LE CORRESPONDANT LA POLITIQUE D. LA HAINE I Si j'avais l'honneur d'être un des anciens ministres du 16 mai, je voudrais arborer à mon chapeau le fameux ordre duiour, dit de flétrissure, voté par la Chambre des députés. Seulemet je prendrais la liberté de le signer du seul nom de son véritableinspirateur et rédacteur, M. Gambetta. Ce serait assez pour ma ven;eance d'apprendre ainsi à tout venant que celui qui accuse les altres d'avoir conduit le pays à la veille de la guerre civile, c'est M. Gambetta, et que celui qui ose parler du mal que d'autres ont fait & la France, et qu'il est en train, lui, de réparer, c'est encore M. Gambetta! Jamais le cynisme de la haine et la confiance effrontée dans la sottse publique ne se sont affichés avec plus d'insolence. A Rome or se demandait qui pourrait supporter les Gracques se plaignant des séditions qu'ils avaient fomentées ; Quis tulerit Gracchos de seditione querentes? Chez nous on fait bien mieux que de les supporter, on les adule, on les met sur le pavois, le suffrage universel n'obéit qu'à leur mot d'ordre, et le gouvernement ne se hasarde à donner un avis qu'après avoir humblement pris le leur. En ce moment tout maire qui se refuse à placarder dans sa commune la prose boursouflée et veniN. SÉR. T. LXXVIX (CXV DE LA COLLECT.) 1 LIV. 10 AVRIL 1879. 1 2 qué. C'est juste le con meuse du tribun est impitoyablement relise la pièce officielle; traire de ce qui devrait avoir lieu. à violente provocation à la contre les autres que le seul justifier les plus énergiques Et qu'on ne vienne pas dire s'agit uniquement de quelques personnages politiques des plusidérables, tenus en haute estime par ceux-là mêmes qui prétert les flétrir et sachant parfaitement à quoi s'en tenir sur la vale d'une sentence rendue sans débats contradictoires, sans la co arution des prévenus, et par un tribunal qui vient de se décer dessaisi. L'excuse ne mériterait pas plus d'être prise au sérj que le jugement lui-même. Dans un procès de ce genre qst l'idéal du procès de tendance, il faut voir plus loin que les tendus condamnés. Si pour le monde parlementaire, il y a d'aiens ministres du 16 mai, il y a pour chaque commune une ancne administration du 16 mai. Ce sont en général d'excellent citoyens énergiquement dévoués à l'ordre et dont tout le crimest d'avoir, comme les ministres eux-mêmes, courageusement répondu à l'appel du maréchal. Eh bien! ce sont ces hommes qui sont signalés à l'animadversion de leurs concitoyens par le placardde M. Gambetta. Si depuis le 14 octobre 1877 ils ont été remplacés à l'hôtel de ville, le triomphe est complet pour leurs trop heurax vainqueurs; si par miracle ils ont gardé le pouvoir, les voilà focés d'afficher eux-mêmes qu'ils ont trompé leurs administrés et pris part à des actes «< criminels ». Des deux côtés l'injure est sanglante et risque de laisser trace dans les cœurs. Je crains que vous n'ayez fait là de la bien mauvaise besogne politique. Ceux que vous révoquez ou qui vous donnent leur démission ne deviennent pas vos amis; mais ceux qui ne la donnent pas vous en voudront bien davantage. Peu le jours après le plébiscite qui suivit le coup d'Etat du 2 décembre, quelqu'un vantait devant Donoso Cortès la force du nouveau gouvernement qui avait eu pour lui toute la France, moins 50 à 60,000 voix appartenant en général aux professions libérales. « Ne vous y trompez pas, remarqua le philosophe, ce sont ces 60,000 voix qu'il n'a pas eues et qu'il n'aura jamais, qui le tueront. »> Cette fois on a mis contre soi dans le moindre hameau un groupe de braves gens inutilement traqués et humiliés quinze mois après la bataille perdue. Derrière eux on atteint, pour le seul plaisir de |