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La renommée annonça tes appas

Et vint porter ta gloire jusqu'à Nantes.
Là, comme on sait, la Visitation
A son bercail de révérendes mères,
Qui, comme ailleurs, dans cette nation,
A tout savoir ne sont pas les dernières;
Par quoi bientôt, apprenant des premières
Ce qu'on disait du perroquet vanté,
Désir leur vint d'en voir la vérité.
Désir de fille est un feu qui dévore,
Désir de nonne est cent fois pis encore.
Déja les cœurs s'envolent à Nevers';
Voilà d'abord vingt têtes à l'envers
Pour un oiseau. L'on écrit tout-à-l'heure
En Nivernais à la supérieure,

Pour la prier que l'oiseau plein d'attraits
Soit, pour un temps, amené par la Loire ;
Et que, conduit au rivage nantais,
Lui-même il puisse y jouir de sa gloire,
Et se prêter à de tendres souhaits.

La lettre part. Quand viendra la réponse?
Dans douze jours: quel siècle jusque-là!
Lettre sur lettre, et nouvelle semonce :
On ne dort plus ; sœur Cécile en mourra.
Or, à Nevers arrive enfin l'épître.

Grave sujet ; on tient le grand chapitre:
Telle requête effarouche d'abord.
Perdre VER-VERT! O ciel! plutôt la mort!
Dans ces tombeaux, sous ces tours isolées,
Que ferons-nous si ce cher oiseau sort?
Ainsi parlaient les plus jeunes voilées,
Dont le cœur vif, et las de son loisir,
S'ouvrait encore à l'innocent plaisir :
Et, dans le vrai, c'était la moindre chose
Que cette troupe étroitement enclose,
A qui d'ailleurs tout autre oiseau manquait,
Eût pour le moins un pauvre perroquet.
L'avis pourtant des mères assistantes,
De ce sénat antiques présidentes,

Dont le vieux cœur aimait moins vivement,
Fut d'envoyer le pupille charmant

Pour quinze jours; car, en têtes prudentes, Elles craignaient qu'un refus obstiné

Ne les brouillât avec nos sœurs de Nantes:
Ainsi jugea l'état embéguiné.

Après ce bill des miladys de l'ordre,
Dans la commune arrive grand désordre:
Quel sacrifice! y peut-on consentir?
Est-il donc vrai ? dit la sœur Séraphine:

Quoi! nous vivons, et VER -VERT va partir!

D'une autre part, la mère sacristine
Trois fois pâlit, soupire quatre fois,
Pleure, frémit, se pâme, perd la voix.
Tout est en deuil. Je ne sais quel présage
D'un noir crayon leur trace ce voyage;
Pendant la nuit, des songes pleins d'horreur
Du jour encor redoublent la terreur.
Trop vains regrets! l'instant funeste arrive :
Jà tout est prêt sur la fatale rive;
Il faut enfin se résoudre aux adieux,
Et commencer une absence cruelle:
Jà chaque sœur gémit en tourterelle,
Et plaint d'avance un veuvage ennuyeux.
Que de baisers au sortir de ces lieux
Reçut VER-VERT! Quelles tendres alarmes!
On se l'arrache, on le baigne de larmes :
Plus il est près de quitter ce séjour,

Plus on lui trouve et d'esprit et de charmes.
Enfin pourtant il a passé le tour:

Du monastère, avec lui, fuit l'Amour.

Pars, va, mon fils, vole où l'honneur t'appelle;
Reviens charmant, reviens toujours fidèle ;

Que les zéphyrs te portent sur les flots,
Tandis qu'ici dans un triste repos

Je languirai forcément exilée,

Sombre, inconnue, et jamais consolée;
Pars, cher VER-VERT, et, dans ton heureux cours,
Sois pris partout pour l'aîné des Amours!
Tel fut l'adieu d'une nonnain poupine,
Qui, pour distraire et charmer sa langueur,
Entre deux draps avait à la sourdine
Très souvent fait l'oraison dans Racine,
Et qui, sans doute, aurait, de très grand cœur,
Loin du couvent suivi l'oiseau parleur.

Mais c'en est fait, on embarque le drôle,
Jusqu'à présent vertueux, ingénu,
Jusqu'à présent modeste en sa parole.
Puisse son cœur, constamment défendu,
Au cloître un jour rapporter sa vertu!
Quoi qu'il en soit, déja la rame vole,
Du bruit des eaux les airs ont retenti;
Un bon vent souffle, on part, on est parti.

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