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ment, celle de savoir dans quelles limites et sous quelles conditions il peut être disposé des rentes rachetées. Quoiqu'il résulte implicitement des termes de la loi que le revenu de ces rentes sera employé désormais en accroissement de la force de l'amortissement, cependant elle néglige ou elle élude d'établir nettement cette règle. II y a même désaccord entre ce qu'elle prescrit pour l'avenir et ce qu'elle annonce pour le pré

sent.

Ainsi l'article 1er, en répartissant au marc le franc entre chaque nature de dette, non pas seulement les dotations primitives assignées à l'amortissement par diverses lois, mais aussi les revenus d'une partie des rentes amorties, reconnaît en principe que les rachats sont destinés, comme les dotations primitives, au service du remboursement progressif; mais en ne comprenant dans cette prescription que les rentes dont il n'aura pas été disposé dans la présente session, la loi annonce elle-même et autorise implicitement une dérogation préalable à ce principe. Je ne prétends pas qu'il en doive être autrement, car je suis loin de considérer ce principe comme absolu; mais je crois qu'il a assez d'importance pour qu'il eût été utile de préciser jusqu'où ses effets s'étendent, et quelles sont les bornes dans lesquelles il est circonscrit.

De son côté, l'article 3 établit la salutaire règle qu'il ne pourra plus être disposé des rachats qu'en vertu d'une loi spéciale; mais il statue aussi que cette règle n'aura son effet qu'après la promulgation de la loi, c'est-à-dire qu'après le vote du prochain budget, et par conséquent, il laisse subsister jusqu'alors la faculté de s'emparer des rachats sans loi spéciale, et par une simple disposition de la loi annuelle des finances.

La loi contient donc des dispositions essentiellement contradictoires, les unes expresses, qui consacrent pour l'avenir, sauf l'exception d'une nécessité constatée par une loi spéciale, l'affectation du revenu des rachats à l'amortissement, les autres tacites, qui autorisent pour le présent à détacher de l'amortissement une partie des rachats. Qui

a raison, de ces dispositions expresses ou de ces dispositions tacites? Je pense, Messieurs, qu'examiner cette alternative est tout à fait dans la question. Peut-être y reviendrai-je tout à l'heure, si ce que j'ai à dire auparavant ne lasse pas trop votre attention.

En attendant, je ne peux m'empêcher d'insister sur cette observation essentielle, qu'il manque à cette loi ce qui devrait en faire la base. la fixation de la quotité de l'amortissement dont elle règle l'application.

Faute d'avoir posé, en tête de la loi, le règlement précis de ce point important, il arrive, d'une part, que ce qu'on vous demande aujourd'hui c'est de statuer, en matière de finances et de crédit, sur une quantité incertaine ou plutôt inconnue; de l'autre, que la précaution que la Chambre des députés, avec une prudence qui l'honore, a prise contre la facilité avec laquelle on pourrait sacrifier les rachats à des nécessités prétendues, est vaine et illusoire, puisqu'elle n'aura son effet qu'après le vote du budget prochain, et qu'en attendant les rachats sont livrés sans défense à l'agression menaçante de ces soi-disant nécessités. On prend soin de fermer exactement la caisse, il est vrai, mais seulement après avoir laissé tout le temps et la pleine liberté d'y prendre tout ce que l'on voudra, et

peut-être tout ce qu'elle contient. Car, Messieurs' relativement à la Chambre des pairs, cette omission a des conséquences très graves; elle vous dépouille en réalité de la juste et nécessaire influence que la Constitution de l'Etat nous donne sur ce qui touche à un de ses plus importants intérêts, celui de son crédit.

En effet, reléguée dans la loi des dépenses, la question d'une annulation quelconque des rentes rachetées échappe inévitablement à votre examen. Vous le savez, Messieurs, vous n'avez qu'en apparence, et vous n'avez nullement en réalité la faculté d'intervenir efficacement dans le règlement annuel des dépenses publiques; votre action sur cette partie capitale des affaires du pays se résout dans de vaines dissertations, dans des conseils qu'on n'écoute guère, ou dans des critiques sans résultat. Que par un article du budget prochain on annule donc la plus grande partie ou peut-être la totalité des rachats pour faire place à ce déluge de dépenses dont notre horizon financier est chargé, et parmi lesquelles il en est peut-être qui peuvent vous paraître les unes intempestives, les autres inutiles ou abusives, d'autres mêmes dangereuses ! eh bien, Messieurs, cela se fera en réalité sans vous, et quoi que vous en puissiez penser, il faudra que vous le laissiez faire; car vous ne pouvez, je ne dis pas seulement rejeter, mais même modifier un seul article du budget sans arrêter la marche du gouvernement, auquel vous êtes, ainsi que moi, bien loin de vouloir susciter aucun obstacle, et que votre devoir est de soutenir. Cependant, Messieurs, qu'arrive-t-il ? que par une disposition, non pas transitoire, mais permanente, non pas provisoire, mais irrévocable, qui touche, non seulement à la fort ne du pays, mais aussi à son crédit et à la foi promise, il sera disposé, bien ou mal, d'une somme de 24, de 27, de 32 millions peut-être, et que vous, Messieurs, vous, partie intégrante de la puissance législative, vous serez réduits, si cette disposition vous paraît contraire aux intérêts publics, à d'impuissantes protestations.

Je conviens, Messieurs, que cette impossibilité où vous êtes d'exercer votre droit de contrôle sur le règlement des dépenses et des recettes publiques a été jusqu'à présent inévitable, et je pressens que, quoi qu'on fasse, elle le sera encore pour l'avenir, parce qu'elle résulte de la nature même des choses. Mais c'est pour ce motif que le Gouvernement, dont le devoir est de vous réserver votre action légitime avec d'autant plus de soin qu'elle est bornée, et dont l'intérêt serait peut-être aussi de vous écouter, me semblerait devoir mettre tous ses soins à la conserver, en ne plaçant dans les lois de finances que ce qui ne peut pas être mis ailleurs, et en vous réservant, par là, sur toutes les décisions qui n'en font pas partie, une surveillance, qui vous appartient, et qu'il est dans la lettre comme dans l'esprit de la Charte de maintenir.

De quoi s'agit-il dans la question? de l'annulation qu'une nécessité, invincible peut-être, je n'en disconviens pas, oblige à faire d'une partie des rentes rachetées par l'amortissement. Il s'agit sans doute d'une dépense de moins à faire, et par là de la possibilité de lui substituer d'autres dépenses; c'est donc, sous le rapport de ces dépenses à lui substituer, une question de budget. Mais il s'agit aussi de la quotité de l'amortissement, et par là d'une question de crédit et même de foi publique. Or cette question-là, il est évident, ce me semble, qu'elle appartient à

la loi spéciale et permanente de l'amortissement, et non à la loi générale et annuelle du règlement des dépenses. Il est plus évident encore qu'elle ne devrait pas être décidée sans une intervention réelle de votre part; car la fixation de la force de l'amortissemeut n'est pas une chose de peu d'importance, ni qu'une fois faite on puisse réformer l'année prochaine, si l'on y reconnaît des inconvénients. Je suis fort loin d'accuser mon honorable ami M. le ministre des finances d'avoir eu l'intention de soustraire une décision si grave à votre examen. Je sais, au contraire, que personne n'apprécie plus fortemement que lui les lumières et l'expérience dont cette Assemblée offre la précieuse réunion, que personne ne comprend mieux que lui la nécessité de vous réserver tous vos droits. Mais je ne peux pas m'empêcher de regretter beaucoup qu'il ne se soit pas aperçu qu'en ne plaçant pas dans la loi actuelle la fixation de la somme annuellement consacrée à l'amortissement de la dette, et en rejetant cette fixation dans la loi du budget, il se privait du concours de vos lumières, et il vous dépouillait involontairement, je le répète, d'un de vos droits les plus importants.

C'est le plus grave, mais ce n'est pas le seul des motifs qui eûùt dù faire préférer que ce fut la loi actuelle qui fixât la quotité des revenus des rentes rachetées, dont elle règle l'application à l'amortissement, concurremment avec la dotation primitive. La loi eùt alors été complète et régulière, au lieu d'être imparfaite et contradictoire; les Chambres eussent statué sur une éventualité; l'annulation d'une partie des rentes rachetées, disposition permanente, eût été à sa place dans une loi permanente, tandis qu'elle n'y sera pas dans une loi annuelle; enfin, et c'est là à mes yeux une raison principale, la quotité de ce prélèvement eût été réglée sous l'influence des intérêts du crédit public et du principe de l'amortissement, et non sous l'empire des besoins réels ou prétendus dont s'autoriseront dans la discussion du budget, pour puiser largement dans les rachats, tous ceux, et le nombre en est grand encore, qui n'ont pas des idées justes sur l'amortissement, et qui le considèrent comme une ruineuse déception. Ou je me trompe beaucoup, ou les idées de M. le ministre des finances relativement au principe de l'amortissement, sont à peu près d'accord avec les miennes; il pense comme moi que, pour les Etats comme pour les particuliers, quand on emprunte il faut rendre, d'abord parce que la loyauté le veut ainsi, et ensuite parce que ce n'est qu'ainsi qu'on trouve de nouveaux prêteurs; il pense comme moi que l'amortisseinent, c'est le remboursement successif et le seul moyen certain d'extinction de la dette. Je crois me rappeler du moins que dans des discussions précédentes nous avons combattu ensemble pour ces principes. Si M. le ministre des finances est demeuré dans les mêmes opinions, je crois qu'il reconnaîtra lui-même qu'il eut pris une marche plus propre à lui fournir les moyens de modérer le sacrifice que la nécessité l'oblige aujourd'hui à faire de ces opinions, en insérant dans la loi actuelle, au lieu de la renvoyer à la discussion du budget, la question de la quotité de l'amortissement.

Cette dernière réflexion me ramène à l'examen des conditions auxquelles il est permis de toucher aux rentes rachetées, et puisque votre bienveillante attention m'y autorise, Messieurs,

j'exprimerai en très peu de mots mes opinions à cet égard.

J'ai dit que quand on emprunte, ce doit être avec la ferme intention de rendre; que l'amortissement c'était le remboursement successif, et le seul moyen certain de remboursement; j'ajoute qu'il est de l'intérèt bien entendu de I'Etat de rembourser le plus tôt possible, parce que moins on doit, plus il est facile de trouver au besoin du crédit. Le revenu des rachats n'est sans doute pas dû à l'amortissement, c'est-à-dire aux rentiers; car il n'y a d'engagement exprès avec eux que pour la dotation primitive, c'està-dire pour l'amortissement à raison d'un pour cent, qui opère le remboursement complet dans une période d'un siècle. Voilà l'engagement contracté avec les préteurs; celui-là est sacré, car il repose sur la foi publique, et à mon sens sa violation serait un premier pas vers la banqueroute. Mais quant aux rachats, l'Etat n'a à consulter, sur la manière dont il en dispose, que son propre intérêt.

Or, je dis que comme l'intérêt de l'Etat est de payer ce qu'il doit le plus tôt possible, il est aussi de laisser aussi longtemps qu'une nécessité indispensable ne s'y oppose pas, le revenu des rachats augmenter la force de l'amortissement et accélérer l'extinction de la dette. On ne saurait faire un meilleur usage de ses épargnes (et tant qu'il y a équilibre entre les recettes et les dépenses les rachats de l'amortissement sont une épargne), qu'en les employant à sa libération.

Mais quand l'équilibre entre les recettes et les dépenses est rompu, et il n'est malheureusement que trop certain que c'est la situation où nous sommes, on ne saurait douter, ce me semble, que pour faire place à des dépenses indispensables, urgentes, qu'on ne peut ni éviter ni différer, il ne soit pleinement licite de disposer, par des annulations et non autrement, des rentes rachetées. Car, d'une part, si l'on n'usait de cette ressource il faudrait emprunter, et il est évident qu'emprunter d'une main et amortir de l'autre, c'est démolir en gros et reconstruire en détail; de l'autre, annuler des rentes, c'est en rembourser le capital, et par conséquent c'est ne pas détourner les rachats de leur destination originaire, qui est l'extinction de la dette.

Il n'y a donc point d'objection solide à faire contre la résolution que le gouvernement a prise, d'annuler, pour réduire les dépenses au niveau des recettes, une partie des rentes rachetées, pourvu, je le répète, que les dépenses qui, dans le budget prochain, prendront la place des intérêts des rentes annulées soient justifiées par une nécessité et une urgence indispensables.

Le jugement de cette nécessité, Messieurs, est le point capital de cette partie de la question.

Il faudrait, pour l'éclairer, se livrer à un examen sommaire des dépenses, par lesquelles il est probable que sera remplacé le crédit jusqu'à présent affecté au service des rentes qui seront annulées.

Je n'entreprends point cet examen, Messieurs, parce que je ne dois pas abuser de votre patience à m'entendre, et que je ne veux pas m'exposer au reproche qu'on m'adresserait peut-être de m'être écarté de la question, et d'anticiper sur la discussion du budget.

Ce n'est pas qu'à mon sens il ne nous soit parfaitement licite, à nous qui ne pouvons avoir par le fait aucune influence directe et efficace sur le règlement des dépenses publiques, de chercher à augmenter notre influence consultative et mo

rale, la seule que nous possédions, en effet, en cette matière, en profitant de toutes les occasions qui peuvent se présenter de faire connaitre au public et au gouvernement notre opinion sur ces questions.

Mais je ne m'en bornerai pas moins à insister sur cette observation très essentielle, Messieurs, que s'il est permis d'annuler des rentes rachetées pour se ménager les moyens de fournir à des dépenses qui ne peuvent, sans dommage évident pour l'intérêt puhlic, être épargnées ou ajournées, il ne l'est pas de toucher aux rachats pour subvenir à des dépenses qu'une nécessité évidente et impérieuse ne justifierait pas.

Je suis loin, pour ma part, d'être convaincu que toutes celles dont il a déjà été question, dont il doit bientôt être question ailleurs, portent suffisamment ce caractère, et je crois renplir un devoir en engageant le ministère à se mettre en garde contre les illusions auxquelles, à cet égard, il pourrait se laisser entraîner. La nécessité, Messieurs, est un motif quelquefois réel autant qu'impérieux, mais souvent aussi elle n'est qu'un prétexte sous lequel nous nous dissimulons à nous-mêmes nos faiblesses.

En résumé, Messieurs, je regrette beaucoup, par tous les motifs que je viens d'exposer, que la loi qui vous est soumise ne contienne pas la fixation de la somme destinée à l'amortissement et dont, avant qu'elle ne soit connue, elle règle l'emploi. Pour échapper au reproche que je lui adresse, à cette loi, et pour être à mon tour conséquent, il faudrait sans doute que je proposasse par amendement d'y introduire la fixation de cette somme. Mais si mon devoir était de signaler un défaut grave que je crois apercevoir dans la loi et une atteinte portée à vos droits, mon devoir est aussi de ne pas susciter d'obstacles à un ministère que mon inclination autant que mes convictions me portent à soutenir. Lui sèrvir d'appui en tâchant de l'éclairer, tel est en effet, Messieurs, le rôle qui me paraît convenir à cette Chambre. Je me borne donc à ces seules observations, et malgré l'imperfection que je reproche à la loi, comme les règles qu'elle pour but principal de prescrire me paraissent, je le répète, justes et sagement conçues, je voterai pour son adoption.

M. Humann, ministre des finances. Messieurs, j'essayerai de répondre, en peu de mots, aux objections que l'on vient de faire sur le projet de loi: la matière est difficile à traiter, je réclame l'indulgence de la Chambre.

Le premier orateur pense qu'à l'époque où la dette se trouvait réduite à 100 millions de rente, l'amortissement devrait être entièrement supprimé; il est d'avis aussi de limiter la puissance du rachat à 80 millious, et d'annuler des rentes rachetées, chaque fois que les ressources de l'amortissement viendraient à depasser cette limite.

Personne n'est plus dispose que moi à reconnaitre l'autorité des opinions de M. le baron Portal; sur ce point cependant mes convictions diffèrent de la sienne.

Il faudrait que l'état de la France fût bien prospère pour que la dette pùt être réduite à 100 millions de rentes; et, dans une telle situation, serait-il sage de ne pas pousser plus loin la réduction de la dette. J'admets que le crédit n'aurait plus besoin de l'appui de l'amortissement; mais le cours des effets publics n'est pas ce qui importe le plus; la libération, voilà l'intérêt essentiel if ne faut jamais le perdre de vue.

Vouloir que la puissance du rachat ne puisse jamais dépasser 80 millions, c'est dénaturer l'amortissement lui-même, qui n'existe que par les progrès de l'intérêt composé; c'est prolonger le rachat de la dette au delà du terme que la prévoyance signale. Avec un fonds de rachat limité à 80 millions au maximun, 25 années ne suffiraient pas pour réduire la dette à 100 millions de rente, et quel est le pays qui peut se flatter de n'avoir aucun emprunt nouveau à faire durant 25 ans? Les doctrines que professe M. le baron Portal sur l'amortissement sont séduisantes; mais le moment de les mettre en pratique n'est pas venu.

Le second orateur vous a parlé des inconvénients que le crédit entraîne. Le crédit a ses dangers, on ne peut le méconnaître; mais il est devenu un élément de puissance et de grandeur, et, à ce titre, il faut le comprendre parmi les nécessités sociales.

Quand on en use avec sagesse, ses avantages sont immenses, le poids des misères publiques est allégé, puisque l'avenir en prend sa part, toute amélioration devient possible, le mal n'est plus irréparable; la guerre elle-même entraîne moins de calamités quand les ressources du crédit permettent de la rendre rapidement décisive. Le crédit public a un autre avantage, celui de répandre et d'entretenir l'habitude de l'épargne: si le grand-livre n'existait pas, s'il n'y avait d'autres placements que ceux sur biens-fonds ou sur hypothèques, les classes moyennes n'économiseraient pas.

Le noble comte auquel je réponds vous a signalé aussi les pertes qu'aurait éprouvées le Tresor par le rachat de la rente 3 0/0. Ces pertes sont imaginaires; les rentes 3 0/0, émises à 75 francs, ont été rachetées jusqu'aujourd'hui à un prix moyen de 72 francs; l'opération faite en 1825 a donc été profitable à l'Etat, et c'est à tort que l'on vient se plaindre.

En ce qui concerne l'avenir, personne ne peut affirmer qu'il soit préférable de racheter au pair 100 francs de capital en 5 0/0, plutôt que d'éteindre, avec une dépense de 80 francs une dette de 100 francs en 3 0/0. On est certain de ne pas racheter le 5 0/0 à plus du pair; mais la rente 3 0/0 peut aussi se rapprocher du pair, et, dans ce cas, le rachat coûterait aux contribuables de grands sacrifices. Et la supposition que ce dernier effet se rapproche du pair est-elle invraisemblable? Le prix en a haussé de 18 0/0 depuis le mois d'octobre dernier. Si elle faisait en 5 années les progrès qu'elle a faits en 8 mois, l'économie des rachats d'aujourd'hui dépasserait de 80/0 la perte qu'éprouverait l'amordissement par la différence de l'intérêt. Vous voyez, Messieurs, que chacun juge cette question selon l'opinion qu'il se forme de notre avenir.

Le troisième orateur a cru apercevoir dans le projet de loi des dispositions contradictoires et, selon lui, c'est par la loi d'amortissement que l'annulation de 20 millions de rentes, que nous avons proposée, aurait dû être consacrée. Nous ne voyons, Messieurs, aucune contradiction dans l'ensemble ni dans les détails de la loi; il n'y a nulle contradiction à tracer des règles pour l'avenir et à fixer l'époque pour l'application de ces règles. L'objection concernant l'annulation des rentes ne nie paraît pas mieux fondée. Remarquez, d'abord, que cette annulation faisait partie integrante du budget, qu'il était impossible de l'en séparer sans en rompre tout l'équilibre; je dirais ensuite qu'une telle mesure serait

déplacée dans une loi d'amortissement, qui n'a rien de commun avec la combinaison des voies et moyens de l'exercice; et enfin, il était peu probable que la proposition ait réussi devant l'autre Chambre, on ne pouvait douter qu'elle voudrait connaître la situation du budget avant de se lier pour les rentes rachetées.

L'annulation des rentes a été critiquée au fond aussi bien que dans la forme. C'est à tort, selon nous quand les services extraordinaires viennent à cesser, quand les besoins de l'Etat peuvent être réduits à la proportion d'un budget ordinaire, il serait déraisonnable d'emprunter pour amortir, de faire annuellement une négociation de rentes pour en verser le produit à la caisse d'amortissement. Dans une telle situation, il est préférable de rétablir l'équilibre entre les dépenses et les recettes par une annulation de rentes, et d'épargner ainsi au pays les différences de rachat et les frais que les emprunts entraînent.

Il n'a pas dépendu de nous de mieux faire, nous aurions voulu pouvoir obtenir de l'impôt les ressources nécessaires pour balancer le budget de 1834. Mais vous savez la résistance qui se manifeste à chaque proposition de cette nature; à peine avions-nous demandé le rehaussement de quelques taxes que l'on a tenté de nouveau à exciter les passions populaires. Et quel est le sacrifice demandé? Pour le droit de circulation, une augmentation moyenne d'un centime un tiers par litre de vin, et d'un tiers de centime par litre de cidre, poiré et hydromel; pour le droit de détail, une augmentation de 4 cinquièmes de centime par litre de vin et d'un tiers de centime par litre de cidre, poiré et hydromel. Voilà à quoi se réduit le rehaussement proposé et si vivement attaqué.

Messieurs, si le projet de loi présente quelques imperfections, tenez-nous compte des difficultés quí nous entourent; tel qu'il est, il nous paraît satisfaire aux besoins du moment et mériter votre assentiment.

M. le comte Roy, rapporteur. Messieurs, je me bornerai à répondre à deux questions adressées, soit à M. le ministre des finances, soit au rapporteur de la commission, par deux des orateurs que vous avez entendus.

L'un d'eux a d'abord demandé pourquoi on accordait une part dans la répartition du fonds d'amortissement, à la rente 3 0/0.

L'amortissement a été établi dans la vue d'éteindre ou de diminuer la dette inscrite: cet intérêt existe pour la rente 3 0/0 comme pour toutes les autres. En ne lui accordant aucune part dans le fonds d'amortissement, ce serait déclarer qu'elle ne sera jamais ni rachetée ni remboursée, et on ne concevrait pas une telle disposition. Elle serait contraire aux règles de l'Administration et du crédit; elle serait encore d'une injustice révoltante, puisque les porteurs primitifs de la rente 3 0/0, et ceux qui depuis le sont devenus, n'ont pris cette valeur qu'avec la condition qu'elle serait rachetée comme toutes les autres rentes. Il ne faut pas, d'ailleurs, perdre de vue que le fonds 3 0/0 provient en grande partie de la conversion en rentes 3 0/0, des rentes 5 0/0 auxquelles l'amortissement avait été primitivement affecté.

On s'est encore plaint de ce que le projet de loi ne contenait aucune fixation du fonds d'amortissement.

Mais on n'a pas vu que ce projet de loi ne

détruit pas la loi fondamentale de l'amortissement; qu'il la laisse, au contraire, subsister dans toutes les dispositions qu'il ne charge pas, et qu'il n'a pour objet que d'établir des règles transitoires devenues neces-aires par le changement de circonstances: c'est même par cette raison que nous ne vous avons présenté nos observations que sur les articles de détail du projet, sans embrasser l'ensemble du système d'amortissement.

Or, les lois de 1816 et de 1817 ont précisément fixé le fonds d'amortissement, ou la dotation invariablement affectée à l'amortissement de la dette publique. Il en a été de même des lois subséquentes, qui ont également fixé le fonds d'amortissement attaché à chaque espèce de rentes créées depuis.

Il n'y a de variable que les rentes rachetées; et c'est avec raison: car, si d'une part, on doit reconnaître qu'elles ne peuvent être annulées en tout ou en partie, que par des causes graves, et dans des circonstances où l'intérêt public l'exige, on ne peut pas prétendre non plus que leur accumulation doive être sans mesure et sans limites, et qu'elles doivent être conservées à l'amortissement, alors même que leur montant deviendrait une charge insupportable pour les contribuables, et ne présenterait que des inconvénients pour le Trésor.

(Aux voix! aux voix!)

M. le Président. Si personne ne demande plus la parole, j'appelle les délibérations de la Chambre sur les articles. La Chambre remarquera que sur la même page se trouvent et le projet du gouvernement, et les amendements adoptés à la Chambre des députés.

Le ministre adopte-t-il ces amendements?

M. Humann, ministre des finances. Le gouvernement adopte ces amendements.

M. le Président. Ce sont donc ces articles que je vais lire.

(Les articles 1 et 2 sont adoptés sans discussion.)

« Art. 3. A dater de la promulgation de la loi des dépenses de l'exercice 1834, il ne pourra être disposé d'aucune partie des rentes rachetées par la caisse d'amortissement qu'en vertu d'une loi spéciale. "

M. le Président. M. le duc de Praslin a déposé sur cet article un amendement qui a pour but de substituer à ces mots : Il ne pourra être disposé d'aucune partie, ceux-ci : Il ne pourra être annulé aucune partie, etc.

M. le due de Praslin. Mon amendement ne consiste que dans la substitution du mot annulé au mot disposer. Cette différence pourrait n'être regardée que comme un simple changement de rédaction. Mais je crois devoir faire remarquer que cette difference a bien plus de portée, car de l'emploi du mot disposé il suivrait, ce me semble, qu'on pourrait par une loi disposer des rentes rachetées. Je ne crois pas que par une loi même on puisse jamais disposer des rentes amorties et rachetées par la caisse d'amortissement; ce serait, comme dit l'honorable rapporteur, un faux matériel, et une loi ne peut jamais vouloir une chose aussi immorale qu'un faux.

Je crois ensuite que ces termes pourraient avoir un autre inconvénient. Il est certain que si une loi pouvait dire simplement qu'on disposera d'une partie des rentes rachetées pour servir à des travaux ou à des services publics,

cette décision pourrait être prise fort légèrement, sans y faire toute l'attention qu'elle mérite. La loi d'amortissement n'est au fait qu'un mode de remboursement fixé par la loi, de telle sorte que vous ne pouvez aliéner les rentes rachetées par l'amortissement. C'est une chose sacrée, la loi l'a toujours indiqué ainsi.

Lorsqu'on voudra disposer d'une rente amortie, on ne pourra le faire qu'en annulant cette rente, laquelle rente annulée produira un fonds disponible que le gouvernement sera parfaitement libre d'appliquer à telle partie de dépense qui lui conviendra. Mais je crois qu'il importe beaucoup de ne pas employer le mot disposé. Remarquez bien, Messieurs, que votre honorable rapporteur, dans son savant rapport, s'est presque toujours servi du mot annulé. Que M. le ministre des finances que vous venez d'entendre s'est également servi de ce mot, et a, par là, ce me semble, approuvé l'amendement que j'ai l'honneur de vous proposer.

M. le comte Roy, rapporteur. L'amendement proposé sur cet article aurait pour objet de substituer le mot annulé au mot disposé, parce qu'on craint qu'en disant qu'il ne pourra être disposé des rentes rachetées qu'en vertu d'une loi spéciale, l'article ne semble autoriser l'emploi des rentes rachetées, en les aliénant ou en les remettant dans la circulation. Mais en reconnaissant qu'il eût mieux valu dire que les rentes rachetées ne pourraient être annulées autrement que par une Îoi spéciale, nous pensons néanmoins que les expressions de la loi ne peuvent pas donner lieu aux inconvénients que l'auteur de l'amendement voudrait prévenir ou éviter; car, en disant qu'il ne pourra être disposé des rentes rachetées autrement qu'en vertu d'une loi spéciale, le projet de loi s'est évidemment référé à l'espèce de disposition qui est autorisée par les lois relatives à l'amortissement. Or, la loi du 28 avril 1816 porte, en termes exprès, que les rentes rachetées sont immobilisées, et qu'elles ne pourront être remises en circulation, à peine de faux, contre les acheteurs et les vendeurs; et cette loi n'est pas abrogée sous ce rapport et relativement à cette disposition.

M. Humann, ministre des finances. Si nous n'étions pas à la fin de la session, je ne m'opposerais pas à l'adoption de cet amendement; mais je ferai remarquer que si on introduisait un amendement, il faudrait représenter la loi à la Chambre des députés. Par conséquent, il n'y aurait point de loi d'amortissement, ce qui serait un grand malheur.

Que l'honorable auteur de l'amendement veuille bien se rassurer malgré que le mot annulé ait quelque chose de plus expressif, de plus direct, Tintention du gouvernement, et le gouvernement ne peut pas ne pas avoir cette intention, est de n'opérer que par voie d'annulation.

M. le duc de Praslin. D'après l'explication donnée par M. le comte Roy et M. le ministre des finances je demande que cette explication soit consignée au procès-verbal, et je retire mon amendement.

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dette consolidée. Le remboursement n'aura lieu qu'en vertu d'une loi spéciale. »>

M. le marquis de Laplace. Je demande la permission de faire une très courte observation sur une expression qui est introduite dans la loi pour la première fois et qui me paraît exiger une explication.

Qu'entend-on par dette consolidée ? Est-ce l'ensemble des rentes 5, 4 1/2, 4 et 3 0/0 actuellement en circulation, ou bien seulement les rentes 5 0/0 consolidées, dans le sens que cette expression a eu dans l'origine?

M. Humann, ministre des finances. On entend l'ensemble de la dette qui se trouve inscrite au grand-livre.

M. le comte Roy, rapporteur. Je reconnais qu'il eût été préférable que le projet de loi, au lieu des mots dette consolidée, eût employé ceux de dette fondée ou de dette inscrite; toutefois, il est évident qu'il n'a parlé de la dette consolidée que par opposition avec la dette flottante. Il n'y aurait d'inconvenient dans les expressions de dette consolidée qu'autant que, dans le projet, elles s'appliqueraient spécialement à une espèce de rentes, comme si on eût dit, par exemple, la rente 50/0 consolidée.

Cette observation doit suffire pour que la Chambre soit convaincue qu'on ne peut véritablement pas attacher aux mots rente consolidée, qui se trouvent dans le projet, un autre sens que celui que je viens d'expliquer.

M. le Président. Je dois consulter la Chambre pour savoir si elle désire ouvrir samedi la discussion générale sur l'emprunt grec: le rapport sera distribué demain à domicile.

La Chambre décide qu'elle ouvrira samedi 8, la discussion générale sur le projet de loi relatif à l'emprunt grec.

M. le Président. La Chambre va maintenant voter par voie du scrutin secret sur l'ensemble de la loi relative à l'amortissement. Résultat du scrutin :

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CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. DUPIN.

Séance du jeudi 6 juin 1833.

La séance est ouverte à une heure et demie. Le procès-verbal est lu et adopté.

M. le Président. L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de loi sur les travaux publics à continuer ou à entreprendre.

Sur l'article 16 (devenu art. 11), relatif aux phares et fanaux, M. Arago a demandé la parole.

M. Arago. L'article relatif aux lacunes des routes a donné lieu, dans le sein de la Chambre, à une vive discussion. Cette discussion est née

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