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Dans le mariage comme hors du mariage, la vénalité est, selon nos moralistes, la règle et la seule excuse des relations sexuelles. En observant cette règle, elles peu

verbes, la sagesse des nations, ont reconnu depuis longtemps cette vérité. Nous trouvons dans un recueil de vaudevilles de l'époque, publié à La Haye, en 1706, les couplets suivants qui expriment gaiement les mêmes idées :

L'hymen ici n'a point affaire
D'actes publics ni de contrats,
Pour éviter ces embarras,

L'Amour sert de notaire.

Un serment fait par Cupidon,
Ou bien Vénus que l'on atteste,
Ziste, zeste, zon, zon, zon,

Est une sûre caution.

Pour mieux conserver sa constance,
Et pouvoir ne jamais changer,

On évite de s'obliger

A la persévérance;

Car la contrainte est un poison

Pour les amours toujours funeste

Ziste, etc.

Qui jamais aima sa prison?

A l'amour si l'ennui succède

On se mocque du triste honneur

De montrer une fausse ardeur,
On court vite au remède:
La fille change de garçon,
Le garçon change de fillette,
Ziste, etc.

Et l'on se quitte sans façon.

Chez nous une amitié durable

Unit les hommes de bon sens;

Elle est de tous les agréments
Le plus considérable.

Elle est le plus précieux don

Que nous ait fait l'auteur céleste.

Ziste, etc.

Des chagrins c'est la guérison.

vent s'afficher ouvertement. Sans vénalité, sans l'appât de la fortune ou de l'ambition, elles sont, hors du mariage, qualifiées de débauche honteuse, digne de réprobation, et dans le mariage, de niaiserie, d'imprévoyance.

De même qu'un homme ne peut rester auprès d'un prince sans être courtisan, une femme ne peut accorder ses faveurs à ceux qui possèdent la richesse sans être courtisane (1); c'est-à-dire, sans abdiquer sa liberté, sa di

Nous rappellerons aussi ces quatre jolis couplets de Berquin :

Vive les fillettes,

Mais pour un seul jour!

J'ai des amourettes,

Et n'ai pas d'amour.

Hier, pour Céphise,
Je quittai Doris;
Aujourd'hui c'est Lise;

A demain Cloris.

J'aime fort ma belle

Lorsqu'il m'en souvient;

Je lui suis fidèle

Quand son tour revient.

On entre au bocage,

Le plaisir vous suit.

On rentre au village,

Eh bien! tout est dit.

Faisons remarquer que ce que nous venons de dire n'est pas contraire à l'axiome d'Owen: « True chastity consits in having connection with affection; prostitution in having connection without affection. » Dans la société rationnelle, où tous seront en communauté indissoluble d'intérêts, tous éprouveront, comme dans une famille bien unie, une amitié véritablement fraternelle les uns pour les autres.

(1) La courtisane est la femelle du courtisan. Mazarin, qui

gnité. Soit que la misère les prenne et les incorpore dans l'ignoble corps des prostituées de bas étage, soit qu'elles parviennent à la brillante position de courtisanes du grand genre, ou bien encore qu'elles soient entretenues par une espèce de fermier qui les prend à bail, la position des femmes galantes ne vaut guères mieux que celle des femmes mariées qui prennent un maître, ou celle des recluses qui se privent d'amours. Tantôt aux ordres de leurs entreteneurs, tantôt soumises aux plus durs outrages, exposées aux plus douloureuses maladies, devenant ellesmêmes dépravées et dangereuses, le pain qu'elles mangent est bien gagné.

Près d'elles, les jeunes gens se ruinent, s'étiolent, perdent tout savoir-vivre, et restent inactifs, inutiles à la société et nuisibles à eux-mêmes. Aussi, les gens bien avisés et même religieux conseillent-ils à leurs fils de s'adresser de préférence aux femmes honnêtes, c'est-à-dire aux femmes mariées, en évitant le scandale, cela va sans dire; et quelques-unes de ces dernières se distinguent à peine de celles qui font ouvertement le commerce de la galanterie (1).

s'y connaissait, niait qu'aucune femme pût se soustraire à la vénalité. On sait que telle fut sa réponse à la reine un jour qu'elle se plaignait qu'on parlât devant elle de femmes comme Marion Delorme et Ninon de Lenclos. La reine dit à Mazarin qu'il l'insultait, et lui demanda s'il croyait qu'une femme comme elle fût susceptible de céder pour de l'argent. Mazarin répondit qu'un million déciderait bien des reines. La reine répliqua qu'un million n'aurait pas d'influence sur elle. Mazarin, insistant, parla de dix, de cinquante millions : alors, la reine, se sentant embarrassée, pria Mazarin de changer de conversation.

(1) En juillet 1865, M. Dupin aîné a parlé assez franche

*

C'est ainsi que sous le régime moral qui règne aujourd'hui, on trouve l'excitation à la débauche partout, et on peut dire que, tant que la propriété subsistera, la prostitution, qu'elle se soumette aux règlements de police ou qu'elle les brave, fleurira également. C'est un mal véritable, tant au physique qu'au moral; mais c'est, comme la guerre, un mal indestructible aussi longtemps que la société ne sera pas réorganisée d'une manière conforme à la raison et à la nature de l'homme.

ment au Sénat dans le huis-clos qui eut lieu sur ce sujet. Voici ses propres paroles :

« ... Une autre cause de débauche! Et ici je m'adresse encore plus aux hautes qu'aux basses classes, parce que l'exemple descend de haut en bas, bien plus qu'il ne remonte de bas en haut.

<«< N'est-ce pas une cause évidente de... corruption que l'exagération du luxe, que l'excès des toilettes qui jette tout le monde hors de ses voies? Les plus grandes situations s'en effraient, et, à chaque hiver, à chaque saison, la révélation éclate sur des mémoires de modes que les fortunes les plus considérables suffisent à peine à éteindre et qui tombent quelquefois en atermoiements et en liquidation.

« La Fontaine, dans une de ses fables, se moque de la grenouille qui veut se faire aussi grosse qu'un bœuf; mais, avec les modes d'aujourd'hui, la grenouille y parviendrait..... (Hilarité générale. Très-bien! très-bien!)

« Quand on va ou qu'on veut aller à une fête, qu'on veut y faire quelque figure, et qu'on n'a pas de quoi, l'amourpropre l'emporte, on répugne à le dire au mari; la caisse conjugale est vide; on s'habille à crédit, on signe des billets, des lettres de change, pour lesquels on cherche des endosseurs, et dont l'échéance est toujours fatale à la vertu. (Trèsbien! très-bien!)

« Tel est, messieurs, l'état de notre société; c'est là ce qu'il faudrait corriger. Quid leges sine moribus? - Vanæ.»

CHAPITRE IX

APPLICATION DES PRINCIPES DU SOCIALISME RATIONNEL

Nous avons analysé le vieux socialisme autoritaire, nous l'avons montré voulant dissimuler sa décrépitude par sa férocité, et nous lui avons opposé le socialisme rationnel, c'est-à-dire, la science sociale elle-même, qui se développe de jour en jour, et dont la vérité apparaît de plus en plus à tous les yeux. Jusqu'ici, nous n'avons marché que preuves en main et toujours accompagnés de l'évidence. Nous pourrions et nous devrions peut-être en rester là et ne pas affaiblir l'effet de principes démontrés par la proposition d'applications discutables. A cet égard, le temps et l'expérience seuls peuvent prononcer. Dans la science sociale comme dans toute autre, si les principes sont immuables, les modes d'application, les procédés techniques sont variables, et lorsque une génération a découvert les meilleurs, une autre génération survient qui les perfectionne encore, parce qu'on ne peut assigner de limites aux progrès des connaissances et de l'intelligence humaine.

Cependant, il est encore nombre de gens qui, ne pouvant réfuter les principes et, toutefois, ne voulant pas en accepter les conséquences, opposent une fin de non recevoir en disant : « Oui, les principes sont bons, mais il ne faut pas les prendre dans un sens absolu; il faut faire la

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