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date de 1821, qui porte que les préfets seront tenus de requérir l'exécution de l'ordonnance de 1669 partout où ils jugeront que la sûreté publique l'exigera.

Cette mesure peut donc être appliquée aux routes stratégiques, et l'on peut dire que cette servitude est une juste compensation des sacrifices de 12 millions que l'Etat s'impose.

M. Jousselin. Il y a erreur dans l'interprétation que l'honorable préopinant vient de donner à l'ordonnance de 1669.

D'après les termes de cette ordonnance, article 3, titre des routes et chemins royaux ès forêts, les grands chemins carrossables doivent comporter une largeur totale de 60 pieds, c'està-dire qu'il doit être fait dans les bois et forêts, pour la largeur de ces chemins une trouée de 60 pieds, de telle sorte que l'axe de chaque chemin se trouve à 30 pieds de part et d'autre du bord des forêts, et que dans cette étendue ils soient libres de tous bois, épines et broussailles.

Je prie la Chambre de remarquer que c'est là le sens véritable des dispositions de l'ordonnance et de la vieille expression ès grands chemins où la préposition ès répond au mot latin in et au mot français dans.

Je demande pardon à la Chambre d'avoir été obligé de lui donner une explication grammaticale que la discussion exigeait.

M Bérigny, rapporteur. L'intention de la loi est d'ouvrir des communications qui soient commodes et sûres, et par conséquent à l'abri des inconvénients qu'on éprouve dans un pays aussi couvert que celui dont il s'agit. Les haies peuvent très bien être tolérées sur le bord des. routes; mais la seule chose qu'on demande, c'est qu'elles ne s'élèvent pas à plus de 4 pieds de hauteur.

Les plantations qui pourraient nuire à la sùreté publique ne doivent pas être permises, si ce n'est à une distance de 20 mètres du bord des routes; il faut que ces routes puissent être parcourues sans danger.

Si vous n'adoptiez pas cette mesure, vous feriez des dépenses considérables et qui n'aboutiraient pas au but que la Chambre doit se proposer.

Je crois que l'article, proposé par M. Luneau atteint ce but, et je l'appuie.

M. Duboys (d'Angers). M. le rapporteur vient de nous dire ce que la commission a voulu, mais j'aurais désiré que ce qu'elle a voulu fùt exprimé dans l'article, et je ne l'y vois pas.

La commission, nous a dit M. de Bérigny, a voulu d'abord qué l'article 20 fùt restreint, dans ses effets, aux routes stratégiques, et l'article 20 ne le dit pas. La commission a voulu ensuite qu'on pût même y planter des haies; eh bien ! la rédaction est faite de manière à laisser entendre dans un sens très général la dernière partie de l'article 20.

Pour qu'il fut complet, voici comment je pense que cet article devrait être rédigé :

«Dans les départements de l'Ouest, il est expressément interdit de faire des plantations d'arbres, à moins de 20 mètres du bord extérieur des routes stratégiques et d'y élever les haies à plus de 1 mètre 30 centimètres au-dessus du sol. »

Le mot plantations seul est trop général, il exclut toute espèce de plantations, et c'est pour cela que je le remplace par les mots plantations d'arbres. En commençant le dernier membre de phrase par les mots et d'y élever, je rattache

cette partie de l'article à la précédente. (C'est bien! c'est juste!)

M. Bérigny, rapporteur. La commission a entendu qu'il n'y aurait pas de plantations, soit en grands arbres, soit en taillis, sur le bord des routes; elle a pense que les haies qui n'avaient pas plus de quatre pieds de hauteur ne présentaient pas d'inconvénients suffisants pour être proscrites.

M. Legrand, commissaire du roi. La rédaction de M. Duboys (d'Angers) exprime parfaitement les vues du gouvernement.

M. Félix Bodin. Je crois qu'on pourrait la rendre plus claire et plus explicite encore, en rédigeant ainsi la dernière partie de l'article:

« Et d'y laisser croître les haies, ajoncs et genêts à plus de 1 mètre 30 centimètres au-dessus du sol. »

M. Mangin-d'Oins. Est-ce que vous pouvez tailler des genêts?

ces.

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Pour arriver à une bonne rédaction, il faut être bien fixé sur la pensée que nous voulons rendre. La pensée de la commismission et du gouvernement est celle-ci mesures exceptionnelles avaient été d'abord, dans le projet, étendues à tous les départements sur lesquels on devait opérer. Le gouvernement, d'après les observations de la commission, a restreint ces mesures aux routes stratégiques. Il a pensé que, s'il y avait quelque gêne resultant de ces mesures, il y avait un tel avantage dans la construction des routes, que la compensation en bien était bien au delà du mal qui pouvait résulter de cette gêne.

La Chambre parait ne pas vouloir qu'on puisse élever de hautes futaies à moins de 60 pieds du bord extérieur des routes. Quant aux haies, on ne veut pas les interdire sur le bord des routes; car il faut bien clôturer les terrains; mais on veut qu'elles ne puissent s'élever au delà de un mètre 30. Si c'est là la pensée de la Chambre, je crois que cette pensée sera parfaitement exprimée par la rédaction de M. Duboys, à laquelle je proposerai cependant un léger changement. Je crois qu'il faudrait rédiger ainsi : « Il est expressément interdit de faire des plantations d'arbres, à moins de 20 mètres du bord extérieur des routes stratégiques, et d'y élever des haies à plus de 1 mètre 30 de hauteur. »

M. Félix Bodin. Je propose d'ajouter aux haies, les genêts et broussailles.

M. Mauguin. J'appuie cette rédaction.

M. Teste. La commission a été frappée des inconvénients qui résulteraient de l'existence de taillis ou de fourrés à une trop grande proximité de la route. La rédaction proposée par M. Mauguin, rentre dans les intentions de la commission. Il en était autrement de celle de M. Duboys (d'Angers.)

M. Baude. La rédaction que vous propose M. Mauguin répond aux vues de la commission; mais elle a un înconvénient, c'est de ne concorder nullement avec l'exploitation agricole du pays dont il est question. Je demande que le gouvernement mette en balance de la sûreté qui résulterait de l'adoption de l'article, les inconvénients qui résulteront de son adoption. Je crois, quant à moi, que vous soulèverez le pays en bouleversant ainsi toute son agriculture.

M. Mauguin. C'est le seul moyen d'établir l'assolement.

M. Villemain. Quel est l'objet de la loi ? C'est qu'il reste de chaque côté de la route 20 mètres de libres, sur lesquels il ne pourra être élevé de haies ni de plantations quelconques. (Non! non!) Ce projet n'est pas nouveau, if a été conçu dès la première guerre civile qui a troublé l'Ouest; il à déjà été exécuté en grande partie dans la Bretagne. Il n'est question aujourd'hui que de fixer d'une manière positive cette distance, sur laquelle rien ne pourra être élevé, de manière que les tirailleurs, les guetteurs ne trouvent point d'abri contre les voyageurs.

M. Mauguin. Vous voulez faire un sacrifice de 12 millions pour ramener la tranquilité dans la Vendée. Il faut que ce sacrifice soit utile, et qu'il remplisse votre but. Peut-on se borner à ouvrir des routes? Ce serait à peu près inutile, parce que sur les bords des routes, par suite du genre de culture du pays, se trouveraient des broussailles épaisses où se placeraient des embuscades.

Votre projet doit avoir pour objet d'ordonner que dans une certaine distance du bord de la route il n'y aura absolument aucune plantation, mais que les propriétaires seront obligés de se livrer uniquement à la culture des céréales.

Si vous ne voulez pas admettre cette idée, il faut que vous décidiez que dans l'intervalle de 20 mètres les broussailles, genêts, taillis, ne pourront s'éléver au delà d'une certaine hauteur. (Aux voix! aux voix!)

M. Tribert. Il m'est impossible de ne pas faire remarquer les inconvénients qui résulteraient, pour l'agriculture de notre pays, de l'adoption de l'amendement qui est proposé à la Chambre. Ces ajoncs, ces genêts dont on a parlé font partie des assolements.

M. le Président. C'est une servitude qu'on imposerait, comme on a imposé la servitude relative aux chemins de halage.

M. Félix Bodin. Je crois qu'il est utile de donner quelques explications à ceux de nos collègues qui ne connaissent pas nos départements. Les genêts, les ajoncs ne sont point des broussailles; ils rentrent dans le système agricole, dans l'assolement du pays. Ces genêts ne sont point des plantations, ils sont ce que l'on laisse croître après le chaume, et l'assolement est conçu de telle manière qu'on laisse croitre ces genêts pendant 7 ans.

M. Mauguin. L'article tel qu'il est rédigé ne me semble pas répondre au vou de la Chambre. Vous décidez qu'on ne pourra faire de plantations élevées qu'à la distance de 20 mètres, et qu'on ne pourra planter dans l'intervalle qu'à la hauteur de 4 pieds. On pourra, par conséquent, avoir un fourré dans l'intervalle entre la route et la distance à laquelle on peut planter des futaies. Or, je crois que l'intention de la Chambre est qu'il n'y ait rien dans cet intervalle.

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Je demande la permission à la Chambre de la ramener à la véritable pensée du projet. Cette pensée n'est que celle-ci : interdire les arbres à moins de 60 pieds de la route, et, quant aux haies, ne les permettre qu'à la hauteur de 4 pieds. En coupant en deux cette proposition on arriverait à plus de clarté. Je propose donc de dire, dans la première partie: Il est expressément interdit de faire aucune plantation d'arbres, à moins de 20 mètres du bord extérieur des

routes stratégiques. Pour la seconde : Il est également interdit, dans le même intervalle, de laisser croître des haies à plus d'un mètre 30 centimètres de hauteur.

M. Luneau. Ce n'est pas cela! Je demande la parole.

M. Vatout. Lorsqu'on fait une loi politique, une loi extrêment importante, il faut établir en même temps les moyens de la faire exécuter. Or, si vous adoptiez les différentes rédactions qu'on vous a proposées, votre loi, par cela même, serait frappée de nullité. Que voulez-vous éviter? ce sont les dangers que le brigandage peut faire courir aux soldats. Eh bien! si vous établissez des haies le long des routes, si ces haies peuvent s'élever à 4 pieds de hauteur, hauteur qui ne sera jamais exacte et pourra s'élever à 5 ou 6 pieds, je déclare que, les brigands placés dans un fourré derrière ces haies, tous les dangers seront pour vos soldats. Si donc vous voulez faire une chose utile, qui remplisse le but politique de la loi, voilà, je crois, l'amendement que vous devriez adopter:

Il est interdit de faire des plantations d'arbres et d'élever des haies et clôtures de genêts, à moins de 20 mètres des bords extérieurs des routes stratégiques. » (Appuyé! appuyé!)

Il n'est pas juste de dire que l'espace qui séparera ces plantations du bord de la route sera perdu; car, comme l'a fort bien dit M. Mauguin, les céréales pourront remplacer la culture qui existe; ce sera une servitude analogue à celle d'un chemin de halage. Certainement, lorsque l'Etat veut bien faire un sacrifice de 12 millions dans l'intérêt de la Vendée, en reconnaissance la Vendée peut bien faire quelque chose.

M. de Laborde. J'appuie l'amendement de M. Vatout.

M. Luncau. Je viens appuyer la rédaction proposée par le gouvernement.

Si vous adoptiez une disposition qui interdirait les plantations, il en résulterait que vous seriez obligés de payer des indemnités beaucoup plus considérables, ou que vous révolteriez la plupart des personnes dont vous prendrez le champ. Il ne faut pas vous imaginer que dans les départements de l'Ouest, vous puissiez sans inconvénients laisser des terres vagues le long des routes; dans ces départements on envoie les bestiaux dans les chemins à la garde d'enfants de 5 à 6 ans, auxquels on confie souvent jusqu'à 25 et 30 pièces de bétail. Eh bien! en interdisant les haies, vous laisseriez tous les champs ouverts exposés aux ravages que pourraient causer ces bestiaux, vous porteriez par là un préjudice notable à ces propriétés, et vous obligeriez les propriétaires à vous demander des indemnités considérables. De là, la conséquence qu'au lieu de 15 à 16 routes, le gouvernement n'en pourrait faire que 7 ou 8. Je vous prie de bien peser cette considération.

Tous les orateurs qui ont parlé sur la question ont parfaitement distingué tous les avantages que ces routes pouvaient procurer, non seulement sous le rapport militaire, mais sous celui des communications entre les diverses localités, communications qui seraient du plus grand intérêt pour la civilisation.

Vous vous ôteriez les moyens de pouvoir faire ces routes, si vous obligiez le gouvernement à payer des indemnités trop considérables.

M. Vivien. Je viens appuyer la proposition qui vous a été faite par M. Vatout.

Je crois qu'il importe, si la Chambre veut arriver au but qu'elle se propose, de faire quelque chose qui assure la protection, non seulement des citoyens, mais des troupes si l'on en conserve dans la Vendée. Je pense que la proposition de M. Vatout conduirait à ce résultat. En effet, deux espèces de plantations peuvent avoir lieu sur le bord des routes.

On peut planter des arbres, et ces arbres ne présentent pas d'inconvénients pour ceux qui voudraient tirailler. Au contraire, les haies dérrière lesquelles on pourrait se cacher et tendre des embûches aux voyageurs, ou aux soldats, seraient une protection complète.

Que vous propose-t-on ? On propose d'éloigner de 20 mètres de la route les arbres qui ne présentent aucun danger, et de permettre sur les bords de la route des haies qui peuvent servir d'abri à tous ceux qui voudraient tirer des coups de fusil sur les voyageurs; on vous propose un moyen de garantie contre l'obstacle qui n'est pas sérieux, et l'on n'en présente pas contre celui où il y a danger.

Que demande M. Vatout? Il demande de déclarer qu'on ne pourra faire de plantations, soit de hautes futaies, soit de haies, à une distance moindre de 20 mètres. C'est une précaution tout à fait nécessaire; si vous n'y avez pas recours, autant vaut ne rien faire du tout. Mais, dit-on, cette disposition peut jeter le trouble dans le pays et alarmer les propriétaires.

L'article 12 répond à cette objection. Ainsi on n'aura d'indemnités à payer que pour les plantations existantes que l'on ferait disparaître.

Les choses ainsi réglées, je ne crois pas que l'adoption de cette proposition puisse jeter de l'irritation dans le pays, et c'est la seule qui puisse conduire au but qu'on se propose.

Si la Chambre pensait que ces réflexions fussent susceptibles d'être accueillies, mais que la rédaction présentât des difficultés sérieuses, elle pourrait renvoyer l'article à la commission.

M. Jousselin. Je demande la parole avant que M. le ministre ne monte à la tribune.

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Vous n'avez pas ce droit; je l'ai demandée avant vous.

Je viens exposer de nouveau le point de la difficulté. Nous voulons nous donner des sûretés. Il me semble que la rédaction de la loi indique que, sous ce rapport, nous n'avons rien à craindre. Cependant toutes les localités elles-mêmes réclament: je ne parle pas de cette partie de localités qui doit être suspecte au gouvernement; mais lorsque les députés du lieu eux-mêmes s'élèvent contre ces sûretés, il faut s'arrêter, car il ne faut pas, pour vouloir faire du bien au pays, le tourmenter et l'irriter plus qu'il ne l'est.

Voyons ce qui nous separe. Nous sommes tous d'accord sur un point; c'est celui d'écarter les hautes futaies à 60 pieds du bord des routes. (Interruption.) Permettez-moi de procéder par exclusion, c'est-à-dire de bien fixer les points sur lesquels nous sommes d'accord pour passer ensuite aux points sur lesquels nous sommes divisés. Je répète donc que nous sommes d'accord sur ce premier point, qu'il ne faut point d'arbres à moins de 60 pieds de la route. Maintenant viennent les taillis, les haies, les genêts, les ajoncs, enfin tous les genres de plantations qui, dans l'intervalle des 60 pieds, pourraient s'elever entre les arbres et la route et qui ne pourraient pas avoir plus de 4 pieds de haut. Là question

est de savoir si on les interdira tout à fait, si on voudra un terrain ras, ou si l'on permettra dans l'intervalle des taillis, haies, etc., à la hauteur de 4 pieds. Voilà la première différence entre nous et nos adversaires.

Je viens appuyer la rédaction que j'ai proposée et qui a été soutenue par MM. les députés de l'Ouest. Elle consiste à ne pas interdire les haies, taillis et autres plantations dans l'intervalle compris entre les arbres et la route.

M. Tribert. J'adhère à ce que demande M. le ministre.

M. Villemain. Je proteste.

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Je viens appuyer la proposition qui permet ces plantations dans l'intervalle seulement à une hauteur de 4 pieds, et voici mes motifs l'honorable M. Vivien vient de faire ces raisonnements; il a dit qu'on se mettait en garde contre les arbres, qui, par leur éloignement de 60 pieds de la route, ne présentaient aucuns dangers, tandis qu'on ne se mettait pas en garde contre les taillis et les fourrés, qui, par leur proximité de la route, en présentaient de très grands.

Je ferai remarquer que l'intention du projet n'a été nullement ce qu'on suppose. Il peut y avoir deux objets celui d'éviter les coups de fusil, et celui d'éclairer la route. On a dit: « Vous voulez vous garder contre les arbres, et pas du tout contre les fourrés. Or, dans un fourré de 4 pieds, un homme peut facilement se cacher et tirer des coups de fusil sur les passants. » Je donne l'argument dans toute sa force. Je vais y répondre. Ce n'est pas contre les coups de fusil que nous avons la prétention de nous mettre en garde; car pour cela, il faudrait réformer le sol tout entier, passer le niveau dessus, car il y a des fossés, des talus, même des haies de 3 pieds qui peuvent permettre de se cacher, et les arbres à 60 pieds de la route ne mettent pas à l'abri des coups de fusil, car à 25 pas la portée du fusil est encore fort dangereuse. Ainsi donc, à moins de raser tout le pays, vous ne pouvez vous mettre à l'abri.

Qu'avons-nous voulu? Nous avons voulu faire de l'éclairci; nous avons voulu que les routes moins resserrées entre les plantations fussent mieux éclairées, et que les troupes qui les parcourraient pussent faire plus facilement une reconnaissance.

Si donc vous interdisiez des constructions et des haies dans l'intervalle de 20 mètres de la route, il faudrait donner des indemnités bien plus considérables et au lieu de faire 300 lieues de route, vous n'en pourriez faire que le tiers. J'insiste pour la rédaction telle que je l'ai proposée.

M. Jousselin. Pour faire cesser l'incertitude dans laquelle la Chambre me paraît engagée depuis trop longtemps, il me semble qu'il conviendrait de supprimer entièrement les cinq articles réglementaires qui sont dans la loi, depuis et compris l'article 40 jusqu'à l'article 15 dans le projet du gouvernement, et depuis et y compris l'article 20 jusqu'à l'article 24 dans le projet de la commission. Il y a pour toutes les routes de France des règlements existants, sous l'empire desquels se trouvent toutes nos routes militaires des departements frontières. Il faudrait, je crois, laisser les routes qu'il s'agit d'ouvrir dans le droit commun. L'Administration pourra modifier les mesures qu'elle croira nécessaires, suivant les localités.

De cette manière vous ne blesserez les intérêts de personne. Dans toutes les guerres de la Vendée, les cultivateurs n'ont été poussés à prendre les armes que par les prêtres et les seigneurs; mais si vous blessez ces cultivateurs dans leurs intérêts les plus chers, si vous les mettez dans l'obligation de défendre leurs maisons, leurs champs, leurs clôtures, de combattre pro aris et focis, vous les verrez tous se soulever.

Remarquez, Messieurs, que le tracé véritable d'une route militaire, d'une route stratégique, puisqu'on n'a voulu baptiser de ce nom grec que les routes que l'on propose de construire; remarquez, dis-je, que ce trace ne comporte pas de fossés. La route doit dominer le sol. C'est ainsi que les Romains et tous les peuples guerriers construisaient leurs routes militaires.

Je propose donc de supprimer les cinq articles que je viens d'indiquer.

M. Dubois (de la Loire-Inférieure). A l'appui de la rédaction qu'il a proposée, M. le ministre du commerce a invoqué le témoignage des députés de l'Ouest. Pour moi, je viens combattre les raisonnements qu'il a présentés.

Il s'agit d'éclairer la route. Eh bien ! l'aurezvous suffisamment éclairée quand vous aurez reculé les plantations d'arbres à 20 mètres ? Je dis, et je ne crois pas que je serai contredit par ceux qui connaissent le pays, que la route n'est pas éclairée tant que les plantations secondaires, les taillis, les ajoncs, les fourrés, pourront s'élever à quatre pieds.

Toutes les fois que la guerre civile a éclaté dans nos pays, c'est par l'habileté que les paysans ont å se glisser le long de haies qu'ils ont pu échapper aux poursuites des troupes contre lesquelles ils tiraient des coups de fusil. Il n'est donc pas vrai de dire que la route soit éclairée, lorsque l'avantage est pour l'insurrection

On objecte que les bandes de terre situées entre la route et la distance de 60 pieds seront frappées de stérilité. A cela je répondrai qu'on placera les propriétaires vendéens dans les mêmes conditions que les propriétaires des autres parties de la France.

Il est une culture très répandue dans l'Ouest, c'est celle du sarrazin et des plantes fourragères. Qui empêchera les propriétaires de consacrer à cette culture les bandes de terrain situées dans l'intervalle de 20 mètres?

Je crois que nous détruirions tout le bénéfice de la loi qui n'est pas seulement une loi de civilisation, mais qui est aussi une loi de défense, si on n'interdisait pas la plantation des haies sur le bord des routes.

M. le général Demarçay. Je connais les départements de l'Ouest, la Vendée, comme nos honorables collègues de ces départements; je les ai souvent parcourus; j'y suis propriétaire. Il ne faut pas ici se servir de l'expression Vendée qui vous donnerait une idée insuffisante, il faut employer l'expression Bocage, parce que ce mot s'appliquera à tous les pays qui ont la même culture. Je vous demande la permission de vous dire deux mots sur la situation topographique des chemins de ce pays: je dirai ensuite un mot sur la rédaction proposée par M. le ministre.

Messieurs, les pays du Bocage sont ceux où, par la nature du terrain, l'éducation du bétail est profitable et facile. Pour que ce genre d'industrie ait lieu, il faut que les champs soient clos, afin d'y mettre le bétail, non seulement pendant le jour, mais même pendant la nuit.

:

L'honorable M. Luneau a dit qu'un enfant gardait souvent jusqu'à 25 pièces de bétail; il n'a pas été assez loin, car ce bétail se garde luimême il est dans des champs clos de haies; et, comme les habitants sont fort peu éclairés et peu industrieux, ces haies sont mal entretenues. Ils remplissent les lacunes qui existent dans une haie vive par des branchages d'arbres. Il est certain que, dans ces pays, on attache une grande importance à ce genre de culture, qui procure un bénéfice considérable, et l'on y tient d'autant plus qu'on est plus routinier et moins éclairé.

Il résulterait de cette situation de très grands désavantages. D'abord celui de n'avoir que des chemins encaissés et couverts; ensuite un autre inconvénient dont je n'ai pas entendu parler, c'est que ces chemins, étant bordés des deux côtés par des haies qui ont 5, 12 et jusqu'à 15 pieds de hauteur, attendu que les épines blanches dont elles sont formées ne sont jamais taillées et croissent avec toute la vigueur que le sol peut leur donner, il en résulterait cet obstacle dont tout le monde a parlé de cacher l'ennemi, de lui donner la facilité de frapper le voyageur, car je ne parlerai pas seulement des soldats.

Un autre inconvénient, c'est que, dans aucun temps de l'année, à moins que la sécheresse ne dure plus d'un mois, ces chemins ne sont jamais secs. Eh bien, Messieurs, pour atteindre le double but d'éclairer la route et la rendre praticable, il est plus indispensable, comme l'a dit M. Vivien, de faire disparaître les haies que les arbres.

Je ne suis pas partisan des arbres, car en entretenant l'humidité sur les routes, ils nuisent à leur bon état; mais cependant je préférerais une plantation d'arbres à une certaine distance de la route à des haies sur le bord de la route.

Il est certain que la suppression des haies et genêts contrariera les habitants par les considérations que je viens de donner. Mais enfin le résultat de l'opération est attaché à cette suppression.

Je viens à la rédaction de M. le ministre. M. le ministre a dit qu'il convenait de conserver les haies à une hauteur de 4 pieds, Il ne m'appartient certainement pas de lui donner des fegons; mais si M. le ministre avait remarqué comment les haies croissent et comment on parvient par leur moyen à faire de bonnes clôtures, il saurait que jamais on ne les élève à quatre pieds; que plus on les tient basses, plus elles sont fournies, et meilleures sont les clôtures. Ainsi jamais un propriétaire intelligent ne laissera venir une haie à 4 pieds de hauteur. (Mouvement.)

Je dis que si vous n'empêchez pas toutes plantations d'arbres ou plutôt d'arbustes, de genêts, d'ajoncs, si ce n'est à 60 pieds des bords de la route, il en résultera ce grand inconvénient des fourrés contre lequel vous devez vous prémunir, et il ne suffira pas de défendre de planter des haies, il faudra ordonner que celles qui existent soient arrachées. Je n'ai pas besoin de dire que jamais on ne sème les ajoncs, qui viennent spontanément dans les meilleures terres, où ils poussent à une très grande hauteur.

M. le général Semelé. Je traiterai seulement la question sous le rapport militaire.

C'est beaucoup faire sans doute, pour les mouvements militaires, d'obtenir le déplacement des arbres qui bordent la route, et de n'en permettre la plantation qu'à 60 pieds de ses bords. Mais

je crois cependant que ce n'est pas assez faire. Que résultera-t-il de cette disposition? Vous permettez les hautes futaies à 20 mètres de la route, et vous permettez le taillis de 4 pieds dans cet intervalle de 20 mètres. Par là vous donnez une très grande facilité aux Vendéens qui veulent faire la guerre aux troupes; ils se cacheront dans ces fourrés, verront arriver vos colonnes, et auront une retraite assurée dans le taillis de 20 mètres qui sera derrière eux, et vos troupes n'auront aucun avantage. On dit à cela: Mais à 20 mètres les coups de fusil peuvent très bien atteindre. Cela est vrai! mais le coup est bien moins assuré que lorsqu'on tire à brûlepourpoint. Je ne vois pas d'inconvénient à ce qu'on permette des plantations d'arbres isolés à cette distance de 20 mètres de la route, mais il y en aurait un très grand à permettre des plantations intermédiaires.

M. Garnier-Pagès. Je demande le renvoi à la commission. D'après ce que vient de dire le général Semelé, d'après ce qu'ont dit d'autres orateurs, il y a un danger très grand à ne pas empêcher la plantation des haies. D'un autre côté, il y a le danger, peut-être plus grand, d'irriter la population, de telle sorte que, pour trouver les moyens d'empêcher la guerre civile, il se pourrait faire que vous la fissiez naître.

Dans de semblables circonstances, il ne paraîtra pas sans doute inutile à la Chambre que, d'une part, les députés de la Vendée ou de l'Ouest soient entendus, que, de l'autre, les militaires ou hommes de l'art le soient aussi. Nous ne pouvons les entendre successivement à la tribune; je crois convenable (car la question est de la plus grande gravité) de renvoyer à la commission, ce qui nous donnerait d'ailleurs le temps de méditer sur la discussion, que nous lirons dans le Moniteur. Pour ma part, entre deux dangers aussi grands, mon embarras est extrême, et je ne pourrais me décider à voter.

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Il me semble qu'une discussion plus longue ajouterait bien peu aux lumières de la Chambre sur cette question.

Vous venez d'entendre un savant général reconnaître lui-même qu'en reculant les grandes plantations à 60 pieds, on avait déjà beaucoup fait pour la sûreté militaire. (Voix à gauche : Il a dit le contraire.) Nous ne pouvons faire en ce genre tout ce qu'il serait désirable de voir exécuter. M. le général Demarçay vous a dit qu'il y avait des fossés, des talus qui portaient les haies à 15 pieds. Niveler le terrain, effacer tous les obstacles derrière lesquels les tirailleurs peuvent se placer, est la chose impossible.

A quoi donc devait-on tendre? à diminuer le danger, à éclairer la route, à la découvrir. Eh bien! comme l'a reconnu le général Semelé, on l'a beaucoup éclairée en écartant les arbres.

Quant aux autres difficultés, on ne pourrait les surmonter sans causer aux propriétaires un préjudice considérable. Si, dans l'espace de 60 pieds, vous ne mettez pas même une clôture, il est évident que tout cet espace de terrain sera enlevé non seulement à la culture, mais à l'éducation des bestiaux, qui forme le principal revenu du pays. Où a-t-on surtout besoin de haies? N'est-ce pas sur le bord des routes, car c'est sur les routes que les bestiaux s'échappent; et c'est précisément sur les points où les haies seraient les plus nécessaires que vous les interdirez. C'est nous, qui sommes chargés de l'exécution de la loi, que cet

T. LXXXIV.

intérêt touche le plus. Si l'on interdisait les haies, nous n'aurions plus seulement à acquérir, moyennant indemnité, l'espace sur lequel là routé doit s'étendre, mais 60 pieds de terrain sur les bords; car on vous fera payer non seulement le terrain exproprié, mais encore le terrain déprécié. Les juges étant les hommes de la localité, il est évident que si ces hommes ont souffert comme propriétaires, ils feront payer une indemnité proportionnée à l'étendue du terrain rendu sans valeur. On ne trouvera pas de maires qui voudraient servir d'instruments à ce qu'ils regarderont comme une véritable spoliation. (Aux voix! La clôture!)

(L'amendement de M. Vatout est mis aux voix, et rejeté à une très grande majorité.)

M. Jousselin. J'ai proposé un amendement. M. le Président. Vous avez proposé de supprimer 5 articles. Or, vous savez que la Chambre ne vote jamais par voie de suppression.

Voici la rédaction de M. Bastard :

«Il est interdit de faire aucune plantation et de laisser croître des broussailles à 20 mètres des deux côtés de la route. Les clôtures qui fermeront cet espace de 20 mètres ne pourront avoir plus de 1 m. 30 de hauteur.

Voici la rédaction de M. le ministre du com

merce :

Il est expressément interdit de faire des plantations d'arbres à moins de 20 mètres du bord extérieur des routes stratégiques.

« Il est également interdit, dans le même intervalle, de laisser croître des haies ou d'élever des clôtures à plus de 1 m. 30 de hauteur. »

M. Teste. Je demande la priorité pour le premier amendement, en substituant à la rédaction celle-ci, qui appartient à M. Luneau :

Il est interdit de faire des plantations d'arbres, de taillis, d'ajoncs, genêts ou autres broussailles, à moins de 20 mètres du bord extérieur des routes stratégiques.

"Il est également interdit, dans le même intervalle de 20 mètres, d'élever des clôtures à plus de 1 m. 30 au-dessus du sol des routes. » Cette rédaction me paraît préférable.

M. Thiers, ministre du commerce et des travaux publics. Cet amendement est exactement l'équivalent de celui de M. Vatout. (Dénégation.) Il annule presque complètement la valeur du terrain intermédiaire, en interdisant le genre de clôture le plus en usage dans le pays.

M. Teste. Messieurs, il n'est pas exact de dire que l'amendement de M. Luneau soit l'équivalent de celui de M. Vatout. M. Vatout demande qu'on supprime, dans l'intervalle de 60 pieds, toute espèce de plantation, y compris les haies. L'amendement a été sous ce rapport en butte à des objections fort graves. On a dit : Vous allez attaquer le genre de culture le plus précieux du pays. M. Demarçay est entré dans des détails que je ne reproduirai pas. Il a dit que la richesse de ces pays consistait en des pâturages clos où les bestiaux se gardaient eux-mêmes.

Les clôtures ne disparaissent point dans l'amendement de M. Luneau; si au contraire vous adoptez l'amendement du gouvernement, cet intervalle, que l'on a intérêt à ne pas laisser garnir, sera un véritable foyer d'embuscades. Cet espace garni d'ajoncs, genêts et autres plantations, sera impénétrable pour la cavalerie et même pour l'infanterie.

Le gouvernement paraît effrayé du surcroît de 39

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