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LIVRE Ï Ï Ì.

MŒURS ET USÅG E S

CHAPITRE PREMIER

Mariages des Chinois.

ON a pu remarquer certains rapports

des Chinois.

entre le Gouvernement de la Chine & Mariages quelques autres Gouvernemens de l'Afie; quelques-uns même avec certains Gouvernemens de l'Europe: Les mœurs Chinoifes ne fe rapprochent de celles d'aucun peuple connu ; & ces mœurs n'ont point varié. Les Chinois font encore ce qu'ils étoient il y a quatre mille ans', font encore ce qu'ils faifoient à cette époque reculée, & toujours de la même manierę.

La décence publique eft affez conftamment refpectée à la Chine, parce qu'elle est conftamment furveillée. Le mariage,

des

ce lien fi nécessaire, fi favorable au bon Mariages ordre, recommandé, encouragé par tous les Chinois. grands Législateurs, eft fur-tout protégé à la Chine. Rarement le mariage y donne. lieu à ces fcandales qui en troublent les douceurs dans d'autres contrées; difons mieux, qui le font plus craindre que rechercher. Les Loix prononcent des peines terribles contre le perturbateur du repos d'un ménage. On eft puni de mort pour avoir fuborné une femme, & la peine eft communément la même pour. avoir féduit une fille. Il eft vrai que dans cette double circonftance, les précautions dictées par lufage viennent au fecours animo de la Loi, & la rendent prefque fuperflue.

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Les femmes de da Chine font à peu près, condamnées à ne voir jamais le jour hors de chez elles. Voici quelque chofe de plus fortun Chinois fe marie, fans avoir même encore apperçu celle qu'il époufe: Il ne connoît fes traits & La taille que fur le que fur le rapport d'une parente ou de quelque autre femme, qui, en pareil cas, fait l'office d'entremetteufe. Il eft vrai que fi on lui en impofe ou fur Page ou fur la figure, il peut recourir au divorce. Ier la Loi vient à fon tour corriger les abus.de l'ufage, commsilon Ja

des Chinois.

Les mêmes Matrones qui négocient un mariage, conviennent de la fomme Mariages que donnera le futur aux parens de l'épou fée; car, à la Chine, ce n'eft pas le peré qui dote fa fille, c'eft le mari qui dote fa femme, ou, pour mieux dire il l'achete; elle devient fa propriété à double titre.

Ce font les parens de la fille qui fixent le jour de la célébration. Ils ont foin de confulter le calendrier, pour choifir un jour heureux; car ils en admettent de deux efpeces. Durant cet intervalle, les deux familles fe font des préfens récipro ques. Le futur envoie à celle qu'il doit époufer, quelques bijoux, tels que des bagues, des pendans d'oreilles, &c. On s'écrit des deux parts, mais on ne fe voit point encore; le tout eft porté par des

mains tierces.

Le jour de la cérémonie étant arrivé, on place la fiancée dans une chaise ou dans un palanquin fermé. Tout ce qui compofe fa dot la précede & la fuit, porté par différentes perfonnes des deux fexes d'autres l'entourent avec des torches & des flambeaux, même en plein midi. Une troupe de Muficiens, fifres, hautbois, tambours, précede fa chaise,

des Chinois,

& fa famille la fuit. La clef qui la renMariages ferme dans fa chaife eft entre les mains d'un domestique de confiance: il ne doit la remettre qu'au mari. Celui-ci, richement vêtu, attend à fa porte l'arrivée du cortége. On lui remet cette clef; il ouvre avec empreffement la chaife ; &, du premier coup-d'œil, il peut apprécier fa chance, il voit fi on l'a bien ou mal fervi. Il arrive quelquefois que l'époux mécontent referme fubitement la chaife & renvoie la fiancée chez elle. Il lui en coute feulement, pour s'en débarrasser la fomme qu'il a donnée pour l'obtenir. Si l'époufe eft agréée, elle defcend de fa chaife, & entre avec l'époufé, fuivis l'un & l'autre de leurs parens, dans une falie où le couple nouvellement uni salue quatre fois le Tien, & enfuite les parens de l'époux. Auffi-tôt la mariée est remife entre les mains des femmes qu'on a invitées à la cérémonie. Elle leur donne une fête qui dure tout le jour. Le nouveau marié en ufe de même avec ses convives. C'eft ce qui arrive dans tous les grands repas Chinois; les femmes s'amufent entre elles, & les hommes fe traitent de leur côté.

Nous parlons ici des cérémonies du

mariage ufitées pour les perfonnes d'un rang mitoyen. Le fafte augmente en pro- Mariages portion du & des richeffes des deux conjoints; il diminue dans la même proportion,

rang

On a vu, dans le chapitre des Loix civiles, qu'un Chinois ne pouvoit avoir qu'une femme légitime, & pouvoit, en même temps, acheter plufieurs concubines. Les anciens peuples n'établirent cet ufage qu'en faveur de la population. C'eft auffi le motif dont fe fert tout Chinois qui affecte de garder quelques ménagemens avec fa femme. Il lui fait fur-tout entendre que, s'il prend des concubines, c'eft dans la vue de lui pro curer un plus grand nombre de femmes pour la fervir.

Elles font en effet fes fervantes plutôt que ses rivales en autorité. La fienne s'étend fur elles comme fur les fimples domeftiques de la maifon. Les enfans qu'elles font font même fuppofés lui appartenir être les fiens; mais auffi ils partagent avec les fiens propres la fucceffion paternelle. Vient-elle à mourir,? ils font obligés de porter fon deuil durant trois ans, de s'abfenter des examens, de quitter leurs charges, leurs

des Chinois.

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