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Gouverne

CHAPITRE XVI

Idée du Gouvernement actuel.

I

L'ANCIEN Gouvernement continue de

Idée du fubfifter; les nouveaux Maîtres de la ment actuel. Chine n'ont fait que fe l'approprier. Le Tartare conquérant s'eft foumis aux Loix, aux ufages de la Nation conquife; il s'eft reftreint à profcrire certains abus amenés par le temps, qui détériore tout lorfqu'il ne l'améliore pas; abus qu'un fage Gouvernement ne peut ni permettre ni tolérer. La Chine, en un mot, paroît avoir gagné beaucoup par la révolution qui fembloit devoir caufer fa ruine,

Les Tartares, que les Chinois traitoient de Nation barbare, ne leur ont donné jufqu'à ce jour que des Empereurs dignes de gouverner cet Empire immenfe; & ceux-ci l'ont tous gouverné par eux-mêmes. Ces Princes ménagent plus leurs fujets conquis, que leurs fujets naturels. Qu'une difcuffion s'éleve entre un Chinois & un Tartare, il faut que le premier ait bien tort pour n'avoir pas raifon, même aux yeux des Tri

bunaux,

Idée du Gouverne

bunaux, quoique tous compofés miparties de Chinois & de Tartares. Cette politique eft facile à concevoir; mais ment aduel. elle n'en eft pas moins fage.

La plus légere faute eft févèrement punie dans un Mandarin Tartare; la plus grave, s'il eft Chinois, ne l'expofe fou vent qu'à une peine mitigée. C'est parmi les Tartares qu'on s'applique fur-tout à entretenir le goût des armes, l'efprit & la difcipline militaires. Un Officier de cette Nation eft toujours puni, pour peu qu'il néglige fes devoirs; il eft caffé, pour peu qu'il y déroge. Un Officier Chinois peut obtenir grace; l'Officier Tartare ne l'obtient jamais.

Il faut le dire: tout homme en place, à la Chine, foit dans le civil, foit dans le militaire, croit toujours voir le glaive fufpendu fur la tête. Il ne peut prévoir fa deftinée, lorfqu'il fera cité au Tribunal de l'Empereur. Le temps, la circonftance, le befoin de faire un exemple, peuvent influer fur fa punition.

Les fautes punies le plus févérement font celles qui bleffent les intérêts du peuple; & il eft difficile qu'il foit en proie à cette claffe de tyrans fubalternes, qui graduellement pourroient défoler les Tome II.

K

ment actuel.

Provinces. Tout Grand Mandarin est Idée du refponfable des fautes de fes inférieurs; Gouverne- il eft leur furveillant, &, pour ainfi dire, leur caution: il feroit puni des fautes qu'il négligeroit de connoître ou de dénoncer.

Les Lettrés font toujours en honneur ; ils jouiffent de tous leurs droits, de toutes les diftinctions attachées à ce titre : mais le Gouvernement réprime leur orgueil, & encourage leurs travaux. La févérité des examens ne permettra plus à cette claffe de fe multiplier à l'infini; elle fera moins nombreuse, plus éclairée, & plus utile.

C'eft la claffe du peuple que le Gouvernement Tartare ménage avec le plus de foin. Nulle émeute, nulle révolte ne refte impunie; mais on punit encore plus févérement le Mandarin qui peut l'avoir occafionnée, ou qui n'a point fu la prévenir. En un mot, le Gouvernement actuel eft fi rigide envers les Grands, fi modéré, fi fecourable envers le peuple, que celui-ci craindroit autant de perdre fes nouveaux Maîtres, qu'euxmêmes pourroient craindre de perdre leurs nouveaux fujets.

LIVRE I I.

DE LA RELIGION DES CHINOIS.

De la Re

ligion des

POUR R juger fainement du fystême réligieux des Chinois, il ne faut pas confondre la Religion ancienne & perfévé- Chinois. rante de l'Etat avec les fuperftitions populaires, établies dans les fiecles postérieurs. Le culte primitif des anciens Chinois s'eft invariablement foutenu jusqu'à nos jours cette doctrine des premiers temps n'a été altérée ni par la fucceffion d'une longue fuite de fiecles, ni par les révolutions politiques, ni par les rêves bizarres des Philofophes; elle est encore aujourd'hui la feule avouée par le Gouvernement, fuivie par l'Empe reur, les Grands, les Gens de Lettres, & confacrée dans l'enfeignement public. Nous allons d'abord raffembler les notions éparfes qui feront les plus propres à la faire connoître; nous donnerons enfuite le détail des Sectes modernes.

Chine.

CHAPITRE PREMIER.

De la Religion ancienne de la Chine. LE P. Amiot, Juge auffi impartial qu’é

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De la Re- clairé de la Littérature, de l'Hiftoire, ligion ancienne de la & des monumens anciens des Chinois expofe ainfi le résultat de fes longues & pénibles recherches fur l'origine de ce peuple, & fa Religion primitive: Armé de courage, & muni d'une pa» tience à toute épreuve, je me fuis mis fur les voies. J'ai marché pendant long-temps par des fentiers difficiles, » pénibles, fcabreux, & pleins de dan"gers. J'ai fait mes obfervations & mes " remarques fur tout ce qui s'eft offert » à moi. J'ai rapproché, comparé, analyfé, médité; & par une fuite de rai» fonnemens que j'ai cru folides, par » un enchaînement de preuves qui m'ont » paru bonnes, j'ai conclu en derniere inftance, que les Chinois font un peuple particulier, qui a confervé les mar» ques caractéristiques de fa premiere origine; un peuple dont la doctrine primitive s'accorde dans ce qu'elle renferme

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