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il se venge communément par adreffe Coup d'œil & dès-lors avec impunité. Les grands fur le carac crimes font rares chez les Chinois; les tere général es Chinois. vices le font moins; & les Loix ne les recherchent, ne les puniffent que quand la décence publique eft outragée.

Les mœurs des Tartares conquérans de la Chine different, par de fortes nuances, des moeurs de la Nation conquife. Ils n'ont pris d'elle que des ufages, & ont gardé leur caractere. Le Tartare eft obligeant, libéral, ennemi de toute diffimulation, & plus occupé à jouir de fa fortune qu'à l'augmenter. Il apporte dans les travaux même du cabinet, une pénétration qui en abrege pour lui les difficultés & dans les affaires, cette activité expéditive, qui en eft l'ame. Un jugement prompt, rapide, le fert mieux, & toujours plus à propos, que la profonde & tardive méditation du Chinois. En un mot, c'eft peu d'avoir fur celuici l'afcendant des armes, le Tartare peut encore lutter avec lui fur tout le refte.

Mais voulez-vous trouver parmi les Chinois de la franchife, une bienveillance fecourable, de la vertu enfin? cherchez-la moins dans les villes qu'au fein

dans cette claffe d'hom

Coup d'œil fur le carac tere général

de la campagne, mes livrés aux travaux de l'agriculture. Le Laboureur Chinois déploie fouvent des qualités morales qui illuftreroient des Chinois. des hommes d'un rang plus élevé. Il femble que la vie agrefte infpire naturellement la bienfaifance: on recueille fans ceffe les préfens de la Nature, & on s'accoutumé à les répandre. Il fạudroit au furplus n'avoir pas la moindre notion des Annales de la Chine, pour ignorer qu'elle a produit de grands Hommes dans tous les genres & puifés dans toutes les claffes. Ce peuple, tel qu'il existe, est, à coup sûr, pour tout le refte de la terre, le plus curieux monument que nous ait tranfmis la haute Antiquité.

v.

LIVRE IV.

LITTÉRATURE, SCIENCES
ET ARTS DES CHINOIS.

Chinoife.

CHAPITRE PREMIER.

Langue Chinoife.

LA Langue Chinoife eft non feuleLangue ment une des Langues les plus anciennes de l'Univers; elle joint encore à cet avantage, celui d'être probablement la feule des premiers âges qui foit encore parlée & vivante. Mais cette Langue n'a-t-elle pas variée, n'a-t-elle fubi aucune altération pendant le cours de quatre mille ans & le chinois moderne eft-il véritablement celui que parloient les contemporains d' Yao? On ne peut l'affurer, & appuyer cette affertion de preuves rigoureuses; mais toutes les vraifemblances femblent fe réunir pour

établir cette identité, & faire croire que le fond de cette Langue eft conftam- Langue Chinoife. ment refté le même.

1o. On n'apperçoit dans l'Hiftoire ni même dans les traditions les plus fabuleuses, aucun fait qui porte à douter que la Langue des premiers Chinois ait été différente de celle que parlent les Chinois modernes,

2. La Chine n'a point changé d'habitans; la poftérité du premier peuple qui eft venu s'y établir, y fubfifte encore aujourd'hui. Si, dans la fuite, à des époques connues, des révolutions ont opéré le mélange de la nation primitive avec quelques autres peuples, il paroît du moins, par les monumens les plus authentiques, que la Langue ancienne est restée la dominante, & que les nouveaux Colons l'ont apprife & parlée, comme les Tartares Mantchoux depuis leur conquête.

3. Les Lettrés les plus inftruits & les plus circonfpects conviennent unanimement que les premiers chapitres du Chou-king furent écrits fous le regne d'Yao (2300 ans avant J. C.), ou au plus tard fous celui d'Yu on y rapporte, mot pour mot, plufieurs difcours

Langue

de ces premiers Empereurs, & il n'est Chinoife. pas vraisemblable de croire que la Langue de ces Princes ait été différente de celle de l'Hiftorien.

4°. Le temps a refpecté le compli¬ ment adreffé par un vieillard à Yao, & la réponse que lui fit ce Prince (*). On a auffi confervé deux chanfons faites fous le même regne (**).

5. Les plus anciennes infcriptions de la Chine font toutes en chinois,

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(*) Yao faifoit la vifite de fon Empire; un vieillard s'écria du milieu de la foule: Que le Ciel, ô grand Monarque, prolonge vos jours pendant bien des années, vous accorde une nombreufe poftérité, & vous rende le maître de tous les tréfors du monde «<! » Vous vous trompez dans vos fouhaits, lui répondit » Yao: de grandes richeffes entraînent beaucoup de foins; » une nombreuse postérité cause bien des chagrins; &

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une longue vie fouvent fe flétrit d'elle-même «. — - Avoir » de grandes richeffes, reprit le vieillard, & les verfer dans le fein des malheureux, eft une fource de plaifirs: file Ciel accorde une poftérité vertueuse & innocente, plus elle eft nombreuse, plus il eft doux d'être pere: fi la » vertu regne dans le monde, on n'a jamais affez vécu avec ceux qui la pratiquent; fi elle eft négligée, on va la cultiver dans la folitude, & l'on s'éleve enfuite, fur un nuage de lumiere, jufqu'au trône du Chang-ti «. (**) Voici l'une de ces chanfons: » Quand le foleil com» menfe fa course, je me mets au travail, & quand il

defcend fous l'horizon, je me laiffe tomber dans les » bras du fommeil. Je bois l'eau de mon puits, je me » nourris des fruits de mon champ : qu'ai-je à gagner ou à perdre à la puiflance de l'Empereur «<?

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