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est étouffée par le refoulement de ses marchandises au dehors et le taux du change la met dans l'impossibilité de se ravitailler en objets d'alimentation et de matières premières. Elle est écrasée sous le tas grossissant de ses marks-papier. Cette situation, elle la doit à l'inflation. La responsabilité en incombe à son état-major industriel et financier plagiaire des procédés d'écrasement et d'enveloppement de son état-major militaire, il est obligé aujourd'hui, lui aussi, d'avouer sa déroute.

Le devoir de la Commission des Réparations est d'exposer aux gouvernements l'état financier de l'Allemagne et c'est aux gouvernements d'agir. Les chefs d'Etat de la France et de l'Angleterre continueront-ils de donner à l'Allemagne, insolente et railleuse, le spectacle de leurs discussions, au lieu de se mettre d'accord pour procéder à la liquidation de sa crise monétaire ?

YVES-GUYOT.

LA RÉCUPÉRATION DES TAXES SUR LES BÉNÉFICES DE GUERRE

Les dispositions en vigueur, destinées à permettre à l'Etat de récupérer les impositions prélevées sur les bénéfices exceptionnels de guerre, ont donné lieu de la part des intéressés à d'innombrables réclamations, elles ont causé à l'Etat des déceptions non moins nombreuses.

Pour y pallier, dans l'intérêt commun des assujettis et du Trésor, une proposition de loi a été recemment déposée par M. Japy, sénateur (Journal officiel, 19 juillet 1921, p. 812 et suiv.), qu'il est intéressant de signaler.

La loi du 31 juillet 1920, remarque M. Japy, stipule que les commerçants et industriels seront évalués en prenant la moyenne des cours au 2 août 1914 et au 30 juin 1920.

Le 10 janvier 1921, M. Lesaché, député, a demandé si les assujettis pouvaient retirer les déclarations de stocks qu'ils avaient faites d'après la loi du 31 juillet 1920 et les remplacer par une déclaration conforme à la loi du 1er juillet 1916.

Le ministre des Finances a répondu à cette question, au Journal officiel en faisant connaître que les faisant connaître que les intéressés pouvaient

jouir de cette faculté.

Il est évident que le législateur, en faisant entrer en ligne de compte les cours de 1914, a escompté une baisse probable; mais. la baisse depuis le 31 juillet 1920, a certainement dépassé toutes les prévisions, elle est devenue formidable sur tous les produits industriels de telle sorte que les commerçants et industriels font des pertes considérables sur leurs stocks et qu'une grande partie des bénéfices faits au 30 juin 1920 ont été des bénéfices fictifs produits par l'évaluation des stocks à des prix exagérés.

Il est nécessaire de tenir compte du fait suivant : les com

merçants et industriels depuis août 1914 ont vendu leurs marchandises ou produits à des cours toujours inférieurs à ceux qui se sont établis quelques semaines après.

Tous ces négociants ou industriels étaient obligés de racheter constamment à des cours en hausse les marchandises ou les matières nécessaires à leur réapprovisionnement.

Cette situation a duré jusqu'en juillet 1920. A dater de cette époque les cours ont baissé rapidement et depuis cette époque se sont effondrés.

Il en résulte que les commerçants et les industriels qui semblaient avoir fait des bénéfices au 30 juin 1920 sont en perte considérable depuis plusieurs mois.

Pendant toute la guerre et l'armistice, ces personnes ont payé des bénéfices de guerre très élevés et presque toujours leur part personnelle de bénéfices a été immobilisée dans leurs achats des produits nécessaires à la marche de leurs affaires, produits dont les cours s'élevaient tous les jours.

Il importe d'observer que, pendant le cours des hostilités et jusqu'au 30 juin 1920, l'Etat a fait une véritable association avec les commerçants et industriels.

Dans l'établissement de leur bilan, les commerçants et les industriels ont dû chiffrer leurs bâtiments nouveaux; leur matériel nouveau et leurs stocks à des prix très élevés. Ces évaluations ont augmenté considérablement les bénéfices dont l'Etat a retiré sa très large part.

Au 30 juin 1920, l'Etat se retire de l'association, emportant sa forte part des bénéfices, laissant les commerçants et les industriels avec les immeubles, du matériel et des stocks dont la valeur exagérée pendant la guerre s'effondre.

La Chambre de commerce de Paris, dans un rapport présenté par M. André Baudet, adopté le 12 mai 1920, a émis le vœu suivant :

Que l'inventaire des matières premières et marchandises clôturant le dernier exercice soumis à la contribution extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels ou supplémentaires réalisés pendant la guerre, soit estimé au cours de l'inventaire précédant le 1er août 1914, jusqu'à concurrence de la valeur moyenne du stock des trois derniers exercices d'avant-guerre.

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La Chambre de commerce de Paris, dans son rapport, s'appuie sur le fait d'une véritable association survenue entre l'Etat, le commerçant ou l'industriel, comme il est dit plus haut .: < Le

stock de 1914 qui faisait partie de l'apport du contribuable ne doit-il pas lui être rendu à l'expiration de la période d'association, au même titre que les autres éléments de l'actif (immeubles, matériel, fonds de commerce)? ou bien, au contraire, considérant que ledit contribuable pourra réaliser avec bénéfice cette partie de l'actif après la période d'association, l'Etat a-t-il droit à une part dans le bénéfice supposé de cette réalisation future? Si le fisc a raison de ne pas admettre le décompte des pertes tant qu'elles ne sont pas effectives, il ne saurait, par réciprocité, considérer la plus-value d'un stock comme un bénéfice, tant que ce stock n'est pas réalisé.

L'administration elle-même semble d'accord sur ce point.

« Voici, en effet, le texte, paru au Journal officiel du 4 juillet 1919 sous le numéro 29385, d'une réponse écrite donnée par le ministre des Finances à M. le député Haudos « Dans le cas de restitution en nature de matières ou de matériel réquisitionnés par les Allemands, la plus-value que peuvent avoir acquise ces objets. du jour de la réquisition au moment de leur restitution ne doit pas, pour l'assiette de la contribution extraordinaire, être considérée comme un bénéfice. »

« L'assemblée des présidents des chambres de commerce, dans sa réunion du 15 mars 1920, avait déjà fait entendre son avis en demandant que le stock des marchandises figurant à cet inventaire soit évalué au prix d'avant-guerre pour une quantité égale à celle existant avant les hostilités, et pour le surplus, s'il Ꭹ en a, au prix de revient. » :

En ce moment, on peut dire que tout le commerce et l'industrie de notre pays sont paralysés faute de capitaux. Ces contribuables doivent payer à l'Etat des bénéfices fictifs qui épuisent complètement leurs trésoreries.

Il semble donc indispensable de revenir sur la loi du 31 juillet 1920, et de voter une loi qui tienne compte de la situation actuelle, laquelle, du reste, ne pouvait être prévue au moment du vote de la loi du 31 juillet 1920.

En toute justice, les stocks normaux devraient être évalués équitablement aux cours de 1914.

La situation de nos finances ne nous le permet pas.
La proposition de loi Japy constitue une transaction.

Le vote de cette loi, plus équitable que celle du 31 juillet 1920, favoriserait la reprise des affaires et permettrait au fisc de

retrouver largement, en impôts normaux, les sommes qu'il perd ailleurs.

En outre, cette loi ferait cesser l'indécision actuelle des commerçants et industriels qui ne peuvent pas déterminer les sommes exactes dont ils sont redevables parce que le fisc se réserve l'examen des probabilités de taux de réalisation des stocks. Elle faciliterait grandement le travail du fisc puisque les dates indiquées, c'est-à-dire 2 août 1914 et 30 juin 1921, donnent des précisions sur la valeur réalisable des stocks.

C'est en s'inspirant de ces considérations impressionnantes, il faut l'avouer, que l'honorable sénateur a cru utile de déposer la proposition suivante, qui a été favorablement accueillie par les groupements commerciaux : Proposition de loi. Article unique. Les commerçants et industriels qui ont déclaré la valeur de leurs stocks normaux soit d'après la loi du 31 juillet 1920 (Art. 8 et 9) à la moyenne des cours des 2 août 1914 et 30 juin 1920, soit d'après la loi du 1er juillet 1916, sont autorisés à retirer leur déclaration et à en faire une nouvelle en prenant comme base la moyenne des cours des 2 août 1914 et 30 juin 1921, dans le délai de trois mois après la promulgation de la présente loi. >

On sait, d'autre part, que la loi du 25 juin 1920 étend sur tous les biens du redevable le privilège du Trésor pour assurer le recouvrement de la contribution sur les bénéfices de guerre et que cette loi n'a soumis le Trésor à aucune formalité de publicité. Il s'agit donc d'un privilège occulte, qui a donné lieu à de nombreuses protestations.

Une proposition de loi a été déposée le 23 juin 1921, par M. René Lafarge, député, en vue de remédier à ce défaut de publicité. Cette proposition de loi a été publiée avec l'exposé des motifs dans le Journal officiel du 8 septembre 1921. Le gouvernement a déposé un projet de loi, voté par la Chambre le 8 février 1922, instituant l'inscription du privilège.

Telles sont les dispositions nouvelles, dont la discussion très prochaine va être demandée.

FERNAND-JACQ.

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