancher le mot spécial.

M. Gouin, rapporteur. Au lieu des mots : « A dater de la promulgation de la présente loi », nous proposons de dire : A dater de la promulgation de la loi des dépenses de l'exercice de 1834. »

M. Humann, ministre des finances. Le gouvernement consent à cette substitution.

M. de Mosbourg. C'est ici que se place l'article que j'avais en vue.

M. le Président. Laissez d'abord délibérer sur l'amendement de M. Vidal, qui a pour objet de retrancher le mot spécial.

M. Lefebvre. Si vous retranchez le mot spécial, l'article devient inutile.

M. le Président. Je vais mettre l'article aux voix.

M. Laurence. La portée de l'article est beaucoup plus grande qu'on ne le croirait au premier coup d'œil. C'est ordinairement dans la loi de finances, qui contient à la fois la prévision des dépenses et celle des recettes de l'Etat, que le besoin de recourir à des ressources extraordinaires peut se faire sentir. Selon moi, la Chambre abdiquerait la plus puissante de ses prérogatives en adoptant cet article; elle se mettrait dans l'impuissance d'user de son droit, de faire ses conditions. La loi des finances est une sorte de traité qui intervient entre les représentants du peuple et le pouvoir; elle contient les conditions auxquelles la fortune publique est livrée à ceux qui gouvernent. Adopter l'article qu'on vous propose, c'est vous ôter le moyen à l'aide duquel vous pouvez pourvoir aux besoins extraordinaires sans expédients ruineux; c'est vous empêcher de disposer de cette partie des rentes rachetées, de cette réserve que l'économie du passé lègue comme ressource à l'avenir; c'est, je le répète, abdiquer la plus féconde de vos prérogatives, et ceci mérité de sérieuses réflexions.

M.Humann, ministre des finances. Si le mot spécial était supprimé, autant vaudrait retrancher l'article, Je ne crains pas, comme on le soutient, qu'il soit inutile, et qu'il puisse avoir les graves inconvénients que vient de signaler M. Laurence.

La commission a voulu que sur une matière aussi grave que celle du crédit, qui a besoin d'avenir, on ne pût pas enlever, par un amendement improvisé, une portion de rentes rachetées. Il ne s'agit pas, Messieurs, de réduire les prérogatives de la Chambre; vous savez que chaque membre a aujourd'hui l'initiative d'une proposition de loi il y a plus, si une commission du budget trouvait convenable de retrancher une portion de rentes rachetées, à coup sûr elle ferait de ce retranchement l'objet d'une proposition spéciale. On n'a eu pour but, en vous proposant l'article qui est en discussion, que de soustraire les fonds d'amortissement à ces amendements improvisés qui passent souvent dans la Chambre sans qu'on ait pu les étudier, en calculer la portée.

M. Jollivet. Ce que vous propose la commission, c'est, comme on vient de le dire, d'abdiquer le pouvoir... (Murmures et interruptions.)

Messieurs, je soutiens que consentir à un tel article, ce serait abdiquer nos pouvoirs; mais pourrions-nous aussi lier nos successeurs, pour

T. LXXXIV.

rions-nous empêcher la Chambre qui nous succéderait de faire ce que nous aurions fait? (Bruits divers.) La majorité d'une Chambre n'a-t-elle pas toujours le droit d'adopter un amendement? Cet amendement sera une loi qui défera votre ouvrage, en sorte que ce qu'on vous propose aujourd'hui n'est rien. J'ajouterai que c'est le contraire de ce que l'honorable M. Duchâtel vous a proposé. En effet, qu'a-t-il dit? Que ce n'était pas le moment d'examiner la question de l'annulation des rentes rachetées, qu'elle serait débattue lors de la discussion du budget, parce qu'alors seulement nous pourrions connaître nos dépenses et nos recettes. M. le rapporteur vous a dit que vous pourriez alors examiner la question de savoir s'il faut annuler ou non les rentes rachetées.

M. Humann, ministre des finances. M. le rapporteur vous a dit tout à l'heure que ce serait à partir de la promulgation de la loí des dépenses. Ainsi la Chambre, en ce qui concerne le règlement du budget de cette année, a la plénitude de ses droits.

M. Jollivet. J'avais ainsi compris M. le ministre du commerce.

La discussion a été renvoyée au budget, et vous voulez, par une disposition insérée dans la loi actuelle, nous empêcher d'examiner utilement la question lorsque nous discuterons le budget. (Dénégations.) Vous voulez l'empêcher, puisque vous exigez une loi spéciale.

M. le ministre des finances vient de dire que la commission du budget, si elle le jugeait à propos, pourrait annuler tout ou partie des rentes rachetées, mais si vous adoptez l'article qui vous est proposé, la commission ne le pourrait que par une proposition de loi spéciale, et encore il faudrait qu'elle fût faite par un de ses membres. C'est donc à tort qu'on vous a dit que la commission de finances pourrait remédier au mal qu'elle reconnaîtrait. Messieurs, nous ne devons pas nous lier pour l'avenir; il faut au contraire nous réserver toute latitude pour décider la question quand elle se présentera naturellement lors de la discussion du budget.

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Je ne comprens pas, en vérité, pourquoi on a cité mon opinion dans cette discussion; car je n'ai pas pris la parole hier. L'honorable préopinant s'est donc complètement trompé quand il m'a cité.

Quant à la question qu'il a traitée, il est évident qu'on ne peut pas avoir ici une intention que j'appellerai avouable; je vais m'expliquer. Toute question, quelle qu'elle soit, ne peut pas être résolue par un seul des pouvoirs de l'Etat. Nous sommes dans un gouvernement représentatif, composé de trois pouvoirs; il n'y pas de question qu'un des trois pouvoirs puisse seul décider. Vous devez donc reconnaître que toute matière qui est traitée par une loi, c'est-à-dire par les trois pouvoirs, est bien traitée.

Que voulez-vous ici? Il faut le dire franchement, vous voulez profiter d'une position que vous avez à la fin d'une session, quand on ne peut renvoyer au budget d'une Chambre à l'autre et que le pouvoir royal est tenu d'accepter; vous voulez, dis-je, profiter de cette position pour faire passer des amendements désastreux qui portent atteinte au crédit. Nous vous demandons, nous, la solennité d'une loi, nous vous demandons de ne pas décider à vous seuls une des plus graves questions, de ne la décider qu'avec le

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concours des deux Chambres et de la royauté. Mais préférer à une loi un article inséré dans le budget, c'est vouloir une chose qu'on ne peut avouer constitutionnellement. Je supplie la Chambre de ne pas se laisser prendre au piège; une Chambre n'est jamais plus respectable que quand elle reconnaît les limites de sa souveraineté et qu'elle sait s'arrêter respectueusement.

M. de Mosbourg. Je ne crois pas que jamais on ait attaqué les droits des Chambres, les prérogatives particulières de la Chambre des députés, aussi directement que M. le ministre du commerce et des travaux publics, vient de le faire à cette tribune. S'il est un droit dont la Chambre des députés soit essentiellement investie, c'est celui de surveiller les finances de l'Etat, de régler l'emploi des ressources du pays. C'est pour cela que la Charte a voulu que toutes les dispositions financières fussent présentées à la Chambre des dépntés avant d'être portées à la Chambre des pairs. L'initiative des lois de finances est donc dans cette Chambre...

Voix au centre: Qui dit le contraire?

M. de Mosbourg. Mais, Messieurs, les finances sont un ensemble, un système, un tout que nous avons à juger et à mettre en harmonie: quand nous faisons un budget, nous ne faisons pas de chaque article une loi à part qui puisse être approuvée ou ne pas être approuvée par le ministère, être présentée ou ne pas être présentée à la Chambre des pairs.

En examinant,chaque année, l'ensemble de notre système financier, nous pesons nos ressources, nous examinons les facultés des contribuables, nous demandons s'il est possible qu'ils supportent de nouveaux impôts, et nous cherchons quel est l'impôt qu'ils peuvent payer sans qu'il soit porté atteinte à la fortune publique, sans qu'il y ait altération dans les moyens de reproduction et de prospérité que la France doit toujours

conserver.

Quand les contribuables nous paraissent surchargés, et quand il y a des rentes rachetées, nous avons le droit de dire: Nous ne voulons pas imposer au peuple de nouveaux impôts, et nous pouvons proposer de consacrer aux dépenses les rentes rachetées. Eh bien! c'est cette faculté qu'on prétend nous enlever en exigeant que chaque proposition relative aux rentes rachetées soit l'objet d'une loi particulière que les ministres pourront accepter ou refuser à leur gré. Non, Messieurs, la Chambre ne doit pas ainsi abandonner ses droits, et ce n'est pas surtout dans la session actuelle qu'une telle proposition pouvait avec convenance vous être présentée. N'est-ce pas assez que nous nous soyons dévoués à voter ici un milliard presque sans examen? (Réclamations) c'est-à-dire sans examen aussi long, aussi profond, aussi consciencieux que nous voudrions tous le faire parce que nous sommes tous pressés par le temps; chaque jour les ministres nous disent: Pressezvous, vous n'aurez pas de budget, les députés sont forcés de partir; les uns s'en vont parce qu'ils sont malades, les autres... (Interruptions et réclamations diverses.) Chaque jour, Messieurs, on nous presse. Eh bien! nous nous sommes dévoués à voter le budget, parce que nous avons voulu donner au gouverment tous les moyens possibles d'assurer sa marche, d'arriver à un système plus régulier, d'arriver à une époque où nous pourrons enfin discuter le budget.

un

N'est-ce pas assez, Messieurs, que nous fassions

ces sacrifices aux vues du gouvernement et aux intérêts du pays? Faut-il faire le sacrifice des droits de la Chambre? Ce ne sont pas seulement nos droits, Messieurs, que nous sacrifierions; mais encore ceux de la Chambre qui doit nous succéder. On dit que cette Chambre sera bientôt dissoute, et je le souhaite de toute mon âme. (Vives réclamations.) Je souhaite qu'on connaisse, par de nouvelles élections, la volonté du pays; chacun doit s'y soumettre, quelle qu'elle soit. Chacun s'y soumettra; mais la Chambre qui nous succédera trouvera-t-elle moins de pouvoirs que nous lorsque nous sommes entrés dans cette enceinte? Non, nous ne devons pas nous permettre d'atténuer ainsi les droits de nos suc

cesseurs.

Pourquoi le ministère montre-t-il cette défiance de la sagesse des pouvoirs législatifs? pourquoi supposer qu'une Chambre voterait des dispositions contraires aux intérêts du pays? Messieurs, la présomption légale est qu'il y a sagesse dans les Chambres, qu'elles ne veulent jamais que ce qui est utile au bien du pays. Telle est, Messieurs, telle a été toujours notre volonté, et telle sera la volonté de nos successeurs. Notre devoir est de leur conserver les mêmes pouvoirs dont nous sommes investis.

Aux extrémités : Très bien! très bien!

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Je ne pense pas qu'il soit convenable de porter à cette tribune des bruits de journaux. La Chambre sera dissoute! Ce mot ne doit pas être prononcé à cette tribune. Je dois déclarer que jamais cette question ne s'est présentée au conseil. Il faut le dire, une Chambre qui a prêté au gouvernement un concours si loyal, si éclairé, qui, depuis 2 ans, a sauvé le pays de l'anarchie, mérite d'être traitée autrement par le gouvernement.

Quant à la question dont il s'agit, nous voulons qu'elle puisse être décidée par le concours des 3 pouvoirs, et non pas par un seul. Il ne faut pas qu'on puisse, par un vote émis à la fin d'une session, emporter une loi d'institution. Nous reconnaissons qu'en fait d'impôts, la Chambre des députés doit avoir l'initiative. C'est un usage qui n'est pas écrit dans la Charte... (Voix diverses: Si! si! il est écrit dans la Charte!) Il est est une chose que nous ne contesterons pas : c'est que le budget est toujours présenté, en premier lieu, à la Chambre des députés; elle donne la première son avis, elle exerce la première son contrôle. Mais si le budget n'en est pas moins une loi comme les autres lois, il ne peut être décidé souverainement par un seul des pouvoirs. Si les deux autres pouvoirs y faisaient quelques modifications, le budget vous serait renvoyé.

Pourquoi ne vous le renvoie-t-on pas? parce que le budget est la dernière loi votée dans la session, et que s'il subissait quelque modification, il n'y aurait plus moyen de le renvoyer d'une Chambre à l'autre. Mais si le cas se présentait, je soutiens que le budget pourrait revenir de la Chambre des pairs à la Chambre des députés. (Quelques voix : Personne ne le conteste!) Eh bien! si vous ne le contestez pas, vous devez reconnaître que vos pouvoirs ne seront pas diminués lorsqu'au lieu du budget on vous présentera une foi; car il n'y a pas différence constitutionnelle entre le budget et une loi, puisque l'un et l'autre doivent être sanctionnés par les deux Chambres et par le pouvoir royal.

Messieurs, je le répète, c'est parce que habi

tuellement le budget est voté à la fin de la ses-
sion que vous comptez sur cette situation pour
faire introduire un amendement. (Réclamations.)
Car je vous défie de trouver une autre différencé
entre la loi qu'on appelle le budget et une loi spé-
ciale.

M. Laurence. La question très grave que tout
à l'heure j'ai moi-même soulevée s'est présen-
tée tout à fait incidemment et d'une façon que
je me permettrai d'appeler déplacée, à l'occasion
d'un article que la commission a de son chef
ajouté au projet de loi. Cet article n'est pas en
effet à sa place; il appartient plutôt aux dispo-
sitions dont vous avez renvoyé l'ensemble au
budget où il s'agira d'une disposition partielle
des rentes rachetées. Voilà pourquoi nous nous
trouvons ici dans une fausse position et excités
à rechercher les intentions les uns des autres.

Vous avez entendu les organes du ministère prétendre que ceux d'entre nous qui paraissaient peu disposés à accueillir l'article, entendaient, sans oser l'avouer, parce qu'ils ne le pouvaient constitutionnellement, réserver pour la Chambre seule le privilège exclusif du vote de l'impôt, et forcer comme autrefois le consentement des 2 autres pouvoirs, en glissant dans la loi des finances tardivement votée et soumise ailleurs à un examen purement nominal des dispositions qu'on n'en pourrait effacer qu'en rejetant la loi tout entière. Il est aisé de se justifier de ce reproche. A notre tour, si nous voulions récriminer, nous aurions bien le droit de nous enquérir des motifs qui font si vivement insister pour l'insertion intempestive, dans la loi en discussion, d'une disposition dangereuse, si elle n'est pas inutile, et nos recherches nous amèneraient bien certainement à des découvertes que l'on peut pressentir.

Quand vous aurez voté une à une toutes les dépenses réclamées pour les divers services, en présence de leur total on vous répondra Où sont maintenant les voies et moyens? Après avoir accordé les allocations, vous ne pouvez plus Vous dispenser de voter des recettes suffisantes pour y faire face. Le service de la dette publique étant compris dans les dépenses, vous ne pourrez librement réfléchir, avant de voter les fonds nécessaires, à quels moyens d'impôt ou de crédits vous serez forcés d'avoir recours. Les Etats n'ont que trois moyens de pourvoir à leurs besoins ordinaires ou accidentels: l'impôt, l'emprunt, la vente des domaines, et nous devons le savoir, nous qui depuis plusieurs années avons cumulé l'emploi de ces ressources. Mais il arrive quelquefois, et dans le budget de 1834 nous en trouvons l'exemple, qu'on se lasse de voir les domaines de l'Etat vendus et dévorés pour combler des déficits successifs; on s'arrête dans cette spoliation de l'avenir. On n'est pas moins désabusé des emprunts qui croissent sans mesure par la facilité même de les réaliser, dépassent dans leur chiffre l'importance d'un amortissement impuissant et on peut le dire chimérique; on ne veut plus rembourser d'une main moins qu'on emprunte à l'autre. Enfin l'impôt lui-même a atteint son point extrême, et tout projet de l'étendre à de nouvelles matières imposables, ou de forcer les taxes existantes est mal accueilli ou même repoussé. Que faire alors? On ne peut pas voter un budget en déficit, il faut de toute nécessité rétablir l'équilibre entre les recettes et les dépenses. Cette nécessité a été prévue de loin car bien que divisée en 2 lois distinctes, la loi

[25 mai 1833.]

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des finances n'en est pas moins une loi d'ensemble, dont toutes les parties se tiennent, et qui, soumise à une commission unique qui se subdivise et partage le travail, demande à être examinée, jugée, votée avec des vues générales.

Ce qu'il faudrait faire alors, annuler une portion quelconque des rentes rachetées, parce que les recettes présumables ou possibles n'en permettraient pas le service; ce qu'il faudrait faire est justement ce qu'on veut vous rendre impossible précisément dans la loi principale, celle qui les résume toutes. On ne veut pas que dans les mauvais jours, dans des circonstances comme celles où nous nous trouvons et qui peuvent se prolonger ou se reproduire, on ne veut pas que vous puissiez puiser dans le Trésor de réserve, dans cette épargne amassée en des temps plus favorables. Aujourd'hui on vous propose d'appliquer ce remède à la situation périlleuse du Trésor; mais cet expédient, utile aujourd'hui, demain paraîtra dangereux. En vous liant les mains c'est contre un péril possible que vous, législateurs, on prétend vous prémunir. Ainsi les rentes rachetées seraient l'arche sainte à laquelle il vous serait désormais défendu de toucher, car puisque d'après l'article il faudrait une loi spéciale, vous ne pourriez plus en disposer par la loi des finances à laquelle on contesterait juste

ment ce caractère.

Messieurs, tous nos droits constitutionnels se reproduisent et se retrouvent dans le budget. Le vote des dépenses, des subsides qui les doivent couvrir, est le plus précieux des privilèges dont le peuple nous ait confié la garde. Par lui, sous les yeux du roi que nous imposa l'étranger, nous avons plus d'une fois obtenu des concessions qu'ailleurs on nous eût refusées; par lui jamais se renouveler. La complète liberté de dénous combattrions encore avec succès des tentatives funestes à nos libertés, si elles devaient penses et de subsides épargne l'emploi de moyens plus extrêmes, et les conditions du vote équivalent souvent au refus absolu.

Que craint-on? que par une disposition caute-
leusement introduite, pour ainsi dire, à la fin
d'une session, par un amendement improvisé et
enlevé au milieu de la lassitude générale, nous
n'attirions à nous, dans l'importante loi des
finances, la totalité de la puissance législative,
dont le tiers seulement nous appartient; que nous
n'usurpions ainsi la dangereuse habitude d'im-
poser à l'autre Chambre un vote privé de libre
examen, et au gouvernement une sanction qu'on
ne peut refuser sans s'exposer aux plus grands
embarras, peut-être à des catastrophes. Je n'exa-
jusqu'ici, recéler tant de périls. Je ne relève pas
mine pas ce que le passé offre de rassurant dans
l'exercice d'une faculté qui n'avait pas paru,
ce qu'il peut y avoir d'injuste et de hasardé
dans ce reproche assez direct, fait à la manière
dont les lois de finances se discutent ici. J'aime
mieux aborder la difficulté de front, et accepter
la question telle qu'elle est posée par M. le mi-
nistre des travaux publics.

:

Les lois de finances vous sont d'abord présentées ainsi le veut la Constitution qui, en exigeant votre consentement préalable, a suffisamment reconnu qu'en cette matière on pouvait réfuter ce que vous offriez de modifier, les dispositions accessoires au vote même des subsisdes; mais non pas voter l'impôt en votre lieu. La lettre de la Charte pourrait aller jusque-là, mais son esprit y répugne, et jamais elle ne fut ainsi entendue.

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