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Loix & Procédure

un nombre d'autres copies, tant en Langue Chinoife qu'en Langue Tartare, & l'Empereur les foumet encore à l'exa- criminelles. men d'un pareil nombre de Docteurs, foit Tartares, foit Chinois.

Tels font les foins que le Maître de plus de cent millions de fujets s'impose à lui-même , pour ne pas risquer d'en perdre un feul mal-à-propos.

Lorfque le crime eft très-énorme & bien prouvé, l'Empereur écrit de fa main au bas de la Sentence: Aussi-tốt qu'on aura reçu cet ordre, qu'on l'exécute fans aucun délai. S'agit-il d'un crime rangé dans la claffe ordinaire, mais que la Loi punit de mort? l'Empereur écrit au bas de l'Arrêt: Qu'on retienne le criminel en prifon, & qu'on l'exécute au temps de l'automne. C'est que généralement on n'exécute les criminels qu'en automne tous le même jour. L'Empereur ne figne jamais un Arrêt de mort, nous ne dirons point qu'à jeun, mais qu'après s'y être préparé par le jeûne.

&

Il a, comme prefque tous les Souverains, le pouvoir de faire grace; mais luimême, pour le maintien du bon ordre, s'en interdit le plus fouvent l'ufage. Les feuls cas d'exception font en faveur du fils d'une

Procédure criminelles.

veuve qui a gardé la viduité; de l'hériLoix & tier d'une ancienne famille, qui n'a pas lui-même d'héritier; des descendans de grands Hommes, ou de Citoyens qui ont bien mérité de la Patrie; & enfin des fils ou des petits-fils d'un Mandarin qui s'eft illuftré, ou même diftingué dans fes emplois. Un homme parvenu à une extrême vieilleffe, un enfant ne peut être traduit à aucun Tribunal. On fait grace au fils d'un pere & d'une mere tous deux fort âgés, quand ce pardon ne porte pas atteinte au bien ou au repos public; & fi les fils de tels pere & mere font tous coupables, ou complices du même crime, on fait grace au plus jeune, pour confoler & fervir les auteurs de fes jours.

Point de vexations inutiles, ni anticipées, ni arbitraires dans la procédure criminelle des Chinois. Les accufés ne font réputés coupables, que lorfqu'ils font convaincus & condamnés. Jufque-là ils jouiffent de toutes les reffources qui peuvent adoucir leur fituation. A la liberté près, ils ne font privés de rien.

Un Geolier qui vexeroit l'accufé détenu en prifon; un Juge fubalterne qui l'affujettiroit à des gênes que la Loi

Loix & Procédure

n'autorise pas; un Juge fupérieur qui oferoit prendre fur lui d'ajouter à la rigueur de cette Loi; tous font punis, criminelles. &, pour le moins, deftitués.

Il eft permis à tout proche parent d'un accufé reconnu coupable, de fe mettre à fa place pour fubir le châtiment que lui inflige la Loi, fi toutefois la peine eft légere, & fi l'accufé eft fon ancien. Le P. du Halde cite l'exemple d'un fils dont le pere venoit d'être condamné à la bastonnade. Le jeune homme se précipite fur le corps de fon pere, & demande à grands cris d'être puni à fa place. Le Mandarin, touché de ce noble dévouement, fit grace au coupable; tant la piété filiale eft respectée à la Chine.

Les fils, les petits-fils, la femme, les freres d'un Chinois condamné à l'exil, font autorisés à le fuivre, & à fe fixer auprès de lui. Les parens de toute espece d'accufé peuvent lui porter dans fa prifon tous les fecours qui font en leur pouvoir. On les y invite, loin de les rebuter.

On vante bien moins à la Chine la fagacité d'un Juge qui a fu démêler un coupable à travers tous les détours qu'il emploie pour échapper au châtiment,

criminelles.

qu'on n'eftime, qu'on n'admire celle du Loix & Juge qui a fu reconnoître un innocent Procédure à travers toutes les rufes la calomque nie employoit pour le perdre. L'Empereur lui-même place au nombre des années qui honorent le plus fon regne, celles où le glaive de la Justice a eu le moins d'occafions de frapper.

Police intérieure des villes

de la Chine.

CHAPITRE VII I. Police intérieure des villes de la Chine.

ON a déjà pu remarquer bien des

traits de reffemblance entre le Gouver nement de la Chine & le nôtre: on en trouvera jufque dans l'administration intérieure de nos villes & des fiennes. Paris eft divifé en différens quartiers; chaque ville Chinoise l'eft auffi. Là chaque quartier a un Chef qui veille fur un certain nombre de maifons; il répond de tout ce qui s'y paffe contre le bon ordre; & s'il néglige d'en être inftruit, s'il néglige d'en informer le Mandarin Gouverneur, il eft puni comme les réfractaires.

Les peres de famille font des Infpecteurs d'un autre genre. Chacun d'eux

répond de ses enfans & de fes domestiques, par la raifon qu'il a fur eux toute efpece d'autorité.

Police intérieure des villes

Les voifins même répondent de leurs de la Chine. voifins; ils doivent tous s'entre-fecourir, s'entr'aider, foit dans le cas d'un vol, foit dans le cas d'un incendie, & fur-tout fi ces accidens font nocturnes.

Chaque ville a fes portes; chaque rue a fes barrieres: toutes fe ferment quand la nuit commence. Il y a d'efpace en espace des fentinelles qui arrêtent les paffans, lorsque la nuit est déjà tant soit peu avancée. Une patrouille à cheval fait communément fa ronde fur les remparts pour le même objet. On arrête indifféremment le citoyen diftingué, l'homme du peuple, & le malfaiteur, qui, à la faveur des ténebres, croit pouvoir le fouftraire à toute recherche.

Il
eft rare que les gens d'une claffe tant
foit peu élevée, s'exposent à cet affront.
La nuit, difent les Magiftrats Chinois,
eft faite pour le repos, & le jour pour
le travail.

Le jour, on veille encore aux portes de chaque ville fur ceux qui s'y introduifent. Chaque porte eft garnie, à ce fujet, d'une bonne garde: on examine

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