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Je vous envoie le reste des vers sur le Cantique, aux conditions que vous me proposez, pour ces dames et pour vous. Dieu soit avec

Yous.

A Germigny, ce 11 août 1696.

LETTRE CXXIX.

Sur les mesures qu'elle doit prendre contre ses foiblesses; le recours à la sainte Vierge, et la fidélité à suivre ses exemples.

Les meilleures mesures que vous puissiez prendre, ma Fille, contre les foiblesses auxquelles vous êtes sujette, c'est de vous en confondre devant le saint Epoux. Dans la familiarité qu'il donne à sa chaste épouse, elle lui parle de sa petite sœur ; mais sans la reprendre, et dans le seul dessein de lui procurer quelque grâce: faites de même; celle qu'on croit la petite sœur, c'est-à-dire foible, est la grande à son tour; et parle à l'Epoux pour nous, comme nous avons parlé pour elle. Agissez comme si vous m'aviez consulté; soyez soumise au premier mot. Il se trouvera du temps pour s'occuper de l'effet des vers du saint Cantique.

Vous me ferez plaisir de prier la sainte Vierge pour moi : demandez-lui qu'elle vous obtienne le vin de la charité, le courage nécessaire pour porter vos peines. S'il vous paroît qu'elle n'est pas écoutée d'abord pour vous, ne vous rebutez point, comme elle-même ne se rebute pas. Ecoutez l'avis qu'elle vous donne : Faites tout ce qu'il vous dira 1. Soyez attentive, ma Fille, à ses exemples, à ses préceptes, et tout viendra en son temps. Notre-Seigneur soit avec vous. A Paris, ce samedi au soir 1696.

LETTRE CXXX.

Il lui recommande la simplicité, la paix et la soumission.

Vous avez bien fait, ma Fille, de ne pas venir. Je suis très-aise de vous voir dans la résolution de ne quitter madame d'Albert que le moins que vous pourrez.

Ne vous tourmentez point à juger de ce qui met des oppositions votre salut telle chose que vous croyez qui vous en éloigne, l'avance au contraire, selon les ordres cachés du chaste Epoux. Quant aux communions, allez votre train, en foi et en espérance, sans vous arrêter.

Je ne crois pas que vous deviez présentement communier tous les jours, à cause des embarras d'affaires que vous avez communiez néanmoins très-souvent. En cela on doit suivre l'instinct de la grâce, dans une sainte liberté d'esprit.

1 Joan., 11. 5.

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Je ne comprends pas votre répugnance à confesser la peine dont vous me parlez : il ne faut guère user de ces réserves; mais faire tout pourtant sans anxiété. Votre conduite doit être de vous en confesser régulièrement, quand vous vous sentez plus vivement piquée d'avoir été reprise; du reste, allez en liberté, sans vous arrêter.

Dans ces douces invitations intérieures de l'Epoux céleste, je voudrois que ce qui vous inquiète fût banni; mais cela ne doit point vous embarrasser. Etre trop attentive à repousser les inquiétudes, c'est souvent un moyen de les faire venir plus tôt ; laissez-les aller et venir.

Vous pouvez me demander ce que vous voudrez, pourvu que vous ayez le cœur soumis à mon silence: car ne savez-vous pas, ma Fille, qu'il y a des choses qui doivent venir d'en haut ? J'approuve sur la pauvreté ce que vous m'exposez. Prenez garde de vous accoutumer à faire dépendre vos communions de mes réponses; ces manières ne sont pas de mon esprit. Je vous mets en la garde de celui qui est l'auteur de vos peines, et je vous défends en son nom de rien changer dans vos communions, dans vos oraisons, et dans tout l'extérieur de votre conduite: soyez-en maîtresse, et assurez-vous que Dieu a un regard de miséricorde sur vous, et qu'il tiendra l'ennemi en bride. Je le prie d'être toujours avec vous.

A Germigny, ce 25 septembre 1696.

LETTRE CXXXI.

Il lui donne différents avis sur sa conduite.

Je ne trouve point mauvais que vous donniez à M. votre fils la consolation de vous faire voir Versailles : ayez pour lui toute la complaisance qu'il mérite. Prenez garde à sanctifier votre extérieur par l'intérieur, prenant de tout occasion de vous élever à Dieu. Soyez simple dans votre habillement et dans tout votre maintien. Je crois que le saint Epoux vous aime; aimez-le, ma Fille je donnerai bientôt de la pâture à votre amour. C'est un secret admirable de la , médecine céleste, de guérir les passions par elles-mêmes. Contenez toujours l'extérieur, et évitez les distractions. Priez la sainte Vierge de se faire de vrais dévots, dignes de son Fils et d'elle.

:

Vous avez vu par ma dernière lettre le bon état de l'affaire de Torcy, et que je ne vous oublie pas. Je pars demain pour la Trappe, ne pouvant différer davantage. Vous pouvez m'écrire là directement. Il y a apparence, ma Fille, qu'à ce coup Dieu exaucera vos vœux : voici une crise; soyez attentive à la volonté de Dieu, pour vivre de son amour. Je le prie d'être avec vous.

A Versailles, ce 3 octobre 1696.

LETTRE CXXXII.

Sur son entrée à Torcy, et les dispositions d'une novice.

Les raisons que vous me marquez, ma Fille, ne doivent point vous empêcher de vous donner à Dieu à Torcy. Je n'ai vu encore de temps favorable, pour accomplir vos pieux desseins, que celui-ci. Dieu conduira tout; et quand vous lui aurez tout sacrifié, il fera son coup. La fidélité qu'il vous demande, c'est de souffrir avec soumission toutes les peines qu'il vous envoie.

J'aurai soin de rapporter à Paris l'écrit que vous souhaitez. Sacrifiez toutes vos tendresses pour Jouarre ; et préparez-vous de bonne heure aux humiliations du noviciat, où il ne faut point d'excuse et de réplique, ni bonne ni mauvaise, mais se réjouir d'être reprise bien ou mal. L'Epoux pour qui vous ferez tout sera votre consolateur, votre guide et votre soutien.

Je ne puis attribuer qu'à la tentation les peines que vous me marquez: vous devez les surmonter, et elles ne doivent apporter aucun obstacle à votre dessein. Il est question d'un commencement de sacrifice, où la victime doit être déjà en quelque sorte égorgée, et néanmoins encore vivante et agissante volontairement. Laissez-vous. déchirer le cœur par votre affection pour Jouarre, et allez faire votre sacrifice où Dieu le veut. Je vous mets contre l'esprit tentateur, sous la protection de la sainte Vierge. Je suis, ma Fille, votre bon père.

A Meaux, ce 20 octobre 1696.

LETTRE CXXXIII.

Sur ses dispositions dans l'état de postulante et de novice; et l'obligation de correspondre à la grâce. Il l'exhorte à la soumission et à l'humilité.

Vous avez vu, ma Fille, à quoi je réduis vos pratiques. Souvenezvous de l'état de postulante et de novice; vous ne sauriez y être trop petite. Faites-le par amour de la petitesse volontaire de votre Epoux, soumis à tout durant trente ans, ainsi que je vous l'ai dit. Eprouvez maintenant la différence qu'il y a entre le désir de la religion et la pratique : venez à l'effet et au réel; assurez-vous que cela vaut mieux que l'oraison, et même que la communion fréquente. C'est donc ici la grande épreuve.

Il sera bon de me renvoyer à votre loisir votre écrit que je vous ai rendu. Je crois que vous avez reçu la grâce qui y est expliquée : mais ce n'est rien que d'avoir reçu la grâce, si l'on n'y est fidèle; il faut la laisser agir en tout, et y coopérer par la plus exacte correspondance qu'il est possible: c'est Jésus-Christ qui la donne, et c'est là vérita,

blement une autre grâce plus grande que la première. Les humiliations que je vous ordonne vous fourniront le vrai moyen d'obtenir cette fidélité. Croyez qu'on a toujours plus de raison que vous, et ǎgissez comme le croyant. Le diable ne peut rien contre les âmes ainsi petites, à l'exemple de Jésus-Christ leur modèle ; et les vents des tentations et des contradictions passent par-dessus ces âmes sans les ébranler.

Madame *** va à Torcy; je souhaite, ma Fille, que l'on puisse prendre confiance en elle. Voyez comment Dieu déroute la prudence et les vues humaines. Aussi n'avons-nous rien autre chose à faire qu'à étudier le moments de Dieu, avec une profonde admiration de ses impénétrables conseils ; ce fondement posé, tout est au-dessous de nous.

Il n'y a aucune illusion à craindre, pourvu qu'on s'humilie toujours. Toutes les paroles intérieures sont bonnes : on en incorpore le vrai à sa source, et on demeure tranquille sur les simples vues de la foi. Agissez ainsi, et de moment à moment demeurez unie à Dieu. Souvenez-vous que je n'entends point que vous restiez, si ces dames se retirent ne pressez donc rien que votre sanctification, par l'humilité, l'obéissance, la patience, la prière, la simplicité, la douceur, la charité et la mortification. Le chaste et céleste Epoux sera avec vous, pour vous faire triompher de vous-même.

Vous faites chose agréable à ses yeux de consoler la personne que vous savez, et d'entrer dans ses peines. Tâchez, avec le conseil de madame ***, de trouver d'honnêtes prétextes pour différer la proposition de votre réception à la prise d'habit. Soyez soumise à la volonté du chaste et sévère Epoux, qui vous met à de terribles épreuves; mais il conduira tout à votre bonheur : croyez-le, et espérez toujours de plus en plus. Je le prie d'être avec vous. A Versailles, ce 16 janvier 1697.

LETTRE CXXXIV.

Sur l'abandon au céleste Epoux, et la soumission à ses volontés pour trouver l paix.

Je me sens toujours, ma Fille, une égale répugnance à vous laisser dans Torcy, si mesdames de Luynes se retirent. J'espère voir bientôt madame ***, et vous mander ma dernière résolution sur votre prise d'habit, qu'il faut différer à cause des circonstances que vous me marquez.

Je vous ai déjà répondu sur ces pensées, d'avancer vos jours par d'excessives mortifications, ou de négliger votre santé : quant à vos autres peines, allez en paix, continuant à vous fier au saint Epoux,

qui gardera ce qui est à lui, pourvu que tout lui soit abandonné. Si vous saviez le don de Dieu, et quelle simplicité, quelle humilité il exige! aimons-le ce céleste Epoux, non de bouche ou de paroles, mais en effet et en vérité : c'est dans l'occasion qu'il faut pratiquer l'humilité, et se laisser condamner sans résistance.

Le saint Epoux sait seul accorder les choses les plus contraires : quoi qu'il arrive, il ne se fait que sa volonté, et il n'y a qu'à chercher la paix dans la soumission. Le saint Epoux est bon, autant qu'il est beau; et il ne faut qu'être en paix sous ses yeux, en lui gardant le fond où est sa demeure. Je trouve que les choses sont encore trop incertaines, pour accepter la proposition qu'on vous fait j'en ai dit mon sentiment à madame ***. Notre-Seigneur soit avec vous.

A Paris, ce 8 mars 1697.

LETTRE CXXXV.

Il lui témoigne le désir qu'il a de concourir à son sacrifice, et l'exhorte à attendre en paix les moments de Dieu.

N'ayez point de scrupule, ma Fille, s'il y a quelque chose dans mon livre qui vous convienne, de vous l'approprier et d'en faire usage pourvu qu'en effet vous sentiez en vous-même une idée nette de ce que je veux exprimer le livre n'est fait que pour cela.

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Je ne saurois consentir à votre proposition, jusqu'à ce que j'aie été sur les lieux. La difficulté est d'y arriver je le mande à madame de Luynes, il ne s'agit que de quelque retardement. Croyez, ma Fille, qu'au nom de votre sacrifice, mon cœur voleroit pour aller commencer vos fiançailles spirituelles : je ne pourrois, je vous assure, avoir une plus grande joie ; mais il faut adorer les moments de Dieu. J'approuve vos désirs, mais je blâme l'inquiétude et l'impatience : je tolère l'empressement, mais je condamne absolument l'agitation. O sainte volonté de l'Epoux céleste, vous êtes la paix du cœur.

Je ne sais que vous dire sur vos peines, sinon que celui qui en est l'auteur vous soutiendra. Je l'en prie avec instance, et je vous offre à ce Dieu de bonté, et vous bénis en son nom. Amen.

A Meaux, ce 1er avril 1697.

LETTRE CXXXVI.

Il lui donne des avis sur son état, sur les grâces qu'elle peut recevoir, et sur la tentation.

Je m'étonne, ma Fille, que vous ayez eu peine à comprendre que le silence sur votre état est une suite du commandement de ne rien faire paroître de vos peines. Entrez donc dans cette pratique, qui est le fondement de toutes les grâces du saint Epoux. Dites seulement que je vous ai ordonné de garder mes écrits, qui doivent vous régler

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