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tissaient du même droit; et la législation de 1599, malgré sa simplicité, ou plutôt par suite même de cette simplicité, qui était injuste dans presque tous les cas, n'a produit que très peu de résultats.

Ce fait grave dut nécessairement avoir une grande influence sur les méditations du législateur en 1807; et la loi de cette époque porte visiblement le caractère de cette preoccupation. L'injustice, d'une part, toujours semblable, consacrée par la loi de 1599, au profit de l'entrepreneur, faisait sentir le besoin de fixer cette part en raison des circonstances locales, et l'on tombe ainsi dans un excès contraire à celui de 1599. Au lieu d'un mode inflexible dans l'évaluation du partage de la plus-value, on recourut à une division de classes dans les terrains desséchés, à une estimation de chaque classe. L'on voulut que l'évaluation fùt faite avant le travail, puis refaite après: dispositions justes, toutes compliquées qu'elles soient, mais qui furent profondément viciées par les formes plus compliquées encore de leur exécution, et surtout par l'arbitraire qui se glissait sous ces formes, et qui n'était pas moins destructif des droits de la propriété que l'édit de 1599.

Les discussions approfondies des deux Chambres, sur la nouvelle loi d'expropriation, me dispensent, Messieurs, de vous retracer ici tous les inconvénients de confier à des experts l'appréciation des propriétés. Ces inconvénients sont évidemment les mêmes pour l'évaluation d'une plus-value; on peut même assurer qu'ils sont plus grands encore, car on a moins d'éléments pour fixer une plus-value après un travail de dessèchement, que pour prononcer sur la valeur d'une propriété pour laquelle il existe des baux, et qui, depuis longtemps, est frappée par l'impôt.

Mais ce fut là le moindre mal produit par la loi de 1807; elle ne se borna pas à changer le mode d'évaluation de la plus-value: le législateur, convaincu que la loi de 1599 était mauvaise sous tous les points, changea aussi le mode qu'elle avait fixé pour le payement de l'indemnité à l'entrepreneur, celui d'un partage dans le terrain desséché.

Ainsi que je vous l'ai dit, la loi de 1807 autorise les propriétaires à payer la part qu'ils doivent à l'entrepreneur pour la plus-value déterminée dans leurs terrains par ses travaux, au moyen d'une rente de 4 0/0 de ladite plus-value.

Messieurs, il ne faut pas s'étonner, sans doute, qu'on ait pu croire à la bonté d'une telle conception, dans un temps où les idées industrielles étaient encore si peu répandues; où l'on connaissait si peu et les bienfaits de l'association et les voies suivant lesquelles elle procède et se

Ce mode de payement était tellement contraire aux usages et aux nécessités de l'industrie, que l'on ne cite qu'un seul exemple de dessèchement opéré suivant les prescriptions de la loi de 1807, celui des marais de l'Anthie, et cet exemple même prouve les vices radicaux de cette loi, car les bénéfices de l'opération ont été dévorés par les procès.

Et cela se comprend facilement: l'industrie ne peut trouver de capitaux qu'à la condition de leur assurer une facile et rapide reproduction et la loi de 1807 a complètement méconnu cette nécessité fondamentale. En obligeant les entrepreneurs à se contenter d'une rente pour le payement de leurs travaux, elle les a mis dans

l'impossibilité presque complète de réunir les fonds nécessaires pour leur opération.

Les capitaux oisifs qui veulent une rente, Messieurs, la trouvent au Grand-Livre; mais ceux qui veulent entrer dans l'industrie, ne consentent à ne courir les chances qu'à la condition d'en avoir les avantages, et ceux de l'industrie, c'est la prompte réalisation du capital et des bénéfices; c'est la circulation.

Or, le mode de payement constitué par la loi de 1807 ne donne pas cette facilité; car cette rente constituée sur les propriétaires souvent très nombreux d'un marais, est d'un écoulement excessivement difficile, soit en raison de sa nature spéciale, soit en raison des difficultés et des charges de sa perception.

Le but d'un entrepreneur de dessèchement, il ne faut pas s'y tromper, ne peut être que de faire un travail d'art dont son intelligence lui a appris les avantages, et à réaliser, après ce travail, et les bénéfices qu'il a créés, le capital même qu'il a employé, pour aller les appliquer ailleurs à une autre opération du même genre. Et remarquez, Messieurs, combien l'intérêt du pays est engagé à ne pas enchaîner, pour ainsi dire, au sol, l'industriel qui l'a fécondé, et à l'obliger ainsi à se transformer en propriétaire, exploitant ou affermant, deux choses également contraires à ses goûts et à la nature de son talent. Remarquez qu'en facilitant la réalisation du bénéfice et la reproduction du capital, vous donnez la possibilité d'exécuter en peu de temps les travaux les plus considérables, car la principale difficulté qui s'oppose, en France, aux grands travaux, c'est l'absence des capitaux. On supplée à la quantité, Messieurs, par la facilité de circulation. Et quand le même capital pourra, au moyen de bonnes dispositions législatives, passer successivement d'un travail à un autre, constamment suivi et accru de son bénéfice, l'assainissement complet du sol de la France se réalisera en peu d'années.

Vous assurez ce résultat au pays, en reprenant à l'édit de 1599 sa pensée principale, celle di payement de la part de plus-value due à l'entre preneur, par une portion de la terre elle-même. En vous proposant, d'ailleurs, ce retour à 1 pensée de notre ancienne législation, je n'obe pas seulement à une conviction établie théori quement sur les nécessités actuelles de l'industrie, je ne vous propose, Messieurs, que de consacrer législativement le mode suivi par tous les entrepreneurs de dessèchement, et je m'engage à rapporter la preuve que la presque tot lité des opérations de ce genre qui s'est faite, ne l'a été que lorsque les entrepreneurs ont pu transiger avec les propriétaires et fixer à l'amiable la portion de terre qui leur serait allouée.

par là, en effet, les entrepreneurs se sont assurés une facile réalisation de leurs bénéfices et de leur capital, et c'est ainsi, par exemple, que la compagnie de dessèchement existante aujourd'hui, à constamment procédé; c'est ainsi que jusqu'ici, elle a obtenu des résultats satisfaisants et que le pays lui est redevable de travaux importants.

Je me suis donc proposé deux buts principaux, dans la rédaction du projet de loi que j'ai l'honneur de vous soumettre le premier, c'est de dégager l'industrie de dessèchement des formalités inextricables, des délais sans terme que lui a imposés la loi de 1807; le second, c'est de faire consacrer par la loi le résultat d'une longue

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cas d'avis favorable, celui-ci dépose dans le mois au plus un cautionnement, égal au 10 de la dépense présumée des travaux.

Sur le dépôt du cautionnement, une ordonnance royale autorise, dans le plus bref délai, l'entrepreneur à opérer ledit dessèchement.

TITRE III.Formalités préliminaires
au dessèchement.

Art. 13. L'ordonnance royale autorisant le dessèchement est accompagnée d'un cahier des charges fixant les conditions générales et spéciales du dessèchement, et notamment les délais dans lesquels chaque partie de travaux doit être exécutée chaque année.

Le cahier des charges fixe le mode d'institution du cautionnement.

S'il y a lieu à quelque expropriation, l'ordonnance royale en fait mention.

Art. 14. Toutes les formalités prescrites par le titre II de la loi sur l'expropriation pour cause d'utilité publique sont remplies par l'entrepreneur, non seulement pour les propriétés à exproprier, mais encore pour toutes celles que l'entrepreneur jugera devoir profiter du dessèchement.

A cet effet, et sur le plan parcellaire exigé par les articles 4 et 5 de la loi d'expropriation, l'entrepreneur trace le périmètre des terrains qui doivent profiter du dessèchement, et dans ce périmètre, il désigne par des teintes différentes les diverses classes de terrains définies au titre ler de la présente loi, de manière à ce que tous les propriétaires intéressés, et la commission instituée par les articles 8 et 9 de la loi d'expropriation, puissent fournir, en toute connaissance de cause, leurs contredits et observations.

Art. 15. Si, après l'accomplissement des formalités ci-dessus, tout ou partie des propriétaires n'ont pu se mettre d'accord avec l'entrepreneur, soit sur la valeur des biens à exproprier, soit sur le périmètre des terrains affectes par le dessèchenient, soit enfin sur la classe dans laquelle doivent être rangées les diverses propriétés, le préfet transmet au procureur du roi dans le ressort duquel les biens sont situés, l'ordonnance d'autorisation de dessèchement et toutes les pièces relatives aux formalités ci-dessus.

Art. 16. Dans les trois jours, et sur le vu des pièces constatant que toutes les formalités prescrites par le titre II de la loi d'expropriation ont été remplies, le tribunal prononce, s'il y a lieu, l'expropriation pour cause d'utilité publique, des terrains ou bâtiments indiqués dans l'arrêté du préfet.

Le même jugement commet un des membres du tribunal pour remplir les fonctions attribuées par le titre IV, chapitre II, de la loi d'expropriation, au magistrat directeur du jury institué par ladite loi.

La constitution et les formes de procédure du jury, en matière de dessèchement, sont les mêmes que celles qui sont fixées par la loi d'expropriation pour la fixation des indemnités.

Le jury se rassemble une première fois pour fixer:

1° Les indemnités pour cause d'expropriation; 2o Le périmètre des terrains qui doivent profiter du dessèchement;

3o Dans ce périmètre, les 4 classes de terrains mentionnés à l'article 2.

Art. 17. Si, d'après les décisions du jury, l'en

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Art. 18. Durant le cours des travaux de dessèchement, les canaux, fossés, rigoles, digues et autres ouvrages sont entretenus et garantis aux frais des entrepreneurs de dessèchements.

Art. 19. Dans le cours de l'exécution des travaux, l'entrepreneur ne peut faire aucun changement, soit dans le système du projet approuvé par l'Administration, soit dans l'ordre de travaux prescrit, qu'après l'avoir soumis à l'ingenieur en chef, et par les soins de celui-ci à l'Administration supérieure. Lesdits examens doivent être terminés dans le délai de deux mois.

Art. 20. Aussitôt que les travaux sont terminés, ils sont reçus par une commission composée d'un membre du conseil général du département, délégué par le préfet, de l'ingénieur ordinaire d'arrondissement, et l'ingénieur en chef, président.

Dans le cas où l'opération serait très importante, l'Administration peut déléguer spécialement un inspecteur divisionnaire, et la commission est alors composée du membre du conseil général du département, de l'ingénieur en chef et de l'inspecteur divisionnaire.

La commission est réunie sur les lieux par le préfet, un mois au plus après la notification par l'entrepreneur de l'achèvement des travaux.

La commission accomplit sans délai ni remise sa vérification, en présence de l'entrepreneur. Procès-verbal des opérations est dressé.

Le procès-verbal est adressé, dans la quinzaine, à l'autorité supérieure, et un arrêté ministériel, en suite de ces diverses opérations, est notifié au préfet, et donne réception des travaux de l'entrepreneur.

Art. 21. Si, par la faute de l'entrepreneur, des propriétaires, des communes chargés du dessechement, telle que négligence constatée, défaut de fonds, ou toute autre cause, sauf celle de force majeure, les travaux n'ont pas été exécutés dans l'ordre et le temps prescrits, l'autorité, sur le compte qui lui en est rendu, et après une mise en demeure préalable, peut, dans les trois mois, prononcer la déchéance.

Dans ce cas, l'adjudication est ouverte sur une mise à prix fixée par l'entrepreneur ou ses ayants-cause, et s'il ne se présente aucun enchérisseur, elle est remise au mois, et s'ouvre sur une mise à prix fixée par l'Administration. La somme en provenant est remise aux ayants-droit.

TITRE V. Partage des terres après les travaux.

Art. 22. L'arrêté ministériel mentionné à l'article 20 est notifié, dans les 8 jours, par le préfet aux parties intéressées.

En même temps, le préfet convoque à 30 jours le jury.

Pendant le délai, l'entrepreneur divise en 12 lots égaux chacune des propriétés comprises dans le périmètre de dessèchement, et pour lesquelles il n'a pu s'entendre à l'amiable pour le partage avec le propriétaire.

Art. 23. Le jury décide la part afférente à l'entrepreneur sur chaque propriété, d'après les bases suivantes :

Pour les terrains compris dans la première classe mentionnée à l'article 1er, la part affé

rente à l'entrepreneur est au minimum, 6 lots sur 12, au maximum 10 lots.

Sur la deuxième classe, au minimum 4 lots, au maximum 8 lots.

Sur la troisième classe, au minimum 2 lots, au maximum 6 lots.

Sur la quatrième classe, au minimum 1 lot, au maximum 4 lots.

Dans les limites ci-dessus fixées, le propriétaire choisit à sa convenance parmi les 12 lots dans lesquels sa propriété est divisée.

Procès-verbal est dressé du partage et du choix. Art. 24. A défaut, par un propriétaire, de faire connaître son choix, le sort est décidé en présence du jury.

Le jury n'a pas à connaître des partages faits à l'amiable.

Art. 25. Le procès-verbal de partage, constituant un titre nouveau de propriété pour toutes les parties, est homologué dans les 8 jours, par le tribunal de première instance du chef-lieu, inscrit au bureau des hypothèques, et soumis au droit fixe de 1 franc.

Art. 26. Toutes hypothèques, existant sur anciennes propriétés, sont réparties sur les propriétés nouvelles. La part afférente à l'entrepreneur en est de droit dégrevée.

TITRE. VI.

Conservation et entretien des travaux.

Art. 27. Immédiatement après les partages, il est formé entre les propriétaires, sous la présidence du sous-préfet, un syndicat de 3 à 9 membres, selon que le préfet en décide et sauf recours à l'autorité supérieure.

Ce syndicat est chargé par tous les propriétaires, de la garde et conservation des travaux.

Il en détermine le mode, en fixe les frais, et la cotisation annuelle à payer par chaque propriétaire au prorata de sa part.

Il peut être appelé des décisions du syndicat, au préfet en conseil de préfecture.

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Art. 28. Si les travaux de desséchement causent des chômages ou des diminutions dans le volume des eaux d'une usine, l'évaluation de ces dommages est de la compétence du jury.

Art. 29. Tous doinmages contre les travaux de desséchement sont poursuivis comme délits de grande voirie.

Art. 30. Dans le cas où un projet de desséchement comprendrait en même temps un système d'irrigation dans le périmètre des terrains desséchés, toutes les règles ci-dessus établies seront applicables.

Art. 31. Toute mutation de propriété de terrains desséchés n'est soumise, pendant les trois premières années du partage, qu'au droit fixe de 1 franc, pour l'enregistrement des actes de propriété.

Art. 32. Tout terrain desséché n'est pas augmenté d'impôt pendant 25 ans.

Art. 33. Pour toutes les demandes en concession de desséchement pour lesquelles il existe des études faites par entrepreneurs et déposées pour vérification, entre les mains de l'ingénieur en chef, les propriétaires seront, aussitôt que l'entrepreneur en aura fait la demande, mis en demeure, par l'Administration, d'opérer le desséchement, en prenant les études de l'entrepreneur, et les lui remboursant conformément à l'article 6

T. LXXXIV.

| de la loi du 16 septembre 1807. Le droit d'option devra être exercé dans le délai de trois mois.

M. le Président. La proposition est-elle appuyée? (Oui! oui!) La discussion est ouverte : la parole est à M. Jaubert.

M. le comte Jaubert. Messieurs, l'honorable M. Laffitte a présenté à la Chambre, il y a 15 jours, un projet de loi fort important sur le desséchement des marais. La lecture de cette proposition a été autorisée par la majorité des bureaux. Moi-même, j'ai pressé l'honorable M. Laffitte de vous en présenter les développements, l'avertissant en même temps, qu'à mon sens, elle présentait des dangers pour la propriété, et que les garanties qu'il proposait à cet égard n'étaient pas suffisantes.

Aujourd'hui, je me proposais de combattre au fond cette proposition, mais j'en appelle à l'honorable M. Laffitte lui-même. La proposition qu'il vient de vous lire à la suite de ses développements est entièrement différente de celle qui avait été autorisée par les bureaux. Averti peutêtre par les premières réclamations que sa première proposition a soulevées, l'honorable M. Laffitte a cherché à la mettre en harmonie avec la loi d'expropriation forcée, pour cause d'utilité publique, que vous avez votée dans la dernière session, et à laquelle la Chambre des pairs vient de consacrer une discussion approfondie; cette loi vous reviendra bientôt...

Voix nombreuses: Elle est revenue!

M. le comte Jaubert. Quant à présent, Messieurs, il me suffit d'insister sur ce point que la proposition actuelle n'est pas la même que la première. Je conçois que, dans l'intervalle d'une lecture à un développement, il soit permis à un membre de la Chambre, d'apporter quelques légers changements de rédaction à une proposition; mais vous concevez que le règlement serait éludé si, à la faveur de cette faculté, on venait subitement vous présenter un projet tout à fait nouveau. J'ose assurer à la Chambre qu'ayant apporté tout à l'heure la plus grande attention à la lecture de l'honorable M Laffitte, je puis dire que le projet qu'il vient de lire est entièrement différent de celui qu'il nous avait présenté d'abord.

Je me borne donc à élever, contre la nouvelle proposition de M. Laffitte, une fin de non-recevoir fondée sur le règlement. Je demande qu'elle soit de nouveau renvoyée dans les bureaux. Si la Chambre n'adopte pas ma proposition, je demanderai à combattre au fond, et la première, et la seconde proposition de l'honorable M. Laffitte.

Je saisirai cette occasion, pour faire remarquer à la Chambre que cette question est du plus haut intérêt. Il s'agit de 5 à 600,000 hectares, qualifiés avec plus ou moins de raison, du nom de marais, et dont la plupart appartiennent aux communes. Messieurs, vous venez de voter une loi sur les attributions communales, dans laquelle vous avez inséré les précautions les plus sages, pour la conservation des propriétés communales. Une loi qui donnerait, en cette matière, à des individus, à des compagnies, des privilèges exorbitants qui entraîneraient une sorte de spoliation, me paraitrait fort dangereuse; et c'est entrer dans la pensée de la Chambre, que de lui demander d'apporter l'attention la plus sérieuse à cette proposition.

J'insiste donc sur la demande que j'ai eu l'honneur de vous faire, de renvoyer la nouvelle proposition de M. Laffitte, dans les bureaux.

6

M. de Tracy. Messieurs, j'ai combattu de tout mon pouvoir la modification du règlement que vient d'invoquer M. Jaubert. Sous l'ancien gouvernement, d'après les anciens règlements de la Chambre, les membres de cette Chambre jouissaient d'une faculté dont ils sont maintenant privés. Seulement, il fallait le comité secret; mais alors, la presse était soumise à la censure.

La Chambre s'est imposée une règle qui est destructive de toute liberté, et contre laquelle ses membres devraient tous réclamer. En effet, il a été démontré qu'il pouvait se faire que la minorité s'élevât presque à la moitié des membres, et que la proposition ne pût pas être lue. Mais, quel a été le but de cette modification au règlement? c'a été d'empêcher qu'une proposition scandaleuse, étrange, ne pùt surgir à la tribune. Mais ici, y a-t-il rien de semblable?

L'honorable M. Laffitte a présenté une proposition d'intérêt public et que je regarde comme de la plus haute importance. Il l'a légèrement modifiée, mais, en définitive, il est question.de desséchement des marais, c'est-à-dire de solliciter pour le pays une grande amélioration. Quand M. Laffitte aurait fait quelques modifications à sa proposition, il n'en a pas altéré le fond. Il est toujours question d'arriver à un moyen prompt de rendre à la fertilité des terrains qui en sont privés. Je le demande, y a-t-il quelque inconvénient à ce que, la proposition étant au fond la même, on s'occupât immédiatement de la prise en considération? Je sais bien qu'en s'en tenant à une interprétation judaïque du règlement, on peut dire que la proposition n'est pas la même ; mais c'est se lier les mains, c'est réduire encore un droit dont notre règlement ne nous a que trop privés. Maintenant si la Chambre veut renvoyer la proposition dans les bureaux, n'est-il pas certain que les bureaux, qui ont autorisé la premiere lecture, autoriseront la seconde? A quoi donc servirait ce renvoi ?

M. le comte Jaubert. Il n'y aurait plus de règlement avec l'interprétation de l'honorable M. de Tracy, qui vous a dit que le fond des deux propositions était le même. Sans doute, Messieurs, dans l'une comme dans l'autre, il s'agit de desséchement des marais; mais la forme est très importante dans ces matières, et si l'honorable M. Laffitte a jugé convenable de changer sa proposition, la Chambre a bien le droit de prendre à cet égard une nouvelle décision.

M. Laffitte. Toute l'argumentation de l'honorable M. Jaubert repose sur une erreur matérielle. Il a avancé que j'ai complètement changé ma proposition, ma proposition est la même. J'ai déclaré moi-même loyalement, comme je le devais, que le temps, la réflexion et de bons conseils m'ont porté à améliorer certaines dispositions. Je crois présenter aujourd'hui un projet meilleur, mais il n'en est pas moins le même; il est seulement simplifié. J'ai profité des discussions lumineuses de cette Chambre et de la Chambre des pairs sur la loi d'expropriation pour cause d'utilité publique, discussions qui m'ont permis de simplifier singulièrement mon travail et d'en modifier quelques bases. Mais je respecte trop les moments de la Chambre pour lui faire perdre du temps. La Chambre sait bien que c'est le projet de loi que j'ai primitivement proposé...

M. le comte Jaubert. Je vous demande pardon !

M. Laffitte. Je demande pardon à M. Jaubert. Comme j'ai médité mon ouvrage plus que lui, je crois être plus sûr de mon fait, et je puis l'affirmer davantage.

Au reste, je crois que la Chambre prendra ma demande en considération. L'intérêt du pays est trop évident pour ne pas s'en occuper; et s'il était possible qu'on pût l'arrêter par une fin de non-recevoir, par un défaut de forme, je demanderais, comme l'exposé des motifs et les développements sont les mêmes, qu'il faudrait encore les renvoyer dans les bureaux et perdre du temps, que la Chambre voulut bien prendre pour base ma première proposition.

Messieurs, le cas est le même, je le répète, c'est la même proposition, le même projet; ils procèdent par les mêmes moyens, et je soutiens que ce n'est pas une loi nouvellle... (Aux voix ! aux voix !) Je demande donc à la Chambre de prendre ma proposition en considération.

M. le Président. Je consulte la Chambre.

M. le comte Jaubert. Ma proposition est le renvoi dans les bureaux. La Chambre ne me refusera certainement pas le droit qui m'appartient de combattre la proposition de M. Laffitte. (Bruits divers.) Je demande la mise aux voix de ina proposition.

M. Vérollot. Je demande à faire une observation... (Aux voix! aux voix!) L'honorable M. Laffitte a reconnu lui-même qu'il avait moditié quelques-unes des bases du projet primitif. Cela seul justifie la demande de notre honorable collègue M. Jaubert. (Bruits divers.)

Messieurs, esclave du règlement, j'en demanderai toujours l'exécution. La proposition dont les bureaux ont autorisé la lecture est identique ou non. Si elle n'est pas identique, il est impossible qu'elle ne soit pas soumise aux formes du règlement. (Aux voix ! aux voix !)

M. Laffitte. Ma première proposition pourra servir de base au travail de là commission.

M. le comte Jaubert. Je demande à combattre le fond de la proposition.

M. le Président. Vous avez la parole. Mais je dois faire encore une observation. Si, lorsque M. Laffitte a été autorisé à donner lecture de sa proposition, il avait lu une proposition qui eût un seul article de différence avec la première, je l'aurais interrompu, en lui disant qu'il ne pouvait que lire strictement et littéralement celle dont la lecture avait été autorisée. Mais quand on lit des développements, c'est bien different. Il suffit, quand on développe une proposition, de rentrer dans la proposition originaire. Et, du reste, il n'est pas défendu à l'auteur de cette proposition d'indiquer des modifications qui seront, comme son discours lui-même, transmises à la commission chargée d'examiner la proposition, si la Chambre la prend en considération. Vous avez la parole.

M. le comte Jaubert. Je ne veux pas prolonger la discussion, et je demande que vous vouliez bien mettre aux voix ma proposition du renvoi dans les bureaux.

M. le Président. La proposition de M. le comte Jaubert est-elle appuyée ? (Non! non!... Oui!... Aux voix ! aux voix !)

Que ceux qui sont d'avis de renvoyer dans les bureaux ce qu'on appelle la nouvelle proposition de M. Laffitte, mais qu'il ne qualifie pas ainsi, veuillent bien se lever.

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